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Commission thématique no 3
Droits et devoirs

Articles 3.13, 3.14 et 3.16
10 août 2000
Rapport de minorité

Articles 3.13, 3.14 et 3.16

Je propose de regrouper différemment le contenu des articles 3.13, 3.14 et 3.16, par simple «copier-coller» des alinéas adoptés par la commission 3. Les garanties données par ces articles resteraient donc identiques. Mais le point de vue, l'angle d'approche seraient modifiés, avec des conséquences possibles quant à la politique future en ce domaine. Au passage, il faut signaler que le rapport contient une petite erreur: l'alinéa 3 de l'article 3.16 que je propose re-prend l'al. 4 de l'article 3.13 majoritaire, et non celui de la minorité. Je pense, en effet, comme la majorité de la commission, qu'il serait dangereux d'utiliser ici des notions insuffisamment précises comme la «manipulation» et la «prise de pouvoir».

Y a-t-il vraiment deux sortes d'opinion?

Il y a bien sûr toutes sortes opinions: exclamation peu réfléchie ou fruit de la recherche de toute une vie, avis sur la hauteur idoine des trottoirs ou philosophie globale. Toutes n'ont pas, bien entendu, le même poids, la même «dignité» pourrait-on dire. Mais toutes sont protégées de la même façon, qu'il s'agisse du droit de les avoir, de les expri-mer, de les répandre (voir rapport de la commission, article 3.14), car la liberté d'opinion et d'expression ne se divise pas.

Et pourtant il est usuel que la liberté d'opinion religieuse fasse l'objet d'un article séparé. Il y a certainement des raisons historiques à cela, mais il me semble qu'il n'y en a pas (plus?) du point de vue de la logique ou du droit. Ce critère – religion ou non – n'est d'ailleurs pas utilisé de façon cohérente, puisque, dans l'article 3.13 adopté par la commission 3, apparaissent les convictions philosophiques, non religieuses pas définition, et qu'on distingue difficilement de l'opinion protégée par l'article 3.14. De même, dans les articles sur la liberté d'opinion et sur la liberté de croyance de la Déclaration universelle des droits de l'homme , toute une série de termes désignent les biens protégés par ces articles: conscience, conviction, expression, idées, information, opinion, pensée, religion. Une fois listés par ordre alphabétique, les réattribuer toutes à leur article d'origine est loin d'être évident!

L'existence de deux articles proclame ainsi une différence importante parmi les opinions, voire une hiérarchie entre elles, pour aussitôt, dans le texte de ces articles, démentir cette différence. Il y a là une source de confusion. Je propose donc d'affirmer que les opinions religieuses, philosophiques, civico-politiques ou autres forment une continuité, sans rupture ni hiérarchie, et de protéger la liberté d'opinion, quelle qu'elle soit, dans un seul et même article constitutionnel.

Liberté d'association.

L'association est souvent le moyen de défendre des intérêts communs (locataires, consommateurs…). Mais elle est aussi indispensable pour pratiquer et enrichir une passion commune (alpinistes, colombophiles…), ou pour développer et approfondir collectivement des idées communes, qu'elles soient scientifiques, philosophiques, politiques, etc. De ce point de vue, les opinions religieuses ne font pas exception, qui s'expriment en général par des pratiques communautaires. Il est donc légitime de joindre à l'actuel article 3.16 (liberté d'association) les alinéas 3 et 4 de l'article 3.13, qui traitent de la liberté de s'associer pour la pratique religieuse et de certaines limites à cette liberté. Bénéfice annexe, la protection contre la contrainte et l'abus de pouvoir pourrait aussi être appliquée à des «sectes» non-religieuses, qu'elles se prétendent philosophiques ou politiques.

Inclure dans un seul article les diverses formes d'association et les diverses raisons d'y adhérer éviterait de devoir se poser la question de traitement différents, justifiés par une distinction difficile à faire. Les associations de toute na-ture pourraient être ainsi abordées de manière équilibrée et selon les mêmes critères, par exemple en fonction de leur importance historique, ou de leur rôle social.

Quelques objections.

Il ne faut pas mélanger les poires et les pommes: Tel fut l'argument décisif lors de la rapide discussion en Com-mission 3 – sort mérité pour une proposition de dernière minute. J'espère avoir montré ci-dessus qu'il ne s'agit pas de mélanger artificiellement des éléments disparates, mais de réunir les parties d'un tout, dispersées sans justification actuelle.

Objection inverse: tant qu'à faire, joignons la liberté syndicale à la liberté d'association! L'inégalité des «partenaires» du contrat de travail – reconnue par le droit du travail – fait de l'association des salariés sur le lieu de travail un problème particulier, qui justifie une garantie particulière, et donc un article séparé.

L'article 3.13 proposé est trop volumineux. Ce ne serait pourtant pas le plus long du chapitre: voir le 3.20, ou… le 3.34. Mais si l'esthétique l'exigeait, on pourrait en extraire le droit de consulter les documents officiels (alinéa d) et en faire un article à part, comme dans les Constitutions bernoise et neuchâteloise, et en élaguer le titre.

Alain Gonthier

le 10 août 2000