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Commission thématique no 6
Organisation territoriale et communes

Rapport final
État au 9 juin 2000

COMMENTAIRE ARTICLE PAR ARTICLE

Titre 6

Organisation territoriale et communes

Chapitre 6.1

Les communes

Art. 6.1.1

Définition

Il s'agit de la définition classique des communes. A cette définition juridique, la commission a souhaité ajouter un objectif général pour les communes.

L'alinéa 3 a pour but d'éviter des atteintes à l'existence et au territoire des communes sans base constitutionnelle.

Art. 6.1.2

Compétences primaires

Il s'agit d'une application du principe de la subsidiarité. De même que les cantons sont compétents dans les domaines qui ne sont pas attribués à la Confédération, de même, les communes, soit les entités les plus proches des citoyens, sont compétentes dans les domaines qui ne sont pas attribués au canton.

Cet article concerne les compétences primaires, soit celles exercées par les communes sans délégation du canton; on peut citer par exemple la gestion du patrimoine communal et du personnel communal, l'aménagement local du territoire, les sports, la culture, etc.

Art. 6.1.3

Compétences déléguées

Contrairement à l'article précédent, cette disposition concerne les tâches du canton que celui-ci, en application du principe de la subsidiarité, délègue aux communes; dans les domaines de la formation ou de la sécurité par exemple, les communes exécutent certaines tâches que le canton leur confie, car elles peuvent être mieux exercées par une administration de proximité. Les communes doivent naturellement disposer des moyens nécessaires pour exécuter ces tâches cantonales déléguées.

Art. 6.1.4

Autonomie communale

Cette disposition est tout à fait novatrice; elle est introduite pour répondre à la jurisprudence du Tribunal fédéral sur l'autonomie communale. En vertu de cette jurisprudence, une commune bénéficie de la protection de son autonomie, qu'elle peut alors invoquer devant le Tribunal fédéral, dans les domaines où le droit cantonal lui confère une liberté de décision appréciable.

A l'heure actuelle, l'art. 80 Constitution prévoit que les communes jouissent de toute l'indépendance compatible avec le bien de l'État, son unité et la bonne administration des communes elles-mêmes. Cette formulation n'est pas conforme au principe de la sécurité du droit car, pour chaque domaine en cause, le TF doit disséquer la législation cantonale pour savoir si, dans le domaine en question, la commune dispose ou non d'une liberté de décision appréciable et peut ainsi invoquer son autonomie.

Le but de la disposition introduite est ainsi de permettre aux communes de savoir que, dans les domaines mentionnés d'une façon non exhaustive, elles disposent de cette autonomie et qu'elles ont donc qualité pour agir devant le Tribunal fédéral. Celui-ci, dans ces domaines, n'aura ainsi plus à analyser la réglementation cantonale pour déterminer si le recours de la Commune est recevable ou non. La sécurité du droit en sera ainsi grandement améliorée.

Il va de soi que le fait qu'une commune puisse ainsi arguer de son autonomie dans tel ou tel domaine ne signifie pas que sa prétention est bien-fondée. Cela signifie seulement qu'elle a qualité pour invoquer son autonomie, que son action est ainsi recevable et qu'il appartiendra ainsi aux autorités judiciaires de juger si cette autonomie a été ou non respectée, les décisions de la commune devant naturellement respecter autant le droit fédéral, cantonal que communal, ce qui fait d'ailleurs l'objet de l'article 6.1.5 ci-dessous.

En résumé, la portée de cet article est ainsi d'assurer aux communes que, dans les domaines spécifiés non exhaustivement, elle a la qualité pour invoquer son autonomie. Comme il s'agit d'une énumération non exhaustive, le législateur peut étendre à d'autres domaines cette autonomie.

En ce qui concerne l'énumération proposée, elle correspond aux domaines où il est impératif que la commune puisse disposer d'autonomie. Cela est en particulier le cas s'agissant du pouvoir de disposer du produit des impôts, pour pouvoir agir par exemple dans le domaine social ou culturel. Il faut préciser encore que, par "ordre public", soit une notion volontairement large recouvrant notamment la sécurité publique et la prévention, il faut entendre en particulier la police, d'où la latitude qui doit être laissée aux communes de disposer de leur propre corps de police.

Si la commune cède un domaine de compétence où elle jouit d'autonomie à une fédération de communes, il est logique que ce soit alors celle-ci qui puisse dès lors invoquer cette autonomie.

Art. 6.1.5

Surveillance par l'État

Il incombe à l'État d'instituer le contrôle de la légalité de toutes les décisions prises au niveau communal.

