A propos de la nouvelle constitution vaudoise: lettre ouverte à mes amis Libéraux. Marc Vittoz, Constituant, Groupe Libéral et Indépendant

Chers amis,

En rejetant mardi soir à grand renfort d'envolées oratoires le projet de nouvelle Constitution vaudoise, vous vous êtes sans doute fait plaisir. Ce fut un grand moment. Haro sur le baudet! Quoi de plus délectable que de stigmatiser les droits des citoyens - vous vous rendez compte, mon cher, un droit à un logement d'urgence, une assurance maternité cantonale et même une aide sociale en principe non remboursable! - ou de clouer au pilori l'inventaire des tâches de l'État, cette «nounou» qui serait chargée de tout faire. Sans oublier les nouvelles institutions, ces «machins» qui vont coûter cher, comme la commission des jeunes, l'organe de prospective ou la cour constitutionnelle (Quoique... là déjà, l'unanimité n'est plus si évidente).

Un grand moment, donc, mais à coup sûr un magnifique auto-goal! Savez-vous seulement ce que vous y auriez mis, dans cette nouvelle constitution? Savez-vous ce que d'autres voulaient ou voudront y mettre ? Avez-vous réalisé où vous mène cette opposition superbe? Mais savez-vous seulement dans quelle époque nous vivons?

Le peuple vaudois ne s'y trompera pas et d'autres se chargeront de le lui rappeler: il y a dans ce projet de constitution de nombreuses réponses aux réelles inquiétudes et aux défis de notre temps, même si ce ne sont pas toujours celles que souhaitent les Libéraux (quoique... là encore, difficile de trouver l'unanimité sur chaque point):

• meilleure définition des tâches des communes et de leur autonomie
• volonté de restructurer les tâches de État et son organisation territoriale
• meilleure organisation du travail du Conseil État
• meilleur contrôle et surveillance des activités de État
• souci de transparence et de communication
• frein à l'endettement
• reconnaissance du rôle des associations
• protection de la personnalité
• améliorations sociales (et pourquoi pas?)
• respect de l'environnement (et re-pourquoi pas?)
• etc. (il faut au moins se donner la peine d'une lecture attentive et objective du projet, voire d'un regard positif, si c'est possible).

Bien entendu, le diable s'y est mis aussi (comme à la BCV mais là, on sait faire avec!): un statut des communautés religieuses plus que douteux, un droit de vote des étrangers au rabais et certaines idées populistes à la mode comme la lutte contre le nucléaire ou l'obsession de l'égalité hommes-femmes, etc. Mais faut-il vraiment jeter le bébé avec l'eau du bain?

Décidément, ce projet est un compromis plus qu'acceptable entre les revendications démesurées d'une certaine gauche que le groupe Libéral et Indépendant de la Constituante a su modérer et une certaine doctrine de droite qui n'a peut-être plus tout à fait sa place dans notre société moderne; un reflet des contradictions et des tâtonnements de notre époque. Et qui peut être assez candide (ou prétentieux, c'est selon) pour penser qu'elle devrait ou pourrait être autre chose?

Alors, chers amis Libéraux, vous voulez mettre la barre plus haut, grand bien vous fasse. Plus c'est haut, plus c'est beau. Mais plus on retombe de haut. Drapés dans votre liberté offensée, vous allez vous retrouver isolés, face à la quasi totalité des autre partis; face à une volonté populaire qui s'est déjà prononcée pour une nouvelle constitution plus proche du citoyen; et face à une partie de vos propres troupes: la majorité des Constituants et les Libéraux engagés dans le comité «Oui à la nouvelle constitution». Un magnifique auto-goal dont le parti ne pourra que sortir affaibli et nous en serons tous désolés! Décidément, le plaisir de se sentir les meilleurs n'a pas de prix! Mais le débat ne fait que commencer.