Extrait du
Bulletin de la séance finale
du 17 mai 2002


Déclarations des groupes politiques


F Au nom du groupe Radical, Christelle LUISIER

C'est non sans émotion que je viens m'exprimer pour la dernière fois à cette tribune. En effet, alors que nous avons été pris ces derniers mois dans un rythme très soutenu de séances, je n'ai cessé d'espérer enfin ce moment pour souffler un peu, et maintenant le moment est arrivé. Et bien je me prends déjà à regretter avec un petit peu de nostalgie nos rencontres hebdomadaires en me demandant comment je vais remplir mes vendredis [rires]. Bon, j'ai quand même une petite idée sur la question, au vu de ma situation personnelle. Quel que soit le résultat tout à l'heure, quel que soit le résultat de la votation populaire le 22 septembre prochain, nous aurons tous vécu une aventure législative hors du commun qui ne se produit, on le dit, qu'une fois par génération au plus. Toutefois, au-delà de ces considérations personnelles, alors que nous avons le résultat de plus de trois ans de travail sous les yeux, il est désormais temps de prendre un peu de recul et de tirer un bilan politique de l'ensemble de l'opération. Je parle à dessein de bilan politique, et ce quand bien même d'aucuns auraient souhaité au début de nos travaux que nos débats soient dégagés de toute influence partisane. Or, s'il est vrai qu'une réflexion relative à l'élaboration d'une charte valable pour l'ensemble d'un Canton ne saurait se limiter à des conflits gauche-droite — nous avons d'ailleurs assisté en plénum à d'autres types de clivages, villes-campagnes, théoriciens-gens de terrain -, il n'en est pas moins aussi clair qu'une Constitution, en tant que loi fondamentale d'un État, est le reflet d'une certaine vision de la société, et en ce sens je me réjouis que nous ayons pu affronter en plénum nos différences et sensibilités. Certes, on pourrait regretter que ces débats ont eu lieu «à la vaudoise», sans peut-être le panache des débats d'idées qui ont lieu chez nos voisins français, mais en tout cas ces discussions ont été menées au détour de chaque article et nous ont permis d'aboutir à la synthèse qui est présentée aujourd'hui. D'un point du vue formel, le groupe Radical imaginait dans ses rêves un texte court, un texte incisif. Or, il faut bien l'avouer, notre projet est plutôt long, assez bavard, par exemple dans le chapitre sur les tâches de État que nous aurions souhaité beaucoup plus ramassé. Toutefois, nous sommes aussi prêts à reconnaître que la forme du présent texte s'est notablement améliorée au fil du temps alors que nous éprouvions une certaine gêne à présenter en consultation un texte qui ressemblait plus à une grosse boule de pâte à modeler triturée par 180 constituants à l'issue de la première lecture. Nous avons aujourd'hui entre les mains un texte cohérent qui tient la route juridiquement et qui est digne d'être présenté comme un projet de Constitution, et cela grâce, notamment, au travail excellent opéré par la commission de rédaction. S'agissant maintenant du contenu de ce projet, j'ai à maintes reprises insisté sur le fait que l'objectif de la révision constitutionnelle n'était pas de condenser en une centaine d'articles le programme politique d'un parti, mais bien de rédiger un texte équilibré, susceptible de représenter un consensus cantonal. En ce sens, au sein du groupe Radical, nous avons répété sur tous les tons que nous ne nous amuserions pas à conditionner notre approbation au texte final à l'existence ou à la suppression d'un article en particulier. Il ne s'agit en tout cas pas ici d'appréhender le projet par le petit bout de la lorgnette en examinant le bien-fondé de chaque article pour lui-même - à ce taux-là, chaque constituant aurait une raison de rejeter ce texte -, mais bien de procéder à une pesée générale des intérêts en présence, en examinant l'équilibre du paquet global qui est proposé à la population. A cet égard, vous me permettrez de mettre en lumière quelques points auxquels les Radicaux sont particulièrement attachés. En matière de droits fondamentaux et de tâches de État, le groupe Radical se réjouit de l'introduction d'un véritable droit à l'information, qui renverse le principe du secret au profit de celui de publicité. Les constituants Radicaux sont aussi satisfaits que le projet reconnaisse la liberté de choisir une autre forme de vie en commun que le mariage, nouveauté qui permet de mettre sur pied d'égalité, dans les limites du droit cantonal, les couples mariés et les couples homosexuels. En revanche, nous regrettons l'introduction de certains droits sociaux, à la portée incertaine, tel que le droit à la formation initiale, dont la justiciabilité n'est absolument pas garantie. Autre thème phare de nos travaux, celui de l'octroi des droits politiques aux étrangers. A cet égard, la majorité du groupe Radical est heureuse que la solution qu'elle avait proposée en deuxième lecture — à savoir l'octroi des droits politiques au niveau communal uniquement - ait passé définitivement la rampe du plénum. D'aucuns crieront à la demi-mesure, je répondrai qu'il s'agit d'un premier pas et que ce type de solution vaut mieux qu'un échec programmé devant le peuple. Au sein du groupe Radical, nous sommes en effet persuadés qu'il faudra déjà beaucoup d'engagement de la part des constituants pour convaincre la population vaudoise d'accepter cette innovation au plan communal uniquement, preuve en est la malheureuse expérience genevoise en la matière. S'agissant maintenant des institutions, le bilan est assez mitigé. Alors que l'idée d'une révision constitutionnelle avait germé à la suite de la crise gouvernementale de 1996, la Constituante s'est révélée incapable de réformer en profondeur les institutions politiques de ce Canton. Force est de constater en ce domaine que l'œuf de Colomb est resté introuvable. Il faudra peut-être en la matière revenir ultérieurement par le biais de réformes sectorielles; nous regrettons notamment, au vu de l'imbrication croissante des dossiers de politique cantonale et fédérale, que l'idée de déléguer d'office deux conseillers État au Conseil des États à Berne n'ait pas été retenue. Seule consolation, mais consolation tout de même, la prolongation de la durée de la législature, portée — comme chez nos voisins fribourgeois — à cinq ans, la réunion du Tribunal cantonal et du Tribunal administratif, ainsi que l'idée soutenue fortement par les Radicaux d'un président élu au sein du Conseil État pour la durée de la législature. Cette personne, chargée des fonctions internes de État serait donc garante de la cohérence interne du collège et de son activité gouvernementale. Voilà pour ce qui est des institutions. Autre thème cher au cœur des Radicaux, celui de l'organisation territoriale. En la matière, le groupe Radical a fermement combattu, et avec succès, l'idée de réduire drastiquement et de manière obligatoire le nombre de communes. En revanche, il s'est engagé en faveur de l'encouragement aux fusions volontaires, notamment par le biais de mesures financières. Concernant le découpage administratif du Canton, l'Assemblée a opté pour une fourchette de huit à douze districts dans le Canton. Une telle réduction du nombre de districts, qui est d'ailleurs préconisée par le programme du parti Radical, devrait permettre de regrouper les circonscriptions actuelles de manière pragmatique en tenant compte des réalités du terrain. D'un point de vue plus général, nous sommes heureux que les nouveautés proposées dans le chapitre sur l'organisation territoriale et concernant les arrondissements électoraux tiennent compte du critère de proximité, tiennent compte des besoins de l'ensemble des régions de ce Canton, qui toutes nous tiennent à cœur d'une égale manière. Enfin, pour parfaire ce survol du contenu du projet final, permettez-moi encore d'aborder brièvement deux sujets qui ont fait couler beaucoup d'encre au sein de notre Assemblée. Tout d'abord, je souhaite souligner que le groupe Radical est satisfait de la manière dont sont réglées les relations ÉGLISE-ÉTAT. Je pense notamment au maintien de liens forts entre les Églises historiques et État, à la mise sur pied d'égalité de Église réformée de Église catholique, ainsi qu'à la reconnaissance expresse de la communauté israélite en tant que communauté d'intérêt public. Une telle solution a été soutenue par la majorité des Radicaux au vu de l'enracinement historique de cette communauté dans notre Canton et du rôle qu'elle y joue. Enfin, s'agissant de la thématique des finances, le groupe Radical est heureux de constater, après la mini guerre froide que nous avons vécue à la fin de la deuxième lecture, qu'une majorité de l'Assemblée s'est entendue en vue de sortir de l'ornière pour proposer dans la Constitution un mécanisme d'assainissement financier. Voilà, la boucle est désormais bouclée. Durant plus de trois ans, la Constituante a constamment dû naviguer entre volonté d'innovation et réalisme politique. Au bout du compte, certains estiment que le projet est encore trop audacieux, trop progressiste pour être accepté par les états-majors de parti et par la population, d'autres n'y voient qu'un toilettage du texte de la Constitution de 1885. Pour sa part, le groupe Radical est d'avis que les constituants ont dans l'ensemble pris leurs responsabilités en rédigeant un texte moderne, un texte ouvert, qui à la fois préserve l'acquis et façonne le présent et l'avenir. Ce texte, il préserve l'acquis en rappelant les principes de base sur lesquels se fonde un État, les principes de liberté, de responsabilité et de solidarité, en soulignant le caractère démocratique de nos institutions et en réaffirmant la volonté du peuple vaudois de former une communauté. Et puis, je l'ai dit, ce texte façonne aussi le présent et l'avenir, il est porteur de changements, d'ouverture — j'y ai largement fait référence à l'instant - dans des domaines aussi divers que les droits politiques, l'organisation du territoire, ou encore des droits fondamentaux. Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous invite chaleureusement, au nom du groupe Radical, au nom de sa majorité, à accepter le projet final de Constitution qui sera soumis tout à l'heure au vote. Merci. [applaudissements].

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F Au nom du groupe Forum, Anne HOLENWEG ROUYET

Qu'est-il advenu, après trois ans de travail et de débat, de notre idéalisme de départ, lorsqu'au sein des groupes de travail ou plutôt encore, lors de cette folle journée de remue-ménage, nous avons, à défaut de refaire le monde, voulu ensemble trouver un sens nouveau à ce Canton? Qu'est-il resté des changements importants annoncés après la première lecture? Avant de décider si les résultats de nos travaux sont acceptables ou non, il faut en dresser brièvement un bilan. Celui que je vous propose n'est certainement pas exhaustif, mais se veut représentatif du sentiment général de notre groupe. Le texte sur lequel nous allons nous prononcer est le fruit d'un consensus, le résultat d'une négociation parfois difficile. Comme tel, il ne peut satisfaire pleinement personne pour être acceptable par une majorité. Le groupe Forum dresse donc un bilan en demi-teinte du résultat de nos travaux. Ainsi, s'il est heureux de la décision prise à une très large majorité de cette Assemblée d'accorder aux étrangers le droit de vote et d'éligibilité au niveau communal, il regrette le manque de courage qui a fait refuser à quelques voix près ces mêmes droits au niveau cantonal. Il est réellement fâché, en outre, d'avoir vu accepter par la majorité un délai de carence supplémentaire de trois ans dans le Canton avant que celles et ceux venus d'ailleurs mais habitant en Suisse depuis dix ans ou plus puissent voter, élire, voire être élus dans leur commune d'adoption. Obtenue de haute lutte, la possibilité enfin pour toutes les femmes de ce Canton d'obtenir bientôt une véritable assurance maternité nous ravit, de même que l'obtention d'allocations pour chaque enfant, et cela montre que la majorité de cette Assemblée reconnaît la nécessité d'une aide concrète à la maternité et un soutien à l'éducation des enfants. Mais pourquoi alors ne pas assumer pleinement cette conviction partagée et refuser d'inscrire dans la Constitution la gratuité de la formation initiale? D'une manière générale, Forum est satisfait de voir inscrits dans ce projet de nombreux droits fondamentaux essentiels, et ce même si la plupart d'entre eux sont déjà appliqués, grâce à la nouvelle Constitution fédérale, des lois cantonales récentes et de nouvelles règles de vie largement admises. Forum regrette toutefois l'absence d'un PACS. Mais il y a quand même ici ou là quelques innovations, un droit de grève reconnu licite pour toutes les catégories de travailleurs et travailleuses, par exemple. Nouveauté encore, mais peu controversée celle-là, nous saluons l'extension des droits démocratiques que représente l'inscription du droit d'initiative en matière communale. Quant à la nouvelle procédure budgétaire proposée, soyons clairs, c'est une concession difficile que nous avons faite à la droite. Pour nous, ce devrait être de la responsabilité du politique que de maintenir le petit équilibre et à celle des électeurs que de choisir des représentants et représentantes qui soient capables de défendre leurs choix et de les faire accepter sans que des artifices de procédure les y obligent. Nous pouvons toutefois l'accepter, car elle ne concernera vraiment que les cas très rares où les recettes ne couvriront pas les charges courantes de État Ainsi, en période de récession, il sera toujours possible au Canton de s'endetter pour investir afin d'assurer du travail à la population. Forum est satisfait encore des nouvelles dispositions concernant les regroupements de communes par fusion, fédération ou agglomération, la redéfinition des districts et des arrondissements électoraux, mais regrette à l'heure de l'Europe et d'une Suisse des régions les nombreuses tentatives d'étendre le pouvoir des communes. En effet, pour assurer le contrôle de la coordination de nombreuses tâches publiques et garantir à toute notre population - celle des villes, mais celle des campagnes aussi et celle des montagnes — des prestations de qualité, il faut améliorer la coordination et la collaboration entre État et communes, et non pas créer des chasses gardées. Alors, enthousiastes, les membres du Forum? Non. Mais cette Constitution ne comprend pour nous rien d'inacceptable. Elle a des lacunes, c'est vrai, et a perdu beaucoup du souffle de l'idéalisme qui a marqué ses premiers travaux. Mais la nouvelle Charte fondamentale que nous devons aujourd'hui juger est le fruit d'un débat parfaitement démocratique et le reflet probable de la société vaudoise de ce début du 21e siècle. Nous avons des regrets, bien sûr, et certains sont violents, mais pour faire progresser nos idées, nous avons d'autres moyens qu'un refus, et nous les utiliserons demain comme nous l'avons fait hier, par voie d'initiative s'il le faut, et en confiant aussi à nos députés et députées le soin d'adapter les textes législatifs en défendant nos idéaux. La grande majorité, sinon l'unanimité du groupe Forum, acceptera donc le texte issu de cette troisième lecture et vous demande de le faire aussi. Elle se mobilisera en outre pour l'expliquer à la population et le faire adopter par elle cet automne. Mais cette étape passée, pour obtenir enfin la gratuité de la formation initiale, les changements institutionnels plus convaincants ou les droits politiques des étrangers au plan cantonal, le combat reprendra. Pour nous, cette nouvelle Constitution n'est pas un aboutissement, elle est une mesure du chemin parcouru, important il est vrai, et le moyen de mesurer celui à suivre encore et à tracer souvent pour que notre Canton réponde toujours d'avantage à nos idéaux d'équité et de solidarité. Merci de votre attention. [applaudissements].

