ECLAIRAGE

Bulletin psychologique

Printemps 2002. Les constituants abordent la troisième lecture de leur texte. C'est pour eux la dernière étape rectiligne. Enfin, pas entièrement rectiligne. Un peu sinusoïdale, aussi. Harmonieuse, plaident les optimistes. Indécise, répliquent les sceptiques. Indistincte, tranchent les hypocondriaques.

Il faut convenir que la tâche était délicate. Il fallait produire un texte qui convienne au peuple vaudois à la fois tel qu'il est, et tel qu'il est supposé devoir se transformer dans l'avenir. Je veux dire: à la fois tel qu'il est dans son amour absolu de la tradition, par exemple, et tel qu'il devra devenir s'il veut survivre aux premières décennies de ce siècle-ci.

Ainsi, entre la date où les premiers articles de la future Charte ont été rédigés par les commissions thématiques initiales, et celle où l'avatar de ces articles fut débattu par l'Assemblée plénière en troisième lecture, les constituants n'auront cessé d'osciller entre des vertiges qu'il faut bien qualifier d'identitaires.

Où suis-je et que pensé-je authentiquement, quand je me décrète de gauche? Ou quand je me décrète de droite? Ou quand je suis hors-parti, mais que je sympathise avec la gauche ou la droite? Ou quand les principes de l'écologie m'infléchissent? Ou quand je ne suis pas croyant pratiquant, mais que je postule l'existence de Dieu sans pour autant me sentir réfractaire à l'agnosticisme? Ou quand je suis le copain d'un collègue qui raisonne à mon inverse?

Après quoi, à supposer que j'aie pu répondre à toutes ces questions: aije raison d'être ce que je suis, et de réfléchir comme je réfléchis? ai-je fait partie de la Constituante en tant que minoritaire strictement décoratif, dont les discours à la tribune ont été prononcés en pure perte? ai-je au contraire rejoint si mollement le gros des troupes que je n'y ai rien apporté d'original?

Bref, bref: les travaux de la Constituante seront regardés, par les observateurs du futur, comme une vaste opération de psychanalyse collective et d'intime élucidation pour chacun de ses membres. Il ne reste à ceux-ci qu'une échéance à connaître: leurs concitoyens, chargés d'approuver la future Charte cantonale au suffrage universel, vontils lui ressembler? Grosso modo? Un peu? Pas du tout? Ah, chers lecteurs, vous voyez, que de troubles et d'angoisses secrets!