Art. 6.1.6

Organisation générale

Les institutions communales actuelles sont maintenues, soit d'une part le conseil communal ou général (pour les petites communes) et, d'autre part, la municipalité.

Art. 6.1.7

Conseil communal ou général

Il appartient à la législation sur les communes de déterminer à quelles conditions et selon quels critères (par exemple nombre d'habitants) les communes peuvent opter pour un conseil communal ou général.

S'agissant du conseil communal, qui doit être élu par le peuple, la durée de la législature est portée à cinq ans (au lieu de quatre ans). En revanche, le mode de scrutin (majoritaire sauf si le règlement communal prévoit le scrutin proportionnel) est maintenu.

En majorité, la commission a renoncé à introduire un nombre maximal pour les conseils communaux. Mais, il est vivement et majoritairement souhaité que le nombre de conseillers communaux diminue.

Art. 6.1.8

Municipalité

La municipalité ne subit pas d'importantes modifications. Pour répondre aux besoins des différentes communes, en particulier selon leur taille, il est prévu la possibilité d'avoir trois, cinq ou sept municipaux.

La majorité de la commission est d'avis qu'il n'est ni possible ni souhaitable de revenir sur l'élection par le peuple de la municipalité. Il s'agirait d'un recul démocratique inacceptable.

La durée de la législature est portée à cinq ans, comme pour le conseil communal.

La commission a prévu à l'alinéa 3 que le législateur devait déterminer et régler les cas de révocation des autorités municipales lorsqu'un municipal adopte par exemple un comportement contraire au droit.

Au sujet des incompatibilités de mandats, la commission estime que les situations sont différentes selon les communes. Un mandat de syndic ou de municipal peut être tout à fait compatible avec d'autres mandats politiques dans les petites communes, alors que tel peut ne plus être le cas dans les grandes communes. C'est pourquoi la commission a préféré laisser le soin à la loi de déterminer les critères d'incompatibilités éventuelles. Il aurait aussi été possible de laisser régler cette question à l'autorité délibérante communale, mais la majorité de la commission craint alors que des questions d'ordre personnel ne jouent un rôle dans la détermination des incompatibilités éventuelles.

A propos du syndic, son rôle devra être défini et revu par le législateur (loi sur les communes).

Art. 6.1.9

Partage des compétences

Cette disposition prévoit d'inscrire dans la Constitution les principales attributions et compétences respectives du conseil communal ou général et de la municipalité.

Par rapport à la situation actuelle, il n'est pas prévu d'innovations importantes dans ce partage des compétences, qui pourra être précisé et complété par le législateur.

Art. 6.1.10

Droits politiques

Cette disposition prévoit d'inscrire dans la Constitution un droit de référendum sur les actes du conseil communal et consacre d'autre part le principe général d'un droit d'initiative en matière communale, ce qui constitue une innovation demandée en particulier par une initiative populaire pendante.

Il appartient au législateur de régler l'exercice de ces droits, en particulier le nombre de signatures qui devra être obtenu. Le législateur devra également limiter l'objet de ces droits d'initiative et de référendum. S'agissant de ce dernier, on pense par exemple aux décrets concernant la bourgeoisie communale, qui doivent être exclus du champ du référendum. En matière d'initiatives, il faudra également limiter les objets possibles, pour éviter par exemple des initiatives qui porteraient sur des domaines de compétence relevant du canton ou de la Confédération.

Art. 6.1.11

Fusion de communes

Cet article a pour objectif d'affirmer deux principes forts:
  • les fusions de communes doivent être favorisées. Il s'agit d'inciter et de faciliter ces fusions, pour permettre des regroupements, ce qui devrait amener à obtenir un nombre moins élevé de communes, en mesure d'exercer leurs prérogatives d'une façon efficace et rationnelle. Pour favoriser ces fusions, l'État pourra mettre par exemple à disposition un catalogue indicatif des possibilités de fusion; les critères pour établir un tel catalogue peuvent être la capacité des communes à assumer leurs tâches, leurs capacités financières, les particularités locales tant géographiques que culturelles, les relations préexistantes entre communes et les exigences d'une gestion efficace au service de leur population;
  • aucune fusion ne peut intervenir sans le consentement des corps électoraux des communes concernées: les regroupements doivent donc obligatoirement être admis par la majorité des citoyens de chaque commune concernée. Il s'agit d'une cautèle nécessaire pour respecter l'autonomie des communes, dont l'existence ne peut ainsi être remise en cause sans leur volonté.

