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2e lecture; projet mis en consultation, amendements, propositions de la commission de rédaction

Bulletin de séance

Procès-verbal de la séance du 2 novembre 2001

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N° et Date de la Séance N° 31 du 2 novembre 2001
Lieu Aula du Palais de Rumine
Présidence de Monsieur René Perdrix
Vote de présence du matin  161
Vote de présence de l'après-midi  154

Déroulement des débats

Décisions prises ...............................................................................................2
Accueil et communication d’ordre général ...............................................................6
Rapport de vérification des titres d’éligibilité ............................................................7
Renouvellement du comité.......................................................................................8
Modification du règlement .................................................................... 12
Formulation épicène............................................................................................. 16
Mise en discussion des articles de l’avant-projet................................................... 18
Titre I «Dispositions générales» ........................................................................... 29
Article premier – Le Canton de Vaud.................................................................. 29
Article 2 – Armoiries ......................................................................................... 35
Article 3 – Langue officielle................................................................................. 46
Article 4 – Capitale ........................................................................................... 46
Article 5 – Collaborations et relations extérieures................................................ 46
Article 6 – Buts et principes Article 7 – Principes juridiques fondamentaux ......... 51
Article 8 – Responsabilité individuelle (art. 42 du projet mis en consultation) ...... 67

Les décisions prises lors de la séance figurent dans le détail à la page suivante.

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Décisions prises

Renouvellement du comité: 135 OUI, 6 NON et 12 abstentions.

Réélection des coprésidents: 151 OUI, 2 NON et 5 abstentions.

Proposition de la commission de rédaction sur la formulation épicène: 156 OUI, 0 NON et 3 abstentions.

Proposition du groupe des Verts – Ostermann de considérer le travail qui s’engage comme une première lecture: 152 votes exprimés, 24 OUI, 119 NON et 9 abstentions.

Article premier – Le Canton de Vaud

1) Amendement Bouvier: ajouter à l'intitulé de l'article 1 les mots «La République». 150 votes exprimés. Refusé par 31 OUI, 113 NON et 6 abstentions.
2) Amendement Pillonel: ajouter le mot «public» à la fin de la 2 e phrase. 152 votes exprimés. Refusé par 16 OUI, 129 NON et 7 abstentions.

Article premier: accepté par 149 OUI, 0 NON et 3 abstentions.

1 Le Canton de Vaud est une république démocratique fondée sur la liberté, la responsabilité, la solidarité et la justice.

2 Le peuple est souverain. Le suffrage universel est la seule source, directe ou indirecte, du pouvoir.

3 Le Canton de Vaud est l'un des États de la Confédération suisse.

4 Il a toutes les compétences, à l'exception de celles qui sont attribuées à la Confédération par la Constitution fédérale.

5 Il est composé de communes et divisé en districts.

Article 2 - Armoiries

1) Sous-amendement Desarzens: dans le cas où l'amendement Weill-Lévy serait adopté, le compléter par l'adoption d'une devise «Liberté, Solidarité et Patrie», figurant en bandeau, en annexe au drapeau, et non pas sur la surface de celui-ci. Refusé par 39 OUI, 108 NON et 7 abstentions.
2) Amendement Weill-Lévy: suppression de la devise sur un drapeau qui resterait blanc et vert. Refusé par 53 OUI, 96 NON et 6 abstentions.
3) Amendement du groupe Radical Roulet-Grin: revenir à l a devise «Liberté et Patrie». Au vote nominal, accepté par 93 OUI, 46 NON et 16 abstentions.

Article 2: Accepté par 91 OUI, 57 NON et 7 abstentions.

Les armoiries du Canton consistent en un écusson vert et blanc avec la devise «Liberté et Patrie».

Description héraldique en accompagnement de la représentation de l'écusson, les deux étant en regard direct de l'article 2.

Article 3 – Langue officielle

Article 3: Accepté par 148 OUI, 0 NON et 4 abstentions.

La langue officielle du Canton est le français.

Article 4 - Capitale

Article 4: Accepté par 143 OUI, 1 NON et 6 abstentions.

Lausanne est la capitale du Canton.

Article 5 – Collaborations et relations extérieures

1) Amendement du groupe Libéral, Amstein, qui vise à supprimer, à l’alinéa 1, «ou leurs populations». Refusé par 46 OUI, 99 NON et 5 abstentions.
2) Amendement Wehrli, qui vise à l'interversion des terme à l’alinéa 1 «les autres cantons» avec «la Confédération». Refusé par 54 OUI, 75 NON et 19 abstentions.
3) Amendement Rebeaud, qui vise à la suppression du deuxième alinéa. Refusé par 58 OUI, 79 NON et 6 abstentions.

Article 5: Accepté par 135 OUI, 0 NON et 14 abstentions.

1 Le Canton collabore avec la Confédération, les autres cantons, les régions voisines et les autres États ou leurs populations. Il est ouvert à l'Europe et au monde.

2 L'État participe à la création d'institutions intercantonales ou internationales dans le respect des intérêts des communautés locales et régionales; il encourage les collaborations entre communes.

Article 6 – Buts et principes et Article 7 – Principes juridiques fondamentaux

Vote sur la procédure: conduire jusqu'à son terme la discussion sur les amendements; se prononcer sur ces amendements en réservant le vote final avec un nouveau de rapport de la commission de rédaction. Accepté par 106 OUI, 34 NON et 5 abstentions.
Article 6
1) Amendement Schwab au nom du groupe Forum à l’alinéa 2: «Il fait prévaloir la justice, la paix et il garantit l'ordre public», en lieu et place de «Il fait prévaloir la justice, la paix et l'ordre public». Accepté par 121 OUI, 16 NON et 3 abstentions.
2) Amendement Buhlmann à l’alinéa 2: suppression de la dernière phrase, après le point-virgule: «il soutient les efforts de prévention des conflits». Refusé par 66 OUI, 72 NON et 2 abstentions.
3) Amendement Buhlmann à l’alinéa 6: supprimer les mots «dans sa diversité». Accepté par 71 OUI, 65 NON et 4 abstentions.
4) Amendement Buhlmann: supprimer l’alinéa 7. Accepté par 68 OUI, 65 NON et 6 abstentions.
5) Amendement conditionnel Vie associative à l’alinéa 6: au cas où l'élément de phrase «dans sa diversité» venait à disparaître, «modifier le texte de cet alinéa de la manière suivante: «L'État reconnaît les familles» – et non plus la famille – «comme éléments de base de la société»? Accepté par 74 OUI, 64 NON et 2 abstentions.
Article 7
6) Amendement Buhlmann: suppression de l’ali néa 4. Accepté par 70 OUI, 67 NON et 2 abstentions.
Articles 6, al. 3 bis et 7, al. 4
Amendement conditionnel Vie associative Linder concernant l’alinéa suivant: «Il veille à ce que, au sein des autorités, les femmes et les hommes soient représentés de manière équilibrée»; si cet alinéa est supprimé à l’art. 7, le réintroduire à l’art. 6 comme alinéa 3 bis. Accepté par 70 OUI, 66 NON et 2 abstentions.

Article 8 – Responsabilité individuelle

1) Amendement Martin: remplacer «les autres êtres humains» par «autrui». Accepté par 125 OUI, 2 NON et 6 abstentions.
2) Sous-amendement Richard concernant l'amendement Chatelain: supprimer «dans la mesure de ses possibilités». Accepté par 73 OUI, 51 NON et 9 abstentions.
3) Opposition des amendements Chatelain et Dufour, qui concerne le premier alinéa. Les OUI sont attribués à l'amendement Chatelain. Les NON soutiennent l'amendement Dufour. L'amendement Chatelain l'emporte par 91 voix contre 34, avec 3 abst entions.
4) Alinéa 1: Opposition amendement Chatelain et proposition de la commission de rédaction. La proposition Chatelain l'emporte par 74 voix contre 49 et 3 abstentions.
5) Alinéa 2: Opposition amendement Chatelain et proposition de la commission de rédaction. La proposition Chatelain l’emporte par 93 voix, contre 30 et 5 abstentions.

Article 8: Accepté par 80 OUI, 31 NON et 18 abstentions.

1 Toute personne physique ou morale est responsable d'elle-même et assume sa responsabilité envers autrui.

2 Elle contribue à la bonne marche de la collectivité dans laquelle elle vit et prend sa part de responsabilité pour garantir aux générations futures qu'elles auront aussi la possibilité le droit de décider elles-mêmes de leur devenir.

3 Elle assume sa part de responsabilité dans une utilisation appropriée des deniers publics et des services financés par ceux-ci.

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La séance est ouverte à 9.30 heures.

Sont présents:

Mmes et MM. Abbet Raphaël, Amstein Claudine, Athanasiadès Jean, Aubert Josiane, Baehler Bech Anne, Balissat Jean, Bavaud Adrien, Benjamin Samy, Berger Cécile, Berney Michel, Bielman Anne, Blanc Eric, Boillat Jean-Pierre, Bolinger Anne-Marie, Bory Weber Dominique, Bouvier Denis, Bovay Judith, Bovet Daniel, Bovet Fred-Henri, Bovon-Dumoulin Martine, Bovy Samuel, Braissant Rénald François, Buehler Michel, Buffat Michel, Buhlmann Gérard, Buhlmann Willy, Burnet Olivier, Burnier-Pelet Thérèse, Burri Marcel, Carnevale Eliane, Chapuis Allegra, Charotton Georges, Chatelain André, Cherix François, Chevalley Isabelle, Chollet Jean-Luc, Cohen-Dumani Marcel, Colelough Philippe, Conod Philippe, Cornu Claire-Lise, Cornu Pierre-Alain, Cossy Samuel-Henri, Crisinel François, Cruchon Raoul, Cuendet Maria-Chrystina, de Haller Jean-Claude, de Luze Charles-Henri, De Souza-Kohlbrenner Regula, Delay Elisabeth, Dépraz Alex, Desarzens Laurent, Desmeules Michel, Dessauges Pascal, Dufour Denyse, Dufour Etienne, Fague Sébastien, Farron Pierre, Favre-Chabloz Raymonde, Freymond-Bouquet Monique, Galeazzi Rebecca, Gallaz Christophe, Garelli Stéphane, Gindroz André, Girod-Baumgartner Christine, Glauser Alice, Gonvers Olivier, Gorgé Marcel, Goy-Seydoux Louis, Gross Nicole, Guignard Françoise, Guy Joël, Haeffliger Sylviane, Haldy Jacques, Henchoz Pierre, Henchoz-Cottier Martine, Henry Philippe, Hermanjat Pierre, Holenweg Rouyet Anne, Humair Louis, Hunkeler Pierre, Jaeger Odile, Jaggi Yvette, Jaton Nathalie, Jemelin Mireille, Jomini Viviane, Jordan Kulling Andreane, Jufer Nicole, Kaeser Danièle, Keller Pierre, Kulling Jean-Pierre, Labouchère Catherine, Lasserre Colette, Le Roy Jean, Lecoultre Richard, Lehmann Pierre, Leuba Jean-François, Linder Sandra, Loi Zedda Fabien, Luisier Christelle, Lyon Anne-Catherine, Maillefer Denis-Olivier, Mamin Henri, Marion Gilbert, Martin Bernard, Martin Jean, Martin Laurence, Martin Marie-Antoinette, Martin Marie-Hélène, Mayor Philippe, Milloud Jean-Pierre, Morel Charles-Louis, Morel Nicolas, Moret Isabelle, Nicolier Yvan, Nordmann Philippe, Nordmann Roger, Oguey Annie, Ormond Anne, Ostermann Roland, Payot François, Pellaton Berthold, Perdrix René, Pernet Jacques, Piguet Jean-Michel, Pillonel Cédric, Piot Christine, Pittet François, Pittet Jacqueline, Pradervand Jean-Claude, Renaud Dominique, Reymond Antoine, Richard Claire, Rodel Marilyne, Roulet Catherine, Roulet-Grin Pierrette, Ruey-Ray Elisabeth, Salamin Michel Lauréane, Saugy-Anhorn Nathalie, Schmid Charles, Schneiter Robert, Schwab Claude, Streit Adrien, Tille Albert, Troillet Roland, Vallotton Jacques, Vincent Martial, Vollut Françoise, Voruz Eric, Voutaz-Berney Eveline, Wehrli Laurent, Weil-Lévy Anne, Wellauer Pierre-Olivier, Wettstein Martin Irène, Winteregg Michel, Wiser Henri, Yersin-Zeugin Ruth, Ziegler Geneviève, Zuercher Magali, Zwahlen Jacques (159).

Sont absents:

Mmes et MM. Bory Marc-André, Brélaz Daniel, Bron Jacques-Henri, Gonthier Alain, Jaillet Gérard, Margot François, Masson Stéphane, Nicod François, Perrin Jeanne-Marie, Rebeaud Laurent, Recordon Luc, Zisyadis Josef (12)

Se sont excusés:

Mmes et MM. Ghiringhelli Charles Pascal, Grin Nicole, Mages Roland, Mamboury Catherine, Rapaz Olivier, Rochat-Malherbe Paul, Thévoz Francis (7).

Sièges vacants:

MM. Dubois Jean-Paul, Keshavjee Shafique, démissionnaires (2) 

Nouveaux constituants

Mme Isabelle Chevalley (arrondissement d'Aubonne; libéraux et indépendants) remplace M. Laurent de Mestral; M. Richard Lecoultre (arrondissement de Rolle; socialiste, verts et hors parti) remplace M. Yves Goël.

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Contrôle des présences
Le matin 161 constituants
L'après-midi 154 constituants

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Accueil et communication d’ordre général

F René PERDRIX

Mesdames et Messieurs les constituants et les constituantes, il règne dans la salle encore un petit air de vacances, je rappelle que celles-ci sont terminées. Je me réjouis de vous voir regagner vos places afin que nous puissions ouvrir cette 34e séance plénière de l'Assemblée constituante vaudoise. Je vous salue tous. Je souhaite que vous ayez passé un excellent été, que vous revenez reposés, pleins de bonnes idées, rassurés ou pas par le résultat de la consultation, en tout cas pleins de bonnes intentions pour mener à chef la mission qui nous a été confiée. Vous avez reçu une proposition d'ordre du jour. J’ajouterai à cette proposition un point 3 bis qui est le remplacement du constituant Shafique Keshavjee à la commission de rédaction. Y a-t-il, de la part de l'Assemblée, d'autres demandes de modifications ou d'ajouts à cet ordre du jour? Si ce n'est pas le cas, nous le suivrons comme il vous a été proposé. Avant d'aborder le travail, je vous donne quelques indications sur les lieux que nous avons investis aujourd'hui. Pour nous aider à bien travailler dans cet endroit, qui est un peu plus sophistiqué que ceux que nous avons connus jusqu'à ce jour, nous avons, pour nous aider aujourd'hui, Madame la vice-chancelière Marianne Brélaz, secrétaire du Grand Conseil. Elle est presque une routinière des lieux puisque voici quelques semaines, voire quelques mois, que le Grand Conseil a pris possession de sa nouvelle salle temporaire. Celle-ci est équipée de micros individuels que nous n'utiliserons pas. Mme Brélaz vous recommande de les laisser tranquillement dans leur logement, sans trop les manipuler. Merci pour elle, pour les micros, pour le matériel. Si nous ne les utilisons pas, c'est que nous avons décidé de poursuivre ce que nous avons pratiqué jusqu'à ce jour, c'est-à-dire un déplacement des orateurs à la tribune. Il s'agira de la tribune qui est à ma gauche. Pour ce faire, et vu les difficultés de déplacement dans la salle, vous vous y prendrez un tout petit peu à l'avance et vous poursuivrez l'expérience de venir vous aligner dans l'ordre dans lequel vous allez prendre la parole, sur le premier rang de chaises disponibles. Rien de bien nouveau jusque-là. Nous possédons une deuxième tribune: elle est réservée à la présidente de la commission de rédaction et aux présidents des commissions qui désirent intervenir en début ou en fin de débat, sur tel ou tel article, titre ou chapitre. Nous reviendrons dans le courant de l'ordre du jour sur quelques précisions nécessaires avant d'aborder de front notre deuxième débat. Nous passons maintenant au point 2 de notre ordre du jour, qui est le «Rapport de vérification des titres d'éligibilité». Nous avons reçu quatre démissions. Deux seulement de ces constituants et constituantes seront remplacés aujourd'hui, puisque le remplacement des deux dernières démissions n'est pas encore effectif au niveau de la Chancellerie. Il s'agit de Mlle Isabelle Chevalley, qui remplace M. Laurent de Mestral pour l'arrondissement d'Aubonne, et de M. Richard Lecoultre, qui remplace Yves Goël pour l'arrondissement de Rolle. Les deux démissions qui ne seront pas repourvues aujourd'hui sont celles de MM. Dubois et Keshavjee. C'est M. de Luze qui donne le rapport sur l'éligibilité des titres.

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Rapport de vérification des titres d’éligibilité

F Charles-Henri de LUZE

Le Comité s'est réuni pour la vérification des titres d'éligibilité.

Par lettre du 22 juin 2001, M. Laurent de Mestral, constituant, domicilié à Féchy, a annoncé sa démission de l'Assemblée constituante. Mlle Isabelle Chevalley a été élue dans l'arrondissement d'Aubonne sur la liste Libéral et Indépendants. Le Conseil d'État nous a transmis l'extrait du procès-verbal du bureau électoral de l'arrondissement d'Aubonne. Il en ressort que le premier des viennent ensuite de la liste Libéral et Indépendants est M. Yves Chambaz, dernier domicile connu, Pfäffikon, parti sans laisser d'adresse. Aucun recours n'ayant été déposé contre cette élection, le Comité de l'Assemblée constituante vous propose de valider l'élection de Mlle Isabelle Chevalley.

Par lettre du 22 juin 2001, M. Yves Göel, constituant, domicilié à Rolle, a annoncé sa démission de l'Assemblée constituante pour fin octobre 2001. M. Richard Lecoultre a été élu dans l'arrondissement de Rolle sur la liste Socialiste et vertes en remplacement de M. Yves Göel. Le Conseil d'État nous a transmis l'extrait du procès-verbal du bureau électoral de l'arrondissement de Rolle. Aucun recours n'ayant été déposé contre cette élection, le Comité de l'Assemblée constituante vous propose de valider l'élection de M. Richard Lecoultre.

