27.06.2002PARTI LIBÉRAL: LA CONSTITUANTE SOUS LA LOUPE
Un texte pour les poubelles de l'histoire
Les libéraux appellent les Vaudois à rejeter la nouvelle Constitution cantonale lors du vote du 22 septembre. Selon eux, le texte est trop influencé par l'idéologie rose-verte.
MICHEL PONT
Le score est sans appel: 75 non, 12 oui, 6 abstentions. Mardi soir à Morges, les délégués du Parti libéral vaudois ont refusé nettement le projet de nouvelle Constitution cantonale, sur lequel les Vaudois sont appelés à se prononcer le 22 septembre. Trois ans de travaux et un budget de 4 millions n'auront pas pesé lourd face à la détermination des délégués qui ont multiplié les critiques contre un texte jugé «lourd, prétentieux, obèse, dispersé et bavard, marqué par l'idéologie rose-verte», pour ne reprendre que quelques-uns des qualificatifs entendus durant le débat.
Jean-François Leuba, coprésident de la Constituante, a ouvert la discussion en présentant les principales modifications amenées par la Constituante. L'ancien conseiller d'État libéral, qui s'était abstenu lors du vote final du texte, est resté sobre dans sa présentation, insistant néanmoins sur la volonté de la majorité de la Constituante d'accroître les tâches de État, qu'il s'agisse d'allocations familiales étendues désormais à tout le monde, du caractère non remboursable de l'aide sociale et de la création d'une assurance maternité cantonale.
«Il n'y a rien d'acceptable»
Le constituant Jacques Haldy a ensuite pris le relais pour défendre le texte. Reconnaissant que la nouvelle Constitution est insatisfaisante sur de nombreux plans, Jacques Haldy a néanmoins tenté de convaincre l'assemblée que le texte doit être pris pour ce qu'il est, soit un paquet global avec des avantages et des défauts, les points positifs (introduction d'un mécanisme de frein à l'endettement, renforcement du poids des communes) l'emportant sur les points négatifs (droits fondamentaux). «Il n'y a rien d'inacceptable dans cette Constitution», a dit Jacques Haldy. Malheureusement pour lui et quelques constituants libéraux qui se sont exprimés pour défendre leur travail, la suite de la discussion n'a été qu'un long monologue où les remarques les plus féroces ont été formulées. Charles-Henri de Luze, l'un des opposants au texte lors du vote final, a dénoncé pêle-mêle le droit de vote accordé sur le plan communal aux étrangers, la création de l'organe de prospective (Conseil de l'avenir), le flou persistant quant au nombre futur de districts (entre 8 et 12). Son collègue Jean-Claude de Haller a insisté, lui, sur l'inflation du nombre d'articles de cette Constitution (180 au total), sur «l'article abominable sur les Églises, qui établit une hiérarchie de type ligue A, ligue B et groupe de promotion», sur «la faute politique majeure qui consiste à accorder le droit de vote aux étrangers» et sur le préambule. «Plus on lit ce texte, moins on le comprend.» Jean-Claude de Haller a terminé sa diatribe en posant la question des coûts supplémentaires de cette extension des tâches de État Une question selon lui jamais réellement abordée.
«Aucun des buts fixés n'a été atteint»
L'ancien conseiller aux États Éric Rochat et le député Jean-Marie Surer se sont ensuite chargés de porter l'estocade. «Aucun des buts fixés n'a été atteint, le mandat de faire une Constitution moderne n'a pas été respecté», a dit Éric Rochat, rappelant qu'une nouvelle Constitution se justifie en cas de révolution. «Or la chute de la maison radicale n'en est pas une.»
Quant à Jean-Marie Surer, qui avait déjà fait connaître publiquement son opposition (24 heures du 21 juin), il a souhaité que ses collègues de parti osent braver «le politiquement correct, en disant non à un texte marqué par un fil conducteur rose-vert». Conclusion cinglante du député de Bière: «On voulait un texte ambitieux, on n'a qu'un texte prétentieux.» Au vote final, les constituants libéraux n'ont donc pas pesé lourd.