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F Au nom du groupe Libéral, Jacques HALDY

Lorsque nous avons été élus en 1999, nous rêvions tous d'une Constitution idéale, faite à notre image, avec des innovations qui nous tiennent à cœur et des traditions que nous voulions maintenir. Pour la plupart d'entre nous, après ces trois ans de travaux, nos yeux se sont dessillés. Au fur et à mesure des lectures successives, le chaud et le froid ont alterné d'un bord à l'autre de l'hémicycle, et aujourd'hui, nous avons à nous prononcer sur le résultat. Que sont devenus nos rêves, nos espoirs, le souffle nouveau que nous avons évoqué? La montagne a-t-elle accouché d'une souris ou plutôt d'un gros mulot? Et bien non, il s'agit plutôt d'un dahu vaudois, un peu pataud, un peu bancal, mais nous devons l'admettre, comme l'a fait d'ailleurs ma préopinante, même si le constat n'est pas enthousiasmant, il s'agit bien du juste reflet de notre temps et de notre pays. Pour les Libéraux, le constat a un certain goût d'amertume. Nous qui rêvons d'un État libéral, il faut le constater, ce projet de Constitution relève plus d'un État providence. Le citoyen est pris par la main sous la tutelle de État omniprésent. Mais c'est là un élément important qui doit contrebalancer cette affirmation, si cet État paraît omniprésent, il n'est pas omnipotent. Outre que les grandes libertés ont été réaffirmées, la Constitution que nous devons aujourd'hui adopter prévoit des cautèles importantes et efficaces pour éviter le jacobinisme.

En premier lieu, le plus important contre-pouvoir, ce sont les communes, et ces communes ressortent véritablement renforcées dans notre Constitution grâce à la liste des domaines d'autonomie, grâce à la limitation du contrôle de État à la légalité. Grâce aux regroupements encouragés et aux collaborations renforcées, les communes vaudoises ont tous les atouts pour jouer pleinement leur rôle d'autorité de proximité, cellule de base de notre vie institutionnelle.

En second lieu, et même si, pour certains d'entre nous, nous nous sommes arrêtés au milieu du gué, les modifications institutionnelles relatives à État doivent rendre le fonctionnement de celui-ci plus efficace dans un cadre mieux défini. Je pense naturellement à la présidence du Conseil État, à un Grand Conseil légèrement réduit et à une nouvelle autorité judiciaire supérieure, moderne, nous permettant de faire examiner au niveau cantonal, et pas tout de suite au Tribunal fédéral, la constitutionnalité de nos textes. A cela il faut encore ajouter des services de proximité regroupés au niveau du district, un statut reconnu des Églises, et — ce qui est peut-être moins affriolant, mais combien nécessaire dans notre conjoncture actuelle — un frein à l'endettement et une Cour des comptes.

C'est sur la base de ce constat que tout bien pesé, la bonne majorité du groupe Libéral — la nette majorité, je ne veux pas qualifier cette majorité — va dire aujourd'hui et le 22 septembre OUI. Pour bien des Libéraux, ce n'est pas un OUI franc et massif, mais plutôt un «ouais» à la vaudoise, dicté au fond par la conviction qu'il n'est pas possible, compte tenu de l'équilibre actuel, de faire mieux. Pour certains d'entre nous, ce «ouais» est encore trop demander, et d'aucuns vont s'abstenir ou voter NON en raison de dispositions particulières, par exemple le droit de vote pour les étrangers, ou en raison d'une déception générale, forcée par ce constat que notre espoir est déçu, que notre soif d'absolu n'est pas étanchée par ce projet. Il n'est en effet ni resserré ni très novateur et il déçoit par là. Mais il faut savoir faire preuve de pragmatisme, et c'est là l'opinion de la majorité de notre groupe; pas seulement de pragmatisme, mais aussi de confiance, confiance que nous avons élaboré un texte certes imparfait, bien vaudois par ses compromis, mais qui peut représenter un nouveau fondement, un nouvel espoir pour notre Canton. Le train passe, il faut le prendre et ne pas rester à quai. Du temps des regrets il faut passer à celui des espoirs, à celui de la confiance dans la volonté de notre peuple d'évoluer, et je vous recommande ainsi de voter OUI à ce projet [applaudissements].

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F Au nom du groupe Renouveau Centre, Pascal DESSAUGES

Au fur et à mesure de l'avance de nos travaux, je me suis souvent demandé qui parmi nous s'était imaginé ce qu'était concrètement le travail d'un constituant lorsque nos partis ou groupements respectifs nous avaient approchés à l'occasion de la campagne pour la Constituante. Je sais que je ne suis pas le seul à avoir été surpris, mais il faut quand même relever que ce travail fut passionnant, et que la planification qui avait été prévue nous a permis de travailler à chaque fois en étudiant un problème avec un grand angle de vue comme point de départ, pour ensuite laisser mûrir, réfléchir, parler entre nous et à l'extérieur, écouter les commentaires que cela occasionnait, pour arriver au final à un article rédigé. Pour le groupe Renouveau Centre UDC, le travail en commission thématique et la première lecture ont permis à notre Assemblée d'explorer le plus grand nombre de pistes. Il n'y a qu'à reprendre l'avant-projet mis en consultation pour s'en convaincre. Beaucoup avaient soutenu des idées pour alimenter le débat tout en sachant qu'il conviendrait par la suite d'y revenir. Avant-projet dont le contenu, soit dit en passant, ne convenait absolument pas à la majorité de notre groupe. En deuxième lecture, nous avons effectué un bon nombre de corrections que nous estimions nécessaires pour recentrer ce projet et, de ce fait, le rendre acceptable et le plus proche possible de nos convictions et de nos idées politiques. Si la troisième lecture nous a permis dans la plupart des cas de confirmer la deuxième, elle nous a permis de rechercher, et surtout de trouver un certain équilibre sur quelques articles qui posaient de réels problèmes à une partie de notre hémicycle, notamment les articles sur les garanties pénales et ceux que l'on retrouve sous le titre «Régime des finances». Aujourd'hui nous voilà arrivés au but, trois ans et trois mois après notre élection, quasiment dans le délai qui nous avait été fixé. «Déjà!» diront certains. «Enfin!» diront les autres. Au moment de prendre position sur ce projet, il est rapidement apparu aux membres de notre groupe que, pour chacune et chacun, il y avait un ou peut-être même plusieurs articles, s'ils étaient pris individuellement, qui pourraient ne pas leur convenir, comme par exemple la volonté de notre Assemblée de ne pas mentionner Dieu dans le préambule, l'introduction de droits politiques sur le plan communal aux personnes étrangères, l'article instituant un organe de prospective qui paraît aussi flou que le seront les missions de cet organisme prospectif. C'est à se demander si certains des membres de notre Assemblée n'ont pas souhaité se prévoir une activité pour leur retraite. Quelques constituants de mon groupe ont encore fait référence à quelques articles, notamment l'article sur les fédérations de communes, considérées par quelques-uns comme trop rigides pour un très grand nombre des communes de notre Canton. La suppression de la notion de paroisse dans les articles traitant des Églises et communautés religieuses, ou encore la reconnaissance de la communauté israélite comme institution d'intérêt public alors que les autres communautés qui le demanderaient devront se soumettre à certaines conditions cadres définies dans une loi. Les membres de notre groupe que ces articles dérangeaient devaient-ils prendre une position définitivement négative sur l'ensemble de notre projet? C'est un fait, croire que l'on pourrait donner naissance à un projet de nouvelle Constitution pour notre Canton dont 100% des articles puissent convenir aux 180 membres de notre Assemblée, c'était tout simplement une utopie. A l'évidence, il convenait pour nous d'avoir une vue d'ensemble et de prendre en considération dans la balance les articles pour lesquels notre groupe s'était déterminé très favorablement, comme par exemple l'article traitant de la responsabilité individuelle, point de départ de tout rapport humain. L'article intitulé «Sécurité et police», qui précise que ce sont État et les communes qui assurent l'ordre public. L'introduction d'un article traitant spécifiquement de l'agriculture et de la sylviculture, pour lesquelles État se voit assigné certaines tâches. L'article qui traite du mode d'élection et des arrondissements électoraux, qui maintient l'existant, à savoir que les districts continueront à constituer des arrondissements électoraux. Les articles traitant du Grand Conseil, qui, bien qu'en diminuant le nombre de députés, garantissent le maintien d'un parlement non professionnel. Les articles traitant du Conseil État, qui fixent le nombre de conseillers à sept, et qui introduisent un président ou une présidente élu(e) par ses pairs pour la durée de la législature. Les articles sur les communes qui garantissent et précisent le principe d'autonomie communale auquel nous sommes très attachés, et qui précise encore qu'en cas de fusion, les corps électoraux de chacune d'elles devraient donner leur accord. Les articles sur les districts, qui précisent que le Canton est divisé en districts sans en fixer le nombre, cette responsabilité étant laissée au Conseil État et au Grand Conseil dans les dix ans à venir. Ce même groupe d'articles prévoit que les activités des préfets seront définies dans une loi, l'Assemblée ayant sagement renoncé à être trop restrictive sur cette question. Les articles traitant du régime des finances qui introduisent, entre autres, la notion de procédure budgétaire et d'assainissement financier, ou encore le maintien de la relation ÉGLISE-ÉTAT. Nous considérons que nos travaux nous ont permis d'actualiser un certain nombre de dispositions contenues dans la Constitution actuelle, qui avaient été modifiées au fil des ans par différents votes du corps électoral cantonal, et qui rendaient la lecture de celle-ci particulièrement ardue. Certaines nouveautés ont été introduites, dont la plus importante s'avère être le titre «Droits fondamentaux», que l'on ne retrouve pas dans la Constitution actuelle. Enfin, les tâches de État, qui sont en relation directe avec ces droits fondamentaux, nous paraissent beaucoup mieux définies. Au terme de notre réflexion, et en tenant compte de l'ensemble des remarques énumérées précédemment, les membres du groupe Renouveau Centre UDC considèrent que le texte final qui nous est soumis ce matin fait preuve d'un certain équilibre et qu'il peut être accepté comme tel. Nous avons donc décidé de soutenir ce projet de nouvelle Constitution pour notre Canton. Il s'agit à nos yeux de porter ce projet jusqu'à la votation populaire du mois de septembre pour que les habitantes et les habitants de notre Canton puissent obtenir la meilleure information et les réponses les plus claires aux questions qu'ils pourront se poser sur ce projet et son contenu. Merci de votre attention [applaudissements].

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F Au nom du groupe des Verts, Roland OSTERMANN