F René PERDRIX

Merci à M. de Luze de son rapport. Nous avions l'habitude d'avoir une brève présentation de ces nouveaux collègues par les présidents de groupe. Madame Amstein désire-t-elle présenter notre nouveau collègue?

F Claudine AMSTEIN

Il est toujours difficile de quitter un collègue et d’en retrouver un autre, mais c'est aujourd'hui un plaisir de vous présenter une nouvelle collègue en la personne d'Isabelle Chevalley. Elle est chimiste à l’UNIL et s'engage depuis de nombreuses années à nos côtés, surtout sur les sujets qui lui tiennent à cœur, notamment l'environnement et encore bien d'autres thèmes que vous aurez l'occasion d'entendre au cours des prochains débats. Je vous demande de lui réserver un bon accueil et vous aurez l'occasion de voir que c'est une personne qui est vive dans les débats, ce que nous aimons dans cette Assemblée.

F René PERDRIX

Une chose que j'ai oubliée de vous dire au début: quand vous arrivez à la tribune, vous avez à peser sur le bouton rouge pour avoir un véritable droit de parole. Le président vous donne la parole, mais cela ne suffit pas. Il faut que vous-même manifestiez cette volonté en enclenchant le micro. M. Piguet veut-il présenter M. Richard Lecoultre?

F Jean-Michel PIGUET

Je fais mon apprentissage du matériel comme tout le monde. J'ai pesé sur le bouton rouge. Cela ne suffit pas? La lumière est allumée, vous m'entendez? Voilà… Alors, j'ai le plaisir de vous présenter notre nouveau collègue Richard Lecoultre, qui est un homme engagé dans sa région à Rolle. Je ne vous en dirai pas beaucoup plus: je vous dirai simplement que nous nous réjouissons d'apprendre à le connaître dans le groupe Forum en même temps que vous. Nous avons eu le plaisir de l'avoir à notre première séance du Forum, mais je lui laisserai le soin de se présenter lui-même au fil de ses interventions. Voilà, je vous remercie de lui réserver un bon accueil.

F René PERDRIX

Je demande à Mlle Isabelle Chevalley et à M. Richard Lecoultre de se présenter devant l'Assemblée. Je vais essayer de parler debout, mais je demanderai à l'Assemblée de se lever aussi.

Madame et Monsieur les Constituants, vous voici maintenant conviés à exprimer votre détermination face à l'œuvre exaltante qui vous attend. Chacun le fera dans la pleine liberté de ses convictions, devant Dieu ou selon les valeurs qui l'inspirent. Une brève formule de prestation commune vous sera lue à laquelle chacune et chacun d'entre-vous, à l'appel de son nom, répondra oui. Chargé par les citoyens vaudois de participer à l'élaboration d'une charte qui fasse de leur état l'expression d'une volonté commune, je m'engage à porter haut, dans cette Assemblée, les valeurs propres à favoriser l'épanouissement des personnes au gré de leur liberté fondamentale et de leurs responsabilités à l'égard d'autrui, au sein d'une communauté secourable au plus faible et ouverte au monde. Si c'est là ce que vous désirez, témoignez le par un oui. Mlle Isabelle Chevalley?

F Isabelle CHEVALLEY

Oui.

F René PERDRIX

Merci. M. Richard Lecoultre?

F Richard LECOULTRE

Oui.

F René PERDRIX

Merci. L'Assemblée peut se rasseoir. Vous pouvez regagner vos places [applaudissements]. 

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Renouvellement du comité

F René PERDRIX

Vous avez reçu une liste des personnes en disponibilité. Vous aurez remarqué que celle-ci est très peu modifiée par rapport à l'équipe sortante, puisque la seule proposition de modification que nous ayons reçue est celle du groupe des Verts, qui propose de remplacer Jacques Zwahlen par Anne Weill-Lévy. Nous avons la possibilité, selon notre règlement, d'élire notre Comité à main levée. Est-ce qu'il y a une opposition à ce que nous procédions de cette manière-là? M. Pillonel.

F Cédric PILLONEL

Vous me croirez animé d'un esprit de chicane. C'est généralement l'intention que l'on prête à ceux qui, contre le courant général, s'attachent à faire respecter les lois. La colère populaire se retourne alors contre les défenseurs des lois, considérés comme des chicaneurs, et délaisse les hommes coupables d'inégalité. C'est pourtant l'amour de la Patrie qui m'anime et me pousse à vous demander que nous appliquions les lois que la cité s'est données. Vous vous rendrez peut-être compte que cette phrase n'est pas de moi: elle est de Lycurgue, orateur athénien du 4e siècle avant J.-C., qui demandait que l'on applique les lois et qui déposa un décret pour illégalité. Contrairement à ce qu'a dit M. Perdrix, l'article 48 nous demande expressément d’élire les différents comités et commissions au bulletin secret. Je vous propose donc la chose suivante: soit nous appliquons l'article 48 de notre règlement, soit nous le supprimons du règlement, pour que nous soyons dans la légalité.

F René PERDRIX

Avant de procéder à un quelconque vote, ça c'est la technique, Mme Papaux nous dit que nous devons attendre quelques minutes parce que des gens ne sont pas à leur place et ils doivent être invités à gagner celle-ci avant que nous procédions à un vote. Alors, c'est bon? Cela nous permettra de tester vos capacités à voter de manière électronique. Vous avez la proposition du Comité, qui vous propose un scrutin de liste à main levée, pour simplifier les opérations. Je rappelle que nous avons déjà procédé ainsi pour les deux renouvellements que nous avons déjà effectués. Vous avez la proposition Pillonel d'en rester strictement à la lettre de l'article 48, qui dit que les élections ont lieu au bulletin secret. Les constituantes et constituants qui soutiennent la proposition du citoyen Pillonel de procéder à un vote de liste secret sont priés de le manifester en pesant sur le «yes» [rires] et vous avez vingt secondes pour le faire. Il est bien entendu que ceux qui n'appuient pas Pillonel votent «no». Alors, le vote est terminé… Vous voyez que ce n'est pas si facile que ça de voter de manière électronique. Je vous donne le résultat du vote tel qu'il a été exprimé. On le répétera, puisque c'est un coup d'essai: 68 NON, 34 OUI et 3 abstentions. Nous serions donc seulement 105 dans la salle, mais il apparaît que vous êtes un peu plus nombreux que ça. Donc nous répétons le vote, ça vaut essai. Mais attendez: vous avez remarqué que vous avez trois possibilités: OUI, NON et abstention. Si vous pesez une deuxième fois, c'est le deuxième essai qui est validé par la machine, donc il est permis de changer d'idée. Vous avez peu de temps pour le faire, mais sachez que quand vous avez changé, votre premier vote est caduc. Alors, de nouveau, pour vingt secondes, vous pouvez vous exprimer sur la proposition Pillonel. Ceux qui acceptent la proposition Pillonel de voter à bulletin secret votent OUI, les autres NON, et il est permis de s'abstenir.

Proposition Pillonel: 160 votes exprimés, 115 NON, 38 OUI et 7 abstentions.

La proposition du constituant Pillonel est refusée. Nous procédons au vote au scrutin de liste et à main levée, c'est-à-dire à un vote oral. Ceux qui acceptent la proposition des groupes pour la constitution du Comité, telle qu'elle vous a été communiquée par lettre, sont priés de le manifester en votant électroniquement par un OUI, un NON ou une abstention, et ceci pendant vingt secondes.

Renouvellement du comité: 153 votes exprimés; 135 OUI, 6 NON et 12 abstentions.

F Roland OSTERMANN

Je ne reviens pas sur l'idée de voter sur la proposition Pillonel. Il me semble toutefois que si une personne dans la salle demande l'application du règlement pour une élection, on doit l'appliquer. Cela étant, vous avez bien parlé, Monsieur le président, de vote à main levée. Or, vous remplacez un vote au bulletin secret non pas même par un vote à main levée, mais par un vote nominatif, et alors ça, je considère que ça n'est pas tolérable. Nous pouvons effectivement, selon votre proposition et selon le désir de l'Assemblée, voter à main levée, mais il est exclu, pour une élection, de faire un vote nominatif que l'on peut toujours retrouver.

F René PERDRIX

Nous sommes en train de découvrir les astuces de cette machine. Nous aurons encore à en reparler à la suite d'une proposition du constituant Renaud tout à l'heure. Nous poursuivons la discussion et c'est le constituant Thévoz qui a la parole.

F Francis THEVOZ

Il y a un certain problème, il y a un problème dans l'insécurité du vote. Ou bien on identifie ou on n'identifie pas. Mais s'il y a des places vides au cours de la matinée, vous pouvez voter à trois ou quatre places à la fois. J'estime que c'est dangereux quand il y a beaucoup de monde dans la salle. Ce n'est pas correct que quelqu'un puisse voter discrètement à la place d'à côté sans contrôle. Ou bien on utilise la technologie, on identifie les votes et puis on a le droit de voter, un par personne, ou bien on reste comme ça, mais c'est dangereux, à un moment donné, il y aura des votes non sûrs.

F René PERDRIX

Pour rassurer le constituant Thévoz, le technicien m'a dit qu'il y a une méthode pour contrôler les tricheurs, quand il y a beaucoup de monde dans la salle. Il vient de me l'expliquer en long, en large et en travers. Je serais bien incapable de vous répéter tout ce qu'il vient de me dire, mais ce qu'il m'assure en tout cas, c'est que les moyens de contrôle existent. Laurent Rebeaud a la parole.

F Laurent REBEAUD

Je réponds juste à l'intervention assez inattendue de notre collègue Thévoz. Moi, je crois que l'on peut compter sur les 180 personnes réunies dans cette salle pour ne pas tricher, il n'y a pas besoin de contrôler.

F René PERDRIX

Je vous rappelle qu'un conseiller national s'était permis de tricher, mais ça s'est su, donc je pense que si ça se passait chez nous, ça se saurait aussi. Le constituant Bühler a la parole.

F Michel BUHLER

Une toute petite remarque: si on s'est trompé la première fois, c'est peut-être parce que, sur ces appareils, il est marqué non pas «OUI» et «NON», comme le demanderait la langue française qui, je vous le rappelle, est pour l'instant la langue officielle du Canton de Vaud, mais «yes» et «no». J'aimerais autant que possible, la prochaine fois que l'on renouvellera du matériel, que l'on parle en français. J'aimerais bien aussi que l'on parle en français dans les procès-verbaux et les documents de la Constituante: «open end», je le comprends, mais peut-être pas tout le monde. «Thank you very much».

F Jean LE ROY

Je viens, par exercice de style, de faire une fraude manifeste, c'est-à-dire que j'ai testé pour vous, j'ai voté pour M. Brélaz, qui n'est pas là. Deuxièmement, j'aurais une chose à dire: nous sommes dans un parlement. Dans un parlement, une rigidité telle qu'elle est actuellement me paraît quelque peu contraignante. C'est-à-dire que si l'on a quelque chose à discuter, vous savez comment ont été faites les commissions, elles sont interpartites, on ne peut aller trouver son collègue, il faudra vite revenir à sa place. Le système – tel que je le connais et en ayant eu écho par M. Schmid qui l'a installé – nous permet, avec une carte de vote, avec une piste magnétique, de voter de la place où l'on se trouve. Est-ce que ce système ne serait pas mieux? Parce que, vous savez, alignés comme des moutons dans un camion de transport, je ne sais pas si ça avantagera énormément l'attitude parlementaire.

F René PERDRIX

Il existe effectivement un système de vote individuel avec carte: c'est celui qu'a adopté le Grand Conseil. Je vous rappelle simplement que le coût de cette opération nous est apparu prohibitif pour les mois d'activité qu'il reste à la Constituante. Donc, ce n'est qu'une affaire de coût. Quelqu'un demande-t-il encore la parole à propos de ce vote? Je rappelle que nous aurons à nous prononcer tout à l'heure, suite à la proposition du constituant Renaud, sur la manière dont nous allons considérer nos différents votes, votes nominatifs ou non, et la publication que nous allons donner à ces votes. Alors je vous propose de reprendre cette discussion suite à la proposition de M. Renaud et, pour le moment, de poursuivre nos opérations d'élection, quitte à le faire à la bonne vieille méthode, à main levée, comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant, avec toute l'insécurité que ça suppose aussi dans le décompte des voix. S'il n'y a pas d'opposition à cette manière de faire, nous poursuivons nos élections. Nous devons procéder à l'élection des coprésidents. Là aussi, notre règlement est parfaitement clair, mais nous avons une proposition des membres du Comité, par la bouche de M. de Luze.

F Charles-Henri de LUZE

Il est apparu à votre Comité que nous avions pour mission non pas de perdre du temps dans le cadre d'élections lorsqu'il n'y a pas de contestation sur les choix des candidats, mais d'écrire ensemble la charte fondamentale qui régira demain notre pays. Pour cette raison, nous estimons, nous le Comité, que nous pouvons suivre ce que nous avons déjà fait en l'an 2000 et élire en une seule fois, «à main levée» puisqu'il faut appuyer sur des boutons, les trois coprésidents, et de ne pas perdre du temps dans le cadre d'un scrutin à bulletin secret. Nous vous proposons en conséquence le vote en bloc des trois coprésidents, par bouton et non à main levée.

F René PERDRIX

Y a t-il une opposition à ce que nous suivions la proposition de M. de Luze? Cela ne semble pas être le cas. Pour la bonne forme, y a-t-il, à part les trois propositions des coprésidents sortants, d'autres propositions de la part de l'Assemblée quant à la coprésidence? Il n'y a pas de proposition. Je vous demanderai donc de sanctionner cette élection par un vote électronique. Les constituantes et constituants qui sont d'accord de reconduire la coprésidence intégralement dans ses fonctions sont priés de le manifester par un OUI. Cas contraires?

Réélection des coprésidents: 158 votes exprimés, 151 OUI, 2 NON et 5 abstentions.

Je remercie l'Assemblée de la confiance qu'elle témoigne au Comité et à sa coprésidence. Nous vous promettons de tout mettre en oeuvre pour mener à chef la mission qui nous est confiée à tous et en y contribuant le plus largement possible. Le constituant Benjamin a la parole.

F Samy BENJAMIN

Je crois qu'avant de continuer nos débats, il serait important que nous obtenions des instructions sur la manière de parler à ce micro, parce que je dois dire que, en tout cas pour tous ceux qui sont dans le fond de la salle, le discours de chacun des intervenants est inaudible et incompréhensible. Alors, ça va faire vraiment problème [applaudissements].

F René PERDRIX

Pour rassurer le constituant Benjamin, enfin, je ne sais pas si c'est de nature à le rassurer, je crois que le Grand Conseil a à peu près les mêmes difficultés que nous quant à l'acoustique de cette salle et de cette installation. Mme Brélaz me dit que l'on espère remédier à ces défauts d'acoustique, mais ce n'est en tout cas pas pour ce matin. Nous arrivons au point 3 bis, qui est le remplacement de Shafique Keshavjee à la commission de rédaction. Nous avons reçu une proposition du groupe des Verts, qui propose, pour remplacer Shafique Keshavjee à la commission de rédaction, la candidature du constituant Laurent Rebeaud. Y a-t-il d'autres propositions de la part de l'Assemblée? Ce n'est pas le cas. Nous procédons à l'élection de Laurent Rebeaud. Les constituantes et constituants qui sont d'accord avec la proposition du groupe des Verts d'élire Laurent Rebeaud en remplacement de Shafique Keshavjee à la commission de rédaction sont priés de le manifester par un OUI. Le scrutin est clos: 156 votes exprimés, 121 OUI, 6 NON et 29 abstentions. Je félicite Laurent Rebeaud de son élection à la commission de rédaction et je lui souhaite un excellent travail au sein de cette commission [applaudissements].

Nous passons au point 4 de notre ordre du jour, il s'agit d'une «Proposition de modification du règlement». C'est le constituant Renaud qui nous fait cette proposition.

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Modification du règlement

Rapport du comité à l’Assemblée constituante en vue de sa séance plénière du 2 novembre 2001 en réponse à la proposition de M. Dominique Renaud

Dès le 2 novembre, l’Assemblée constituante pourra bénéficier du système de vote électronique mis en place pour le Grand Conseil à l’Aula du Palais de Rumine. Ce changement de système de vote a suscité une proposition de M. Dominique Renaud sous forme d’addenda au règlement de l’Assemblée constituante.

Proposition de M. Renaud

Règlement de l’Assemblée constituante.

Article supplémentaire: Vote électronique: «Le vote final de chacun des articles est enregistré nominativement pour autant qu’un système de vote électronique soit disponible».

L’avis du comité

Le comité estime que l’introduction du vote électronique est une facilité technique qui devrait raccourcir le temps consacré à cette opération sans entraîner toutefois de modification des règles adoptées par l’Assemblée.

Le vote électronique, pour autant qu’il soit disponible et qu’il fonctionne, permet de:

Le système de vote électronique mis en place pour le Grand Conseil permet de connaître le résultat nominatif de chacun des votes. Afin d’éviter une surcharge de papier et d’information non souhaitée et pour garder au vote nominal son caractère exceptionnel, le comité dans sa majorité ne souhaite pas archiver et rendre public les résultats nominatifs, à l’exception des cas où ceci est formellement demandé par l’Assemblée.

En conclusion

  1. Le comité estime que l’utilisation du vote électronique ne modifie pas les règles du jeu; une modification du règlement n’est dès lors par nécessaire.

