Commission thématique no 6
Organisation territoriale et communes concernant l'organisation territoriale et les communes 14 aout 2000 |
Rapport de minorité Lasserre et Burri sur le projet de la Commission 6 concernant l'organisation territoriale et les communes.
1. Les problèmes actuels.
Le découpage actuel du canton en environ 380 communes correspond aux besoins d'une société autrefois largement agricole. Beaucoup sont minuscules et ne peuvent plus assumer seules les tâches qui leur reviennent. Dans les villes, la situation est en général fortement déséquilibrée entre le centre et la périphérie. Pour pouvoir remédier à ces problèmes, les communes se sont groupées en associations qui assument aujourd'hui la majeure partie de leurs tâches. Si cette institution a permis pendant un temps de résoudre les problèmes qui se posaient aux communes, elle a pris aujourd'hui des proportions qui sont la source de nouvelles difficultés.
En général, pratiquement chaque tâche communale fait l'objet d'une association de communes. Les communes font ainsi partie d'autant d'associations de communes qu'elles ont de tâches à exercer. Les différentes communes membres d'une association ne sont par ailleurs pas les mêmes selon la tâche concernée (les regroupements varient en effet selon la géographie, les voies de communication, etc.).
A l'heure actuelle, comme la majeure partie des problèmes se posent à l'échelle régionale, la prolifération des associations de communes a multiplié les centres de décision. Cette situation empêche qu'une réflexion globale au niveau local et régional soit développée. Ce n'est en outre plus le conseil communal ou général qui prend les décisions importantes et contrôle l'exécutif mais les conseils des différentes associations intercommunales. La multiplication de ces autorités, par l'opacité des structures qu'elle engendre, déroute les citoyens qui voudraient s'investir dans la vie politique locale. En outre, les conseils communaux, élus par la population, ont de moins en moins de véritables compétences. On leur demande le plus souvent de voter des lignes de budget et des crédits pour chacune des associations communales, sur l'utilisation desquels ils ont peu de prise. En effet, les conventions passées entre communes laissent en général peu de possibilités au corps délibérant d'une commune de véritablement amender un projet ou une décision. Les conventions qui, pour qu'une décision soit prise, exigent l'unanimité des communes semblent accorder plus de droits à celles-ci. En refusant, une commune bloque cependant tout un processus. La procédure est ainsi tellement lourde que les différents corps délibérants n'ont souvent ni l'envie ni le courage de refuser ce qui a en réalité déjà été décidé ailleurs. Bien sûr, il existe pour les populations concernées la possibilité de lancer un référendum contre une décision qui ne leur plairait pas. Ce moyen, qui apparaît théoriquement comme une garantie suffisante, est cependant illusoire: le référendum nécessite en réalité un fort investissement en temps et en argent qui est souvent disproportionné par rapport à l'importance des décisions à combattre. Ce n'est que si ces décisions pouvaient être discutées dans le cadre régulier d'un conseil communal qu'il serait possible de tenir compte de l'opinion de l'ensemble des élus sans les mettre devant ce qui est en réalité un fait accompli. Le référendum n'est dès lors qu'un leurre. En réalité, le contrôle d'un exécutif par un législatif tel que l'exige le principe même de la démocratie n'existe plus à l'heure actuelle dans les communes vaudoises pour ce qui concerne la majorité des domaines de leurs compétences.
Il n'est dès lors pas étonnant que les candidats ne se pressent pas au portillon lorsqu'il s'agit de renouveler les autorités locales. Le mandat de conseiller communal est beaucoup moins intéressant qu'il ne pourrait l'être si le conseil communal était véritablement le centre des décisions d'intérêt local et régional. En outre, si les conseillers communaux démissionnent en si grand nombre en cours de législature, c'est qu'ils se rendent rapidement compte que leur rôle est beaucoup moins décisif qu'il ne devrait l'être. Enfin, en raison du fait qu'ils doivent partager leurs prérogatives au sein des associations communales et de la petitesse de leur commune, le rôle de syndic ou de municipal perd chaque jour du prestige qu'il avait autrefois; sans compter les tâches de pure secrétariat, voire même de voirie, qui leur incombent en raison de l'absence de toute administration communale.