Tout a été dit, il ne nous reste plus qu'à boucher les trous! En préambule, les Verts adressent leurs remerciements au secrétariat. Son travail n'a pas été facile, tout était à créer, tout a été créé et il nous a facilité la tâche dans toute la mesure des moyens mis à sa disposition. Nous avons particulièrement admiré la dextérité avec laquelle nos propositions apparaissaient à l'écran. Si cela nous a valu de vivre parfois dans l'obscurité, physique s'entend, cela nous a permis de suivre au mieux les enjeux [applaudissements]. Nous aurions parfois aimé avoir le temps de lire plus longuement l'écran, mais la présidence se fit souvent pressante. Ernest Renan a dit que «non seulement tout homme a des droits, mais tout être a des droits», peut-être l'avons-nous parfois oublié. Un Vert va tout de même s'arroger un droit, celui de s'adresser à l'Olympe qui nous a présidés: Ô dieux qui nous avez gouvernés, vous avez été obnubilés par le temps. Si votre souhait légitime était que nous finissions dans un délai raisonnable, il nous eût été agréable que vous vous avisiez, de temps à autre, que notre devoir à nous était de mettre en place une Constitution de qualité, tant pour ce qui touche au fond qu'à la forme. Les débats ont pâti de la manière dont ils ont dû être préparés, à la va-vite et souvent dans l'incertitude. La suppression d'un vrai premier débat a probablement plus allongé que raccourci les délibérations. Beaucoup d'énergie administrative a été consacrée à la procédure de consultation [ajout de l'auteur (problèmes de micro): mais le bénéfice politique en a été nul. Là encore, l'analyse de ses résultats quia urait pu, par exemple, être confiée aux commissions thématiques, a été décrétée inopportune.] Certains dans cette Assemblée ont alors lâché la rampe, fait don de leur volonté propre à leur groupe, abandonné par allégeance à leur parti les visions généreuses qui avaient été les leurs dans les commissions thématiques, et exhalé le dernier souffle qui les animait et qui devait, semble-t-il, porter toute la Constitution. Cela explique l'enfer qu'a été la deuxième lecture pour certains d'entre nous. Il fallait beaucoup de courage civique, au sortir de cette épreuve, pour briguer le droit d'affronter les mêmes blocages au sein du Grand Conseil, et j'admire ceux qui l'ont eu. La mise au point des commentaires a été entourée d'un nuage de fumée et, à nouveau, nous avons été pris dans le tourbillon d'une précipitation qui n'a pas facilité la tâche de la commission de rédaction à laquelle il faut rendre hommage, non plus qu'à celle du groupe fantôme qui a préparé le commentaire. Ces derniers jours ont été, disons-le sobrement, assez chargés pour nous aussi. Certes dans leurs décisions les dieux de l'Olympe se sont appuyés sur les demi-dieux du comité. Si ces derniers n'ont pas réagi, c'est certainement que les feux de l'Olympe sont trop brillants. Peut-être vous direz-vous, ô Dieux, que vous avez eu raison puisque, aujourd'hui, nous terminons nos travaux. Permettez qu'un simple mortel tempère quelque peu votre propos. Vous n'avez pas eu raison, vous avez eu raison de nous [rires] [applaudissements]. «Protester est inutile, mais indispensable» disait Cocteau. Voilà qui est fait. Venons-en au fond. D'aucuns sont venus siéger dans cette Constituante en sachant qu'ils refuseraient la Constitution qui en sortirait, mais sans savoir encore pourquoi. Ce n'est pas le cas des Verts qui se sont engagés avec enthousiasme dans l'accomplissement de leur tâche. Ils ont parfois été douchés, mais le résultat final mérite, aux yeux de presque tous, d'être approuvé. Certes, nombre de hardiesses du faux premier débat ont singulièrement rétréci depuis, les visions d'avenir manquent parfois passablement de relief, les défis de demain sont minimisés. Mais nous constatons de réelles avancées dans la perspective du développement durable, de la préservation des bases de la vie et du patrimoine. Nous recensons des avancées sociales, politiques, civiques et institutionnelles. Pour ma part, j'ai compté 52 articles qui apportent des innovations que je juge positives ou qui donnent une assise constitutionnelle à des droits reconnus ou à des réalisations actuelles. Nous aurions pu être plus explicites parfois, à défaut d'être généreux, et trop souvent nous avons décidé de justifier des lacunes par la confiance à faire au législateur. Or nous n'avons pas été élus pour faire confiance. Une Constitution est fondamentalement un acte de défiance, sinon elle n'aurait pas lieu d'être. C'est pour conjurer la dérive éventuelle de État, du législateur, de l'ordre judiciaire, des milieux économiques, religieux, voire écologistes, qu'il faut d'abord une Constitution. Ce n'est pas qu'un acte de défiance, certes, mais c'en est aussi un, essentiellement. Défiance envers le faire et le non-faire, il faut nous en souvenir. Ceux qui croient aujourd'hui être à l'abri des dérives possibles doivent regarder autour d'eux. Espérons que notre Constitution est un rempart social, écologique et institutionnel suffisant. [Passage non lu: voir à la fin du bulletin] Au moment de voter, nous ne devons pas comparer cette Constitution à celle de nos rêves, nous ne devons pas la mesurer à la seule aune de nos frustrations, nous devons la comparer à celle de 1885, valeureuse mais dépassée. Ce vote n'est pas non plus un règlement de comptes, c'est l'acte par lequel nous contribuons à doter notre Canton d'un document guidant notre société. C'est pour cela que la majorité des Verts votera cette Constitution qui marque un progrès et qui englobe des préoccupations d'avenir. Je répète à celles et à ceux qui ne sont pas encore enclins à l'accepter qu'une Constitution n'est pas un programme politique, c'est un règlement de maison qui doit pouvoir être accepté, invoqué et respecté par tous. Pour conclure, Madame la présidente, je me demande si vous ne devriez pas formuler la question de la façon tordue qui nous a parfois charmés: en nous demandant si nous acceptons de refuser cette Constitution [rires], vous permettriez à ceux qui votent toujours NON de l'accepter [rires] sans se renier ni renoncer à leurs habitudes. Or l'accepter, c'est offrir à nos concitoyens et à notre Canton un beau et utile cadeau [applaudissements].

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F Au nom du groupe Agora, Josef ZISYADIS

Je vois que l'heure est au consensus, aux congratulations réciproques, à l'enthousiasme, même. Rien d'illégitime à cela si l'on songe que nous mettons un terme à un processus qui s'est amorcé il y a plusieurs années avec l'élection de cette Assemblée constituante, élection qui fut d'ailleurs elle-même le résultat d'une démarche initiée bien avant, je vous rappelle, en 1996, et qui pouvait être porteuse d'un certain espoir politique. Le sentiment dominant dans notre groupe, c'est plutôt la déception. Certes nous ne nourrissions guère d'espoirs au vu de la composition politique de cette Assemblée. Je rappelle qu'elle est tout de même plus conservatrice, non seulement que l'actuel Grand Conseil élu en 2002, mais aussi plus conservatrice que celui de 1998. Nos réserves initiales se sont vite confirmées tout au long des délibérations, dont le fil conducteur a été incontestablement de réduire et même anéantir, là où c'était possible, quelques-unes des ouvertes un tant soit peu progressistes qui s'étaient fait jour dans les différentes commissions thématiques. Au final, le projet constitutionnel est un texte sans saveur, sans goût, sans odeur, un texte dit consensuel mais marqué de si peu de compromis qu'il ne pourra satisfaire en définitive que ceux qui ne se sont engagés dans ce processus que pour défendre le statu quo avec le dernier des acharnements [brouhaha]. Dans ce domaine comme beaucoup d'autres, il faut évaluer le résultat par rapport aux intentions initiales. Quelles étaient les intentions initiales? Les uns souhaitaient moderniser État, notion bien commune que l'on utilise à toutes les sauces dans la nouvelle langue de bois administrative. Certes État doit être réformé, et des réformes sectorielles sont entreprises ici ou là, comme dans le domaine par exemple du statut de la fonction publique, où la prochaine et dernière révision de l'actuelle Constitution cantonale fera œuvre modernisatrice en précarisant encore plus le personnel des administrations publiques dans l'attente d'un nouveau statut dont l'archaïsme tient lieu de modernité. Sur ce point notre Assemblée est restée silencieuse. Par-delà les formules creuses sur la modernisation de État, il faut bien reconnaître que la révision totale de la Constitution cantonale pouvait être porteuse d'un certain espoir politique, d'une volonté aussi de refonder les bases politiques et institutionnelles du Canton, de notre communauté politique. Il s'agissait ni plus ni moins d'ouvrir un vaste chantier démocratique, de repenser les bases de notre État et surtout la place des citoyennes et des citoyens de ce Canton par rapport à lui. Tel était l'enjeu de la révision et auquel s'est rallié d'ailleurs l'ensemble de la classe politique vaudoise, mais il faut croire que ce ralliement — laborieux à ses débuts, faut-il le rappeler — n'avait que peu de signification. Pour beaucoup d'entre nous, il s'agissait d'élaborer une Constitution qui ait du souffle, selon une formule qui a du reste conduit à la création d'un groupe au sein de cette Assemblée. Assurément ce groupe n'a guère trouvé d'écho auprès de la majorité de l'Assemblée constituante, et peut-être même auprès de ses membres qui, dans les faits, se rallient aujourd'hui à un texte qui singulièrement manque de souffle. Nous espérions sortir des sentiers battus. Or pour l'essentiel cette intention n'a trouvé un début de concrétisation que dans la procédure retenue pour l'élaboration du projet de Constitution. Notre Assemblée constituante a souhaité reprendre la réflexion à zéro, elle a délibérément écarté les travaux préparatoires et les deux avant-projets disponibles. En partant de rien, certains espéraient refaire intégralement le débat constitutionnel dans ses moindres détails. Nous sommes partis de rien, en effet, et nous arrivons, à notre avis, à un résultat creux, malgré les laborieuses réflexions menées lors de nos innombrables séances de brainstorming au sein des commissions thématiques. En partant sur de telles bases, nous nous sommes engagés très tôt dans une première lecture, menée à revers du bon sens et de la logique, pour enchaîner ensuite au pas de charge les deux lectures suivantes, non sans avoir auparavant lancé une consultation dont cette Assemblée est — hélas! à notre sens — devenue l'otage. Je pense ici notamment à la Bible, prise de position logiquement conservatrice du Centre patronal vaudois, qui a donné tout le souffle nécessaire à ceux qui dans cette Assemblée s'effrayaient de tant d'audace en considérant les quelques propositions progressistes subsistant encore après notre première lecture. Certes on ne refait pas l'histoire et nous ne voulons pas revenir plus longuement sur ces questions de procédure. Ainsi que le déclarait le penseur grec Hétéroclite [rires], jugeons plutôt l'arbre à ses fruits! En réalité, le projet que nous nous apprêtons à adopter n'innove que marginalement. Sur le plan formel, il ne ressemble guère à l'actuelle Constitution, mais qu'en est-il sur le fond? Il n'y a pas grand-chose, à notre avis, à signaler. On pourra évoquer l'octroi des droits politiques aux étrangers sur le plan communal. Ce n'est pas négligeable, il est vrai, mais le groupe Agora était partisan de plus de cohérence dans l'égalité des droits et il est intervenu pour que soit confirmé le vote de première lecture accordant les droits politiques aux personnes étrangères sur le plan cantonal également. Comment aujourd'hui se rallier à une citoyenneté rabougrie si l'on compte qu'un double délai — 10 ans en Suisse et 3 ans dans le Canton — conditionne l'accès des personnes étrangères au corps électoral communal? Cette restriction est importante et traduit bien l'étroitesse d'esprit qui caractérise la majorité de cette Assemblée envers les étrangers et la question de leur intégration. Certains nous diront que le projet prévoit l'introduction d'une assurance maternité cantonale. Nous constatons de notre côté qu'il n'était pas besoin de la prévoir dans notre Charte fondamentale, dès lors que cette idée était acquise au Grand Conseil et que le Conseil État s'était engagé à présenter un projet dans les plus brefs délais. Au bout du compte, il faut même constater que l'Assemblée constituante a joué un rôle de frein en la matière: adoptée grâce à la voix prépondérante de la présidente de séance en première lecture, notre Assemblée est revenue en arrière en seconde lecture pour changer à nouveau d'avis en troisième. Résultat: le Conseil État a stoppé ses travaux et l'introduction de cette assurance maternité attendue depuis bientôt cinquante ans est, une fois encore, retardée. Sur le plan des droits fondamentaux, nous étions partisans d'aller au-delà de ce que prévoit la Constitution fédérale, notamment en matière de droits sociaux et de droit de grève, également dans le domaine du droit à la gratuité des formations initiales, de même pour l'égalité de représentation des hommes et des femmes. Là encore, ces propositions de progrès n'ont pas obtenu les majorités au sein de l'Assemblée, qui s'est contentée de recopier servilement la Constitution fédérale, trompant en définitive nos concitoyens sur la portée propre de ce catalogue cantonal de droits fondamentaux. Dans le domaine des droits politiques, il nous faut aussi constater que notre projet ne change rien, ou presque. Certes, les législatures ont été allongées d'un an et le nombre de députés réduit d'une trentaine - pour le reste, c'est le néant, alors même que dans ce domaine le canton bénéficie d'une véritable autonomie. Rien en ce qui concerne l'extension des droits politiques à des instruments nouveaux comme la révocation des autorités, pourtant nécessaire, afin de compenser l'allongement des législatures et le fameux programme de législature. Ou bien par exemple la motion populaire, qui a été repoussée sous le prétexte fallacieux d'une surcharge du Grand Conseil. Autant de domaines, à notre avis, qui intéressent les citoyens plus que l'organisation des autorités et l'élection par le Conseil État lui-même de son président pour la durée de la législature. Dans le domaine de l'organisation territoriale, le projet ne touche à rien d'essentiel, au contraire il renforce la sacro-sainte autonomie communale et repousse aux calendes grecques toute réflexion sérieuse sur le nombre de communes. Il maintient un statu quo que pourtant l'on a longuement critiqué en ce qui concerne le découpage des districts. Dans le domaine de l'ordre judiciaire, notre Assemblée a décidé que le Tribunal cantonal et le Tribunal administratif fusionneraient. Là encore, il s'agit d'une mesure peut-être nécessaire mais qui n'intéressera que les spécialistes. Dans la foulée, il a été décidé de mettre en place une juridiction constitutionnelle, notion savante, ignorée du grand public et qui aura pour effet de déplacer le débat politique de son arène traditionnelle, le parlement, voire le gouvernement, et ceci vers le prétoire. Ou, pour le dire autrement, cette mesure - prise, nous dit-on, pour laver notre linge sale en famille — sera inutile puisque le recours au tribunal restera de toute façon possible, et elle renforcera le pouvoir des juges sur le processus politique, comme le montre d'ailleurs la situation en France avec le Conseil constitutionnel. Enfin, cerise sur le gâteau, cette Assemblée constituante a cru bon de revenir sur la question d'un frein à l'endettement, pourtant clairement refusé par le peuple vaudois à une très large majorité. Certains, soucieux avant tout de passer tous les compromis possibles avec la droite, estiment que le mécanisme prévu ne fera pas de tort et qu'il sera inefficace et peu appliqué. Tel n'est pas l'avis, Mesdames et Messieurs, de la droite de cette Assemblée qui a déployé tant d'énergie pour inscrire cet article dans notre projet de Constitution et pour passer en force avec un concept dont ne veut pas le peuple et le Canton. Assurément, la question des finances publiques est trop importante pour qu'elle soit gérée selon les aléas de scrutin permettant toutes sortes de combines démagogiques. Au final donc, le groupe Agora ne pourra soutenir un texte qui reconduit sur l'essentiel le statu quo. Notre vote négatif est un vote de témoignage et de sanction du travail accompli. Témoignage à l'égard de la population défavorisée de ce Canton, pour tout dire que cette Assemblée a tout fait pour tuer dans l'œuf toutes les améliorations sociales attendues [brouhaha]. Sanction ensuite à l'égard d'un travail effectué pendant trois ans — et je ne veux pas parler de finances, même si ce n'est pas négligeable, quatre millions dépensés pour le statu quo, cela ne reste quand même que le quart de la dépense de la journée d'ouverture d'Expo 02 -, je veux parler de sanction parce que notre groupe a toujours été minorisé et qu'il n'est jamais bon, au terme d'un débat aussi important que celui du débat constitutionnel, de se rallier à un texte du moindre mal. Cela fait partie de notre cohérence et de notre liberté de courant d'opposition à ce système politique. Permettez-nous de vous le faire partager même si vous n'êtes pas d'accord. Il reste que cette position de ce jour n'engage en rien les sensibilités et formations politiques qui composent notre groupe et qui prendront position ultérieurement. Il y a un proverbe chinois qui dit: quand on leur montre la lune du doigt, certains humains regardent le doigt. Nous sommes enclins à penser que la majorité de cette Assemblée fait partie de cette catégorie humaine. C'est d'ailleurs pour cela sans doute que cette noble Assemblée a senti la nécessité de doter le Canton d'un organe de prospective. Mais comme nous ne sommes pas rancuniers, nous souhaitons tout de même bonne route à ce nouveau-né, qui à notre avis porte déjà quelques stigmates de l'EMS [rires].