  2. Il propose donc de refuser la proposition de M. Renaud.

F Dominique RENAUD

Je dois vous dire que je suis un peu fâché, aujourd’hui, parce que j'ai déposé le 12 juin une proposition pour modifier le règlement et que je n'ai obtenu la réponse du Comité qu'hier. Dans mon idée, la modification du règlement n'était pas essentielle. Par contre, ce que je voulais obtenir, c'est que notre Constituante se prenne au mot et joue le jeu de la transparence, c'est-à-dire que, puisque nous avions un système électronique mis à disposition, qu'on utilise la possibilité de faire systématiquement des votes nominatifs comme c'est le cas dans les parlements modernes. Je dois dire qu'après les premiers essais, qui sont plus ou moins fructueux, je suis un peu rasséréné: techniquement, le système nous offre la possibilité d'enregistrer les votes nominativement. Ils sont tous enregistrés nominativement, que le vote soit éventuel ou définitif. Ce que je vous propose de faire, c'est que le vote final de chaque article soit enregistré et ensuite publié dans une forme qui doit être adéquate. Devant le problème qui se pose, [deux à trois mots inaudibles], j'ai envoyé hier à 10:49 au secrétariat une proposition qui ne vous a pas été distribuée et que je vais vous lire: «Addendum au règlement de l'Assemblée constituante concernant le vote électronique. La proposition d’addendum au règlement de l'Assemblée constituante est faite dans l'hypothèse que le système installé pour le Grand Conseil fonctionne correctement et réponde aux besoins de l'Assemblée constituante. Comme certains craignent que cela ne soit pas le cas, je propose de faire un essai avec l’addendum proposé à la séance du 2 novembre 2001. Nous avons sept articles à traiter: l'utilisation du vote électronique avec enregistrement nominal pour les votes finaux devrait permettre à chacun de se faire une idée sur les avantages et les inconvénients de l'utilisation du vote électronique. Dans ces circonstances, la discussion de l’addendum au règlement de l'Assemblée constituante concernant le vote électronique devrait être reportée à la séance du 9 novembre 2001, l'Assemblée approuvant de procéder aux essais proposés lors de la séance du 2 novembre 2001».

F René PERDRIX

Merci au constituant Renaud du développement de sa proposition. Le coprésident Leuba répond au nom du Comité.

F Jean-François LEUBA

Le Comité s'est effectivement longuement penché sur la question soulevée par Monsieur le constituant Renaud. En réalité, il faut bien comprendre comment fonctionne le système, pour bien savoir sur quoi porte vraiment la question. Dans le système actuel, tous les votes sont enregistrés (je pense que cela n'a pas changé depuis mercredi) avec le numéro de place. Donc, si quelqu'un a l'impression que son vote a été mal enregistré ou qu'il y a quelque chose qui n'a pas fonctionné pour lui, il peut toujours demander au secrétariat si on a vraiment enregistré qu’il a voté OUI ou NON. Donc, ce point est réglé. En revanche, ce qui n'est pas prévu, pour l'ensemble des votes et pour le vote final sur les articles, c'est la distribution de 180 feuilles, ce serait le minimum qu'il faudrait faire, c'est-à-dire l'impression de 180 feuilles pour chaque vote final, de manière que chacun puisse voir comment l'ensemble des constituants ont voté. En revanche, s'il y a une demande de vote à l’appel nominal, à ce moment-là, il est clair qu’on sort les 180 feuilles et celles-ci sont distribuées. Nous pensons qu'il n'y a qu'un nombre limité de votes qui justifient ce flot de papier de 180 feuilles: c'est le premier argument pour lequel le Comité vous propose d’en rester au système actuel. Vous avez l'assurance que si vous avez une contestation pour un vote, vous pouvez personnellement aller demander si votre vote a été enregistré correctement. En revanche, la distribution des feuilles ne serait prévue que si le vote à l'appel nominal est expressément demandé. Deuxième argument: j'aimerais attirer l'attention – et nous l'avons éprouvé lors du premier débat – de M. Renaud et de l'ensemble des constituants sur le fait que le vote final sur l'article n'est pas toujours décisif. On a vu des articles extrêmement contestés où des votes très importants avaient lieu non pas sur le vote final sur l'article, mais sur les amendements qui étaient apportés. Puis ensuite, une fois que l'article a été mis au net, il y a une immense majorité de l'Assemblée qui l'a voté; cela représente relativement peu d'intérêt pour le public et pour l'Assemblée. Ce qui est intéressant, dans un cas de ce genre, c'est plutôt de savoir comment les gens ont voté sur tel ou tel amendement, et là il faut garder la souplesse: c'est vous qui décidez dans quel cas il est utile d'avoir un vote à l'appel nominal. Je répète que c'est toujours possible aux conditions qui sont fixées par notre règlement. Il nous paraît que systématiser le vote à l'appel nominal est une solution coûteuse en papier, sans doute coûteuse en temps, parce qu'il faut sortir toutes les feuilles, et que la souplesse s'impose ici plutôt que de choisir une solution rigide.

F René PERDRIX

A titre indicatif, il ne s'agit pas d'une feuille par vote, mais de cinq feuilles par vote. Nous avons les exemples au bureau pour ceux qui sont intéressés. La discussion est ouverte. Quelqu'un demande-t-il la parole? M. Renaud.

F Dominique RENAUD

Nous sommes un parlement qui doit plaider publiquement et nous avons été élus. Ce qui m'a toujours gêné dans la démocratie représentative, c'est de ne pas savoir ce que faisaient les députés que j'élisais. Nous avons l'occasion de le faire dans ce cas-là et je vous demande donc d'appuyer ma proposition, en tout cas de faire un essai. L'autre aspect, concernant la distribution, je n'ai jamais demandé que la distribution se fasse automatiquement, les 180 listes. Il y a d'autres manières de faire. Nous sommes au 21e siècle, M. Leuba, nous ne sommes plus au 19e. Il faut à tout prix voir que, dans mon idée, avec les résultats des votes, on pourrait faire un tableau qui résumerait très rapidement les votes qui avaient été faits pendant la séance et qui pourrait être mis à disposition, non pas nécessairement distribué, mais mis à disposition de ceux qui le demandaient. Donc je crois que l'argument comme quoi on utilise trop de papier n'est pas un bon argument. Par contre, il y a encore quelques aspects techniques pour savoir exactement comment on peut récupérer les résultats du système actuel, pour pouvoir les mettre à disposition sous une forme utilisable et adéquate.

F Roger NORDMANN

Étant de petite taille, je crois être le seul à avoir le micro à la bonne hauteur, c'est tant mieux. Je propose à notre ami Dominique Renaud de renoncer à faire un vote maintenant sur ces essais et de laisser les coprésidents essayer de gérer cette première séance. Cela n'a pas l'air d'être simple vu la technique. J'ai une petite intuition qui me fait dire que, peut-être, on changera de salle, malgré toute la qualité des équipements, et on laissera les historiens analyser comment on a pu construire une salle aussi absurde et dépenser pas loin de cinq millions pour la concevoir. Je propose donc à Dominique Renaud de renoncer à faire voter quoique ce soit maintenant et d'essayer de laisser les coprésidents mener la séance. C'est une motion d'ordre.

F Nicolas MOREL

En tant que scientifique, pour moi, la technique est au service de l'être humain et pas le contraire. Il me semble que, ce matin, on a un petit peu l'impression que c'est effectivement le contraire, et qu'on doit se plier dans notre fonctionnement à une technique quelque peu défectueuse: les problèmes liés à l'emplacement obligatoire de chaque personne à une place, qui n’est pas une bonne solution technique, les problèmes que l'on a vus tout à l'heure vis-à-vis du vote électronique, qui ne marche pas encore très bien, pour ne pas dire plus, la mauvaise sonorisation de cette salle, qui est catastrophique. J'aimerais revenir là-dessus: je ne sais pas si c'est un problème d'acoustique ou un problème de sonorisation, mais il faudra absolument résoudre ça. J'ajouterai encore un point qui n'a pas encore été cité, c'est la mauvaise conception de cette salle du point de vue de l'utilisation, pour un législatif, où les gens doivent se lever de leur place et venir parler à une tribune, et où il y a des rangées de sièges de six ou huit personnes. Evidemment, quand on se lève, on dérange tout le monde si on doit se lever au milieu de la rangée. Donc, c'est une salle qui a été mal conçue. Je pense qu'on devrait probablement se poser sérieusement la question d'aller siéger ailleurs. Je pense que le CHUV ou l'université, notamment, nous offraient de bien meilleures conditions de travail.

F Dominique RENAUD

Je me rallie à la proposition de M. Roger Nordmann.

F René PERDRIX

Alors, le proposant retirant sa proposition au profit de la déclaration du constituant Nordmann, j'imagine que nous poursuivons nos travaux sans nous prononcer aujourd'hui définitivement sur le sort des différents votes électroniques. Je rappelle ce qui a été dit au début: le vote formel, nominal, figurant sur les cinq feuilles lors de chaque vote, est à disposition de tous les constituants qui voudraient le consulter. Nous devons procéder à un vote de présence. Vous aurez remarqué qu'il n'y a plus de liste de présences: c'est peut-être un des avantages du système… il y en a quand même un. Il a lieu une heure après le début de la séance. Nous y sommes bientôt, 55 minutes.

Nous allons procéder à ce vote de présence. Attendez le signal. Effectivement, le vote dure 20 secondes, mais il faut que la machine soit ouverte pour que vous puissiez l'exprimer. Alors, vous marquez votre présence par un OUI sur votre propre pupitre, après quoi nous fermerons les pupitres des constituants qui ne sont pas présents.

Le scrutin est ouvert, manifestez votre présence par un OUI. 

Alors, vous êtes unanimement présents à 161, ce qui est très honorable. Merci.

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Formulation épicène

Proposition de la commission de rédaction

La commission de rédaction, soucieuse d’objectiver le débat sur la formulation épicène et attentive à ce que l’assemblée plénière puisse se prononcer sur des cas concrets, fait la proposition suivante:

«La commission de rédaction veillera à ce que le texte constitutionnel soit rédigé d’une manière neutre du point de vue des genres. Les cas pour lesquels une rédaction neutre n’est pas possible seront soumis à l’assemblée plénière; ainsi, ladite assemblée décidera pour chacun de ces cas concrets s’il convient de répéter un terme au masculin et au féminin ou si le masculin l’emporte».

A l’appui de cette proposition, la commission relève qu’en l’état actuel de l’avant-projet, seuls une trentaine d’alinéas semblent devoir être reformulés et qu’au sein de ceux-ci la question de la répétition d’un terme se pose seulement pour une quinzaine d’entre eux.

Pour illustrer son propos, la commission indique qu’une formulation neutre du point de vue du genre signifie par exemple de remplacer le mot «les électeurs» ou la répétition «les électeurs et les électrices» par les termes «le corps électoral» ou encore de remplacer «les députés vaudois au Conseil national» par «la députation vaudoise au Conseil national».

En conclusion

La commission de rédaction prie l’assemblée plénière de bien vouloir donner son accord à la présente proposition.

F René PERDRIX

Nous passons au point 5 de notre ordre du jour: «Formulation épicène» et je donne la parole à la présidente de la commission de rédaction.

F Anne-Catherine LYON

Vous avez reçu la proposition de la commission de rédaction qui vise, comme le dit le texte, a dépassionner ce débat sur la formulation épicène et à faire en sorte que notre Assemblée puisse trancher en toute connaissance de cause sur des cas concrets, plutôt que sur cette abstraction que représente pour beaucoup d’entre nous la formulation épicène. Notre commission a eu cette discussion et sa teneur nous a conduits sur la voie qui nous semble être la voie de la raison, à savoir que, de l'avis unanime des membres de cette commission, le fait de veiller à écrire les choses de manière neutre, du point de vue du genre, ne pose pas de problème, en tout cas aux membres de la commission, à nouveau là de manière unanime. En revanche, ce qui parfois pose problème, c'est le fait de trancher les situations dans lesquelles un terme neutre n’existe pas, à cet égard je prends l'exemple du mot «électeurs» qui peut être remplacée par le«corps électoral»; on ne peut pas toujours trouver une solution de ce genre. Donc, ce que nous proposons de faire, c'est que vous confirmez la commission de rédaction dans sa volonté de rédiger les choses de manière neutre du point de vue du genre, et nous reviendrons devant vous pour vous faire trancher les quelques articles – à notre avis, il ne devrait y en avoir qu'une quinzaine – où la question se posera de savoir s'il faut répéter un terme ou s'il faut appliquer la règle du masculin ou trouver une autre formule pour résoudre cette difficulté. Voilà ce que nous vous proposons et nous souhaiterions vivement que vous suiviez cette proposition.

F Geneviève ZIEGLER

Je propose en effet d'appuyer la proposition que vient de faire Anne-Catherine Lyon au nom de la commission de rédaction, mais je voulais faire deux remarques sur cet objet-là. Il existe, depuis juin 2001, une brochure qui s'appelle «Ecrire les genres, guide romand d'aide à la rédaction administrative et législative épicène», qui a été réalisé par la Conférence latine des délégués à l'égalité et qui propose un outil concret pour traiter la question qui nous occupe aujourd'hui. Ce guide comprend dix conseils de rédaction simple et il est illustré avec des cas concrets de lois et de règlements. Je suggère à notre commission de rédaction de s'en inspirer dans sa grande sagesse, plutôt que nous soumettre ici en assemblée plénière les quelques modifications qui seront nécessaires. D'autre part, j'ai également relu l'entier de notre avant-projet, sous l'angle du langage épicène, aidée en cela par la réflexion de Vie associative et, à ma grande surprise, effectivement, les modifications nécessaires sont peu nombreuses: 43, à mon avis, sur l'ensemble du texte, dont 14 qui posent le problème des répétitions. Vous conviendrez que c'est très peu vu la longueur du texte actuel. Pour illustrer rapidement mes propos, voici quelques exemples. Dans la plupart des cas, nous pouvons remplacer les «étrangers» par les «personnes étrangères», les «députés vaudois» par la «députation vaudoise», les «électeurs» par les «membres du corps électoral», etc… Il ne reste à mon avis que 14 articles où une répétition serait souhaitable, qui concerne essentiellement des titres et des fonctions. Par exemple, le chancelier, la chancelière, le syndic, la syndique, le président, la présidente. Il apparaît donc que l'effort est minime et que les vénérables linguistes de la langue française, souvent du genre masculin et d'un âge très respectable, n'auront pas de quoi occuper leurs longues nuits d'insomnie. Pour conclure, je vous propose d'accepter la proposition de la commission de rédaction et de lui confier le mandat de s'inspirer de ces propositions.

F Laurence MARTIN

Sans vouloir passer trop de temps sur ce sujet, je veux apporter le soutien inconditionnel de Vie associative à la formule proposée par la commission de rédaction. En effet, elle nous semble de nature à calmer les passions et à éviter la reprise d'un débat idéologico-émotionnel dont on peut prévoir qu'il serait long, pénible et qu’il laisserait quelques cicatrices. Symboliquement, Vie associative avait aussi pensé offrir ce livre à la commission de rédaction, même si nous pensons que, probablement, il est déjà dans leurs mains. Et pour ce qui est des quelque 14 cas mentionnés par Geneviève Ziegler, où la rédaction neutre ne serait pas possible à trouver, pour ce qui nous concerne, nous soutenons la solution de la répétition masculine et féminine des quelques mots.

F René PERDRIX

Merci à Mme Martin de son intervention. La discussion se poursuit. Personne ne demande la parole. Je constate que toutes les interventions allaient dans le sens de la proposition de la commission de rédaction. C'est une proposition formelle, je vous demande de l'accepter. Ceux qui sont d'accord avec la proposition de la commission de rédaction sont priés de le manifester par un OUI.

Proposition de la commission de rédaction sur la formulation épicène: 159 votants, 156 OUI, 0 NON et 3 abstentions.

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Mise en discussion des articles de l’avant-projet

F René PERDRIX

Nous arrivons au plat de résistance de notre ordre du jour, le point 6, la «Mise en discussion des articles de l'avant-projet». Nous avons vécu, depuis quelques mois, avec un fascicule comportant le résultat de notre travail, que nous avons considéré comme une première lecture. Ce texte a été mis en consultation, il a été soumis aussi à un expert que le comité avait choisi, en la personne du Prof. Pascal Mahon, constitutionnaliste à l'université de Neuchâtel. Celui-ci a travaillé de concert avec la commission de rédaction. Il a aussi déposé son rapport, qui est à la disposition de ladite commission. La méthode que nous avions choisie, pour mener à bien notre mission, était sûrement la plus difficile; elle était aussi la plus gratifiante. Même si beaucoup de consultés ont remarqué les faiblesses du texte issu de la première lecture, ils ont, pour la plupart aussi, reconnus que le résultat était inespéré à l'issue d'un tel parcours. Dès aujourd'hui, nous devons reprendre ce texte. Au-delà des oppositions que l'Assemblé aura sur le fond, nous aurons à serrer les rangs sur la forme, que nous nous devons d'améliorer. A cet effet, nous avons désigné une commission de rédaction, notre commission de rédaction, à laquelle nous nous efforcerons de faire confiance. Par le sérieux de son travail, elle mérite pleinement celle-ci. Nous avions imaginé, dans un premier temps, considérer pour chaque article la proposition de commission de rédaction comme le dernier amendement. Nous nous apercevons, après le tout petit parcours sur cette deuxième lecture que nous avons effectuée en groupe, que la chose sera ainsi difficile et nous avons dû constater que vous avez considéré, dans la plupart des cas, la proposition de la commission de rédaction comme le texte de base et que vous apportez vos amendements à la proposition de la commission de rédaction. S'il n'y a pas d'opposition, de la part de la Constituante, à dorénavant procéder de la sorte, c'est-à-dire à considérer la proposition de la commission de rédaction comme nouveau texte de base, en n'éliminant pas celui-ci, en autorisant chacun à revenir à celui-ci s'il le désire, que nous simplifierions le travail des groupes. Alors, cette question, je vous la pose maintenant, pour qu'il y ait une certaine sécurité dans la suite du travail, et c'est une discussion, si elle doit avoir lieu, qui devrait précéder une quelconque entrée en matière, j'ouvre la discussion à ce sujet. La parole n'est pas demandée. Je vous demanderai donc un vote pour sanctionner cette manière de faire. Les constituantes et constituants qui sont d'accord de considérer dorénavant la proposition de la commission de rédaction comme fondement de notre discussion future, comme proposition de base, sont priés de le manifester par un vote, par un OUI. Le scrutin est ouvert.

Dorénavant la proposition de la commission de rédaction comme fondement de notre discussion future:
152 votes exprimés, 148 OUI, 0 NON et 4 abstentions.

Merci de la confiance que vous faites à la commission de rédaction [applaudissements]. Nous ouvrons une discussion d'entrée en matière générale sur cette deuxième lecture. Mme Weill a la parole.