Notes à l'école: le nouveau président est pressé
INTERPELLATION Dominique Kohli demande que l'initiative libérale soit rapidement soumise au vote.
L'assemblée des délégués libéraux a élu une nouvelle direction du parti. Comme prévu, le député de Bussy-Chardonney, Dominique Kohli, a été élu à la présidence du PLV. Il remplace Claudine Wyssa. Il sera secondé par le député et médecin lausannois Philippe Vuillemin, qui remplace Jean-Marie Surer. Cette double nomination s'est faite sans histoire, aucun outsider n'étant venu contester cette double candidature. Une certitude: le nouveau président n'entend pas renoncer aux thèmes qui ont alimenté la marmite libérale ces derniers mois. Il interviendra personnellement au Grand Conseil la semaine prochaine pour demander au Conseil État de soumettre au vote sans plus attendre l'initiative de son parti visant le retour des notes à l'école.
Selon Dominique Kohli, l'arrêt récent du Tribunal fédéral donnant raison à des parents qui contestaient l'orientation de leur enfant à la fin de la 6e année (24 heures du 7 juin) oblige le Conseil État à se déterminer rapidement. Le président libéral veut savoir quelles conséquences le DFJ tire de l'arrêt du TF et si le département d'Anne-Catherine Lyon est prêt à donner la responsabilité finale de l'orientation aux parents pour éviter les conflits. Quant à l'initiative «Des notes pour une école transparente», il rappelle qu'elle a été déposée en mai 2001 avec 20 000 signatures et que le délai légal maximum pour soumettre le texte au Grand Conseil, puis au peuple est de deux ans, puisqu'il s'agit d'une modification législative. Autrement dit, selon le président libéral, le Conseil État doit faire connaître un projet de calendrier. On sait qu'une autre initiative libérale est pendante, celle portant sur la suppression de l'impôt sur les successions. En janvier, le Conseil État a présenté des contre-propositions. Si le texte libéral est maintenu (cela dépend maintenant des discussions qui seront menées au Grand Conseil), le vote devrait intervenir en décembre.
Michel Pont
INTERVIEW EXPRESS
de Jean-François Leuba
coprésident de l'Assemblée constituante— Lors du vote final du texte, vous vous êtes abstenu. Comme délégué libéral, vous vous êtes en revanche rangé dans le camp du non.
— J'ai beaucoup travaillé sur le texte et je penche effectivement maintenant dans le camp des opposants. Je ne ferai pas campagne ouvertement pour le non, ce ne serait pas convenable comme coprésident. En revanche, je peux m'exprimer comme citoyen. Et je ne peux que souscrire aux critiques formulées contre cette forme de romantisme, cette idéalisation du rôle de État, qui doit prendre sous son aile protectrice l'individu de la naissance à la mort. Les libéraux favorables au projet expliquent que la première version du texte était une vraie catastrophe et que par la suite le projet a été amélioré et qu'il faut donc le soutenir. Ce raisonnement ne me paraît pas juste. Il faut plutôt se demander si le produit fini est satisfaisant ou non. Pour ma part, je pourrais vivre avec cette Constitution si elle était adoptée. Mais tout bien pesé, c'est vrai qu'il s'agit d'une Constitution radicale-socialiste au sens français du terme. Comme libéral, il m'est difficile d'y souscrire.
— C'est donc la philosophie sous-jacente qui vous gêne.
— Oui. Car les libéraux disent qu'il faut désengager État qui a pris trop d'emprise et donner davantage de responsabilités à l'individu. On va dans le sens inverse avec ce texte, qui est rempli de bonnes intentions. Or on sait que l'enfer est pavé de bonnes intentions.
— On rétorque aux opposants que 4 millions ont été dépensés.
— La vraie question est de savoir s'il vaut mieux avoir engagé 4 millions pour une Constitution qui ne donnera pas satisfaction ou avoir dépensé cet argent pour ne pas avoir une Constitution qui ne donne pas satisfaction. Je préfère la deuxième solution. J'ajoute que beaucoup de points négatifs ont été introduits à la fin lors de la 3e lecture.
Michel Pont
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