Art. 6.1.12

Incitation aux fusions

Pour donner une portée réelle et un effet à l'incitation aux fusions, celles- ci doivent être encouragées effectivement et non seulement en théorie. Cette disposition prévoit trois mesures effectives:
  • la procédure de fusion doit être simple. Il appartiendra au législateur de concrétiser cet objectif;
  • la procédure de fusion doit être gratuite pour les communes concernées, les frais de la procédure devant ainsi être pris en charge par l'État;
  • des incitations financières de l'État doivent être prévues pour donner une portée réelle à l'objectif de favoriser les fusions. Il s'agit assurément de la mesure la plus efficace. La majorité de la commission considère que, sans ces incitations, l'objectif de fusion est illusoire.

    Ces incitations financières peuvent être de type différent (versements de l'État, incitations fiscales, etc.). Elles doivent être définies par le législateur qui devra prévoir des critères objectifs.

Dans l'idée de donner une impulsion à ce processus de fusion, la commission propose de prévoir en plus des incitations financières pouvant être accordées en tout temps un bonus exceptionnel pour les communes qui fusionneront dans les dix premières années, ce qui devrait conduire à accélérer le mouvement de fusion.

Art. 6.1.13 Droit d'initiative et procédure de fusion
La volonté de la commission est d'assurer que la décision de fusionner ou de ne pas fusionner revienne au corps électoral des communes concernées, l'initiative de la fusion pouvant, elle, revenir aussi à ce corps électoral, mais également à l'exécutif ou au législatif de la commune.

Il y a lieu encore de préciser que la procédure d'initiative de fusion peut naturellement être menée parallèlement dans plusieurs communes concernées par un projet de fusion.

Quant au nombre de signatures pour l'initiative de fusion et aux délais prévus, ils paraissent raisonnables à la commission, de façon à permettre à ce système de fonctionner efficacement.

Art. 6.1.14

Fusion proposée par le canton

La commission propose, outre les possibilités décrites à l'art. 6.1.13, que le canton puisse aux conditions définies par la loi proposer une fusion aux corps électoraux de deux ou plusieurs communes.

Chapitre 6.2

Les districts

Art. 6.2.1

Définition

Après en avoir longuement débattu, la commission propose de maintenir le terme de district et de conserver pour l'essentiel s a signification actuelle, soit une circonscription administrative du canton dirigée par un préfet. Compte tenu en particulier de la taille du canton, la majorité de la commission considère qu'il n'est pas opportun de prévoir dans la Constitution l'obligation de créer de véritables régions politiques. En revanche, le chapitre sur les fédérations de communes doit permettre, sur une base volontaire et selon les besoins ressentis par certaines régions, de constituer une entité forte au sein du district. Celui-ci, en tant que tel, reste ainsi une entité administrative.

Il constitue de plus une entité judiciaire, ce qui signifie qu'il devra accueillir une autorité judiciaire. On pense en particulier à la réforme des justices de paix, où il est prévu de supprimer les cercles de ces justices. Le nouveau juge de paix, doté de compétences élargies, pourra fonctionner au niveau du district.

De même, et toujours dans un souci de lisibilité du territoire, le district pourra servir d'arrondissement électoral.

Art. 6.2.2

Organisation du district

En l'état du projet, la commission propose de fixer le nombre de districts entre huit et douze, les dix-neuf districts actuels apparaissant comme trop nombreux et pouvant, en tous les cas pour certains d'entre eux, être regroupés sans trop de difficultés. La commission est consciente qu'il faudra le cas échéant trouver une solution satisfaisante pour chaque district, en particulier pour les régions excentrées comme le Pays d'Enhaut et la Vallée.

Si le plénum de l'assemblée constituante entre en matière sur le projet de district tel qu'il est proposé, la commission est prête à préparer un projet concret de division territoriale.

L'alinéa 3 de cet article est très important et c'est celui qui a entraîné certaines difficultés avec les projets en cours au niveau de l'administration cantonale (en particulier le projet Mérite). L'idée de la commission est en effet de prévoir que, dans toute la mesure du possible, les tâches décentralisées de l'État (impôts, poursuites, etc.) se fassent au niveau du district, de façon à ce que l'administré puisse se rendre à une maison d'État, dans le chef-lieu du district, où il retrouverait ces services cantonaux ainsi que certains autres services que pourraient offrir les fédérations de communes. Ainsi, pour les tâches qui ne sont pas réglées au niveau communal, le citoyen saurait où se rendre et l'on éviterait ainsi la multiplication des découpages différents selon les domaines.

Certains critiquent ce mode de procéder, l'accusant de relever de "l'esprit de géométrie". Il est vrai que, pour certaines tâches, il peut s'imposer d'avoir un maillage différent, plus large (par exemple pour les Offices d'instruction pénale), mais cela doit rester exceptionnel et justifié par des motifs impérieux. Cela pourra en particulier être le cas lorsque le service cantonal décentralisé, pour des raisons d'efficacité, doit recouvrir un maillage plus large et qu'il ne s'agit pas d'un service auquel l'administré doit se rendre fréquemment.

