Droits politiques au niveau local pour les étrangers établis: Logique, équitable, convivial
Dr Jean Martin, député et constituant
Le fait de prévoir que les étrangers résidant en Suisse depuis 10 ans auront le droit de vote au niveau communal est une des dispositions qui suscitent l'intérêt et le débat dans le projet de nouvelle Constitution cantonale. C'est bien normal; même si Neuchâtelois et Jurassiens connaissent une telle possibilité, elle serait en effet nouvelle chez nous. Ici comme dans le reste de leur travail, les Constituants se sont montrés courageux peut-être, mais pas du tout téméraires. Souvenons-nous que, au cours du dernier demi-siècle, la Suisse a été une terre d'immigration pour de nombreuses forces de travail, venues d'abord du Sud de l'Europe puis d'ailleurs, sans lesquelles notre économie n'aurait simplement pas connu la prospérité qu'elle a enregistrée (qu'il s'agisse du travail de la terre, de l'industrie ou des services). Beaucoup de ces personnes se sont bien intégrées, elles sont membres de sociétés sportives ou culturelles, elles sont pompiers, font partie des parents d'élèves ou du Conseil paroissial. Certaines sont engagées dans la Protection civile.
Bon nombre sont devenus Suisses et c'est très bien ainsi. D'autres, pour des raisons diverses que nous n'avons pas à juger, ne le sont pas ou pas encore. Il reste que la Suisse est le pays où ils ont passé l'essentiel de leur vie professionnelle (et de leur vie familiale et sociale) et que notre pays a été bien heureux de pouvoir compter sur leur labeur et leurs compétences.
Dans un monde en profonde mutation, il importe d'une part de sauvegarder des valeurs et un cadre de référence, et il est tout aussi nécessaire d'accepter des changements raisonnables. A mon sens, accorder les droits civiques aux étrangers au niveau communal est clairement un changement raisonnable. Les objets qui se discutent dans les communes sont des questions de proximité, concernent les circonstances et la qualité de notre vie quotidienne. Quoi de plus logique alors que de permettre aux voisins d'origine étrangère de s'engager dans le législatif ou l'exécutif communal (comme ils peuvent oeuvrer au sein de comités de sociétés et organismes divers).
De plus, souvenons-nous pour le cas où subsisterait une crainte que "les étrangers fassent la loi" que, si l'une ou l'un d'entre eux deviennent conseiller communal ou municipal, ils auront été désignés par le corps électoral de la localité, qui restera formé à plus de 90% de Suisses. Aucune raison donc de craindre des bouleversements indésirables. Au contraire, nous avons là une belle occasion d'illustrer une volonté d'ouverture et de promouvoir la convivialité.
Dr Jean Martin, député et constituant