F Anne WEILL-LEVY

La lecture des différents rapports concernant les sentiments au sein de la population, tels qu’ils nous ont été présentés, j'avoue que je n'ai pas encore lu le contenu des vingt classeurs fédéraux qui nous attendent au sein du secrétariat, m'a amené à différentes réflexions que je vous livre pour étude. Dans l'excellent rapport que le Prof. Pascal Mahon a établi au sujet de notre avant-projet de Constitution, il a précisé d'emblée, avec tact et doigté, grosso modo, que notre projet manquait de clarté, tant sur le fond que sur la forme. A ce sujet, il faut se rappeler que nous avons choisi une méthode de travail qui visait à partir non pas d'un texte préétabli, nous en avions deux, comme vous le savez, mais d'un foisonnement d'idées émanant de six commissions de trente membres chacune, avec une représentation proportionnelle interpartite. Il en est résulté, en juin 2000, six morceaux de puzzle, peu voire pas ajustés les uns aux autres, par manque de coordination. En conséquence, à la place d'avoir un texte dont les problèmes techniques et juridiques ont été épurés et qui a déjà été soumis à la consultation usuelle, comme c'est notamment le cas des textes juridiques présentés au parlement, nous nous sommes attelés à une tâche de titan, visant à sculpter un tout dont la cohérence doit maintenant être non seulement technique, mais également politique. En d'autres termes, et cela n'entrait pas dans le mandat du Prof. Mahon, il nous appartient d'établir une charte fondamentale qui forme un tout, un projet politique cohérent, sachant aussi, lorsqu'il le faut, dépasser les clivages partisans, en s'appuyant sur une cohérence technique et juridique afin de soumettre au peuple vaudois une Constitution qui réponde à ses attentes. Or, chers collègues, et c'est là que le bât blesse, et que nous devons nous dépasser d'ici à fin mars 2002, pour y arriver, il est aujourd'hui indispensable, comme je viens de le dire, d'être à la fois méthodique, nous avons d'ailleurs résolu à ce propos un des problèmes méthodologiques et politiques, et de modifier notre avant-projet en conséquence. Comment faire? Voici ce que je vous suggère au nom de notre groupe des Verts. Tout d'abord, nous avons opté pour un texte long. C'est là notre choix et il sera donc nécessaire de l'aérer en supprimant le superflu, à savoir les répétitions à des fins que nous avions prévues pédagogiques et qui en réalité sont devenues des réalités anti-pédagogiques. A titre d'exemple, on peut imaginer et j'y reviendrai en temps utile, que l'énumération des droits fondamentaux existants dans la Constitution soit supprimée et remplacée par une phrase précisant par exemple ceci: «En plus de ceux qui figurent dans la Constitution fédérale, le Canton de Vaud garantit les droits fondamentaux suivants». Ainsi, nous aurons le mérite de mettre en exergue ce que nous voulons ajouter. Je crois d'ailleurs me souvenir que c'était ainsi que le projet «jaune» avait été élaboré. En second lieu, il m'apparaît que notre texte ressemble beaucoup à un pantin désarticulé. Nous devons donc le remettre d'aplomb en prenant en particulier de la hauteur pour pouvoir repérer les incohérences, les contradictions et les risques divers qu'il présente. A ce titre, en ne tranchant pas sur les principes jusqu'à maintenant, mais en entrant directement dans la rédaction article par article, nous avons perdu une chose primordiale: la vision d'ensemble que nous devons avoir. Mon collègue Roland Ostermann viendra d'ailleurs proposer une solution politico-didactique par la suite, ce qui nous permettra de donner le relief politique nécessaire [coupure de micro] dans les problèmes de méthodologie, nous avons résolu le premier qu'il me paraissait utile de régler. Par contre, il nous faudra également nous pencher sur la question du nombre de débats, ce qu'évoquera par la suite mon collègue Ostermann, pour pouvoir aller jusqu'au fond des choses et ne pas se limiter à un moment donné à trancher simplement des différends entre deux textes préétablis. Enfin, je voulais vous dire que, certes, mes propos peuvent vous paraître un peu rudes, mais il ne sont en tout cas pas désabusés, et je crois, là, donner l'opinion d'une majorité des Verts. Ce que je voulais vous passer comme message, c'est que nous devons, maintenant, et c'est une tâche que nous devons nous astreindre à effectuer, élaborer un projet clair, convaincant, à la mesure des attentes de ceux qui nous ont élus.

F Marcel BURRI

Je voudrais juste faire quelques remarques, qui n'ont pas du tout la portée très élevée de ce qui vient d'être dit, mais qui sont la réaction du naturaliste que je suis lorsqu'il a pris connaissance de ce rapport, dont il a été abondamment fait usage dans la presse. Alors, j'ai été très vivement déçu de la lecture de ce rapport. D'abord, on nous apprend dès le départ, à la page 2, que c'est un rapport qui n'a rien de scientifique, ça c'est honnête; et ensuite, on le traite de manière statistique, ce qui n'est pas correct. Là, il y a déjà une contradiction. Si j'en reste à la même page, il y a un tableau, que vous avez sans doute vu, et on vous dit que les chiffres des questionnaires revenus, c'est 1’930 questionnaires revenus, mais il y a des citations plus nombreuses. Alors si vous faites les totaux dans les différents tableaux qui apparaîtront par la suite, c'est toujours le chiffre de 1’930 qui apparaît, ça ne correspond pas à l'addition qui peut être faite dans les tableaux, on n'obtient toujours un chiffre qui est différent, on ne sait pas pourquoi. Et quand le rapport des fréquences est établi, il est établi sur le chiffre de 1’930 et non pas sur le total du tableau en question: ça, ça me paraît extrêmement flou. Moi, je ne suis pas mathématicien, je n'ai pas compris. J'ai posé la question à des collègues mathématiciens, ils n'ont pas compris non plus, ce qui veut dire qu'avec du bon sens on ne comprend pas. Ensuite de ça, vous avez ces grands tableaux, que vous avez vus ici, dans ces grands tableaux, il y a des régions qui figurent, elles sont trois. Alors de temps en temps, il y en a deux qui ne disent rien, il y en a une qui s'exprime, et après il y a des pourcentages, alors c'est 100 % de OUI et 0 % de NON. Cela n'a aucune signification. Alors, je ne sais pas pourquoi on a recopié ces tableaux, qui ne veulent strictement rien dire: c'est en effet 100 %, mais la marge d'erreur est aussi de 100 %, donc cela n'a aucune signification. Enfin, je ne veux pas beaucoup allonger, mais il y a le dernier tableau, qui à mon avis est assez scandaleux: c'est un tableau dans lequel on a associé – vous l'avez tous vu, il a été repris par la presse, celui-là – les non réponses et les sans avis au négatif, ce qui est totalement faux et malhonnête. Parce qu'en fait on a mis un 50 % là au milieu et ça donne l'impression que ceux qui sont d'accord sont beaucoup moins nombreux que les autres. Alors, je ne sais pas s'il s'agit là simplement d'incurie ou d'une volonté de trafiquer les faits, mais je reste insatisfait sur le travail qui a été livré. Merci.

F René PERDRIX

Alors, je ne sais pas si c'est de l'incurie ou de la volonté de manipuler, mais c'est en tout cas la partie qui incombait au Scris dans le dépouillement de la consultation. Madame la constituante Luisier a la parole.

F Christelle LUISIER

Avant de plonger avec enthousiasme dans l'examen des articles de l'avant-projet, le groupe Radical tenait à faire quelques considérations sur les événements qui ont émaillé la pause estivale. Cette pause a été très intéressante puisque, on vient de l'entendre, elle nous a permis de mener une consultation et, aussi et surtout, elle a permis de prendre un peu de recul par rapport au texte que nous avons concocté depuis plus de deux ans. S'agissant de la consultation, le groupe Radical se réjouit de l'intérêt qui a été porté à l'avant-projet. Plus de 2’000 réponses, un score inespéré. Nous regrettons toutefois vivement que le gouvernement ne se soit pas impliqué en tant que tel dans cette démarche, puisqu'il s'est contenté de reprendre à son compte les remarques technico-juridiques, d'ailleurs aussi très intéressantes, d'un groupe de travail interdépartemental. Peut-être naïvement, nous attendions un peu plus d'engagement politique de la part de notre Conseil d'État. Concernant le traitement des résultats de cette consultation, il s'agit d'être prudent. D'une part, si nous ne voulons pas que la consultation devienne une consultation alibi, il est de notre responsabilité de tenir compte des sensibilités principales qui ont été exprimées, tant il est vrai que nous ne sommes pas là pour nous faire plaisir, mais bien pour répondre aux attentes du peuple vaudois; nous aurons d'ailleurs tout loisir d'en parler peut-être tout à l'heure concernant le drapeau. D'autre part, il est aussi de notre devoir de garder notre indépendance par rapport à la consultation: il ne s'agissait pas d'un sondage scientifique, vous l'avez entendu, mais bien d'une prise de température et il n'est donc pas question de vendre notre âme pour quelques résultats chiffrés. C'est en tenant compte de ces considérations que le groupe Radical a intégré les résultats de la consultation à la réflexion qu'il a menée durant l'été sur l'avant-projet de texte. Je vous l'ai dit, nous avons profité de ces derniers mois pour lever un peu le nez des articles et prendre un peu de recul par rapport au texte de l'avant-projet. Au terme de cet examen, il nous semble essentiel de nous engager sur plusieurs plans durant la deuxième lecture. Tout d'abord, quant à la forme, et là je rejoins Mme Weill-Lévy, il est absolument vital d'intervenir pour améliorer la qualité du texte. Le rapport du Prof. Mahon nous le dit, les personnes consultées nous le redisent sur tous les tons: l'avant-projet est trop long, il est touffu, il est contradictoire sur certains points et il pose des problèmes de conformité au droit fédéral. Le groupe Radical est donc favorable à un allégement du texte, et ce, peut-être, pour répondre à une critique que j'entends déjà poindre, d'une manière cohérente, donc sur l'ensemble du texte et non de manière ponctuelle sur des articles à un contenu politique évident. De plus, les doublons doivent aussi être traqués, car ils pavent notre texte de bonnes intentions en réduisant totalement sa portée normative, sa force, sans le rendre beaucoup lisible; et là, je fais particulièrement référence aux doublons entre les «Tâches de l'État» et les «Droits fondamentaux». Enfin, d'un point de vue plus politique, il est évidemment un peu tôt pour vous faire part de tous les amendements du groupe Radical sur l'avant-projet de texte, à ce stade des travaux, je dirai simplement que, à nos yeux, l'enjeu principal de cette deuxième lecture consiste à trouver le délicat équilibre entre réalisme politique, faisabilité politique et innovation, texte porteur de changements. Dans ce contexte, une solution de pur statu quo serait sans doute le plus imbécile des compromis.

F Roland OSTERMANN

Le 15 juin de cette année, nous avons admis une modification de notre planification. Le climat était peu propice à la réflexion trop fine. Les derniers articles à mettre sous toit et les vacances qui se dessinaient favorisaient l'esprit carré de décision, et malheur à qui aurait exprimé des doutes sur le bien-fondé de la considération voulant que nous avions déjà achevé le premier débat parlementaire et que nous pourrions enchaîner aujourd'hui par un deuxième, puis un troisième débat. C'était une illusion estivale à prendre pour ce qu'elle était, je le fis. L'automne est venu, et avec lui, les bonnes feuilles du rapport Mahon. Ce dernier contribue à démontrer le caractère effectivement illusoire de notre décision de juin. Cette illusion consiste à croire que nous pouvons aborder nos discussions sous l'étiquette d'un deuxième débat. Mais qu'est-ce qu'un deuxième débat? La technique parlementaire, qui a fait ses preuves, veut qu'un parlement discute, en premier débat, sur la base d'un texte cohérent, appuyé par un message. Ce texte est alors modifié et amendé. Un deuxième débat devient nécessaire pour améliorer des formulations spontanées, préciser des intentions, faire du pointillisme politique, voire présenter des alternatives raisonnables en regard d'un texte cohérent et ordonné. Or, chers collègues, nous n'en sommes pas là. Le rapport Mahon est accablant, mais réaliste. Nous n'allons pas travailler sur une matière affinée, comme peut l'être un projet gouvernemental après un premier débat. La matière est encore brute, généreuse, contradictoire, parfois obscure et actuellement destinée à faire les délices des juristes qui seront payés pour faire obstacle à sa mise en oeuvre. Elle est aussi tributaire sans doute de la consultation réalisée. Croire que nous allons entrer dans le sujet – comme on le fait normalement lors d'un deuxième débat – est donc bien une illusion. La numérotation ne changera rien à la nature de la discussion qui va s'engager et qui n'aura rien d'un deuxième débat sec et discipliné. Elle va conduire à une réorganisation du texte, à la précision des intentions, à l'acceptation ou au refus de ces intentions. On sent bien la hantise et le vertige qui saisissent d'aucuns à l'idée que nous pourrions recommencer toutes les discussions que nous avons eues. Mais ce n'est pas ce risque-là que nous encourrons. Et la numérotation choisie sera sans pouvoir sur la réalité qui nous attend et qui est encore moins simple qu'à la veille d'un premier débat parlementaire, puisque les propositions n’ont pas l'éclairage que leur confère un message d'accompagnement. Nous allons au-devant d'empoignades politiques, assorties de considérations et de contraintes juridiques. Alors, direz-vous, puisque les choses se dérouleront de toute façon ainsi, à quoi bon modifier notre planification? Laissons faire la nature! Le hic, c'est que nous aurions ainsi, de fait, supprimé le vrai deuxième débat. Cela nous empêcherait de corriger des erreurs, des imprécisions, de faire des choix politiques devenus clairs une fois le projet cohérent globalement achevé. Il nous manquerait la possibilité de corriger, même délicatement, un texte encore rugueux ou brut, imprécis sur un terme ou mal intentionné sur le fond. Il faut rappeler que le troisième débat permet uniquement d'annuler une décision prise en deuxième débat pour revenir à celle du premier débat. Il faudrait être diablement sûr de soi pour ne pas voir que nous serions acculés à des dilemmes si la planification nous contraignait à devoir choisir entre une improvisation généreuse et imparfaite issue du débat d'aujourd'hui et la for mulation mise en consultation. Le nombre d' amendements à coordonner aujourd'hui donne quelque aliment à ce pessimisme. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'un deuxième débat à l'issue de celui qui commence aujourd'hui. Je crois que tout le monde en est conscient, mais il est évidemment difficile d'avoir l'air de se déjuger. Aussi entend-on, de ci de là, des propos apaisants disant que, dans certains cas, on pourra suspendre les travaux sur certains points, demander à la commission de rédaction de faire des propositions, pour reprendre ultérieurement la discussion. Et que, face à des circonstances exceptionnelles, l'Assemblée a tout pouvoir de revenir et remettre en cause une telle décision. Certes! Mais c'est d'abord peu souhaitable de submerger la commission de rédaction par des missions hebdomadaires de suivi alors qu'elle ne manque déjà pas de travail avec l'exploitation qu'on semble lui confier du rapport Mahon. Ensuite, nous introduirions comme règle de conduite la motion d'ordre, qui ne devrait pourtant pas servir de substitut au règlement, mais de correctif occasionnel. Faute de quoi notre Assemblée serait conduite par ce qui conditionne souvent le résultat d'une motion d'ordre: l'esprit partisan, la grogne, l' horreur de celui qui la propose, le moment où elle arrive et l'humidité de l'air. Notre tâche est trop importante pour que nous sombrions dans un tel marasme. Je vous propose donc de réintroduire le deuxième débat, que nous avons de fait supprimé dans notre planification. J'en ai fait la proposition sous forme d'amendement: je regrette qu'il n'ait pas été communiqué à l'ensemble des constituants, mais je constate qu'actuellement il est affiché et que l'erreur est partiellement réparée. Une intervention se doit de n'exprimer qu'une seule bonne idée: c'est ce que je viens de faire. Je ne vous en proposerai donc pas une seconde. Elle aurait consisté à vous suggérer de confier aux commissions thématiques l'analyse de la consultation et du rapport Mahon sur les sujets qu'elles avaient traités. Elles étaient les mieux à même de corriger, dans les termes adéquats, les imprécisions dénoncées à juste titre par l'expert constitutionnaliste et à mettre en évidence les volontés politiques que les mots recouvrent. On aurait aussi pu, avec d'autres excellentes raisons, échanger les domaines de compétence des commissions. Ces réunions s'étalant sur un mois auraient fait gagner beaucoup de temps. Et parce que l'homme est né bon, elles auraient probablement permis de renouer avec cet esprit non partisan qui a régné lors des travaux préliminaires et qui s'est si bien éteint au cours des assemblées plénières. Voilà de quoi nous aurions pu parler, si la réunion que j'avais demandée en juin à la tribune, au nom des présidents de groupe et de commission, avait eu l'aval de la commission et du Comité. Mais Vaudois, nous ne pouvons qu'être rassurés par le fait d'être gouvernés! Si donc, d'aventure, quelqu'un venait reprendre à cette tribune l'idée du renvoi en commission, qu'il sache que, pour ma part, je trouverais son idée excellente. Mais, pour l'heure, ayant épuisé mon quota de suggestions, je vous invite à appuyer la demande formelle de modification de la planification, qui consiste, de fait, et je le souligne, à réintroduire un deuxième débat, qui est indispensable.