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F Au nom du groupe Vie Associative, Laurence MARTIN

A ce moment crucial de notre travail qui va mettre un point final à trois ans de partenariat intensif, les pensées et les impressions se bousculent, ceci d'autant plus pour le groupe Vie associative qui, n'étant pas un parti politique, a vécu à la Constituante une expérience tout à fait hors du commun et passionnante (hors de tous dieux de l'Olympe ou personnes ridicules, débiles et prêtes à aller à l'EMS). Lorsque le Forum des associations, en 1998, répondit à la consultation sur le projet jaune de Constitution, ce fut, pour plusieurs associations d'utilité sociale travaillant pour l'intérêt général, une première occasion de découvrir que la Charte fondamentale d'un canton pouvait avoir quelque chose à faire avec les associations et leurs activités. Quelque chose ou plutôt pas grand-chose, car je me souviens qu'à l'époque nous avions été frappés de la rareté, voire de l'absence totale de certains mots, de certains domaines qui nous tiennent à cœur et que nous avons voulu promouvoir ici, au sein de la Constituante. Ces mots sont là, dans des articles qui nous font chaud au cœur: un article sur la vie associative et sur le bénévolat, une assurance maternité — on l'attend depuis cinquante ans, mais bon, là je crois qu'on n'est plus à quelques mois près -, un article sur les consommateurs, plusieurs allusions intéressantes à l'égalité des hommes et des femmes, un article certes insuffisant sur les droits politiques des étrangers, mais quand même un progrès considérable, beaucoup de choses pour les familles — déjà ce terme «des familles» -, et puis l'accueil de la petite enfance, le congé parental, les parents qui sont aidés dans leur tâche éducative par l'école, etc. etc. Et puis aussi, tout cela dans un esprit ouvert, y compris l'ouverture à d'autres formes de vie en commun que les familles traditionnelles. La formation, les allusions aux personnes handicapées et à leur famille, les progrès notables dans le social et dans l'intégration sociale, les articles sur la jeunesse, sur l'aide humanitaire, sur l'avenir et le développement, etc. Nous n'allons pas refaire ici l'énumération exhaustive des articles que les propositions de nos associations ont contribué à faire naître, ils sont nombreux et malgré quelques déceptions au nombre desquelles on compte notamment — je viens de le dire — les droits politiques des étrangers au niveau communal seulement, le refus d'un droit de recours pour les associations et une proposition assez minimaliste pour les allocations familiales, le temps travaille pour nous. Nous avons l'habitude de prêcher dans le désert, l'heure finit par venir où une masse critique suffisante est sensibilisée aux nouveaux besoins de la population. Aussi, malgré ces quelques déceptions, la satisfaction du travail accompli l'emporte clairement et Vie associative est globalement satisfaite du projet tel qu'il se présente aujourd'hui. Elle va l'accepter et le défendre devant les associations. Mais plutôt que de passer en revue nos satisfactions, il nous semble plus utile de revenir sur quelques aspects spécifiques au groupe Vie associative à la Constituante, d'autant plus que ce mouvement va, d'une certaine manière, retomber comme la Belle au bois dormant dans une mort apparente au lendemain de la votation populaire du 22 septembre. Mais qu'on ne s'y trompe pas cependant, si Vie associative se dissout en même temps que l'Assemblée constituante, l'énergie associative qui a fait émerger ce mouvement, elle, ne se dissoudra pas de sitôt et des mouvements similaires émergeront à nouveau quand les occasions se présenteront. Les associations sont déjà en train de travailler à une Charte qui améliore leur fonctionnement et leur autocritique, leur auto-évaluation ainsi qu'à un suivi des travaux de la Constituante et des articles sur lesquels elles ont travaillé. Pour en revenir aux impressions fortes qui marquent le bilan de ces trois ans de travail des associatifs aux côtés des politiques, nous voulons évoquer trois choses. Première chose: la surprise d'être bien accueillis par la classe politique. L'accueil qui nous a été réservé à la Constituante a été chaleureux, respectueux, malgré notre singularité. Vous nous avez associés pratiquement à toutes les commissions, à tous les lieux significatifs de réflexion. Nous ne nous attendions pas, à vrai dire, à une telle ouverture, donc nous vous disons très sincèrement merci. Deuxième point: le succès de Vie associative est un succès qui devrait interpeller les politiques, notamment ceux qui se sentent minorisés. Parallèlement à cela, il est intéressant de souligner le fait que Vie associative ait eu au départ quatre élus, ce qui était déjà en soi un succès que nous avons jugé incroyable. Ensuite ce petit groupe de quatre est parvenu à polariser des élus soit isolés, soit farouchement indépendants, soit mal à l'aise dans leur parti d'origine, au point d'atteindre le nombre de neuf durant la première lecture et ce jusqu'à la fin de nos travaux. Notre neutralité affichée explique peut-être cette croissance de 125%, mais ce qui l'explique aussi, c'est le plaisir. Et c'est là le troisième point à retenir: le plaisir de travailler ensemble, le climat de la vie associative, ensemble, sans rivalité. Dans un climat de légèreté naturelle et cultivée, ce plaisir doit sans doute beaucoup à notre ancrage fort et durable dans ce qu'on appelle le terrain, où les évidences se voient davantage qu'elles ne se discutent. Il doit sans doute aussi beaucoup à la composition majoritairement féminine de ce groupe, ne craignons pas de le dire, car il faut que la proportion de femmes augmente significativement dans les milieux politiques. Autre plaisir demeuré intact du début à la fin, à l'exception de quelques moments pénibles de crispation partisane dans l'Assemblée: celui de retrouver régulièrement de nombreuses personnalités ouvertes, chaleureuses, engagées, que nous avons été heureuses de connaître et avec lesquelles nous espérons garder le contact. Mesdames et Messieurs, chers collègues, lorsque le groupe Vie associative à la Constituante n'existera plus, ses anciens membres resteront riches de tout ce qu'ils ont découvert parmi vous. Certains sont entrés ou entreront en politique. Nous aimerions que dans vos partis politiques et particulièrement pour ceux d'entre vous qui continuerez la tâche au Grand Conseil, vous vous souveniez que les milieux associatifs d'utilité sociale ont beaucoup à apporter au monde politique. Par nos permanences, que ce soit pour les familles, les consommateurs, les jeunes, les locataires et autres, par les téléphones et les courriers que nous recevons de la part de tous les habitants de ce Canton, votants ou non-votants, nous sommes en lien constant avec la réalité des gens. La population d'ailleurs confond souvent nos permanences avec des services publics! Cette proximité nous permet de voir émerger les besoins nouveaux dans nos sociétés et nous espérons que vous vous en souviendrez. En attendant septembre, il nous semble que cette population a beaucoup à gagner de l'acceptation de notre Constitution et qu'il serait extrêmement désolant que, parce qu'on refuse un article, on refuse l'ensemble. Donc Vie associative s'engagera pour la promotion de cette Constitution dans nos milieux et dans la population en général, et elle a été frappée par ce chiffre de 180: 180 constituants, 180 articles, et nous avons envie de dire «180 raisons de dire OUI à la Constitution» [applaudissements].

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F Au nom du groupe A propos, Jean ATHANASIADES

Un petit groupe tel que le nôtre ne pouvait s'attendre à ce que l'on partageât toutes ses vues sur les sujets qui lui tiennent à cœur. En particulier, trois d'entre eux n'ont pas, à notre avis, reçu une réponse appropriée. Nous pensons, par exemple, qu'il est regrettable que l'aide aux écoles privées ait été refusée, faisant de notre pays l'un des moins généreux du monde. Il ne s'agissait pas, nous le rappelons, d'un bon scolaire, mais de reconnaître la réalité: d'une part, certains parents et enfants n'approuvent pas notre projet pédagogique; d'autre part, notre système est trop contraignant pour les élèves qui ont accumulé les lacunes. Les aider à un moment de leur existence nous semble même un bon investissement. Le redressement de nos finances cantonales reste pour nous une priorité et l'accord consensuel trouvé ne nous satisfait pas. Nous sommes persuadés qu'il nous faut éponger nos dettes, par des impôts nouveaux ou des économies, c'est au peuple d'en décider. Imaginez que les taux d'intérêts reprennent l'ascenseur, ce ne seront plus 300 millions, mais 500 à 600 millions que nous coûtera cette dette. On craint, à gauche, un démantèlement des acquis sociaux. Cette somme ne serait-elle pas plus utile pour améliorer notre système social? Enfin, notre plus grande déception, c'est la timidité de nos collègues, surtout de droite, à envisager la fusion des communes. Nous avons clairement défini les compétences de celles-ci; si elles ne peuvent les assumer, quoi de plus normal que de fusionner pour atteindre ce but? Les fédérations de communes, nous ne pouvons les admettre que comme une étape vers la fusion. Quant aux associations, c'est pour nous une perversion de la démocratie. Je vous donne un exemple: Lutry, ma commune, bientôt 9'000 habitants, est liée par 53 conventions intercommunales. Résultat: depuis deux ans, le Conseil communal ne se réunit plus que quatre fois par an, pour voter le budget, approuver les comptes, naturaliser quelques étrangers et poser quelques tuyaux. Malgré ces regrets, notre groupe approuvera et tâchera de faire approuver le projet de nouvelle Constitution, car, en comparaison avec l'actuelle, il nous paraît contenir quelques heureuses dispositions. La responsabilité de l'être humain est enfin reconnue, la dignité de la personne est respectée et protégée, les droits fondamentaux sont mieux définis, nous reconnaissons nos devoirs envers les générations futures. Je me permets de vous citer Jacques Attali dans son dictionnaire du 21e siècle: «Les siècles précédents ont défini et fait valoir les droits de l'homme, le 21e siècle revendiquera le devoir à l'égard des générations futures: Devoir de conserver et d'entretenir le patrimoine légué par les générations précédentes, de préserver la diversité, devoir à l'égard des générations futures de sauvegarder la planète, de protéger l'homme contre lui-même, de s'interdire de créer un homme qui n'aurait plus les moyens de créer. On introduira des devoirs dans la législation, on punira plus seulement ceux qui outrepassent leurs droits, mais ceux qui ne remplissent pas leurs devoirs». Je mentionnerai enfin quelques dispositions qui nous plaisent particulièrement: l'exigence d'une assurance maternité, l'association des étrangers à nos décisions communales, l'initiative législative au niveau communal. Pour conclure, l'important, ce n'est pas tant le texte lui-même, que le brassage des idées, une nouvelle manière d'aborder les problèmes qui sont certainement avant-coureurs de beaucoup d'espérance. Et comme le disait Le Corbusier, «l'utopie d'aujourd'hui, c'est la réalité de demain». Merci [applaudissements].

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F Yvette JAGGI

Merci à M. Athanasiades, dernier porte-parole des groupes. La possibilité a été expressément prévue — et c'est bien normal — d'interventions et de prises de position individuelles. A ma connaissance, M. Nicolas Morel, M. Conod, M. Pillonel, M. Bovet, M. Bernard Martin et M. Recordon. M. Nicolas Morel. Nous admettons bien sûr que ces prises de position individuelles sont centrées sur une question peut-être qui tient particulièrement à cœur aux intervenants, lesquels se focaliseront sur elle.

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Interventions et prises de position individuelles

