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VAUD/GENEVE. «Fermement opposés» à la fusion envisagée, les deux Conseils d'Etat ont néanmoins dû concéder une votation simultanée, qui aura lieu dans le courant de l'année 2002. Pour les auteurs du projet, la décision permet au débat sur la fusion de ne pas perdre tout son sens .





 
Vaudois et Genevois voteront ensemble sur leur union. Première victoire pour les initiants
Laurent Busslinger
Vendredi 22 décembre 2000
Rubrique:  régions


Le spectacle incongru d'une cérémonie où l'un des conjoints ferait tapisserie n'aura pas lieu. Qu'ils disent oui ou non à l'idée de s'unir, Vaud et Genève le feront ensemble. Dans un communiqué commun publié jeudi, les conseils d'Etat des deux cantons ont annoncé «un vote simultané dans le courant de l'année 2002» sur les initiatives que le comité de l'Union Vaud-Genève a fait aboutir des deux côtés de la Versoix.
A l'intention de leurs députés respectifs, les deux gouvernements ont également produit un message commun – rédigé, est-il précisé, «en parfaite syntonie» – dans lequel ils s'opposent fermement à la fusion envisagée: «Notre avenir, estiment les magistrats, ne réside pas dans la constitution d'un «supercanton lémanique», mais dans une collaboration à géométrie variable.»
Sur la forme, cette promesse d'une votation commune, qui pourrait se dérouler en juin ou en septembre 2002, est une première victoire pour les initiants, qui craignaient légitimement de voir leur volonté de débattre sans frontière tuée dans l'œuf par des arguties procédurières. Dans le canton de Vaud, où leur initiative a abouti en avril 1999 déjà, les fusionnistes s'étaient vu opposer la nécessité de faire vite, pour ne pas parasiter les travaux de la Constituante. Chef du Département des institutions, Claude Ruey souhaitait un vote au printemps prochain déjà. A Genève, où l'initiative n'a été déposée qu'en juin dernier, toute hâte semblait à l'inverse impossible. Raison invoquée: la complexité du traitement législatif, en l'occurrence commode pour éviter toute interférence avec les élections cantonales de l'automne 2001. Forts de ces divers arguments, les deux gouvernements s'étaient même mis d'accord, en octobre dernier, sur le principe de votes séparés.
Depuis, les partisans de l'union se sont toutefois démenés, et suivant peut-être un penchant naturel, les Vaudois ont finalement fait volte-face pour se rallier à la lenteur genevoise. «C'est possible parce que la Constituante a changé d'avis», a bien précisé jeudi aux médias Claude Ruey, visiblement très soucieux de ne pas contrecarrer les choix de cette assemblée. Au comité de l'Union Vaud-Genève, on se montre naturellement très satisfait: «Je n'ai jamais douté de voir la raison l'emporter, car sans simultanéité, le débat aurait perdu tout son sens», commentait jeudi Claude Cherix. Le groupe gagne un premier pari, il obtiendra le vote historique de deux cantons sur un même sujet, ce qui ne s'est jamais produit en dehors des votations fédérales.

Une collaboration de plus
Sur le fond, l'opposition des gouvernements cantonaux est désormais argumentée. Pour eux, si la nécessité de collaborer plus étroitement est patente, la fusion proposée est une solution inadaptée: «Elle procède d'une vision importée directement du monde économique, qui ne peut être appliquée telle quelle à des cantons ou des Etats.» Vaud et Genève, soulignent les Conseils d'Etat, n'ont pas la même notion de la région, le premier jouant un rôle de carrefour de la Suisse occidentale, le second ayant largement fondé sa prospérité sur son statut de ville internationale. Pour Claude Ruey, «s'il existe la Suisse des flux, il ne faut pas oublier celle de l'enracinement». Fondamentalement, la création de nouvelles régions par le biais de fusions est jugée redoutable: «Le risque ultime encouru serait à terme d'arriver à un redécoupage territorial correspondant aux frontières linguistiques, ce qui serait une menace grave pour la cohésion et l'avenir de la Suisse.»
Pour prouver l'importance qu'ils attachent à une collaboration soutenue, les deux gouvernements ont enfin dressé la liste des actions communes qu'ils mènent actuellement. Elle s'enrichit d'une ligne de plus, car le Conseil d'Etat vaudois entend participer financièrement aux activités du Centre d'accueil-Genève internationale (CAGI). Si le Grand Conseil l'accepte, cette association sans but lucratif, qui vise à faciliter l'installation – de plus en plus fréquemment dans le canton de Vaud – de missions diplomatiques et d'organisations internationales, devrait recevoir 200 000 francs par an ces cinq prochaines années.
Place au vrai débat


Laurent Busslinger

Gérant du dossier côté vaudois, Claude Ruey ne convainc pas grand monde en prétendant s'adapter aux changements d'humeur de la Constituante. Le chef du Département des institutions paraît simplement avoir mis du temps à saisir l'ampleur du débat. Irrité de l'idée iconoclaste d'une fusion Vaud-Genève, il a d'abord été tenté de la combattre sur l'étroit terrain de la procédure avant d'admettre que le sujet, quelle que soit l'idée qu'on s'en fait et indépendamment de ses chances d'aboutir, méritait mieux que ça.
Finalement, peu importe. Ce qui compte désormais, c'est que la lice soit dégagée. Le calendrier esquissé garantit aux initiants la possibilité d'aiguiser leur argumentation, et de durer dans l'esprit du public. Si une seule votation est prévue, elle sera précédée de deux débats parlementaires, l'un à Genève, l'autre à Lausanne, qui relanceront l'intérêt. En correspondant à tout le territoire concerné par les initiatives, l'espace de discussion ouvert brise enfin, à lui seul, un tabou. La nécessaire question du renouveau du fédéralisme est assurée d'être traitée d'une manière elle aussi nouvelle, à travers une frontière cantonale. Rien que cela est déjà prometteur.

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