F Christelle LUISIER

J'interviens pour réagir à la proposition de notre collègue Ostermann. Je comprends les craintes qui ont été exprimées par notre collègue. Ces considérations sont tout à fait respectables, car on peut constater – je l’ai déjà dit tout à l'heure – que le texte que nous avons travaillé en première lecture a encore beaucoup de chemin à parcourir, pour être acceptable quant à la forme. En revanche, sur le fond, je crois que tous les constituants qui sont ici présents sont persuadés d'avoir mené, durant les longs mois depuis septembre dernier, une première lecture. Je crois que nous sommes tous persuadés d'avoir mené des débats de première lecture depuis septembre 2000. Or, la question qui nous est posée aujourd'hui est celle de savoir si nous voulons encore effectuer deux lectures de ce type avant la dernière lecture consacrée aux divergences. Notre collègue Ostermann nous promet que la troisième – et donc avant-dernière – lecture serait là pour peaufiner le texte. Personnellement, je ne partage pas cet optimisme. Au contraire, je suis persuadée que si une nouvelle lecture est ajoutée, nous recommencerons tous les débats, nous rabâcherons des thématiques telles que le drapeau, l'assurance maternité, la notion de famille dans sa diversité, etc. Le groupe Radical veut éviter cette démarche que nous paierons en terme de retard, donc de temps, et de lassitude inhérente à un processus dont on ne verrait plus la fin. Le groupe Radical est donc d'avis qu'il faut en rester à la planification qui a été prévue en juin dernier. Nous avons d'ailleurs des motifs de croire que les deuxième et troisième lectures, telles que nous les avons prévues, nous permettrons d'atteindre les objectifs fixés. Tout d'abord, nous pouvons compter sur une commission de rédaction performante, représentative de l'ensemble des groupes politiques, et qui est soutenue par un expert de renoM. Il est clair que si nous confinons cette commission dans un rôle très restreint, en lui demandant de faire preuve d'un respect sacro-saint pour chaque virgule d'avant-projet, nous aurons de la peine à avancer. En revanche, si nous lui faisons confiance, comme nous lui avons fait confiance, d'ailleurs, tout à l'heure, et bien des améliorations substantielles pourront être apportées au texte durant la deuxième lecture. Je préciserai aussi que cette deuxième lecture est ouverte, souple, puisqu'il sera possible, en cours de débat, de revenir sur tel ou tel article déjà voté, pour tenir compte de l'évolution du texte. Par exemple, si, en traitant l'article 70, nous nous rendons compte qu'une modification est nécessaire à l'article 2, donc, nous pourrons toujours la faire. De plus, il est prévu que la commission de rédaction prépare un rapport sur les articles que nous voterons en deuxième lecture, pour peaufiner le texte. De même, un nouveau rapport Mahon est prévu après la deuxième lecture, pour que nous soyons complètement en ordre d'un point de vue juridique, lorsque nous présenterons le projet à la population. Enfin, la troisième lecture sera là pour apporter les dernières retouches au projet de Constitution. Pour tous ces motifs, je vous invite, chers collègues, à suivre la proposition que nous avions votée en juin dernier et à refuser la proposition Ostermann.

F Anne WEILL-LEVY

Je viens ici reprendre ce que j'avais dit et soutenir ce que les Verts proposent par la bouche de mon collègue Ostermann. Je crois qu'il faut éclaircir les choses. Devant tout parlement, et c'est le cas du Grand Conseil, lorsque le projet arrive épuré des problèmes juridiques et techniques, et passé en consultation, on opère trois débats. Deux débats de fond et un débat pour aplanir les différends. Si nous suivons ce qui s'est fait, à savoir la modification du règlement du mois de juin, ce que nous allons voter maintenant, durant le deuxième débat qui se terminera normalement en mars 2002, sera le texte définitif, dont on ne pourra plus qu'aplanir les différends. Je pense que l'importance d'une charte fondamentale mérite qu'on fasse au moins autant de travail législatif que cela ne se fait pour un texte de loi. Quant à la commission de rédaction, loin de moi de ne pas lui faire confiance. Je crois plutôt que l'instauration d'une vraie deuxième lecture, si on peut dire, lui permettra de faire le travail qui est le sien, en toute quiétude, à savoir d'aplanir les difficultés techniques et juridiques, et de ne pas se trouver confrontée sans cesse à des problèmes de [non position], voire de contradiction politique. Enfin, personnellement, je ne suis pas lassée d'être ici et d'y faire le travail qu'on fait. Si, pour certains, c'est le cas, c'est dommage. Et, dernier point: pour le retard que ces travaux pourraient prendre, si l'on se livre à un rapide calcul et qu'on travaille correctement et rapidement, la votation qui était prévue, sauf erreur de ma part, pour le mois de septembre, pourrait avoir lieu en décembre. Je pense que trois mois de recul ne sont pas un vrai problème à l'échelle de notre chronologie cantonale fixée.

F Anne HOLENWEG ROUYET

Quant au groupe Forum, il ne pense pas qu'il est nécessaire de rajouter une étape à nos travaux. Pourtant, nous sommes tout à fait conscients que ceux-ci pourraient prendre plus de temps que prévu. Il faudrait alors accepter l'idée que nous ne terminerons peut-être pas en mars, mais en mai ou en juin. Ceci doit être fait maintenant, pour que nous ne soyons pas complètement pressés par les événements lors des discussions que nous allons aborder en deuxième débat. Ces débats-là sont importants: ils permettront de définir plus précisément la politique, le fond, le coeur, finalement, de notre projet de le préciser, et nous ne devons pas faire ce travail à moitié, pressés par les événements, ou pressés plus par les événements qu'il ne le faut. En ce qui concerne les allégements prévus par le groupe Radical, nous les contestons dans leur systématique, mais nous y reviendrons plus tard, lorsqu'il en sera question de manière plus précise.

F Daniel BOVET

Je vais exprimer devant vous un avis tout à fait personnel, qui n'est pas celui de mon groupe, mais qui se rapproche de celui de M. Ostermann. Je n'irai pas jusqu'à vous faire une proposition, car j'ai l'impression qu'elle serait nécessairement minoritaire, mais voici les réflexions que je me permets de vous présenter. Si nous nous reportons à l'histoire des constituantes qui nous ont précédés, leur travail s'est toujours fondé sur un projet qui avait été rédigé par une commission restreinte – je crois que ça a souvent été une commission des 25 ou des 30 – qui rédigeait un texte relativement simple; et c'est à partir de là que le débat se faisait selon les formes parlementaires ordinaires, c'est-à-dire premier, deuxième et éventuel troisième débat. Je crois que nous devons constater que ce que nous avons fait tous ensemble, au moyen de nos commissions thématiques et ensuite de notre débat, qui s'appelait primitivement «débat zéro», c'est justement ce travail qui, autrefois, était fait par une commission de 25 ou 30. Autrement dit, c'est maintenant que nous devrions considérer que nous avons affaire à un projet sur lequel devrait avoir lieu un premier, un deuxième et un éventuel troisième débat. La chose est encore aggravée, dans notre situation, par le fait qu'on vient de nous dire que ce que nous prendrons comme base, ce n'est même pas ce que nous avons arrêté le 15 juin, mais c'est ce qu'est en train d'élaborer la commission de rédaction. Donc, nous ne possédons même pas encore – puisque cette commission est encore à son travail – le projet sur lequel nous devrions normalement discuter. Je regrette la manière dont nous sommes en train de décider d'organiser nos discussions. Je partage les idées de M. Ostermann et je déplore dans cette Assemblée, un courant qui ne me paraît pas très favorable aux réflexions que je viens de vous présenter.

F Claudine AMSTEIN

Pour clarifier la position du groupe Libéral, j'aimerais vous dire que nous sommes opposés à la proposition des Verts et que nous voulons le maintien de la planification. Je ne vais pas répéter les arguments qui ont été donnés par Christelle Luisier: c'est la démonstration qu'on peut perdre beaucoup de temps si nous n'avons pas une planification serrée. J'aimerais encore rappeler qu'on a un article 41 dans le règlement, qui permet de rouvrir la discussion une fois qu'on a passé sur des articles, pour assurer la cohérence. Dans ce deuxième débat, qui doit commencer aujourd'hui, nous devons utiliser cet article 41, qui nous permettra de répondre à l'attente qui est sous-jacente à la demande des Verts.

F René PERDRIX

Merci à la constituante Amstein de son intervention. La parole est-elle encore demandée? Alors, la présidente de la commission de rédaction a la parole.

F Anne-Catherine LYON

A l'écoute de toute cette discussion, il me semble que nous pouvons trouver une solution qui devrait satisfaire – je l'espère – tout le monde, ou au moins que tout le monde ne se sente pas trop «floué» par ce que je propose. Grâce à la décision que notre Assemblée a prise tout à l'heure, de partir, pour la deuxième lecture, sur la base du texte proposé par la commission de rédaction, il me semble que nous pouvons mener en parallèle ce que je qualifierais de fin de la première lecture, qui sera couronnée par l'adoption des propositions de la commission de rédaction. Et ensuite, la deuxième lecture, débutera sur le texte que vous aurez au préalable adopté. Comme ça, on finit proprement la première lecture et puis on part sur la deuxième lecture, presque en parallèle. Et puis, je rebondis sur les propos de Mme Amstein, en rappelant qu'il faudra avoir une certaine souplesse, puisque nous avons une méthode inédite depuis le début de nos travaux, parce que certains articles qui seront amendés ici en séance ne pourront pas être définitivement adoptés. Notre commission devra faire un travail d'examen pour voir si les nouveautés qui sont introduites résistent à un examen juridique. Donc, pour résumer, la décision qui a été prise tout à l'heure, permettra de considérer qu'on a terminé la première lecture au fur et à mesure, et ensuite de commencer la deuxième lecture, mais tout cela mené en parallèle.

F René PERDRIX

Merci à Mme Lyon de sa déclaration. La discussion est toujours ouverte. Quelqu'un désire-t-il la parole? Si ce n'est pas le cas, nous allons nous prononcer sur la proposition Ostermann, de modifier notre décision du 15 juin 2001 concernant la première lecture. En effet, le 15 juin 2001, nous avons, par un vote, sanctionné le fait que le travail que nous avions effectué depuis l'automne 2000 était considéré comme une première lecture, en lieu et place d'une lecture zéro. Les constituantes et constituants qui appuient la proposition Ostermann de revenir sur cette décision préalable de notre Assemblée et de considérer le travail que nous allons entreprendre dès aujourd'hui comme une première lecture, sont priés de le manifester par un OUI.

Le scrutin est ouvert. Proposition du groupe des Verts – Ostermann de considérer le travail qui s’engage comme une première lecture:
152 votes exprimés, 24 OUI, 119 NON et 9 abstentions.

F Anne-Catherine LYON

Il me paraît tout de même important que nous apportions une cautèle ou une précision à vos propos, parce qu'il me paraîtrait délicat, du point de vue juridique, et de la technique législative, ainsi que du point de vue de la technique des débats, que nous considérions ce document comme étant la première lecture. Donc je réitère ma proposition de clarification, qui est de considérer que le texte de la commission de rédaction sera véritablement le texte de première lecture.

F René PERDRIX

J'avoue n'être pas très au clair avec la proposition que vous faites maintenant. Je considère le vote que nous venons de faire comme une confirmation du vote du mois de juin et je tiens compte du vote de tout à l'heure concernant la considération, par l'Assemblée, de la proposition de la commission de rédaction comme texte de base, devant supporter les amendements futurs.

F Anne-Catherine LYON

Je suis d'accord avec ce que vous dites, mais il faudra être au clair lors du 3 ème débât au moment où l'on compare le texte de première lecture et le texte de deuxième lecture, pour regarder quelles sont les divergences, il faut qu'on soit bien au clair de voir entre quel texte et quel texte on compare. C'est ce que j'essaie d'exprimer, peut-être de manière maladroite. Mais si l'on oppose les décisions de deuxième lecture au texte mis en consultation, il contient des erreurs juridiques: par conséquent, cela pose un problème. C’est simplement de savoir entre quoi et quoi on compare.

F Anne BIELMAN

Je me demande si une solution ne consisterait pas, pour chaque article, à séparer le débat en deux, c'est-à-dire à avoir un débat pour mettre au point la version première lecture puis, une fois cette partie du débat terminée, on passe au débat deuxième lecture. Il faudrait faire cela systématiquement, article par article.

F Jacques HALDY

Je crois que tout cela est très simple. Après les votes que nous avons faits, la lecture que nous allons faire sera basée sur le texte de la commission de rédaction, c'est-à-dire la fin du premier débat, première lecture. Nous partons de ce texte pour l'amender. Par la suite, la question de la comparaison se fera, entre le texte que nous voterons et le texte issu du premier débat. Mais il me semble qu'il y a un malentendu profond, puisque nous venons de décider que le texte sur lequel nous allons discuter, c'est-à-dire le résultat des travaux de la commission de rédaction, c'ést bien le texte issu de la première lecture.

F René PERDRIX

Merci au constituant Haldy d'avoir clarifié cette question. Quelqu'un désire-t-il en rajouter? Madame la présidente de la commission de rédaction est-elle rassurée par la déclaration de M. Haldy?

F Anne-Catherine LYON

Alors, je m'en remets à la sagesse de cette Assemblée et à ce qui a été dit par M. Haldy.

F Anne BIELMAN

Je m'excuse, mais nous avons voté formellement en juin, article par article, un projet qui est celui qui a été soumis à la consultation. Le projet de la commission de rédaction comporte parfois des modifications de fond, qui ne sont pas seulement des modifications formelles. Donc, il me semble que nous devons d'abord revoter et accepter, article par article, le projet de la commission de rédaction, avant d'en discuter. Sinon, il va y avoir des malentendus systématiques, à mon avis. Je ne sais pas ce qu'en pense Mme Lyon…

F Anne-Catherine LYON

Je crois que nous pensons tous la même chose et que nous disons tous la même chose mais de manière différente. Donc, à nouveau, par la décision qui a été prise en amont ce matin, de partir sur le texte de la commission de rédaction, ça revient à ce que vous souhaitez.

F René PERDRIX

Chacun est-il rassuré? Y a-t-il une opposition, après le vote sur la proposition Ostermann, à ce que nous entrions en matière sur le titre 1? S'il n'y a pas d'opposition, j'ai entendu quelques rumeurs, tant à gauche qu'à droite, qui criaient «pause», alors quinze minutes de pause. L’Assemblée constituante reprend ses débats. Nous donnons prioritairement la parole à Madame la présidente de la commission de rédaction, qui nous donnera quelques détails sur la méthode adoptée par sa commission et sur la systématique des interventions qu'elle se propose de faire devant notre plénum au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

F Anne-Catherine LYON

Merci [brouhaha]. D'accord, je vais faire un effort, mais si vous êtes tous en train de gigoter, c'est un petit peu difficile. Tout d'abord, au nom de la commission de rédaction, je tiens à vous remercier de la confiance qui nous est faite, de considérer notre texte comme étant la base de discussion. Le travail de la commission a repris depuis plusieurs semaines et je tiens à relever à nouveau l'excellent climat dans lequel se déroulent nos travaux, et à remercier mes collègues et corédacteurs pour leur engagement. J'indique également que nous avons la chance de pouvoir compter sur la participation du Prof. Mahon lors de nos délibérations et de pouvoir ainsi transformer son rapport de 130 pages environ en amendements concrets. Concernant les modifications que nous vous proposons, elles sont de quatre ordres, comme je l'ai indiqué dans le fil rouge. Elles sont tout d'abord rédactionnelles, à savoir relatives à la formulation, à la terminologie. Je m'arrête un instant sur la terminologie: il faut absolument que nous ayons de la rigueur et de la cohérence dans les termes, parce que, parfois, nous utilisons le même terme pour dire beaucoup de choses différentes, ou alors, soudain, un terme apparaît, je pense par exemple au «concordat organique», il tombe un petit peu au milieu d'un article, on ne sait pas d'où il vient ni où il va; il faudra donc, au fur et à mesure, clarifier certaines choses. Il y a aussi des éléments de systématique et de cohérence formelle. Sur les éléments de cohérence, c'est à la fois la cohérence matérielle du texte et la cohérence quant à la structure, puisque nous avons tous, désormais, cette vue d'ensemble sur le texte. Il y a également des problèmes juridiques, qu'on peut qualifier de fond. Mais quand on parle de problèmes juridiques de fond, cela ne veut pas dire que nous touchons à la substance politique, mais que ce sont des questions qu'il faut trancher sur un plan juridique. Enfin, la question la plus cruciale pour notre Assemblée et pour notre texte, concerne la conformité au droit fédéral, à savoir de déterminer si notre texte obtiendrait la garantie fédérale. En effet, il serait totalement contre-productif de s'entêter à vouloir telle ou telle chose, alors même que la Confédération refuserait de nous donner cette garantie. Nous avons donc – je tiens à le souligner par rapport à la discussion qui a eu lieu tout à l'heure – veillé scrupuleusement à ce que nos modifications soient seulement techniques et non pas politiques. Je profite d'indiquer ici qu'il est évident que nous n'avons pas la science infuse, nous faisons de notre mieux sur la base du rapport Mahon et de ses conseils en séance de commission, mais que vous pouvez toujours revenir en arrière par un amendement par rapport à notre texte. Le cadre de rigueur et de neutralité que nous avons posé nous conduit parfois – heureusement que nous nous entendons bien et que nous pouvons nous faire des clins d'œil – au nom du droit et de la rigueur, à aller contre nos propres convictions, et c'est cela qui, je pense, est la meilleure garantie de neutralité. Parfois, nous devons poser à cette Assemblée – vous le verrez tout au long de nos travaux – des questions de clarification sur tel ou tel aspect. On se rend bien compte, puisque nous avons tous participé aux travaux, tout comme vous, que le flou artistique est parfois assez bienvenu, mais nous devons, en tant que commission de rédaction, forcer à la clarté. J'espère donc que les différents groupes ne tiendront pas rigueur à leurs représentants de devoir parfois avoir cette clarté. Je vous indique enfin que la commission de rédaction prendra l'habitude de vous soumettre des questions dites de principe. Nous vous soumettrons ces questions dites de principe dans les cas où notre commission se trouve dans l'incapacité de mener à bien sa tâche de rédaction, en raison d'une trop grande imprécision du texte, ou lorsqu’un article est incohérent par rapport à d'autres articles sur le même thème. A titre d'exemple, je peux citer l'article 33 sur la naturalisation, où l'on ne retrouve pas dans la formulation telle qu'elle existe exactement l'idée qu'a voulu défendre notre Assemblée, difficulté qui s'augmente du fait que l'article 164, est contradictoire à l'article 33. Il s'agira donc, pour notre Assemblée, non pas de trancher sur le texte lui-même, mais de redéfinir ce que nous avons voulu dire ici. Je pense aussi – je m'arrêterai là dans mes exemples – à la question des initiatives: il y a plusieurs systèmes d'initiatives populaires et nous avons, dans cette Assemblée, au fil des débats choisis deux systèmes. Notre commission vous demandera alors – nous vous remettrons un petit rapport – de vous déterminer sur un de ces systèmes, pour nous éviter de devoir rédiger plusieurs articles pour chacune des variantes. Voilà ce que je tenais à vous dire comme paroles introductives. Plus tard, j'interviendrai, article par article, comme le faisaient les présidents des commissions thématiques, pour expliquer comment nous sommes arrivés à telle ou telle proposition de solution.

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Titre I «Dispositions générales»

Article premier – Le Canton de Vaud

Texte proposé par la commission de rédaction: 

1 Le Canton de Vaud est une république démocratique fondée sur la liberté, la responsabilité, la solidarité et la justice.
2 Le peuple est souverain. Le suffrage universel est la seule source, directe ou indirecte, du pouvoir.
3 Le Canton de Vaud est l'un des États de la Confédération suisse.
4 Il a toutes les compétences, à l'exception de celles qui sont attribuées à la Confédération par la Constitution fédérale.
5 Il est composé de communes et divisé en districts.