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F Nicolas MOREL

Sur de nombreux points, le texte de la nouvelle Constitution représente un progrès par rapport à l'ancienne, même s'il n'est pas aussi novateur que l'on aurait pu le désirer. D'autres personnes se sont chargées ou se chargeront encore certainement de défendre ces nombreux points. Les points suivants, par contre, représentent une péjoration par rapport à la situation actuelle et je les cite en vrac: la fixation dans le texte de la Constitution du drapeau de notre Canton; l'abandon dans la Constitution d'une protection explicite de Lavaux et de la Venoge, c'est un compromis qui a été accepté par les Verts mais qui affaiblit tout de même cette protection; l'existence d'un président du Conseil État élu pour toute la durée de la législature, heureusement élu par ses pairs plutôt que par le peuple; la trop grande autonomie communale, notamment en matière d'aménagement du territoire: certaines communes sont parfaitement capables de mener une bonne politique d'aménagement du territoire, mais d'autres manquent singulièrement de personnes compétentes pour cela; la fixation d'un quorum pour les élections des Conseils communaux à la proportionnelle; le processus de vote populaire sur les mesures d'assainissement prévues à l'article 165, dont on peut se demander s'il est vraiment conforme en tous points à la législation fédérale. Par ailleurs, de nombreuses innovations qui avaient été proposées par les commissions thématiques n'ont pas été retenues dans le texte final. Lorsqu'une disposition est hautement souhaitable en vue de l'évolution de l'environnement social et économique dans lequel nous vivons, et que ni la Constitution de 1885 ni la nouvelle Constitution ne répondent à ce souhait, on peut admettre qu'il s'agit d'un échec du nouveau texte, qui bloque ainsi pour de nombreuses années une mauvaise situation, une situation insatisfaisante. Il s'agit notamment, sans vouloir prétendre à l'exhaustivité, de l'absence des dispositions suivantes: le droit de vote sur le plan cantonal pour les étrangers; l'aide aux victimes; le champ d'application des droits fondamentaux, application entres particuliers et par les personnes morales; les droits accordés aux associations; les principes auxquels doit obéir l'aménagement du territoire; l'aide de État aux entreprises; la motion populaire; le fonctionnement du Grand Conseil avec des commissions spécialisées pour les grands secteurs d'activité de État; une meilleure surveillance des communes par le Conseil État; le principe d'un fond d'égalisation des résultats annuels pour la gestion financière de État; le programme de législature au niveau communal. Afin d'effectuer une comparaison un peu moins subjective des textes de première, deuxième et troisième lectures ainsi que de la Constitution actuelle, j'ai tenté de mettre une note à chacun des textes. En considérant les critères que les Verts jugent importants, j'ai attribué à chaque disposition un facteur de pondération de 1 à 10 suivant l'importance, et une note de 0 à 2. En additionnant toutes les contributions, j'obtiens ainsi une note globale pour chacun des textes considérés: 330 pour le texte de première lecture, clairement le meilleur, 140 pour le texte de deuxième lecture, le plus mauvais, 230 pour le texte final résultant de la troisième lecture, celui que nous votons aujourd'hui, et 170 pour la Constitution actuelle. Comme on peut le voir, le texte final est légèrement meilleur que la Constitution actuelle, mais bien moins bon que ce que l'on aurait pu espérer. Nos méthodes de travail ont eu un impact direct sur la qualité du texte produit, j'aimerais donc en dire quelques mots en plus de ce qu'a déjà rappelé M. Ostermann. Le travail en commission thématique, en tout cas dans la commission thématique dont je faisais partie, celle consacrée aux tâches de État, s'est révélé intéressant et de très bonne qualité, de très bonne tenue, avec de vraies discussions où chacun écoutait les autres participants et tenait compte de tous les autres avis. Cette qualité s'est retrouvée dans les rapports des commissions thématiques, peut-être de façon inégale suivant les commissions thématiques. Par contre, le travail en plénière n'a pas tenu les promesses du début de la Constituante. Très vite, les partenaires des commissions thématiques avec lesquels nous avions l'impression de construire quelque chose d'utile pour le futur de notre Canton se sont transformés, pour certains en adversaires politiques, voire en ennemis avec lesquels tout dialogue raisonnable, c'est-à-dire basé sur le raisonnement et la discussion, était impossible. L'affrontement entre blocs rivaux a dès lors supplanté, dans la plupart des cas, le dialogue constructif. Je ne veux pas chercher des responsables à cette dérive, dont la plus grande victime est le texte produit pour la nouvelle Constitution et les jeunes générations. A cet égard, il est symptomatique de voir que la majorité des propositions de la Commission de jeunes n'a pas été prise en considération. En fait, nous en sommes tous plus ou moins responsables car nous n'avons pas su voir à temps les signes de cette dérive. Le comité de notre Assemblée, cependant, porte une part importante ainsi que — surtout d'ailleurs — la nomenklatura de certains groupes politiques dont la seule ambition était de freiner toute innovation. Ainsi par exemple, pourquoi le comité n'a-t-il pas prévu un retour des points controversés en commission thématique, pour une réflexion plus sereine sur les diverses variantes envisageables et l'élaboration d'une solution de compromis, obtenue à la suite d'un dialogue constructif? Cela aurait été une méthode de travail qui aurait pu être utilisée. Après neuf ans de participation au Grand Conseil, j'espérais que l'Assemblée constituante échapperait au travers de la politicaillerie. Il n'en a rien été. J'aimerais faire un parallèle avec la situation dans mon milieu professionnel, celui de la recherche scientifique, car dans les deux cas il s'agit d'élaborer un corps de connaissances structurées et satisfaisant au mieux les besoins exprimés, en tenant compte bien entendu des diverses contraintes. Je suis frappé de voir à quel point les méthodes de travail sont différentes, et pas à l'avantage des politiciens. Autant on peut mener une discussion de fond dans le milieu scientifique, autant dans la Constituante une telle discussion s'est révélée très difficile lors du travail en plénière. Je n'ai malheureusement pas de remède miracle à cette situation, mais il ne s'agit certainement pas d'une fatalité et on devrait pouvoir mener une activité politique sans ces travers malheureux. De cette mauvaise méthode de travail il est résulté un texte bourré d'approximations, d'ambiguïtés, de lourdeurs, et pas forcément très facile à lire pour la majorité de nos concitoyens. Alors que nous-mêmes avons déjà de la difficulté à nous entendre sur l'interprétation de certaines dispositions, qu'en sera-t-il de l'homme de la rue? Le commentaire d'ailleurs que nous venons d'approuver aujourd'hui n'échappe pas à cette critique. Certains termes du commentaire, par exemple, sont en contradiction flagrante avec nos débats et parfois avec le texte même de la nouvelle Constitution. Il a visiblement été rédigé en vitesse et aurait dû pouvoir bénéficier d'une relecture par un plus grand nombre de personnes qui auraient pu lui assurer une certaine neutralité politique et éliminer les erreurs manifestes. Alors quelle position prendre face à toutes ces critiques? Si je m'écoutais, je voterais résolument NON, afin de pouvoir reprendre le travail à partir des rapports des commissions thématiques. Cependant deux considérations viennent tempérer cette position: le texte de la nouvelle Constitution est tout de même un peu meilleur que celui de la Constitution actuelle et, d'autre part, voter NON, ce serait se ranger aux côtés des couches les plus rétrogrades de cette Assemblée, notamment les nomenklatura de certains partis politiques dont les représentants avaient reçu l'ordre de faire capoter à tout prix toute innovation qui pourrait porter atteinte à leurs privilèges. En fonction de ces considérations, je voterai effectivement OUI, la mort dans l'âme. J'aimerais par ailleurs saisir cette occasion pour réitérer mes remerciements au secrétariat de la Constituante qui a réussi à faire un très bon travail malgré, dirais-je, les déficiences notoires du comité.

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F Yvette JAGGI

Merci à M. Morel. Mesdames et Messieurs les constituants, notre ordre du jour prévoit — et nous l'avons approuvé — certes les prises de position individuelles et en aucun cas je ne voudrais les éliminer, ce ne serait d'ailleurs de toute façon pas réglementaire. Je voudrais simplement demander avec insistance aux intervenants inscrits — et je considère la liste comme close — d'être brefs. M. Morel vient de parler plus longuement que la plupart des porte-paroles de groupe et il a dit une phrase intéressante, à un moment il a dit «si je m'écoutais...». Je crois qu'il était effectivement seul dans ce cas [rires] et je voudrais, par respect pour la tenue de nos travaux, je ne suis pas une partisane de la solennité à tout prix, mais je trouve tout de même que cette séance de vote final, cette dernière séance plénière, la cinquantième, devrait jusqu'à son terme — même s'il survient plus tard que prévu, même si je suis une obsédée de l'horaire ainsi que M. Ostermann le pense — se dérouler dans la dignité. Nous pouvons y contribuer en ayant le respect mutuel en nous écoutant les uns et les autres, et peut-être que les orateurs penseront aussi que c'est plus facile de suivre leur intervention si elle est brève. Je donne la parole à M. Conod.

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F Philippe CONOD

La machine est en marche et très vraisemblablement les Vaudoises et les Vaudois, soyons épicènes jusqu'au bout, adopteront le projet de Constitution préparé par notre Assemblée. J'ai pu vivre, même sans m'en rendre compte, sous la Constitution de 1885, je peux parfaitement vivre sous la nouvelle. J'ai essayé de ne pas être un spectateur passif, d'où un certain nombre d'interventions, parfois couronnées de succès, parfois non, c'est le jeu, mais vous m'avez beaucoup appris et je vous en remercie. Voter NON, non. Ce serait faire fi d'innovations intéressantes, la Cour des comptes proposée par les Libéraux, c'est également refuser la porte sur l'avenir ouverte par la reconnaissance d'intérêt public conférée à d'autres communautés. Je vous avouerai, petit plaisir que je me fais là, l'intérêt que j'ai eu à travailler à l'élaboration de ces articles et à les voir adopter par notre Assemblée. C'est reconnaître pleinement le fait religieux et ses implications dans la vie citoyenne. C'est apporter une reconnaissance officielle à la communauté israélite, mais c'est également, je l'espère, offrir par la suite la possibilité d'une intégration toujours plus facile à la communauté musulmane, communauté qui ne cesse de croître en Suisse. Ajoutons encore la mention expresse dans la Constitution des domaines d'autonomie des communes, la limitation du contrôle de État sur ces dernières au strict principe de la légalité, le frein aux dépenses - quoique là je reste persuadé qu'il n'y aurait pas eu besoin de compromis et que le groupe Forum aurait admis en troisième débat le projet, compte tenu du droit de vote sur les étrangers et de l'assurance maternité; la crise du deuxième débat, c'était — finalement — uniquement pour la presse. Voter OUI, c'est admettre le vote des étrangers. Ou le droit de vote est lié à la nationalité comme je le pense, ou il dépend d'autres principes et dans ce cas il faut alors aller jusqu'au bout du raisonnement et octroyer aux étrangers le droit de vote et d'éligibilité tant sur le plan communal que sur le plan cantonal. Le chapitre des «Tâches de État» est une copie conforme d'un programme État providence. On a beaucoup critiqué les communes vaudoises, leur petitesse, leur nombre. Quelles sont les réponses réellement apportées aux questions posées? La collaboration intercommunale, les fédérations de communes, les agglomérations. Quel doux mélange et quel [machin]! Je ne suis pas sûr que le citoyen y trouve son compte, je crains bien au contraire la création d'une nouvelle oligarchie, toujours plus éloignée des préoccupations de la société civile. Je regrette aussi la timidité maladive dont notre Assemblée a fait preuve en matière d'enseignement privé. Bref, cette Constitution suinte le politiquement correct, l'angélisme; Rousseau n'est pas très loin. Elle vise également une vision à sens unique de État On peut dire aujourd'hui qu'en cela elle est peut-être bien vaudoise puisqu'à entendre mes préopinants, celle-ci correspond aux états d'âme de notre Canton. C'est également vrai si on admet que cette Constitution reflète aujourd'hui un rapport de forces politiques. Comme pour certains Libéraux, geste peut-être d'humeur, ma perplexité se traduira dès lors aujourd'hui par un vote blanc. Je vous remercie.

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F Yvette JAGGI

Merci à M. Conod. La parole est à M. Pillonel. L'appel à la brièveté vaut pour tout le monde.

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F Cédric PILLONEL

Citoyennes, citoyens, du moins ceux qui le restent, lors de notre première séance plénière, j'avais inauguré cette interpellation qui m'est devenue familière et je vous avais surtout expliqué les raisons de cette particularité linguistique: ces termes représentaient et représentent toujours pour moi le rôle particulier qui nous était astreint en tant que constituants — rédiger le texte juridique fondamental qui régit la société vaudoise dans son ensemble. Plus que toute autre qualité, il nous fallait puiser dans notre responsabilité civique pour accomplir notre tâche. En fin de notre travail, je me permets de vous transmettre un bilan démocratique et civique de notre attitude et de nos travaux. Je me bornerai donc à un commentaire sur la forme et non sur le fond. Je ne reviendrai pas sur la détérioration de la qualité de nos travaux, relevée déjà de nombreuses fois et due à l'agenda chargé et à l'influence néfaste de la disposition de la salle de Rumines. Je me bornerai donc à souligner les points qui me semblent intolérables de la part dune assemblée parlementaire. Au fil des discussions que j'ai eues à ce sujet hors de la Constituante, j'ai également constaté que ces dysfonctionnements choquaient de nombreux Vaudois. Ma première remarque vise à redéfinir la notion même de parlement. Il me semble fondamental que chacun puisse y voter et y parler à sa guise et selon ses convictions. On aura trop souvent constaté que la plupart des chefs de groupe s'opposent à cette conception: pression lors des votes, mauvaises informations aux membres du groupe pour leur éviter de comprendre les enjeux, remise à l'ordre suite à un vote dissident. De nombreuses fois, nous avons pu constater ce genre de comportements qui ne sont pas acceptables. Un autre point, et tout particulièrement choquant: il s'agit des interventions mensongères. Il me paraît évident que nous ne serons jamais d'accord sur tout et que les opinions doivent pouvoir être toutes défendues. Dans ce cadre, il est fréquent que des interventions ne collent pas toujours à la pure réalité. Ces exagérations ou ces omissions ne sont pas forcément dommageables. Par contre, j'ai pu constater que lors de certaines interventions, les intervenants pratiquaient sciemment le mensonge pour éviter de donner leurs véritables raisons et pour emporter la décision. Ces personnes sont indignes de leur citoyenneté et violent leur promesse de constituants. De la même manière, il est particulièrement pénible de voir des constituants, engagés pour obtenir un consensus maximum et partager le plus grand nombre d'idées, refuser une entrée en matière sur certaines propositions, soit parce qu'elles viennent des rangs opposés, soit par peur de rouvrir un débat dérangeant. Une telle attitude se définit comme peu démocratique. Lors de la création du concept de la coprésidence à trois, nous avons beaucoup parlé de triumvirat et surtout, récent épicène, du triumhomina. Nous ne pouvions en effet pas mieux dire. Historiquement, cette alliance entre politiciens puissants de la fin de la république romaine n'était pas animée par des élans démocratiques. Les constatations faites suite à ces trois années de règne ne sont, elles aussi, pas brillantes. Je me contenterai de trois exemples: la date de la fin de nos travaux a été fixée de manière totalement arbitraire et ne correspond pas à nos types de travaux. L'agenda a pesé lourdement sur les deuxième et troisième lectures, sans parler du désastre du commentaire. Cela est d'autant plus comique si on le compare au délai de dix ans accordé au Canton pour modifier les districts. On voit où se situent les priorités. De façon répétée, la présidence a clos les débats avant que les derniers orateurs ne se soient exprimés. On permet de cette manière aux derniers orateurs de disserter sans crainte d'être contredits, fort pratique pour les collègues de parti. Enfin, il est arrivé que le règlement ne soit pas respecté; cela n'est pas dramatique si l'ensemble des constituants l'accepte. Il doit par contre être appliqué si une seule personne le demande. Cette demande a été faite trois fois, si mes souvenirs sont exacts. Elle a été purement ignorée par la présidence, attitude illégale et inacceptable. Ne me voyez pas animé d'un esprit mesquin, je me suis engagé dans cette Assemblée à porter haut les idéaux du civisme et de la démocratie. Il était donc important de retenir les ratés de la Constituante à ce sujet dans un but pédagogique. Les cafouillages et les erreurs que je vous ai décrits ne sont pas l'œuvre de la fatalité. Lorsqu'ils sont involontaires, il s'agit de veiller à ce qu'ils ne se reproduisent pas; lorsqu'ils sont volontaires, il faut les combattre avec conviction. De cette manière, la démocratie progressera et ne sera pas un vain mot. Je vous remercie [applaudissements].