C'est dès lors le premier maillon de la chaîne démocratique qui est en danger: la politique locale se meurt.
Le Grand conseil vient par ailleurs d'adopter la première des trois étapes du processus Etacom. Or, il ressort nettement de l'ensemble du projet qu'en raison de leur faiblesse, les communes vont voir transférer au canton un grand nombre de tâches d'importance locale qu'elles n'arrivent plus à assumer aujourd'hui. L'autonomie communale sera ainsi toujours moins une réalité tangible. Or, une telle centralisation n'est pas souhaitable pour le canton de Vaud, si riche dans sa géographie, sa population, ses activités économiques et culturelles. Seuls les habitants de chaque région peuvent véritablement connaître les avantages et les besoins de celle-ci ainsi que les inconvénients auxquels il faut remédier. Le canton n'a pas cette compétence et il assumera dès lors moins bien les tâches locales reprises aux communes que ne le feraient les populations concernées.
2. Pour assurer une politique locale de proximité, la seule solution consiste à regrouper les communes.
Regrouper les communes, c'est faire d'elles des entités politiques qui aient la taille et les moyens de gérer l'espace régional. Il est clair que la question du nombre est sujet à discussion. Seule une étude sérieuse des collaborations intercommunales actuelles permettra de déterminer les regroupements souhaitables et de faire des propositions concrètes. Il faut cependant à notre avis un nombre suffisamment restreint de communes pour qu'elles puissent véritablement avoir du poids et fonctionner de manière démocratique. C'est pourquoi nous estimons qu'il n'en faut pas plus de trente. Le conseil communal sera alors à nouveau en mesure d'assumer son rôle véritable. Les décisions se prendront plus rapidement et de manière plus démocratique. La fonction de municipal ou de syndic en tant que personnes en charge d'un ensemble cohérent retrouvera un prestige certain. Une vision globale des problèmes à l'échelon local et régional sera possible. En outre, les communes redeviendront des interlocuteurs de poids face au canton et pourront lui réclamer la restitution des tâches qu'elles seront alors à même d'assumer de manière optimale. Ainsi, les services sociaux, l'enseignement, l'aménagement du territoire, la police, les transports publics locaux, etc. pourront véritablement être du ressort des populations concernées. L'autonomie communale ne sera plus un vain mot. La politique locale retrouvera son attrait.
Regrouper les communes, c'est également ramener le premier échelon démocratique au niveau où les gens vivent en général. Grâce aux moyens de communication modernes, les habitants de ce canton ne se contentent plus comme autrefois de vivre, travailler, et dormir dans le même village, la même ville. Ils rayonnent au sein d'une région beaucoup plus vaste que les communes actuelles. Le sentiment d'attachement à la communauté locale ne risque donc pas d'être dilué par un regroupement. En outre, le nom de chaque localité demeurera (comme cela se fait déjà par exemple à Ollon), ainsi que les nombreuses associations locales.
Avec 20 à 30 communes, il sera également nécessaire de diminuer de manière importante le nombre actuel de districts. Les arrondissements électoraux pour le Grand conseil ne doivent pour leur part pas, comme le proposent les majoritaires, correspondre aux districts, alors trop peu nombreux, mais aux communes, que ce soit seule ou regroupées.
Vu l'ampleur de la réforme proposée, un délai de dix ans pour que les nouvelles communes remplacent les anciennes est nécessaire. Ce délai doit permettre de consulter les populations locales et d'étudier les différentes possibilités de regroupement afin que le résultat soit entièrement satisfaisant.
Pour conclure, nous refusons d'adhérer à la politique du canton qui consiste, après avoir constaté la faiblesse actuelle des communes, à reprendre à sa charge les compétences de celles-ci. Au contraire, pour faire des communes vaudoises des entités véritablement fortes et autonomes, pour assurer une politique locale de proximité, il n'y a pas d'autres solutions que de regrouper les communes.
Colette Lasserre
Lausanne, le 14 août 2000