F René PERDRIX

Merci à Mme Lyon de son intervention. Nous pouvons passer maintenant au traitement de l'article 1. Je rappelle que, contrairement au document que vous avez reçu, c'est le texte de la commission qui tient lieu de texte de base. Nous avons reçu un amendement Agora Bouvier, M. Bouvier a la parole. Ah, excusez-moi, nous ne sommes pas encore rodés quant à la pratique… chaque fois que la commission de rédaction propose une rédaction quelque peu différente de l'article que nous avions rédigé ensemble, nous aurons une intervention et une explication de la part de la présidente. Madame la présidente, vous avez la parole.

F Anne-Catherine LYON

Quelques commentaires, ou quelques explications quant à ces modifications. Tout d'abord, une modification quant à l'intitulé: il nous a paru plus cohérent, avec le contenu très généraliste de cet article, de dire «Le Canton de Vaud», et non pas d'utiliser ce terme un peu technique de «Statut du Canton». Quand on décrit le Canton de Vaud dans cet article, c'est vraiment tout ce qu'il contient dans son ensemble et pas seulement les aspects administratifs ou politiques. Ensuite, à l'alinéa 2, nous sommes allés chercher dans un autre coin du texte, à l'article 75, un alinéa qui se trouvait là un petit peu isolé de sa base, si l'on peut dire… A l'article 75 alinéa 1 – tel que vous le trouvez dans vos brochures de l'avant-projet – se trouvait la description du suffrage universel, qui n'avait pas grand-chose à faire avec la description beaucoup plus technique de ce que l'on entend par «corps électoral». Donc, nous avons pris cet alinéa, nous l'avons remodelé pour le rendre plus court, mais en en gardant toute sa substance. Il se trouve beaucoup mieux ici parce qu'il n'avait pas beaucoup de sens à l'article 75. Concernant l’alinéa 4 de cet article 1: c'est le seul alinéa qui pose un réel problème de conformité au droit fédéral. En effet, en ayant cette rédaction beaucoup trop absolue, en utilisant le terme «explicitement», nous avons une disposition contraire au droit fédéral, puisque les cantons délèguent aussi «implicitement» des compétences. Donc, nous avons modifié la rédaction, pour laisser entendre qu'il y a des compétences explicites et implicites. Puisque j'ai la parole, je me permets d'intervenir sur les deux amendements qui sont proposés. Concernant l'amendement de M. Bouvier, sur le plan juridique ou le plan de la rédaction, si on enlève le terme «Statut de», pour revenir à ce que je disais tout à l'heure quant à l'intitulé, il va tout à fait sur le plan juridique: on pourrait avoir soit «Le Canton de Vaud», soit «La République et Canton de Vaud». Pour la commission de rédaction, il n'y a pas de problème ici: l'un ou l'autre convient, c'est une décision politique. Enfin, sur l'amendement Pillonel, c'est inexact du point de vue juridique de rajouter le terme «public».

F Denis BOUVIER

Nous voici devant une nouvelle étape de notre projet de Constitution. Si le droit ne nous invite pas au rêve et nous rappelle à ses exigences de logique et à ses strictes règles – le rapport Mahon en témoigne –, du moins nous ouvre-t-il la barrière pour proclamer un idéal qui nous réunit tous et tient en un mot: celui de République. Rassurez-vous, je ne vais pas vous proposer d'entonner le Chant du Départ, cet hymne composé pour commémorer la prise de la Bastille. Tous les privilèges ne sont pas encore tombés chez nous. Nous sommes nombreux à l'avoir appris à nos dépens lorsque, par exemple, nous avons mené en vain le combat pour l'égalité devant la loi fiscale. «Voir, c'est se boucher les yeux avec ses poings pour ignorer toutes les séductions», comme le dit lucide le peintre Simon Hantaï. A qui donc s'applique cette sentence? Le temps nous donnera un jour la réponse. D'ici là, soyons philosophes, voyons au moins ce que nous avons pu accomplir ensemble. Nous avons voulu, je crois, nous, constituants, tout partis et tendances confondus, tenter – avec plus ou moins de succès, mais c'est la loi de la démocratie – les innovations qui nous tenaient à coeur, ou défendre ou combattre les atavismes, sources de survie pour les uns, de privation pour les autres, notions dont l'apanage n'appartient, il est vrai, à aucune tendance du demi-cercle chromatique de notre Assemblée. Il est un point parmi quelques rares autres qui a recueilli l'unanimité de nos suffrages et qui est à la base de toute notre vie politique. Je veux parler de la définition républicaine de notre Canton. Je cite: «Le Canton de Vaud – avons-nous écrit à l'article 1 de notre projet de Constitution – est une république démocratique fondée sur la liberté, la responsabilité, la solidarité et la justice». Lorsque nous avons débattu des termes à employer dans le corps de notre texte constitutionnel, j'avais exprimé l'idée que l'essentiel n'était pas de se décider entre «Canton» et «État», mais de savoir que nous étions citoyens d'une République. J'avais annoncé alors mon intention de proposer, le moment venu, que soit adopté ce titre de «République et Canton» pour l'État dont nous allions écrire la loi constitutionnelle, la loi fondamentale. Cette proposition dépasse, on s’en doute, une simple question rédactionnelle. Elle exclut, à mon sens, le débat politicien. Même si, attachés à la République, nous n'avons pas l'assurance que, dans nos rangs, ligues ou cercles influents ne retiennent au nom de la tradition un élan porteur de sens et de vérité. Sommes-nous oui ou non une République? Après Genève, après Neuchâtel, après le Jura, Vaud élèvera-t-il enfin son nom officiel à la dignité de «République et Canton»? Pourquoi ne plus se contenter de l'ordinaire «Canton», terme au demeurant pratique comme référence juridique et constitutionnelle, tant vaudoise que fédérale? Cela mérite d'être examiné et, je l'espère, adopté par notre Assemblée. Dans son «Histoire des Suisses ou Helvetiens», parue à Genève en 1803, année importante pour notre histoire politique, Mallet donne au passage une définition du canton suisse comme étant «une partie bornée de ce pays». Voici donc cernée cette notion en même temps que l'espace qu'elle représente. De «chant», le côté, le mot est venu en Suisse depuis l'Italie du Nord, où «cantone» est passé du sens de «coin» à celui de «portion de territoire» dès l'an mil, terme repris par des marchands et ambassadeurs italiens pour désigner les États de l'ancienne Confédération suisse, adopté ensuite par les chancelleries fribourgeoise, puis genevoise. Cette notion concrète est donc purement géographique; elle a servi d'abord à repérer, sur un espace alpestre ou alpin, des entités distinctes. Après l'accession à leur indépendance, les Vaudois se cantonnèrent, si je puis dire, dans cette vision géographique et helvétique de leur terre, lorsque, à la chute de Napoléon, les Bernois relevèrent la tête et proclamèrent leur intention de reprendre possession du Pays de Vaud et d'y restaurer leur autorité. Les Vaudois, quelque peu rachetés aux yeux des alliés par leur contribution à Waterloo – le coup de pied de l'âne –, sauvèrent la mise à Vienne et échappèrent à une nouvelle domination bernoise quand fut proclamée l'entrée en vigueur du Pacte fédéral. Pardonnez-moi les rappels de cette ardeur mitigée. Nous étions nés de la République, issue de la Révolution, pour nous rallier à la Restauration, chère à nos aristocrates endimanchés. Nous étions passés de la première Constitution, celle de 1803, formulée par le Chapitre 17 de l'Acte de médiation, à celle de 1814, puis à celle de 1831, de 1845, révisée en 1851, laquelle renouait plus complètement avec la République, sans trop oser le dire. Le pli était pris. Enfin, à celle de 1861, de 1885, ces Constitutions élevant de génération en génération un modeste devenir. Ce n'était plus le temps des grandes ambitions, mais celui où, tout de même, une Fondation s'occupait d'envoyer aux bains des malades pauvres, tandis qu'on voyait dans l'influence de l'Evangile la cause principale du recul de l'ivrognerie, tout en reconnaissant en contrepartie que, et je cite le pasteur [Leresche], membre de la Société d'utilité publique, «la Sainte Cène est la carte d'entrée dans les cabarets». Ah, le bon temps! Dans ce siècle, Marc Lutz, ministre du Saint Evangile, affirme en 1859 que les Vaudois sont «doués d'un génie naturel qui les rend propres à tout. Ils sont retenus par une force d'inertie qui ne leur permet d'atteindre le plus souvent qu'à la médiocrité. Dans leur présomption, ils ne croient pas que rien ne leur soit impossible et les difficultés les arrêtent, la lassitude les gagne promptement. Ils renvoient tout ce qui réclamerait un effort à demain, disent-ils, on verra voir. Ils sont plus gaillards qu'agiles, plus malins que perfides, plus renfermés que cachés. On ne se figurerait pas, à voir leurs traits vagues, leurs bras tombant sur les côtés, et les entendant s'exprimer avec lenteur, tout ce qu'ils recèlent de sens et de finesse d'esprit». Fin de citation. Nous, Vaudois, moins nombreux que la population d'un demi-arrondissement de Paris, nous pourrions désespérer de notre propre grandeur quand Jean Guenot nomme la Terre elle-même «canton insignifiant de l'Univers». Mais «l'intérieur de l'objet petit est grand», disait Gaston Bachelard. La terre de Ramuz regorge de talents, mais nous sentons se dessiner ce désintérêt pour ce qui fonde nos libertés et les fait authentiquement vivre. «L'Ecole de la République», titrait mardi dernier l’article d’un journal genevois. Ah, l'école de la République, les lois, la Constitution de la République, le destin de la République! Comment ne serions-nous pas davantage sensibles à la vie, au sort de ce que nous pouvons nommer et qui existe par notre volonté? Il y a, chez notre grand voisin, je tais son nom pour n'agacer personne, un col dit «de la République». Que n'avons-nous donné ce nom à l'un de nos passages jurassiens ouvrant sur le Pays de Vaud, cette contrée, disait un Anglais, «dont les voyageurs et les géographes ne parlent qu'avec enthousiasme»!». Au lieu de ne découvrir qu'un coin de terre, si beau fut-il, on aurait aimé rencontrer la République, cette personne dont on nous avait dit tant de bien mais qu'une pudeur étrange, ou peut-être un sentiment de culpabilité à l'égard d'anciens maîtres, évitait de trop montrer, et dont le nom éclatant aurait pu désigner notre État. Car enfin, «Canton de Vaud», voici une appellation froide, administrative, matérielle, sans vie, et je dirais commune, convenable juridiquement comme l'est un arrondissement, un district. Mais elle ne sourit à rien, n'attire aucune sympathie, ni aucun enthousiasme. Elle est là: Canton, fraction de Confédération. A quand cette République, pour proclamer avec son nom nos convictions de vouloir, entre autres, partager plus que le bien commun, un idéal dans ces temps où la dignité humaine semble s'éloigner toujours plus du statut de valeur universelle?

F Cédric PILLONEL

Je suis très intéressé d'avoir pu constater, suite à l'intervention de la citoyenne Lyon, que la logique et le droit étaient des notions tout à fait différentes. L'amendement que je vous soumets se propose justement de reprendre exactement ce que disait notre article 75, dont je me permets de vous faire la lecture. A l'alinéa 1, il dit: «Le suffrage universel est la seule source du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire, qui en dérivent directement, ou par l'intermédiaire des instances élues par lui». Que trouvons-nous dans la proposition de la commission de rédaction: «Le peuple est souverain, le suffrage universel est la seule source directe ou indirecte du pouvoir». Faut-il en conclure que le pouvoir parental est directement issu du suffrage universel? Qu'en est-il également du pouvoir religieux? Je n'oserais citer, en ces périodes troublées, le pouvoir financier des banques. Il est tout à fait possible que ma proposition de terme soit injuste du point de vue juridique. En revanche, elle soulève un problème de fond, qu'il faut absolument traiter: le suffrage universel ne peut pas être la source de tout le pouvoir, à moins que, effectivement, on change beaucoup de choses dans notre société.

F Roland OSTERMANN

La proposition Bouvier me paraît – qu'il me pardonne – un peu puérile. A mon sens, le terme «République» se conquiert sur l'oppresseur ou le tyran. Ce n'est pas faire injure à nos ancêtres que de constater qu'ils n'ont pas eu le mérite de l'affranchissement, à eux tous seuls. Si le terme «République lémanique» a été brandi, ce fut pendant 16 jours, et les Vaudois passèrent en fait du Pays de Vaud, sujet, au Canton du Léman, plus ou moins libre, puis au Canton de Vaud, souverain. Sujet nous fûmes, Canton nous devînmes. Ne nous comparons ni à la République de Venise, ni à la française, ni à la genevoise, qui eurent des existences propres, et ni à la jurassienne qui, par son titre, manifestait ostensiblement la fin d'une oppression ressentie. Je trouve un peu dérisoire de nous affubler maintenant, douillettement, de ce titre, qui ne consacre actuellement, pour nous, aucune rupture. En plus, si on dissèque bien l'intitulé de la proposition, on voit naître la République de Vaud. C'est un néologisme barbare que l'on croirait pouvoir imputer à la malveillance de notre ancien occupant bernois, s'il n'avait, lui, toujours respecté notre langue. Contentons-nous d'affirmer que nos institutions sont de type républicain, et ne refaisons pas l'histoire en pantoufles. J'aimerais, dans la foulée, poser une question à la commission de rédaction: proposition avait été faite en son temps que le terme «Canton», avec majuscule, recouvre tout ce qui existe dans le territoire géographique de ce canton avec minuscule, et qui s'appelait autrefois le Pays de Vaud. Il s'agirait donc des êtres pensants ou inanimés, des institutions, des associations, des entreprises, des choses, des biens, de la Venoge, du Comptoir, et tout et tout… Le terme «État» devrait être réservé au pouvoir politique et judiciaire de niveau cantonal, et à leurs administrations. Ainsi devrait-on user de l'expression «l'État et les communes» lorsque ces dernières sont aussi concernées. Va-t-on maintenant vraiment vers cette systématique, ou continuera-t-on à mélanger les termes sans savoir ce qu'ils recouvrent, au grand dam, déjà exprimé, du Prof. Mahon?

F Anne-Catherine LYON

Je réponds volontiers en disant que nous suivons cette systématique, mais je ne vois pas très bien à quoi vous faites référence, parce que, dans cet article-là, nous ne parlons que du Canton de Vaud. Il ne me semble donc pas que, là, on mélange avec d'autres termes, puisque c'est le seul qui se trouve dans cet article. Alors, j'y répondrai volontiers par la suite, si vous avez encore des doutes. J'ajoute sur cette question-là que, dans les travaux que nous avons faits, il y a parfois un doute quant à la portée que nous avons voulu donner à tel ou tel terme. Parfois, on a utilisé «l'État», alors que manifestement c'est «l'État et les communes», mais la commission de rédaction ne peut pas tout interpréter. Elle le fait quand c'est clair, ou le plus clair possible, mais elle peut parfois se tromper. Par conséquent, soyons tous vigilants. Mais c'est en effet cette systématique qui a été adoptée. Si vous trouvez des cas d'erreur, merci de nous les indiquer.

F Odile JAEGER

Je vous invite, au nom du groupe Radical, à vous opposer à l'ajout du mot «public» proposé par le citoyen Pillonel. De quoi s'agit-il exactement? On parle du suffrage universel. Or, si nous ajoutons le mot «public» au terme «pouvoir», ça signifierait qu'il existe aussi un pouvoir privé et qu'on veut les opposer l'un à l'autre, et finalement les bâillonner. Je crois que ce n'est pas raisonnable et c'est contraire à l'idée de M. Pillonel, ça va en sens contraire. En fait, on l'a dit tout à l'heure, Mme Lyon l'a rappelé, cet article est issu de l'article 75, que l'on a relu tout à l'heure et qui définit le suffrage universel qui – je vous le rappelle – est défini par les trois pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire, mais également les instances élues par lui. Donc, la commission de rédaction a voulu, à juste titre, placer cet article 75 dans l'article 1, «Statut du Canton», qui est une notion fondamentale pour le Canton. Le mot «pouvoir» recouvre donc ces trois pouvoirs et ces instances élues par lui. Alors, ou on reprend intégralement le texte de l'article 75, ou alors, on se rallie à la proposition de la rédaction, ce que je vous invite à faire, et l'on n'accepte pas ce mot «public», qui crée la confusion et est complètement inexact. Je vous demande donc de refuser ce mot «public».

F René PERDRIX

Merci à la constituante Jaegger de son intervention. La parole est-elle encore demandée? Si ce n'est pas le cas, nous allons passer au vote.

1) Amendement Bouvier: ajouter à l'intitulé de l'article 1 les mots «La République». 150 votes exprimés, refusé par 31 OUI, 113 NON et 6 abstentions. 
2) Amendement Pillonel: ajouter le mot «public» à la fin de la 2e phrase. 152 votes exprimés, refusé par 16 OUI, 129 NON et 7 abstentions.

Article premier – Le Canton de Vaud
152 votes exprimés, accepté par 149 OUI, 0 NON et 3 abstentions.
1 Le Canton de Vaud est une république démocratique fondée sur la liberté, la responsabilité, la solidarité et la justice.
2 Le peuple est souverain. Le suffrage universel est la seule source, directe ou indirecte, du pouvoir.
3 Le Canton de Vaud est l'un des États de la Confédération suisse.
4 Il a toutes les compétences, à l'exception de celles qui sont attribuées à la Confédération par la Constitution fédérale.
5 Il est composé de communes et divisé en districts.

Vous avez inscrit notre premier article de la deuxième lecture [applaudissements].

Sur ce vote, je lève provisoirement notre séance plénière, en vous donnant rendez-vous à 14 heures, dans cette même salle, avec les mêmes qualités et défauts que nous lui avons découverts ce matin. Bon appétit!

(pause de midi)

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Article 2 – Armoiries

Texte proposé par la commission de rédaction:inchangé.

F René PERDRIX

L'Assemblée constituante reprend ses travaux. Nous traitons de l'article 2, en deuxième lecture, en considérant la proposition de la commission de rédaction comme texte de base. Nous avons à traiter du premier amendement inscrit sur vos documents, l'amendement du groupe Radical. Mme Roulet a la parole.