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F Yvette JAGGI

Merci à M. Pillonel. La parole est à M. Daniel Bovet, pour une brève intervention.

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F Daniel BOVET

Les membres du groupe Libéral ne se contenteront pas tous de voter «ouais» ou de s'abstenir, quelques-uns voteront NON. permettez-moi d'abord quelques remarques sur le déroulement de nos travaux. Notre Assemblée s'est trouvée singulièrement isolée de la population. Nos débats ont été fort médiocrement relatés par nos journaux, de façon beaucoup moins étendue par exemple que ceux du Grand Conseil ou du Conseil communal de Lausanne. C'est dans un journal fribourgeois que nos séances ont eu leurs comptes rendus les plus réguliers et souvent les plus intelligents. Nous sommes pour quelque chose dans ce désintérêt. Les Constituantes qui nous ont précédés ont toutes reçu de nombreuses pétitions et les ont dûment examinées. Aussi bien le décret du 2 novembre 1998 rappelait le droit de pétition à l'Assemblée constituante. Si nous avions eu une commission des pétitions comme quelques-uns l'avaient suggéré, nous aurions pu inviter nos concitoyens à nous faire connaître leurs vœux. Au lieu de cela, nous avons confié ce soin à notre comité qui avait bien d'autres choses à faire. D'autre part, les communications du Grand Conseil à notre Assemblée n'ont pas été faites dans les formes voulues et lorsque ces faits lui ont été représentés, notre Assemblée a délibérément décidé de n'en tenir aucun compte. De si graves négligences, si notre ouvrage avait la moindre force exécutoire, pourraient être une cause d'invalidité, mais ce n'est qu'un projet et il appartiendra au souverain d'inclure dans sa décision l'appréciation des vices de notre procédure. Il est vrai que nous avons ouvert, pendant les vacances d'été de l'année dernière, une procédure de consultation. J'abrège un peu pour satisfaire Madame la présidente.[Passage non prononcé: voir en fin de bulletin] Maintenant examinons notre ouvrage et tout d'abord cherchons ce qu'il y a de nouveau et de bon. Et oui, cela se trouve! Une innovation très importante est l'institution d'un médiateur élu par le Grand Conseil. On a pu longtemps penser que les députés étaient autant de médiateurs tout naturels; il faut bien reconnaître que devant l'enflure administrative, un spécialiste est devenu nécessaire. Puisse-t-il, par ses conciliations, épargner du travail à la Cour administrative! Seconde chose, la mention explicite de Services propres au Grand Conseil. Pour augmenter leurs jetons de présence, les députés ne paraissent pas autrement gênés, mais lorsqu'il s'agit de développer leurs instruments de travail, on les voit soudain timides. Il est bon que la Constitution lève leurs scrupules et les affranchisse de la tutelle du Conseil État pour tout ce qui regarde leurs infrastructures. Je salue également le droit d'initiative en matière communale et l'institution d'un président permanent du Conseil État, à condition toutefois que l'on ait bien noté que le président du Conseil État ne sera pas le président du Canton de Vaud. Enfin, les trois articles sur les églises et les communautés religieuses sont à certains égards excellents, mais ils sont entachés d'une lacune à mon avis rédhibitoire, j'y reviendrai. Au regard de ces quelques bonnes choses, combien de moins bonnes! La réduction du nombre des députés à 150, la prolongation de la législature à 5 ans. Mais il y a plus grave, c'est l'article qui dit «État veille à une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des autorités». Ainsi notre Assemblée, chargée d'écrire une Constitution, a osé abuser de ce qu'elle tenait la plume pour glisser dans son texte un principe au moment même où le peuple le repoussait, ce principe, par trois voix contre une. On a beau nous rassurer en nous disant que, placée parmi les principes généraux, cette disposition sera sans conséquence, elle est d'autant plus déplaisante qu'elle prend ainsi l'allure d'une sorte de précepte donné par quelques sages à une population stupide. Ce serait ridicule si ce n'était pas insultant. J'abrège encore. La Cour constitutionnelle, d'autres ont dit ce qu'il fallait en penser, par exemple M. Zisyadis que j'approuve sur ce point. [Passage non prononcé: voir en fin de bulletin] Enfin, je crois qu'on pourrait enfler la liste des détails isolément anodins, mais qui répandus dans l'ensemble du projet lui impriment un caractère poussant le paternalisme jusqu'au maternalisme. [Passage non prononcé: voir en fin de bulletin]Trois ans de travail ont-ils donc été vains? Non. Le résultat me paraît inacceptable, mais je me plais à reconnaître la qualité de nos débats. Proposer au peuple de rejeter notre projet, ce n'est pas condamner notre travail. Il est arrivé dans l'histoire — dans l'histoire suisse en tout cas — qu'un projet de Constitution soit refusé mais que, dûment amendé, il soit accepté quelque temps plus tard. Si aujourd'hui, comme je le souhaite, le peuple refuse ce que nous lui proposons, je crois que le Grand Conseil serait à même de reprendre notre ouvrage et d'en utiliser la quintessence par des révisions partielles dans notre bonne vieille Constitution de 1885.

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F Yvette JAGGI

Je remercie M. Bovet qui a, au fur et à mesure de son intervention, abrégé. Dans l'intervalle et au vu de la tournure prise par ce qui n'est plus un débat, encore moins une écoute, M. Thévoz a déposé une motion d'ordre tendant à l'interruption de la discussion et au passage au vote final, à l'appel nominal. M. Thévoz veut-il développer sa motion? Il considère que cette motion est développée. M. Recordon veut s'exprimer à ce sujet.

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F Luc RECORDON

Juste pour dire que je trouverais extrêmement choquant que la discussion soit arrêtée maintenant alors qu'il y a une liste, close au demeurant, d'orateurs. En ce qui me concerne, j'entends m'exprimer non pas pour donner un avis particulièrement personnel, mais pour faire une brève réflexion sous l'angle d'un des groupes de l'Assemblée qui a sans doute le tort de ne pas être un groupe partisan, l'Appel pour une révision de la Constitution qui ait du souffle.

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F Yvette JAGGI

Merci à M. Recordon. Il y a motion d'ordre, est-ce qu'elle est appuyée? De toute évidence. Nous nous prononçons à son sujet. Motion d'ordre Thévoz, tendant à l'interruption de la discussion et au passage immédiat au vote final, acceptée par 79 OUI contre 36 NON.

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Vote final à l'appel nominal

F Yvette JAGGI

Point 4, vote final à l'appel nominal. On est prié de faire rentrer ceux qui pourraient encore se trouver à l'extérieur, surtout s'ils sont dans les premières lettres de l'alphabet. Mesdames et Messieurs les constituants, nous passons au vote final. C'est un vote à l'appel nominal, je le rappelle, qui doit donc pouvoir se faire dans des conditions absolument claires et indiscutables, c'est-à-dire dans le silence. Madame le secrétaire.

Celui ou celle qui approuve le texte final de la Constitution vote OUI, celui qui s'y oppose par conséquent NON.

F Francine Crettaz

Ont voté OUI:

Abbet — Athanasiadès — Aubert — Baehler Bech — Balissat — Benjamin — Berney — Bielman — Blanc — Bolinger — Bory Marc-André — Bory-Weber — Bovet Fred-Henri — Bovon-Dumoulin — Bovy — Braissant — Brélaz — Buffat — Bühlmann Gérard — Bühlmann Willy — Burnier-Pelet — Burri — Carnevale — Chapuis — Chatelain — Cherix — Cohen-Dumani — Cork-Levet — Cornu Claire- Lise — Cornu Pierre-Alain — Crisinel — Cruchon — Cuendet — Delay — Dépraz — Desmeules — De Souza — Dessauges — Dufour Denyse — Dufour Etienne — Dupland — Farron — Favre-Chabloz — Freymond-Bouquet — Galeazzi — Gallaz — Ghiringhelli — Girod-Baumgartner — Glauser — Gonvers — Gorgé — Goy-Seydoux — Grin Nicole — Guignard Françoise — Guy — Haefliger — Haldy — Henchoz — Henchoz-Cottier — Henry — Hermanjat — Holenweg — Humair — Hunkeler — Jaeger — Jaggi — Jaillet — Jaton — Jemelin — Jomini — Jufer — Kaeser — Kulling — Labouchère — Lecoultre — Linder — Loi Zedda — Luisier — Lyon — Maillefer — Margot — Marion — Martin Bernard — Martin Jean — Martin Laurence — Martin Marie-Antoinette — Martin Marie-Hélène — Masson — Millioud — Morel Charles-Louis — Morel Nicolas — Moret Isabelle (91; applaudissements) — Nicod — Nicolier — Nordmann Philippe — Nordmann Roger — Oguey — Ormond — Ostermann — Payot — Pellaton — Perdrix — Pernet — Perrin — Piguet — Pillonel — Piot — Pittet François — Pittet Jacqueline — Pradervand — Rapaz — Rebeaud — Renaud — Reymond — Richard — Rodel — Roulet Catherine — Roulet-Grin Pierrette — Salamin Michel — Saugy-Anhorn — Schmid Charles — Schwab — Streit — Sutter — Thévoz — Tille — Vallotton — Vittoz — Volluz — Voutaz-Berney — Wehrli — Weill-Lévy — Winteregg — Ziegler — Zuercher — Zwahlen (135).

Se sont abstenus:

Amstein — Berger — Conod — Gross — Henchoz — Jordan — Lehmann — Le Roy — Leuba — Recordon (non vote) — Yersin (11).

Ont voté NON:

Boillat — Bouvier — Bovet Daniel — Chevalley — de Haller — de Luze — Desarzens — Gindroz — Gonthier — Mamboury — Mamin — Schneiter — Troillet — Vincent — Wiser — Zisyadis (16).

Étaient absents:

Bavaud — Bovay Judith — Bron — Bühler — Burnet — Charotton — Colelough — Cossy — Fague — Garelli — Keller — Mages — Mayor — Rochat-Malherbe — Ruey-Ray — Voruz — Wellauer — Wettstein Martin (18).

F Yvette JAGGI

Vote final du projet de nouvelle Constitution: 135 OUI, 16 NON, 10 abstentions. Nous remarquons de nombreuses absences qui sont liées évidemment à l'heure de la journée [applaudissements].

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Message de la coprésidence et clôture de la séance

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F Yvette JAGGI

Si vous le permettez, Mesdames et Messieurs les constituantes et constituants, je voudrais donner la parole à Monsieur le conseiller État Philippe Biéler qui s'exprime au nom du gouvernement vaudois. Et oui! [brouhaha] A la fin de l'intervention de M. Biéler, bien sûr. La parole est à M. Biéler 

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F Philippe BIÉLER, conseiller État, au nom du Gouvernement

Madame et Messieurs les coprésidents, Mesdames et Messieurs les constituants, Mesdames et Messieurs les représentants du Grand Conseil, du Conseil État, chers collègues, et de la Constituante fribourgeoise, Mesdames et Messieurs, chères concitoyennes et chers concitoyens.

En l'absence regrettée et excusée de Monsieur le président du Conseil État Charles-Louis Rochat et du vice-président, mon collègue Jean-Claude Mermoud, il m'appartient de m'exprimer devant vous en ce jour historique, en tant que doyen de fonction du Conseil État. Un Conseil État très honoré que vous l'ayez invité et associé à vos travaux pour cette dernière journée essentielle, et un Conseil État tout particulièrement ému de pouvoir prendre la parole juste après le vote final auquel vous venez de procéder, je vous en remercie infiniment. Somme toute, ce moment, je crois, est bien choisi, car lorsqu'un bébé est né, qu'a-t-on finalement de plus pressé que de vouloir féliciter ses parents?

Le Conseil État jusqu'ici, lors de vos travaux, s'est tenu, je dirais, plutôt à l'écart de ceux-ci, non pas du tout par désintérêt, mais d'une part par manque de disponibilité (vous aurez pu noter que malheureusement nous n'avons que fort peu souvent pu suivre vos travaux, nous vous prions de nous en excuser, nous le regrettons), et d'autre part parce que sur le fond nous estimions juste de respecter la différence des rôles de chacun. C'est à vous qu'il appartenait de créer la nouvelle Constitution vaudoise.

Aujourd'hui, au nom du peuple vaudois et au nom du gouvernement tout particulièrement, nous recevons le texte que vous venez d'adopter comme un cadeau, et nous le recevons avec bonheur, dans la mesure où votre travail est certainement de nature à contribuer au renouveau de notre Canton. Nous recevons ce cadeau avec reconnaissance car nous savons la somme d'énergie, de réflexion et de travail que vous avez fournie durant ces dernières années. Nous le recevons enfin aussi avec obligation, vis-à-vis de vous et vis-à-vis du peuple vaudois, dans la mesure où il nous appartiendra maintenant, à nous Conseil État, d'abord d'organiser le scrutin populaire, puis, en cas — ce que nous espérons — de vote positif, de mettre en œuvre les immenses travaux législatifs qui devront l'acceptation de votre texte par le peuple.

Au surplus, vous me permettrez, à titre je dirais plus anecdotique et personnel, d'ajouter à ces motifs de réjouissance quelques motifs personnels, dans la mesure où il y a pratiquement jour pour jour huit ans, alors que j'entrais en fonction au Conseil État, les représentants de la presse m'interrogeaient sur les projets auxquels j'espérais pouvoir contribuer, et au nombre de ceux-ci j'avais cité la révision totale de la Constitution.