Art. 6.2.3

Préfet

Comme le district reste une entité administrative, il continue à être dirigé par un préfet nommé par le Conseil d'État. A ce sujet, la commission considère que les tâches du Préfet doivent être recentrées sur sa fonction d'agent de l'État, de coordinateur et de médiateur, ce qui implique l'abandon des tâches judiciaires qu'il effectue maintenant. Une telle solution se justifie aussi pour respecter le principe de la séparation des pouvoirs. Sur le plan pratique, cette modification devrait être rendue possible grâce en particulier à la réforme des juges de paix, qui pourraient reprendre certaines tâches judiciaires du Préfet.

Art. 6.2.4

Modification territoriale du district

Cette disposition est prévue pour permettre une certaine souplesse au niveau des frontières du district. Elle pourra être utile en particulier selon la forme et la consistance que prendra la ou les fédérations de communes dans le district en cause, ce qui pourrait amener une commune à souhaiter son rattachement à un autre district.

Chapitre 6.3

Les fédérations de communes

Art. 6.3.1
et art. 6.3.2

Définition et constitution

De l'avis de la majorité de la commission, il n'est pas opportun de prévoir un modèle pour les agglomérations et un autre modèle pour les autres régions du canton. Il faut au contraire un seul modèle, qui présente la souplesse nécessaire pour s'adapter à la situation de chaque région du canton, dont les aspirations et les besoins peuvent être fort différents.

L'idée force de la majorité de la commission est de privilégier une démarche qui vient d'en bas, soit des communes, qui, si elles le jugent opportun ou nécessaire, doivent pouvoir confier et déléguer ensemble des tâches communes à une fédération de communes, dont l'organisation, les compétences et le fonctionnement dépendent de ce que les communes veulent en faire: de l'organisation intercommunale classique à l'agglomération avec perception de points d'impôts. Pour éviter cependant une dispersion et assurer la lisibilité et la transparence de ces fédérations, la Constitution doit prévoir des cautèles minimales:

  1. S'il doit être possible, compte tenu en particulier de la taille et de la diversité des futurs districts, d'avoir plusieurs fédérations de communes dans le district, chaque commune ne peut faire partie que d'une seule fédération, afin d'éviter une multiplication des découpages différents selon les domaines. Les tâches que les communes jugeront nécessaires de déléguer à l'échelon supérieur seront accomplies par cette fédération, à moins que -et cela doit rester l'exception -des raisons impérieuses justifient qu'une collaboration à une échelle différente soit maintenue, par exemple lorsque deux communes sont propriétaires d'une forêt et qu'il serait dans de telles circonstances injustifié de confier la gestion de cette forêt à la fédération, puisque les autres membres de celle-ci ne sont pas du tout concernées.

    Les mots "en principe" du premier alinéa sont destinés à permettre, là aussi en cas de nécessité, le maintien de collaborations indispensables avec une commune d'un autre district, voire d'un autre canton.
  2. L'organisation de cette fédération doit rester l'apanage des communes qui la créent, ce qui permettra une organisation adaptée aux besoins de chacun et aux tâches qui seront déléguées. Il doit cependant y avoir un contrôle démocratique qui doit être assuré au moins sous la forme d'une possibilité de référendum. Il faut en effet éviter tout déficit démocratique de ces fédérations.

    Si les communes composant cette fédération souhaitent aller plus loin, soit au-delà d'une simple délégation de compétences à un organisme qu'elles financent elles-mêmes, elles le peuvent en instituant par exemple dans les régions urbaines une véritable organisation politique de ces fédérations, avec perception de points d'impôts, ce qui doit entraîner en corollaire un parlement démocratiquement élu, qui pourra ainsi avoir le contrôle d'un tel financement.

Chapitre 6.4

La capitale du canton

Art. 6.4.1

Statut de Lausanne

Il est nécessaire de consacrer le statut de Lausanne comme capitale et siège des autorités cantonales. En revanche, il appartiendra à la loi de déterminer les effets de cette disposition, en particulier sur le plan financier; l'on pense notamment aux services que doit offrir la capitale en fonction de son rôle, services dont il y aura lieu de déterminer le financement, ainsi que les relations générales entre la capitale et le canton.

Dispositions transitoires

Le législateur devra adopter rapidement les dispositions d'application de la nouvelle Constitution, en particulier la procédure pour mettre en place la ou les nouvelles institutions créées.

Lausanne, le 9 juin 2000


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Mise en page par François Renaud