F Pierrette ROULET-GRIN

D'emblée, vous constatez que, par souci de lisibilité pour le citoyen non féru d'héraldique, et en regard de divers avis constructifs enregistrés parmi vous depuis hier, cet amendement reprend une formulation plus simple telle qu'elle apparaît sur l'écran, soit «Les armoiries du Canton consistent en un écusson vert et blanc, avec la devise ‘Liberté et Patrie’». La description héraldique vient en accompagnement de la représentation de l'écusson, les deux étant imprimés en regard direct de l'article 2. Au nom du groupe Radical, je vous propose donc d'inscrire les actuelles armoiries de notre Canton dans la nouvelle Constitution vaudoise. Certains ici présents, beaucoup plus qualifiés que moi, pourront vous dire en détail le pourquoi des couleurs et de la devise que revêt ce drapeau, comme ils sauront vous dire pourquoi l'histoire les a ainsi placés. La version corrigée, telle qu'inscrite dans l'avant-projet, qu'on l'apprécie côté historique ou côté politique, n'est en effet pas soutenable. Aussi bien l'initiant que nombre de ceux qui, d'un grand coup de coeur, l'y ont inscrite, il y a plus d'un an, constatent aujourd'hui que ce serait couler le projet de Constitution que d'inviter le peuple vaudois à modifier les armoiries de son Canton. D'autres tenteront, pour faire diversion, d'effacer ou de dessiner à leur manière ces armoiries. Qu'ils n'oublient pas qu'il ne s'agit pas là de corriger un moment d'euphorie, ni de concevoir une enseigne publicitaire, mais bien d'inscrire dans leur Constitution un signe de ralliement, un patrimoine historique qui flotte sur ce Canton depuis sa conception. Certains disent qu'il n'y a qu'une révolution pour changer un drapeau. Or, la Constituante a été élue, non pour faire une révolution mais pour promouvoir une évolution. C'est la raison pour laquelle je vous invite à appuyer cet amendement, afin de ne pas réduire à néant l'entier du travail fait dans ce parlement depuis plus de deux ans. Merci de démontrer ainsi votre sens des responsabilités.

F René PERDRIX

Merci à Mme Roulet de son intervention. Nous passons au deuxième amendement, déposé par Mme Weill-Lévy.

F Anne WEILL-LEVY

Heureusement, il ne faut pas, à mon avis, une révolution pour changer un drapeau. Il faut peut-être simplement une réflexion et, notamment, une réflexion historique et politique. A cet égard, j'ai la conviction que, lorsque notre collège Masson a proposé la devise qui a tant fait parler d'elle, il visait, par le terme «solidarité», l'entraide, ce qui, à vrai dire, était certainement ce que visaient nos concitoyens d'il y a deux siècles. Cela étant, il est clair que cette devise a choqué le peuple vaudois et qu'il serait stupide de persévérer dans cette voie. Mme Pierrette Roulet-Grin vient donc de vous exposer les raisons qui amènent le groupe Radical à ne rien vouloir modifier au drapeau vaudois. Quant à moi, j'ai été très intéressée par ce débat un peu inattendu. J'attendais peut-être des points plus centraux et cela m'a amenée à aller revisiter l'histoire de ce Canton que, malheureusement, les élèves dont j'ai fait partie connaissent de manière très superficielle. C'est ainsi que j'ai découvert de manière plus approfondie le personnage tout à fait intéressant qu’a été Louis Reymond et j’ai vue que cet homme, bien moins connu que Frédéric-César de la Harpe, Pierre Ox, Henri Monod ou Benjamin Constant, a beaucoup milité pour que soit adopté un premier drapeau vaudois qui inscrive «Liberté et Egalité». Il s'est battu à vrai dire en 1798, entre les pro-Bernois, qui voulaient maintenir le lien féodal, notamment les privilèges fiscaux, et les révolutionnaires vaudois, qui voulaient voir ces privilèges abolis. On en aura pour exemple les Bourla-Papey, dont Louis Reymond sera le chef très rapidement, lui-même s'étant battu pour que le drapeau vaudois soit porteur de la phrase «Liberté et Egalité». Ce drapeau était vert. On le retrouve dans «La guerre dans le Haut Pays», de Charles-Ferdinand Ramuz. Pourquoi vert? Parce que, dès le 24 janvier 1798, les Lausannois et les Vaudois pro-révolutionnaires arboraient cocardes et drapeaux, considérant que le vert était la couleur propre à notre Canton. On pourrait imaginer d'ailleurs qu'elle représente aussi le Plateau, le vert des forêts et que cela ne changera jamais. Louis Reymond a vu son drapeau être battu en brèche en 1803 par le Grand Conseil. On peut se demander pourquoi. Tout simplement parce que, entre-temps, les privilèges fiscaux ont été abolis et il n'était donc plus nécessaire de faire figurer le terme «Egalité». Par contre, si vous vous souvenez, nous avons connu deux problèmes. D'abord, notre cohésion cantonale. Le roman de Ramuz auquel j'ai fait allusion en parle, puisque certains endroits de notre Canton avaient de la peine à imaginer que nous constituions un canton tel qu'on le connaît aujourd'hui. En outre, en 1802, nous savons qu'une partie des actuels Confédérés s'est opposée à la nouvelle version de la Confédération, ce qui a amené Napoléon à nous doter de l'Acte de médiation, dans lequel nous trouvons les dix-neuf cantons. A cet égard, on peut imaginer que le terme «Patrie» a été mis là pour que chacun comprenne l'importance de ce véritable changement, à vrai dire quand même révolutionnaire, et nous sommes donc devenus «Liberté et Patrie». Ceci, nous le savons depuis deux cent ans. Ces valeurs-là, nous les avons intégrées en nous et je ne crois pas qu'il soit nécessaire de les faire figurer. Je pense même que cela peut être contre-productif. En effet, depuis le début du 20e siècle, nous avons malheureusement connu des idéologies, non pas de celles que nous connaissons et que nous cherchons à préserver, mais sous d'autres couverts, amenant le trouble, la discorde et la tyrannie. Je trouve que l'hommage le plus grand que nous puissions apporter à nos concitoyens d'antan, c'est de garder cette devise en nous, mais de ne pas la faire figurer, afin qu'elle ne soit pas mal perçue par d'aucuns. Enfin, sur le point de l'héraldique, un dernier mot. Il est vrai que, normalement, il n'y a pas de devise sur une héraldique, qu'elle figure soit en bandeau, soit en phylactère, c'est-à-dire sous forme de bulle, ce qui serait tout à fait possible de faire pour certains drapeaux en de grandes occasions. Voilà pourquoi je vous propose de garder nos couleurs, qui représenteront toujours ce que nous sommes, mais de ne pas y mettre une devise.

F Laurent DESARZENS

La proposition concernant un projet de drapeau en couleurs est abandonnée, en faveur de l'amendement Weill-Lévy, qui est sous-amendé de la manière suivante: le drapeau du Canton est coupé; le centre supérieur est blanc; le centre inférieur est vert; le format est de un par un: la formulation en héraldique est abandonnée. Comme vous le voyez, il y a plusieurs choses dans cette proposition. Il y a d'abord le mot «drapeau». Ensuite, il y a un texte technique, ensuite, il y a un format qui est proposé, et, enfin, une invitation à quitter le monde de l'héraldique. Je commencerai peut-être par ce thème. L'héraldique est une science indépendante. Rien ne nous oblige, en tant qu'État, à nous rattacher à cette discipline tout particulièrement. En revanche, si les spécialistes de l'héraldique veulent analyser notre drapeau, libres à eux de le faire, et tant mieux, serais-je tenté d'ajouter. L' héraldique s'intéresse tout particulièrement aux armes des familles ou de groupes de personnes. Ici, on peut bien penser aux villages ou encore aux communes, puisque ces villages et ces communes ont une origine moyenâgeuse avec, comme point de départ dans le passé, souvent une ferme ou un groupe de fermes familiales, une bâtisse fortifiée ou encore une abbaye. Pour prendre un exemple tout à fait au hasard, les Desarzens et leur commune, nommée Sarzens depuis 1261, en sont encore un vivant exemple. Ils ont un lieu d'origine et en partagent les armoiries. Mais, si vous prenez un ouvrage d'héraldique, aussi au hasard, vous vous rendrez compte que cette science n'analyse pas les drapeaux des États, tout simplement parce qu'elle aurait bien de la peine à le faire. Un exemple tout récent. Le site Internet proposé par Cédric Pillonel, où notre collègue parle d'armoiries, n'aborde pas le thème des couleurs, des nations et des États, même s'il utilise une fois ou deux le mot «drapeau». C'est tout simplement parce que, depuis les révolutions française et américaine, les techniques pour décider des drapeaux des États ont pris de la distance avec l'héraldique, pour plus de liberté. Un État comme celui du Canton de Vaud, avec ses lois, son parlement, son peuple souverain, ne devrait-il pas avoir un drapeau qui représente l'ensemble de ses habitants, non pas seulement les Vaudois purs laine mais aussi les Confédérés établis ici? Ils sont peut-être encore plus nombreux, les Muller, les Buhlmann, les Widmer, les Ducommun, les Troillet et bien d'autres encore. Il doit bien sûr aussi représenter les étrangers établis, et qui prennent parfois la nationalité suisse, en même temps que la bourgeoisie d'une commune vaudoise. Avoir un drapeau simple, blanc et vert, et non pas un écusson, des armoiries, voire même un blason, comme disent certains, car ici, cela fait un peu trop pièce de monnaie, bouclier ou assiette en faïence. Le drapeau représente l'État, surtout à l'extérieur de celui-ci. Il est souvent appelé à flotter parmi d'autres drapeaux, comme parmi ceux des cantons ou lors d'une réunion internationale, par exemple. Le drapeau suisse est au format un par un. C'est comme cela qu'il est reconnu dans le monde. Sa définition, qui date d'un arrêté fédéral de 1889, qui évite le langage héraldique, parle d'une croix blanche sur fond rouge. Je vous propose d'adopter ce même format carré et, par la même occasion, d'adopter le terme «drapeau». Maintenant, si je vous propose d'abandonner également la définition héraldique qui figure dans plusieurs amendements, cet après-midi, c'est qu'il existe une autre solution pour définir les drapeaux, grâce à une science convenant mieux à un État qui tient à être ouvert à l'Europe et au monde. Cette science est la vexillologie. C'est une discipline internationale, qui utilise un vocabulaire moderne pour ses définitions, qui comprend également une traduction des mêmes termes utilisés dans la plupart des langues, et qui se sert également d'une tabelle des couleurs, reconnue dans le monde entier. Bref, une science qui a le souci de l'uniformité. Ce n'est pas une critique contre l'héraldique, mais simplement un problème d'adaptation. Admettons que les représentants de l’État de Vaud soient invités à participer à une conférence dans le Piémont et qu'on demande par avance aux participants une définition de leur drapeau en vue d'une impression. Un simple envoi du texte que je vous propose, et le numéro des couleurs, selon le système de couleurs Pentone, c'est une palette de couleurs internationale, aucun risque de confusion n'est possible. Je vous propose donc d'adopter ce texte simple, repris du vocabulaire de la vexillologie, proposition plus précise que celle indiquée par Mme Weill-Lévy et qui sera probablement plus facile à comprendre par le peuple lors de la votation. Enfin, je comprends qu'il soit déchirant d'abandonner la devise figurant sur le drapeau. Pourtant, un drapeau tellement simple, tel que celui proposé par Mme Weill-Lévy, offrirait moult possibilités d'habillage. Des clubs ou des partis politiques pourraient y rajouter un logo ou un symbole. D'autres pourraient y mettre des textes et, pourquoi pas, une devise. D'autres encore, de simples initiales, comme cela se fait dans les nations où le drapeau est souvent d'une couleur ou de deux. La proposition faite ici pour le drapeau vaudois représente un allégement favorable pour des usages multiples et une reconnaissance plus aisée lorsque le drapeau voyage hors des frontières linguistiques. Enfin, en ce qui concerne la devise, on pourrait très bien la conserver dans la Constitution. Comme cela, elle ne serait pas perdue. Et là aussi, on pourrait la retrouver, par exemple, sur des signets de papier à lettres, sur des entrées d'administrations, voire même gravée dans la pierre. Enfin, on pourrait aussi la voir – comme je l'ai dit – réapparaître sur les drapeaux, pour ceux qui le désirent. Ce ne serait certainement pas interdit. Donc, mon second amendement est maintenu dans les termes suivants, et il est rattaché à l'amendement Weill-Lévy. Dans le cas où cette proposition est acceptée, je propose d'introduire la devise pour elle-même dans la Constitution: la devise du Canton est «Liberté, Solidarité et Patrie».

F René PERDRIX

Merci au constituant Desarzens de son intervention. La discussion est ouverte. Le constituant Dessauges a la parole.

F Pascal DESSAUGES

Lorsque, en première lecture, notre collègue Masson avait fait cette proposition de modification de la devise sur le drapeau cantonal, peu de constituants, en tous les cas de centre droite, avaient pensé qu'elle aurait une chance d'être acceptée par notre Assemblée. Le petit choc que cette décision avait provoqué dans notre hémicycle s'est largement répercuté à l'extérieur. Preuves en sont les nombreuses réactions dans les courriers des lecteurs et dans les réponses sur cet article dans le cadre de la consultation. Si nous avions, par cette décision, montré à la population que nous existions, nous avions également démontré que nous pouvions prendre des décisions peu judicieuses sur des sujets auxquels les Vaudoises et Vaudois restent très attachés. La bannière cantonale en est un, ce qui a été largement sous-estimé par la majorité des membres de notre Assemblée en première lecture. Aujourd'hui, le groupe Renouveau Centre UDC souhaite unanimement le retour de la devise «Liberté et Patrie», inscrite en toutes lettres sur notre drapeau cantonal, comme c’est le cas aujourd'hui. Nous considérons qu'une modification de la devise pourrait peut-être s'avérer judicieuse lors d'un changement de régime, mais ce n'est à notre connaissance pas le cas aujourd'hui pour le Canton de Vaud. La solidarité se vit tous les jours, qu'on le veuille ou non, et c'est pourquoi nous pensons que ce mot n'a pas sa place dans la devise figurant sur notre drapeau, bien qu'il soit actuellement à la mode. Par contre, chacune et chacun peut clairement s'identifier à la Patrie, comme l'ont fait nos ancêtre lors de la conception de cette bannière cantonale. C'est un terme fort qui, associé à la liberté, résume en deux mots notre appartenance à un bout de ce territoire. Nous demandons que soit inscrit dans la Constitution la devise «Liberté et Patrie», et vous invitons à soutenir la proposition d'amendement Roulet-Grin. Dans le cas où cette modification n'était pas acceptée, la majorité du groupe Renouveau Centre soutiendrait toute proposition visant à la suppression pure et simple de cet article sur les armoiries dans la future Constitution.

F Roland TROILLET

Je serai court. Je tiens tout d'abord à remercier Mme Weill-Lévy de l'exposé historique extrêmement intéressant, qui m'a appris beaucoup de choses. J'ai apprécié également les explications techniques que nous a données M. Desarzens. Quant à moi, je soutiens la proposition Weill-Lévy. Le drapeau vaudois doit être blanc et vert, sans inscription aucune. Un drapeau est un signe de ralliement. C'est le signe auquel on se rallie. Ce n'est pas la projection d'idées politiques, même si la Patrie va au-delà peut-être de l'idée politique. La Patrie, c'est ici qu'on l'a, et non pas sur un drapeau. On se reconnaît Vaudois. Je suis Valaisan, je suis Bagnard, mais je me reconnais Vaudois dans le drapeau vaudois, non pas parce qu'il y a «Patrie», mais parce que c'est le drapeau du canton dans lequel je vis. Je demande donc à l'Assemblée de soutenir la proposition Weill-Lévy, c'est-à-dire le drapeau vaudois blanc et vert.