Le vote auquel vous avez procédé aujourd'hui est essentiel pour l'avenir de notre Canton. Faut-il rappeler que l'actuelle Constitution a été adoptée en 1885? Assurément il était temps de la remplacer par un texte nouveau, mieux adapté aux exigences de notre temps, un texte nouveau qui redéfinit État cantonal, un texte qui innove, certes, tout en s'inscrivant dans la culture et l'histoire de notre pays. Dès le début du processus, le Conseil État a souligné que la révision totale de notre Charte fondamentale constituait une chance pour notre Canton. Il y voyait une occasion très rare de repenser les fondements de notre communauté politique et de la doter d'un projet porteur d'avenir. Certes, nul ne pouvait ignorer l'ampleur et les difficultés de la tâche. On ne se dote pas d'une Constitution nouvelle sans conflit sur les questions de fond que ce texte est appelé à résoudre. Mais il est bon que ces conflits puissent s'exprimer, ce qu'ils ont été au sein de votre Assemblée, et que ce débat constructif puisse déboucher sur des décisions. Il est bon que ces débats aient eu lieu et participent ainsi au renouvellement de la confiance de l'ensemble de notre population en ses autorités et en ses institutions.

Pour avoir suivi — de loin, certes, comme je le disais tout à l'heure, mais non moins avec attention — l'évolution des travaux de votre Assemblée, le Conseil État peut témoigner de leur richesse et de leur vitalité. Il a pu être dit parfois que les débats partaient dans tous les sens, ou encore que l'Assemblée constituante manquait de réalisme. En vérité, il lui incombait d'explorer tous les possibles, quitte à prendre des chemins de traverse. Au fil des délibérations, certaines options initiales ont été abandonnées, d'autres ont été conservées, approfondies (plusieurs d'entre vous ont exprimé leurs regrets à cet égard) avec le souci de présenter au peuple vaudois un texte innovateur mais aussi conforme à l'histoire et à l'esprit de notre Canton. Au final, le Conseil État se permet d'affirmer que votre texte est à la hauteur des ambitions que les citoyennes et les citoyens de notre Canton pouvaient légitimement nourrir. Par rapport à l'actuelle Constitution vaudoise et dans les limites, il faut bien le dire, parfois étroites du droit fédéral, ce texte gagne en clarté, en cohérence et en précision. Avec l'accord du peuple vaudois, il pourra inaugurer une nouvelle étape de l'histoire politique de notre pays, du moins est-ce là le vœu du Conseil État Certes, il convient d'attendre le résultat du scrutin populaire qui devrait avoir lieu le 22 septembre prochain. Ce scrutin, vous le savez, a ceci de particulier que les citoyennes et les citoyens sont appelés à se prononcer sur l'ensemble d'un texte qui par nature contient des propositions relatives à plusieurs facettes de l'organisation de État Chacun d'entre nous — et c'est bien légitime — peut nourrir des conceptions différentes à l'égard de ces différents aspects. Les uns pourront être favorables à telles propositions, les autres à telles autres. On le sait, une des principales difficultés de toute révision totale est qu'elle court le risque que des oppositions plus ou moins étrangères les unes par rapport aux autres se cumulent et ne fassent échouer l'ensemble du projet. Inversement, il n'est pas imaginable qu'un texte de cette importance suscite une approbation unanime. Les prises de position des groupes politiques que vous venez de nous transmettre montrent du reste qu'il y a eu et qu'il y a encore des divergences d'appréciation entre vous; le contraire eût d'ailleurs été étonnant, je dirais même inquiétant: l'unanimité n'est guère compatible avec la démocratie.

Cependant, par-delà certaines réserves ou réticences envers tel ou tel aspect particulier, c'est sur un examen d'ensemble de votre projet de Constitution que le Conseil État peut fonder aujourd'hui une appréciation positive de votre texte. Un texte que vous avez élaboré dans le souci constant de permettre la confrontation politique, tout en sachant que vous deviez présenter un paquet global qui puisse être approuvé par une majorité de Vaudoises et de Vaudois. En définitive, nous estimons que le projet final est équilibré, il réalise les compromis nécessaires sans être conservateur; il innove tout en s'inscrivant dans la continuité d'une histoire. Cet équilibre n'allait pas de soi, de nombreuses questions étaient controversées et continueront sans doute à l'être. La Constitution évoluera donc encore, tant il est vrai que celle que vous venez d'adopter ne constitue pas la fin de notre histoire. Elle est une étape très importante d'une histoire encore à venir, mais aujourd'hui le Conseil État se réjouit de cette avancée, de cette étape essentielle.

Nous vous remercions, Madame et Messieurs les coprésidents, Mesdames et Messieurs les constituants, toutes et tous très chaleureusement d'avoir apporté votre concours à la réalisation de ce projet, et nous partageons l'émotion qui doit certainement être la vôtre d'arriver au terme d'une aventure rare, extraordinaire, passionnante, et de devoir lâcher votre bébé au moment, avouons-le tout de même, où celui-ci a atteint une fort belle majorité. Je vous remercie de votre attention [applaudissements].

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F Yvette JAGGI

En votre nom aussi, je remercie Monsieur le conseiller État Philippe Biéler pour sa déclaration et pour l'appui que nous avons senti de la part du gouvernement vaudois — ce nous sera précieux aussi pour la campagne qui s'annonce — au projet qui vient d'être approuvé. Il nous reste, Mesdames et Messieurs, un point à l'ordre du jour, avant lequel nous traitons la proposition de motion d'ordre de M. Gonthier.

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F Alain GONTHIER

Il n'y a plus de motion d'ordre. La seule chose, c'est que la décision prise tout à l'heure d'interdire de parole certains membres de cette Assemblée au gré de leur place dans la salle, c'est-à-dire de l'acuité visuelle de la présidente et de leur rang de désignation, est fondamentalement non réglementaire. Elle n'est pas prévue par le règlement d'interrompre une liste de prise de parole. Mon intention était de demander, par voie de motion d'ordre, pourquoi l'on garantissait la parole aux invités et non aux membres de cette Assemblée. Évidemment que cette motion d'ordre est caduque. J'aimerais cependant dire que cette décision, prise majoritairement par cette Assemblée, jette une lumière assez sombre sur sa nature [brouhaha] — comment peut-elle se prétendre et se présenter en garant des droits démocratiques du peuple vaudois si elle ne respecte pas les droits de ses propres membres? J'enverrai — et j'invite à envoyer — par écrit le texte des autres censurés l'intervention projetée, afin de permettre à la présidence et au comité d'éventuellement réparer leur bévue en les intégrant comme annexes au procès-verbal.

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F Yvette JAGGI

Mesdames et Messieurs les constituants, je remercie M. Gonthier de son intervention et tout particulièrement de sa proposition finale, que j'aurais présentée s'il ne l'avait pas fait lui-même, à savoir que les interventions écrites, dans la mesure où elles ont, j'espère, toutes été prévues comme telles, pourront effectivement être incorporées sous forme d'annexe au procès-verbal de la séance d'aujourd'hui. Peut-être que tel ou tel orateur l'aurait modifié en le prononçant, mais c'est une mesure que je peux proposer. Quant à la motion d'ordre telle qu'elle aurait dû être d'actualité avant l'intervention de M. Biéler, je pense que les raisons de simple courtoisie qui m'ont incitée à ne pas la faire discuter devant l'orateur qui s'annonçait sont partagées par vous toutes et tous dans cette Assemblée [applaudissements]. Cela dit, Mesdames et Messieurs les constituantes et constituants, vous êtes presque au bout des discours puisque vous avez encore le message de la coprésidence, partagée entre M. Leuba et moi-même. M. Leuba.

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F Jean-François LEUBA

Il m'appartient de distribuer un bouquet de remerciements. Tout d'abord, on l'a déjà dit, au secrétariat de la Constituante qui, avec un minimum de forces — et j'aimerais insister là-dessus — a accompli un travail extraordinaire en qualité, en quantité et en intelligence. Sans lui, nous n'aurions pas pu travailler dans d'aussi bonnes conditions. Je tiens à remercier tout particulièrement notre secrétaire générale, Mme Crettaz, qui a mené de main de maître — devrais-je dire, au nom du langage épicène, de main de maîtresse? — son équipe, et cela toujours avec une pointe d'humour, voire d'ironie, ce qui change considérablement l'esprit du travail. Mais je n'aimerais pas oublier non plus Mme Papaux, toujours disponible et qui a un sens aigu de l'organisation, avec un calme imperturbable devant les plus grandes catastrophes électroniques [applaudissements]. 

J'aimerais remercier en deuxième lieu la commission de rédaction et ses présidences successives, Mme Anne-Catherine Lyon et M. Alex Dépraz. La commission a travaillé sous la pression du temps, on l'a déjà dit. On l'a reproché au comité, je ne sais pas si le comité avait ce pouvoir-là. Elle a fait un travail de qualité, cela a déjà été relevé. Je joins bien sûr à ces remerciements Monsieur le professeur Pascal Mahon, dont les conseils éclairés et objectifs nous ont été fort utiles. N'est-ce pas pour finir que l'on a appelé son rapport L'évangile selon St. Mahon? 

En troisième lieu, la commission de coordination, dont le plus grand mérite sans doute aura été de laisser la plus grande liberté aux commissions pour se coordonner elles-mêmes [rires] ou de ne pas se coordonner. 

Je n'aurais garde d'oublier une commission qui a disparu depuis longtemps, celle du programme et du règlement, et son président M. Georges Burdet, qui, si elle a vu son œuvre quelque peu chahutée en ce qui concerne le programme, a pondu un règlement qui, lui, a bien résisté aux épreuves du temps. 

En cinquième lieu, je n'aimerais pas oublier les présidents des commissions thématiques qui ont fourni, dans la première partie de notre activité, un travail très important. 

J'aimerais exprimer aussi des remerciements tout particuliers à notre collègue Alex Dépraz, non plus comme président de la commission de rédaction, mais comme rédacteur scrupuleux — quoi qu'on en ait dit ce matin — du commentaire qui vous a été soumis. Il s'agit — je le rappelle et M. Dépraz l'a fait - d'une interprétation purement historique de notre texte, ce qui n'est pas toujours facile, vu que certains n'ont pas exprimé ce qu'ils pensaient mais se sont étonnés ensuite de ne pas le trouver dans le commentaire [rires] [applaudissements]. 

J'aimerais rendre hommage à vous tous, Mesdames et Messieurs, pour le temps et le travail que vous avez accompli, même si aujourd'hui un certain nombre d'entre nous sont sans doute heureux d'arriver à son terme. J'ai été admiratif, je ne vous le cache pas, de voir combien certains se sont engagés, le soir, ou le dimanche, pour mettre sur pied des textes, pour rechercher des solutions de conciliation parfois un peu tardives. J'imagine les sacrifices que vous avez dû faire pour être présents depuis début novembre. Croyez bien que la présidence est consciente du rythme de travail auquel vous avez été soumis, pour accomplir une séance par semaine pratiquement, plus une séance de groupe, plus encore des séances intergroupes, ce qui était une charge dont nous sommes absolument conscients. 

J'aimerais surtout vous remercier, je crois que je peux le faire au nom de la coprésidence, de nous avoir fait l'honneur de nous porter à cette fonction. Nous savions que celle-ci n'échapperait pas à la critique, nous avons été largement servis ce matin [rires]. J'aimerais tout d'abord aussi présenter des excuses à ceux d'entre vous qui auraient pu être blessés à une occasion ou l'autre par l'intervention de la coprésidence. Soyez bien certains qu'elle ne visait jamais la personne à laquelle elle s'adressait, elle visait simplement la rigueur que nous voulions mettre à la poursuite de nos travaux. Certains ont été peut-être surpris de cette formule d'une coprésidence à trois. Elle nous a permis — en tout cas je parle en mon nom — de porter deux casquettes: celle d'un président qui a été, je l'espère, aussi impartial que possible, et celle d'un constituant qui a aimé s'engager aussi dans la lutte pour l'édification de cette Constitution. J'aurais vraiment été frustré si je n'avais pas pu participer à la rédaction de ce texte. Mais elle m'a surtout permis de travailler — et je parle ici en mon nom personnel — en parfaite symbiose avec mes deux collègues. Nous n'avons pas toujours, cela est évident, partagé les mêmes options politiques, mais lorsqu'il s'est agi de faire avancer notre travail, les trois coprésidents et le comité ont véritablement été sur la même longueur d'onde. 

Le comité a aussi joué son rôle, il a été très utile à la présidence pour lui donner un certain nombre de conseils, il a été aussi cette courroie de transmission nécessaire entre les groupes politiques et la présidence. Après trois ans d'expérience de présidence à trois, je peux dire, mes chers collègues, — et cela, j'espère que ce n'est pas une révélation pour vous — que la loyauté avec mes deux autres collègues existe, et que ça existe en politique. Il est vrai que le fait que les trois coprésidents aient leur avenir politique derrière eux (encore que...) était de nature forcément à atténuer leurs rivalités. Je vous remercie encore de la confiance que vous nous avez témoignée [applaudissements].

