Nouvelle Constitution, nouvelle devise

Au matin du 24 janvier 1798, flottait le drapeau vert de la République Lémanique sur la place de la Palud frappé de la devise Liberté - Égalité. Par décret du 16 avril 1803, le Grand Conseil du Canton de Vaud fixait la devise Liberté et Patrie. Par décision du 1er septembre 2000, l'Assemblée constituante du Canton de Vaud retenait en avant-projet la devise Liberté et Solidarité. Révolution ou Évolution?

A l'instar de certaines constitutions cantonales récentes (constitutions jurassienne et tessinoise, projet neuchâtelois), les armoiries de notre Canton méritent leur place dans les premiers articles de notre nouvelle Constitution. Dès lors, tout naturellement, peut se poser la question de leur description et, partant, de la formulation de notre devise. Exercice futile, voire inutile pour certains. Et pourtant, à supposer que l'on reconnaisse une quelconque dimension éthique à l'Assemblée constituante du Canton de Vaud, on doit admettre que celle-ci est légitimée à se demander sur quelles valeurs repose notre Canton.

C'est ainsi que, contrairement à l'article 1 de notre actuelle constitution de 1885 qui ne fait que préciser que le Canton de Vaud est une république démocratique et l'un des États de la Confédération, l'Assemblée constituante a décidé d'innover en inscrivant les valeurs sur lesquelles se fonde le Canton. De fait, la formulation retenue stipule : le Canton de Vaud est une république démocratique fondée sur la liberté, la responsabilité, la solidarité et la justice. A retenir que, lors des débats, deux valeurs n'ont jamais été remises en cause : la liberté et la solidarité. L'homme naît libre et cette liberté lui est garantie par un État qui lui demande d'être solidaire. La liberté, noyau intangible de tout être humain et la solidarité, responsabilité de celui-ci de contribuer au bien commun. Deux valeurs, dont l'une, la solidarité, serait le corollaire de l'autre, la liberté, pour exprimer, tous partis confondus, la vie en société à l'aube du XXIème siècle. De là à l'inscrire en devise, c'est-à-dire en règle de vie, il n'y a qu'un petit pas à franchir : c'est ce qu'à fait l'Assemblée constituante le 1er septembre 2000.

Après la réaction épidermique d'une partie de la population à l'éventuelle disparition de la devise "Liberté et Patrie" devrait s'installer une période de réflexion, de dialogue. Il ne s'agit pas d'opposer une devise à une autre, mais d'admettre, avec un respect certain du passé, que les temps changent, qu'ils évoluent. Reconnaissons qu'au début du XIXème siècle, lendemain de la Révolution, il tenait à cœur aux Vaudois de clamer la souveraineté de leur Canton.

Reconnaissons qu'aujourd'hui, sans renier nos ancêtres et la patrie qu'ils nous ont léguée, cette patrie même qui nous unit, il existe d'autres valeurs, à côté du patriotisme cantonal, qui tiennent à cœur des Vaudois et d'une majorité de Constituants. Ces derniers ont été appelés à rédiger une nouvelle Charte en prenant appui sur le passé, se penchant sur le présent et en regardant vers le futur dans un but d'amélioration et de progrès.

Il y a certes ceux qui, définitivement tournés vers le passé et ses experts, prohibent toute émanation d'idées nouvelles - gloire au conservatisme pourfendeur de la pensée. Il y a ceux qui, dans la recherche d'un compromis politique à l'abri d'une possible vindicte populaire, nous dirigent sur un texte insipide, muet - après les Neinsager, voici venir les Nichtssager. Enfin, il y a ceux qui, à côté des articles constitutionnels, leurs conséquences juridiques et politiques calculées, croient au message que l'on peut ou l'on veut donner. L'inscription d'une nouvelle devise "Liberté et Solidarité" n'est pas acte de révolution, il est le fait d'une évolution. Il ne s'agit pas de bafouer l'histoire, mais de la vivre: l'occasion nous est donnée en ce début de IIIème millénaire de délivrer un message nouveau et positif aux générations à venir. Pourquoi s'en priver.

Stéphane Masson