Droits politiques des étrangers
Quand on aborde la question des droits politiques des étrangers, on porte souvent le regard uniquement sur les étrangers: faut-il ou ne faut-il pas leur accorder, leur octroyer les droits politiques? Ou bien faut-il les leur donner seulement en partie? Par exemple, seulement sur le plan communal? Cette logique, on pourrait l'appeler la «logique du cadeau». C'est celle, par exemple, de ceux qui posent la réciprocité comme condition à l'octroi des droits politiques aux étrangers.
Pour nous, cette manière d'envisager la question des droits politiques des étrangers est inappropriée: il ne s'agit pas, en effet, de faire un cadeau, petit ou grand, aux étrangers: il s'agit de se préoccuper de l'intérêt de notre canton dans son ensemble. Dans cette perspective, l'apport des étrangers établis chez nous est précieux. On le sait: la population suisse vieillit. Si nous voulons maintenir une société dans laquelle il y a un équilibre des âges, nous avons besoin d'une immigration régulée. Dès lors, la question qui se pose, c'est: comment faire pour que ces personnes dans notre canton, d'origines et de cultures très diverses, puissent collaborer et vivre ensemble dans la paix?
Pour cela, il nous paraît nécessaire de faciliter au maximum l'intégration des étrangers. L'intégration est un processus complexe. Pour la favoriser au mieux, il s'agit de prendre tout une série de mesures cohérentes dans des domaines divers, parmi lesquelles l'octroi des droits politiques. Non seulement au niveau communal, où ils n'auraient qu'une portée très limitée, mais aussi au niveau cantonal.
Les étrangers établis travaillent, paient des impôts, participent activement à la vie associative, aux pompiers, à la protection civile. Ce n'est que justice de leur accorder les droits politiques. Et notre démocratie en sera renforcée.
Certains affirment: «ils n'ont qu'à se naturaliser d'abord»! Mais dans la pratique, bien peu d'étrangers le font. La procédure de naturalisation reste lourde (malgré quelques améliorations récentes). Et près de 70 pays n'acceptent pas la double-nationalité. Il s'agit d'abord de mieux intégrer les étrangers pour qu'ensuite, il y ait davantage de naturalisations (comme c'est le cas dans de nombreux autres pays).
En novembre dernier, nous avons créé un groupe interpartis au sein de la constituante sur la question des droits politiques des étrangers. Il est composé de constituants issus des formations politiques de droite et de gauche. Nous l'avons appelé «Osons!».
Le texte que la constituante prépare en ce moment est un avant-projet qui sera mis en consultation publique avant d'être rediscuté une 2e fois par notre Assemblée. Nous n'oublions pas que le projet final de constitution sera soumis à une votation populaire: nous serons à l'écoute des positions exprimées par la population et nous en tiendrons compte.
Aujourd'hui, notre conviction est que l'évolution de notre société nous pousse à réfléchir à cette question fondamentale de manière nouvelle. Nous espérons que la décision de notre Assemblée suscitera un large débat dans notre canton. Nous espérons aussi que le ton de ce débat sera respectueux des différences d'opinion, comme cela a presque toujours été le cas à l'Assemblée constituante.
Pour le groupe «Osons!»,
Anne Bielman, Pierre Farron, Christelle Luisier, Marilyne Rodel
(constituants, appartenant respectivement aux groupes politiques: Vie associative, Forum, Radical, Libéral et indépendants)