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F Yvette JAGGI

Merci à Monsieur le coprésident Leuba qui a parlé en notre nom et exprimé la reconnaissance que nous avons à l'égard de toutes les personnes qui ont contribué, d'une manière ou d'une autre, dans l'ombre ou sous notre regard, à faciliter, à permettre tout simplement nos travaux. Je dois quand même expressément faire une exception, je ne vais pas redonner de remerciements, mais pour notre secrétariat, qui a effectivement fait un travail intelligent, efficace et, pourquoi pas, c'est important, souriant tout au long des travaux d'élaboration de la Constitution, parfois dans des circonstances difficiles comme ces tout derniers jours, particulièrement, le tout sous la ferme et joyeuse houlette de Francine Crettaz, secrétaire générale. Merci encore une fois à elle et à son équipe, désormais un peu dispersée, et à vous tous pour l'attention que vous allez consacrer maintenant à ce petit discours final à l'issue de notre 50e séance plénière, à l'issue aussi de ce vote décisif dans lequel, au fond, chacune et chacun — y compris la présidente, en l'occurrence — s'est prononcé à haute voix, directement, sans la médiation d'une installation électronique certes rapide, le plus souvent efficace, mais quand même un peu dépersonnalisante. Cette fois, maintenant on a en quelque sorte ouvertement et publiquement, les uns devant les autres, mis un terme aux travaux de notre Assemblée constituante qui a donc accompli sa mission qui était à la fois simple et compliquée, plus vite exprimée qu'accomplie: présenter au peuple vaudois une Charte pour le siècle nouveau, une Charte pour des générations. On ne sait pas exactement combien, mais il est certain que les enfants naissant aujourd'hui ou en 2022 encore, vivront toute leur vie sous le régime de cette Constitution, si toutefois elle reçoit l'assentiment populaire. En trois ans et un mois environ puisque nous nous sommes réunis pour la première fois le 14 avril 1999 dans la salle historique détruite par le feu au début de cette semaine, nous avons travaillé après une phase de nécessaire organisation en commission et en assemblée plénière. Petites statistiques: au total une huitantaine de séances, sans compter les réunions de groupes et les très nombreuses discussions, officielles et informelles, ces dernières n'étant évidemment pas les moins fructueuses, le tout sans compter les journées de travail de la commission de rédaction, la bonne quarantaine de séances de votre comité et les innombrables conversations présidentielles aboutissent donc aujourd'hui à ce texte auquel vous avez en grande majorité donné votre assentiment et en quelque sorte votre signature. Cette approbation, nous le savons, recouvre des sentiments divers mais concordants. Il y a tout d'abord la fierté d'avoir accompli une mission ardue, le soulagement aussi d'arriver au bout d'une œuvre commune, même si certains auraient souhaité qu'elle soit plus attentive et prolongée, la satisfaction d'avoir su garder le sens de l'humour dans certains passages un peu délicats de nos travaux, le plaisir d'avoir travaillé dans un climat le plus souvent détendu et amical, ambiance plutôt rare dans la politique ordinaire, mais nous faisions un peu de la politique extraordinaire, d'ordre constitutionnel à la base — ou au sommet, comme vous voulez — de l'édifice législatif établissant les fondements — ou le toit — de notre État de droit cantonal. Mais cette approbation correspond — par-delà les sentiments divers qu'elle nous inspire, aussi la nostalgie d'ailleurs, on l'a entendu tout à l'heure - aussi à une conviction commune, celle d'avoir continuellement cherché à préparer une Charte qui soit non seulement la meilleure absolument — ou à nos propres yeux - mais à la fois la plus adéquate au temps présent et au futur prochain, tout en restant acceptable pour les citoyennes et les citoyens d'aujourd'hui, ou plus précisément du 22 septembre prochain. Certes cette préoccupation, plus forte d'une rédaction à l'autre et d'une lecture à l'autre, avait de quoi tempérer les enthousiasmes les plus sincères et modérer les élans les plus fervents. Nous avons tous nos petites et nos grandes déceptions quand nous comparons d'une part les espoirs mis, par nous-mêmes d'abord et aussi de l'extérieur, en notre Assemblée, et d'autre part les résultats de ces trois années de labeur constitutionnel. Mais ainsi que nous l'avons déjà dit dans la dernière lettre en date parue de notre Constituante, et tel ou tel l'a rappelé tout à l'heure, il convient de comparer, non pas des attentes ressenties et des articles proposés, mais bien des articles à des articles, c'est-à-dire deux textes — celui de l'actuelle Constitution datant de 1885 et le projet présenté par l'Assemblée constituante. La comparaison est vite faite, même si nous ne sommes pas sûrs que le texte qui portera peut-être la date de 2002 durera aussi longtemps que celui de 1885, ni d'ailleurs s'il serait heureux qu'il en fût ainsi. Deuxièmement, il faut bien admettre que la démocratie, sur laquelle nous avons reçu quelques leçons tout à l'heure, est d'une certaine manière aussi une dictature: la dictature de l'arithmétique, l'expression d'un rapport de forces qui ne retient que les solutions obtenant la majorité des voix exprimées, 50 + 1. Nous avons personnellement donné notre avis en vote final. Il appartient désormais à chaque citoyen et à chaque citoyenne vaudois de faire sa propre évaluation de l'ensemble du projet et de se prononcer en conséquence. Espérons que les enjeux, leur importance et leurs limites, apparaîtront clairement aux yeux de celles et de ceux qui participeront à la votation du 22 septembre prochain. D'ici là, nous aurons à cœur de participer à une campagne qui sera brève et devrait démarrer, il faut le dire, dans un mois déjà, avant de se calmer pendant la trêve estivale. En effet, les impératifs du vote par correspondance en voie de généralisation sont tels que les l'on ne pourra faire utilement campagne que pendant une brève période après les vacances puisque le matériel de vote sera disponible réglementairement dès le 26 août chez les citoyennes et les citoyens. Autant dire qu'il faut se mettre aujourd'hui au travail et que si ce travail change de nature, il ne s'interrompt pas vraiment, je dois vous le dire. Mais je dois aussi vous demander de le poursuivre avec nous. Au nom de la coprésidence, encore une fois je vous remercie pour votre assiduité, votre courtoisie, le plus souvent votre discipline et bien sûr votre travail engagé. Merci [applaudissements].

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F Francine Crettaz

Une petite communication: comme nous avons beaucoup de retard sur notre programme, vous voudrez vous rendre sans tarder à l'endroit où nous allons manger, le plan est juste pour l'indication du lieu. Vous verrez, vous ne pourrez pas tourner directement à gauche, il faudra faire un petit détour mais c'est assez bien indiqué. Alors rendez-vous au repas, tout de suite, à Villars-le-Terroir.

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Prises de position individuelles

(remises par écrit après la séance)

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F Daniel BOVET

Les réponses que nous avons reçues ont été une belle démonstration de l'intérêt que nos concitoyens étaient prêts à prendre à nos travaux; ajoutons que le dépouillement, pour avoir été fait en quinze jours, est un travail remarquable, tout à l'honneur de notre secrétariat. Mais ce dépouillement ne pouvait être autre qu'essentiellement statistique alors que parmi les réponses, il en est certainement plusieurs qui avaient valeur de pétition; mais évidemment, vu leur nombre, il était impossible de les traiter comme telles. Il est une décision qui me paraît saugrenue: c'est d'avoir traité de confidentielles toutes les réponses individuelles. Une chose est de déposer un bulletin de vote dans une urne, et c'est une autre chose que d'adresser à une autorité une proposition positive et explicitement formulée: je suis persuadé, parce que certains me l'ont fait entendre, que la plupart de ceux qui ont pris la peine de nous écrire se sentent frustrés à l'idée que leur missive n'a été et n'est encore accessible qu'au cent-huitante membres de l'Assemblée et peut-être à quelques privilégiés. Je suggère que toutes ces réponses (pourvu qu'elles aient passé l'épreuve du feu et l'épreuve de l'eau!) soient rendues publiques: leur contenu pourrait servir à ceux qui seront chargés d'amender notre ouvrage. La cour constitutionnelle institue la suprématie du pouvoir judiciaire, la «dicastrocratie», c'est-à-dire le gouvernement par les juges; c'est une forme pernicieuse de la technocratie: des magistrats appartenant à une certaine profession, celle des juristes, deviendront les arbitres des décrets d'un législateur élu par le Souverain, que notre projet même proclame «autorité suprême du Canton». La profusion de prétendus droits fondamentaux, énoncés parfois de façon équivoque ou même énigmatique, devient un véritable danger en présence d'une juridiction constitutionnelle. Qu'on me permette enfin d'évoquer une de nos plus déplorables décisions: aveuglés par les émissaires du Conseil synodal, nous avons refusé à nos paroisses et à nos paroissiens une juste et nécessaire garantie contre l'autocratie ecclésiastique.

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F Alain GONTHIER

C'est au nom du mouvement politique auquel j'appartiens que je dois m'exprimer ici. Nous avons en effet appris le week-end passé, au gré d'un mail égaré, que nous n'étions plus désirés au sein du groupe Agora — en français exclus sans discussion par le chef. L'évaluation du texte constitutionnel exprimée tout à l'heure par Josef Zisyadis est donc le fruit des cogitations du seul POP-Gauche en mouvement regroupé avec lui-même, et non, comme il l'a dit,«des formations politiques«qui composaient Agora. Ce désagréable préalable fait, venons sur le fond. Nous voulons tout d'abord dire le plaisir que nous avons eu à ce travail de constituant. Nous y avons rencontré des collègues intéressants et avons appris beaucoup. Nous n'avons pas ménagé notre peine et notre réflexion, ni notre salive (ni parfois votre patience). Jusqu'au bout nous avons participé au«polissage«de ce texte, y compris sur des articles dont le fond ne nous convenait guère. C'est dire si le travail accompli nous tient à cœur. Cela ne dispense pas d'examiner froidement le résultat. Nous n'allons pas revenir sur le détail des articles, mais donner notre bilan global. Dans le premier plateau de la balance, les avancées. Beaucoup les jugent en confrontant le nouveau texte à celui de 1885. C'est une erreur. Le texte issu de nos travaux doit être comparé au«tissu constitutionnel«en vigueur (Constitution fédérale, accords et conventions internationales, etc.), ainsi qu'aux lois en cours d'élaboration, sur le plan cantonal comme fédéral. Mesurées à cette aune, les avancées qui surnagent sont rares, et le plus souvent entérinent des évolutions en cours, bien loin de percées héroïques. Mais on ne peut braquer les projecteurs sur ces seuls progrès relatifs. Il faut aussi considérer, dans l'autre plateau de la balance, les«couleuvres«contenues dans ce projet. Car approuver ce texte, c'est l'approuver en entier, c'est reconnaître chacune de ses dispositions comme au moins acceptable. En ce qui nous concerne, comme déjà mentionné à d'autres occasions, nous aurions un véritable boa à avaler: la sanctification, sans aucune réserve, de la propriété privée et de la liberté économique comme des droits fondamentaux. A bien considérer l'état du monde et les périls qui le menacent, à bien mesurer l'impuissance croissante des décisions politiques et l'emprise inversement croissante des décisions de quelques grands groupes économiques sur notre avenir, cette sanctification est simplement irresponsable, et doit être combattue. Il eût fallu des progrès autrement plus considérables que ceux de ce projet pour contrebalancer ce seul point. C'est donc avec regret, mais en pleine conscience du long, long chemin qui nous sépare d'une Constitution qui réponde à nos attentes, que nous dirons NON à ce projet.

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F Bernard MARTIN

Madame la Présidente, chères et chers collègues, «Meh lifere, weniger lafere»  (livrer davantage et moins causer) diraient nos voisins bernois, ce qui se traduirait en langage de jardin d'enfants: «Plus de tartines et moins de comptines! «Je ne résiste pas néanmoins à l'envie de profiter d'un bel auditoire, ce qui n'est pas si fréquents pour les gens de notre métier, sauf lors des services funèbres. Je ne crois ni au progrès ni au regret, mais au souffle: «Jésus annonçait le royaume de Dieu, et c'est Église qui est venue», écrivait Loisy, penseur catholique moderniste, au début du siècle passé. Nous avions espéré et annoncé une constitution qui ait du souffle, et nous voilà un peu essoufflés! Pourtant le texte constitutionnel du 14 avril 2003 est là, devant nos yeux, comme un outil dans la main du législateur. Ayant vécu quatre ans dans un régime dit communiste et deux ans dans un régime colonial et néo-libéral, j'ai perdu quelques illusions, mais j'ai confiance en ce nouvel outil et en ses futurs utilisateurs. Je comprends aussi ceux dont la cohérence politique et l'idéalisme a été blessé par la mathématique démocratique et le bon sens vaudois. Je raconterai à ma petite fille l'histoire de la constituante: «Il y avait une fois 180 personnes intègres et sincères, bien présidées, bien administrées par un bon secrétariat, bien recadrées par une excellente commission de rédaction, un peu rétribuées par un État débonnaire, qui passèrent de la Cité à l'Université, de la Maternité au Palais de Rumine et de Château d'Oex à Échallens, pour rédiger 18O articles, de sorte que chacun, en ce beau vendredi 17 mai 2002, est rentré à la maison avec son article sous le bras. Ainsi tout le monde fut content, et il n'y eut pas de jaloux...» A vous, chères et chers collègues et néanmoins amiEs, je raconterai cette petite fiction: «Il y aurait une fois quatre jeunes gens qui descendraient la Côte, entre Sainte-Croix et Vuiteboeuf, après avoir festoyé quelque peu. Ils manqueraient une épingle à cheveux pour se retrouver vivants, un peu plus bas, sur la route romaine, la voiture démolie. Au pandore qui leur demanderait qui était au volant, le premier affirmerait qu'il était derrière, le deuxième de même et le troisième itou. Quant au quatrième, le Oin-Oin de service, il répondrait: «Il n'y avait personne devant, car on était tous derrière.» Je nous souhaite donc d'être devant pour défendre et illustrer nos articles avant le 22 septembre. L'histoire continue, et les défis sont maintenus. J'emmène à la maison l'article premier, dont découle tout le reste:

Où? — Le canton de Vaud.
Quoi? — Une république démocratique.
Sur quoi? — Sur quatre colonnes.
Lesquelles? - Liberté, Responsabilité, Solidarité, Justice.
Quand? — Pas tout de suite, il faut du temps pour passer du virtuel au réel, défi pour la politique, l'économie, la culture, la formation et l'information.
Avec quelle force? — Celle de l'esprit.

En ce temps de Pentecôte, je vous souhaite, sœurs et frères en humanité et en citoyenneté, de croire encore au souffle et à l'esprit: «veni creator spiritus» — viens esprit créateur! Avec des minuscules, pour ne pas le confisquer. Car il est démocratique et accessible à tous.

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F Roland OSTERMANN

Tout n'est pas terminé. Notre Constitution va créer des postes de travail, ceux de juristes exégètes hélas. Il se trouve en particulier, quelque part dans un article essentiel, une virgule qui est une vrai mine d'or! Elle introduit une proposition relative qui n'est alors qu'explicative ou illustrative du propos principal. Sans cette virgule, la portée de la relative changerait du tout au tout, puisqu'elle deviendrait déterminative et exclusive. C'est certainement l'interprétation que voudront faire valoir d'aucuns qui jusqu'à ce jour n'y ont vu que du feu! L'article 140 sur la surveillance des communes nous donne ainsi rendez-vous! Nous avons d'autres rendez-vous, en particulier avec ceux qui édicteront les lois d'application et qui auront parfois à s'interroger sur la signification d'un texte à la rédaction parfois hâtive, reconnaissons-le avec humilité.

Fin de la séance

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Mise en page Dominique Renaud


  020517-exbu.htm   13.6.2002 Révision: 01 December 2002