F Gilbert MARION

Vous avez assez lu dans la presse l'importance de la Patrie, la supériorité de la Patrie sur toute autre valeur. Les belles valeurs, comme la justice et la solidarité, toutes ces allégories que vous avez là autour de nous, peintes par Louis Rivier, ce sont des valeurs horizontales, qui rendent harmonieux les rapports entre les être humains. La Patrie est au-dessus de cela, puisqu'elle a une dimension verticale incomparable, puisqu'elle nous lie dans le temps aux générations précédentes. Les Vaudois y tiennent, vous le savez. Je prends la parole pour m'opposer à cette proposition du groupe des Verts – visiblement beaucoup de membres de la gauche s'y rallient – de «vider» le drapeau. Vous voulez vider le drapeau? Mais, qu'est-ce qui se passe? Je m'y attendais depuis longtemps. Un mois environ après la cassure psychologique du vote d'il y a quatorze mois, M. Laurent Rebeaud me téléphone: «Que fait-on, alors, pour sauver votre amendement?». Je ne comprenais pas. La levée de boucliers dans la presse venait d'avoir lieu. «Oui, bien sûr, vous voyez, la Solidarité, c'est fichu, il faut faire quelque chose pour la sauver», sous-entendu, dégager la Patrie. Je lui dis: «Mais écoutez, je crois que vous vous trompez, je ne m'appelle pas Masson, je m'appelle Marion». Nous étions au téléphone, mais j'ai vu à quel point ses souliers devenaient tout petits. Ensuite, ce n'est pas de sa faute, j'ai compris son erreur. Lorsqu'on demandait l'appel nominal, la liste, il y eut une erreur au secrétariat; la liste de l'appel nominal d'il y a quatorze mois porte en premier lieu «amendement Marion». Je fus bien sûr choqué et outré dans mon honneur. J'ai tout de suite téléphoné à mon avocat, pour lui demander comment porter plainte pour diffamation. Comme mon avocat s'appelle Stéphane Masson, nous avons bien rigolé. D'où vient cette méfiance à l'égard de la Patrie? Eh bien, elle peut trouver déjà ses premières sources dans le sillage de la Révolution française, avec la mise en avant d'une très belle valeur, la fraternité. Ensuite, au 19e siècle, avec le développement des idées socialistes, l'Internationale socialiste a compris que le patriotisme était quelque chose de malsain, en tout cas pour son programme. Puis, tout le mouvement pacifiste qui aura cours durant le 20e siècle s'inspire également de cette idée que la Patrie est dangereuse. Malheureusement, la Première Guerre mondiale a démontré les risques et les débordements incroyables du patriotisme. M. Bouvier, vous n'êtes pas encore remis de la première guerre mondiale. Moi non plus, tous les historiens non plus, mais c'est plus important et plus compliqué que cela, d’analyser la force et la durée de ce sentiment patriotique pendant la boucherie de la Première Guerre mondiale. De nos jours, il n'y a pas de complot de l'Internationale socialiste contre la Patrie sur le drapeau vaudois. Bien sûr que non. On vous a raflé la vedette. Le vrai ennemi maintenant, il est beaucoup plus énorme, il submerge les visées de l'Internationale: il s'appelle la mondialisation, la globalisation, les grands échanges internationaux. Voilà le vrais et redoutable pourfendeur de la Patrie en 2001. L'OMC hait la Patrie. Car, qui dit Patrie dit chauvinisme économique ou, pire encore, tarif douanier ou contingentement à l'importation des produits. Et c'est quand même incroyable que ce soient les Verts qui viennent nous proposer de reléguer la Patrie, alors que la majorité du peuple suisse est prête à soutenir une agriculture, même une agriculture bio, par patriotisme. Venant de la gauche, c'est tout aussi étonnant. N’a-t-on pas vu toute la presse de gauche – c'est un pléonasme – nous dire unanimement, après le choc de Swissair, que les grands banquiers ont manqué de patriotisme? Vous ne vous rendez pas compte, mais la partie est en train de reprendre du poil de la bête, dans un sens positif et nous devons la maintenir. Je parle ici non pas en tant que porte-parole des Radicaux, mais comme porte-parole du plus grand parti politique de ce pays, 70% des voix environ, tellement grand que nous ne sommes pas du tout structurés. Il s'agit du parti Conservateur. On est conservateur à gauche quand on veut conserver les acquis sociaux ou la Banque cantonale, conservateur au centre quand on veut sauver les rives de la Venoge, conservateur à droite quand on veut sauver les traditions ou une culture politique. Les autres partis, les états-majors en particulier, ne nous aiment pas. Ils ont peur. Nous, partis officiels, avons peur du peuple. On s'en méfie. Il vote en majorité avec ce réflexe conservateur, vous le savez. Le peuple tient à la Patrie. Il faut – c'est important –cicatriser maintenant l'erreur d'il y a quatorze mois, même si le mal est fait. Nous devons refuser l'amendement des Verts. Que resterait-il demain comme image chez ce peuple, ce peuple que vous prétendez défendre? Que va-t-il retenir? «Ils ont vidé le drapeau». Le drapeau est vide; un drapeau troué. Après avoir singé la Pologne, qui avait mis «Solidarité» à la mode grâce à un syndicat, (malgré leur révolution, les Polonais n'ont pas mis «Solidarité» sur leur drapeau), nous singeons maintenant les Roumains. Vous rappelez-vous de ces images d'il y a une douzaine d'années, où les Roumains, qui faisaient la révolution contre le gang Ceaucescu, ont brûlé le coeur du drapeau? Un drapeau vide, eh bien voilà ce qu’on nous propose. Je trouve cela pitoyable. Dans quelle misère spirituelle nous nous trouvons: on voit que vous avez perdu votre pasteur. Alors, retenez l'importance des symboles, les symboles de notre Canton, allez prendre un cours chez M. Desarzens qui, lui, a fait un gros travail de réflexion sur l'importance des symboles, et renonçons à cette proposition. Le drapeau vide? un bide!

F René PERDRIX

Merci au constituant Marion de son intervention. Vous aurez remarqué que la coprésidence réagit fort peu, alors que la salle a l'air de beaucoup s'amuser. Il se trouve qu'en améliorant l'acoustique pour les gens qui sont au fond de la salle, on l'a rendue complètement déficiente à la table présidentielle, si bien que j'espère que, au moment du vote, nous pourrons encore déterminer sur quoi nous allons voter, parce qu'il nous est vraiment très difficile de saisir vos paroles. Le constituant Le Roy a la parole.

F Jean LE ROY

Permettez-moi une petite anecdote personnelle. J'ai posé, en son temps, sur notre château de Chillon, dans la commune de Veytaux, un mât à drapeau. Ce mât à drapeau est posé dans le donjon, il est rétractable, c'est quelque chose d'assez formidable parce que, quand il y a des coups de tabac, le drapeau en prend un coup. Mais le sujet n'est pas celui-là. Nous mettons, le 14 avril, le drapeau au sommet de la tour de Chillon et, comble de malheur, un citoyen vient s'adresser à moi et me dit: «Mais, vous avez sorti les poireaux?». Je lui dis: «Et, pourquoi donc Monsieur?». Il me dit: «Regardez, nous avons mis ce drapeau à l'envers, le vert est en haut et le blanc est en bas». Alors, je demanderai tout simplement, pour la clarté du débat, à tous les intervenants qui ont présenté un amendement de bien vouloir d’abord mettre blanc, et ensuite vert, ou argent et sinople. C'est une règle en héraldique. Je me permets de vous le dire, et de prononcer, pour ceux qui veulent supprimer, et répondre là à M. Marion, je répéterai ce que j'avais dit en premier débat, à l'époque où l'héraldique a été créée, et si on veut respecter des règles historiques, donc qui sont aussi conservatrices que vous pouvez l'être, et bien, on ne met pas de texte, parce que la majorité des gens ne savent pas lire. Donc, gardons-le ou supprimons-le, c'est votre devoir, mais n'allez pas prétendre des choses que vous ne connaissez pas bien. Merci, M. Marion.

F Denis BOUVIER

La seule remarque entendue ce matin contre l'idée de république était que nous ne méritions pas de prétendre à cette appellation. Cela pourrait me décourager de défendre le texte qu'une large majorité d'entre nous avait voté lors du premier débat et s'apprête – c'est son droit le plus absolu – à renier. On se souviendra que l'une de nos premières décisions, ici, fut de voter une résolution de solidarité avec le peuple autrichien placé soudainement sous la menace d'une extrême droite fascisante. C'était donner un ton à nos débats et à notre projet de Constitution, projet à la tête duquel est évoquée une société harmonieuse, ouverte au monde, auquel elle se sent unie, une société qui mesure sa force au soin qu'elle prend du plus faible de ses membres. La Constitution, dans l'article 1, stipule, répétons-le, que «Le Canton de Vaud est une république démocratique fondée sur la liberté, la responsabilité, la solidarité et la justice». Nous retrouvons là deux des idées inscrites sur notre projet d'armoiries. Nous ne trouvons par contre nulle part trace de la Patrie dans le corps du long texte qui suit. Vaut-il encore le coup de débattre, me direz vous ici, de ce beau nom de «Solidarité», alors que tout semble dit et arrêté au sein des partis majoritaires? Lorsque Stéphane Masson est venu nous proposer ce changement de «Patrie» en «Solidarité», j'ai d'emblée souscrit, souvenez-vous en, à l'idée que notre collègue soutenait, et j'avais dit que, pour moi, la solidarité était une nouvelle forme de Patrie, une Patrie ignorant les frontières physiques et dépassant les récifs de l'histoire. Je n'ai rien contre l'idée de Patrie lorsque, menacée, il s'agit d'y défendre les libertés. Mais ce concept se nourrit d'une histoire la plupart du temps tragique, que nous n'avons guère connue, heureusement. Entre cette histoire-là et celle que nous pourrions construire, n' hésitons pas. «Périsse la Patrie et que vive l'humanité», disait Proudhon. Je repense à cette histoire atroce imposée par le nazisme. En juillet 1944, les représentants de nombreux peuples opprimés, y compris venus d'Allemagne, se réunissaient à Genève et rédigeaient le premier texte fondateur de la nouvelle Europe issue de la guerre. Ils y déclaraient qu'unis dans un même combat contre l'oppression, les peuples avaient créé entre eux une solidarité dépassant leur Patrie. Ils espéraient ainsi que l'avenir se construirait solidairement entre eux, sous les auspices de la démocratie fédérative. C'est là, pour moi, tout le sens de la solidarité dont nous débattons. C'est affaire de priorité et de sincérité pour chacun d'entre nous. Quant à moi, en analysant notre histoire, je n'y rencontre guère de références à la Patrie, n'en déplaise à certains camelots de la Ligue vaudoise, qui prétendent vivre charnellement leur Patrie. Je ne vois, dans ce mot sur nos armoiries, qu'un papillon sur la prairie. La Patrie me semble être une notion instinctive, la solidarité, condition sine qua non de l'exercice de la liberté dans ce monde atomisé, qui chasse et abat brusquement les destins, la solidarité ajoute, au cœur, la raison. Elle mérite de se rappeler sans cesse à nos consciences en figurant sur notre drapeau.

F Bernard MARTIN

Vous avez peut-être vu le beau film de Spielberg qui s'appelle «Amistad», où l’on voit un chef africain déporté en esclavage invoquer les ancêtres, de même que son défenseur américain fait appel également aux ancêtres et aux pères fondateurs. Je pense que notre projet de Constitution est peut-être trop synchronique et pas assez diachronique, et qu'il est important aussi de maintenir la relation avec les pères fondateurs. Je ne suis pas un pécheur qui fait amende honorable (j'avais voté pour la solidarité, à laquelle je crois profondément, touché au sacré), simplement quelqu'un qui change d'opinion: on dit que seuls les idiots ne changent pas d'opinion. Je crois, réflexion faite pendant l'été magnifique, qu'on ne peut pas toucher aux choses symboliques sans qu'il y ait une raison d'y toucher. Nos pères fondateurs y avaient touché parce qu'ils avaient derrière eux la révolution. La révolution à venir nous attend encore: on est entre deux. Donc, je recommanderais qu'on en revienne au drapeau classique, tel qu'il est agité sur nos hampes. D'ailleurs, le premier article des dispositions générales est résolument moderne. Il dit une république démocratique fondée «sur la liberté, responsabilité, solidarité et la justice», il ne dit pas «sur le patriotisme». Donc, je pense qu'on peut laisser l'originalité de la devise. Gardons l'origine et soyons originaux, pour éviter que des cortèges patriotiques de malentendus ne viennent couler notre projet de Constitution. Donc, restons-en au symbole, qui est ici fort.

F Fabien LOI ZEDDA

En respect du droit d'expression de chacune et de chacun, je vous invite à ne pas suivre des propositions qui, parfois, touchent à une sorte de révisionnisme, ou encore des arguments de haut vol à la hauteur des plaques minéralogiques, ou encore des propositions dignes de symboles de protection civile. Certains d'entre vous ont, sans le faire exprès, contribué à troubler une grande partie de la population vaudoise. Je vous invite, à la veille de notre deuxième lecture, à la rassurer, d'une part en cultivant les valeurs crites qui nous ont été, à juste titre, léguées, et, d'autre part, à le manifester clairement en repoussant la première proposition pulsionnelle Masson et en ne souscrivant pas à l'amendement Weill-Lévy.

F Cédric PILLONEL

Je n'interviendrai pas sur le fond mais sur la forme. On a effectivement trois options par rapport à ces armoiries. La première option est celle que la Constituante avait retenue en première lecture, c'est-à-dire la devise «Liberté et Solidarité». La deuxième option est la proposition des Verts, c'est-à-dire le drapeau sans devise. La troisième possibilité est le «statu quo ante», c'est-à-dire la solution «Solidarité et Patrie». Je pense que le choix est avant tout politique. J'ai déjà essayé de le montrer, ce n'est pas un choix héraldique, ni un choix historique, c'est un choix politique. Je ne souhaite pas me prononcer sur ce choix politique. Par contre, je pense qu'il faut être très clair. Si on veut changer de drapeau, on est obligé de le mettre dans la Constitution, sinon le drapeau restera le même. C'est-à-dire que si la proposition Verte ou la proposition du premier débat passe, il faut laisser l'article dans la Constitution. Par contre, si l'amendement Radical – emmené par la citoyenne Roulet-Grin – passe la rampe, je vous suggère de refuser l'article en vote final, de façon à le supprimer. Cela donne beaucoup d'avantages, notamment on reste au «statu quo ante» et, surtout, on évite un article supplémentaire. J'ai lu, comme vous, que de nombreuses personnes craignaient en fait que la Constitution ait trop d'articles inutiles. Or, si l’amendement radical est accepté, nous otenons clairement un article inutile. Je vous suggère donc de le refuser en vote final.

F Laurent DESARZENS

M. Marion, vous dites que vous avez peur. Pour vous aider à retrouver un peu de courage, permettez que je vous raconte cette petite histoire à titre d'exemple. Durant ces trente dernières années, la Norvège a décidé de revoir tous ses drapeaux. Je n'en connais pas la raison principale mais, visiblement, tout le monde s'y est mis, une vingtaine de cantons, les villes, les partis politiques, les sociétés civiles et mêmes les compagnies commerciales, comme celle des chemins de fer ou de ferry-boat. Critère de base: une seule couleur par drapeau, éventuellement une seconde couleur, mais utilisable uniquement comme fond pour remplacer le blanc. Eh bien, le résultat est extraordinaire. De plus, à regarder ces drapeaux de près, même si on ne connaît rien à l'histoire de la Norvège, on se rend facilement compte que le lien avec le passé, avec les traditions, est réellement maintenu. La Norvège n'est pas le seul pays à avoir modernisé les drapeaux de ses cantons, la Hollande l'a fait et l'Autriche également, et sans dommage, semble-t-il, en ce qui concerne l'aspect des drapeaux. Alors, le drapeau vaudois est coupé, le centre supérieur est blanc, le centre inférieur est vert et son format est carré. C'est tout simple.

F Pierre KELLER

En période de récession, le tableau devrait être monochrome, soit blanc, soit vert, cela coûterait moins cher. Si, aujourd'hui, vous voulez couler la Constituante, et vous voulez qu'on arrête les débats, vous pouvez avoir toutes les variantes que vous voulez. J'apprécie la créativité des constituants, c'est exceptionnel, c'est remarquable: en graphisme, en littérature, en typographie, je trouve cela fantastique! Moi, je vous propose sincèrement de revenir à la base, au drapeau habituel, vert et blanc, «Liberté et Patrie».

F Philippe HENRY

Vous êtes appelés à l'instant à vous prononcer sur le drapeau de notre Canton. La consultation et l'opinion de la population militent d'une façon très nette pour le maintien de la devise «Liberté et Patrie». Les Vaudois ne comprendraient certainement pas une autre position de l'Assemblée constituante. Je vous mets donc toutes et tous en face de vos responsabilités, qui pourraient conduire au refus du projet devant le peuple. C'est la raison pour laquelle la citoyenne et le citoyen doit savoir comment le vote s'est déroulé. Je demande donc le vote par appel nominatif sur l'amendement Radical.

F René PERDRIX

La parole est-elle encore demandée? Si ce n'est pas le cas, nous allons passer au vote. Au préalable, je demanderai si la proposition du constituant Henry de procéder, sur l'amendement Radical, à un vote nominal, est appuyée. Est-elle appuyée? Oui, merci. Alors, ce vote-là sera dûment enregistré et publié. Nous sommes en présence d'un certain nombre d'amendements et sous-amendements. Nous traiterons en priorité de l'amendement Weill-Lévy, en ayant soin de traiter auparavant le sous-amendement Desarzens qui s'y rapporte. Je vous rappelle que l'amendement Desarzens, que vous avez sur vos documents, concernant une autre forme de drapeau, a été retiré, mais que M. Desarzens a déposé un sous-amendement à l'amendement Weill-Lévy, visant non pas à remettre la devise sur le drapeau, mais à adopter la devise qui figurerait en bandeau et dans les documents de l'État, sans figurer sur le drapeau, cette devise étant «Liberté, Solidarité et Patrie». C'est donc ce sous-amendement que je mettrai au vote en premier: il se rapporte à la proposition d'amendement Weill-Lévy.

1) Sous-amendement Desarzens: dans le cas où l'amendement Weill-Lévy serait adopté, le compléter par l'adoption d'une devise «Liberté, Solidarité et Patrie», figurant en bandeau, en annexe au drapeau, et non pas sur la surface de celui-ci. Refusé par 39 OUI, 108 NON et 7 abstentions.
2) Amendement Weill-Lévy: suppression de la devise sur un drapeau qui reste-rait blanc et vert. Refusé par 53 OUI, 96 NON et 6 abstentions.
3) Amendement du groupe Radical Roulet-Grin: revenir à la devise «Liberté et Patrie». Au vote nominal, accepté par 93 OUI, 46 NON et 16 abstentions.

Vote à l’appel nominal sur l’amendement du groupe Radical Roulet–Grin:

Ont voté Oui:

Mmes et MM. Abbet Raphaël, Amstein Claudine, Athanasiadès Jean, Balissat Jean, Berger Cécile, Berney Michel, Blanc Eric, Bory Weber Dominique, Bovet Daniel, Bovet Fred-Henri, Bovy Samuel, Braissant Rénald François, Buffat Michel, Buhlmann Gérard, Bühlmann Willy, Burnet Olivier, Carnevale Eliane, Charotton Georges, Chevalley Isabelle, Cohen-Dumani Marcel, Colelough Philippe, Conod Philippe, Cornu Claire-Lise, Cornu Pierre-Alain, Crisinel François, Cruchon Raoul, Cuendet Maria-Chrystina, de Haller Jean-Claude, de Luze Charles-Henri, Delay Elisabeth, Dessauges Pascal, Dufour Etienne, Fague Sébastien, Favre Raymonde, Garelli Stéphane, Gindroz André, Girod Christine, Glauser Alice, Gonvers Olivier, Gross Nicole, Guignard François, Haefliger Sylviane, Haldy Jacques, Henchoz Pierre, Henchoz-Cottier Martine, Henry Philippe, Hermanjat Pierre, Jaeger Odile, Jaton Nathalie, Jemelin Mireille, Jomini Viviane, Jordan Kulling Andreane, Kaeser Danièle, Kulling Jean-Pierre, Labouchère Catherine, Lasserre Colette, Leuba Jean-François, Loi Zedda Fabien, Luisier Christelle, Mamin Henri, Margot François, Marion Gilbert, Martin Bernard, Martin Jean, Martin Marie-Antoinette, Mayor Philippe, Millioud Jean-Pierre, Morel Charles-Louis, Moret Isabelle, Nicod François, Nicolier Yvan, Oguey Annie, Ormond Anne, Ostermann Roland, Payot François, Pernet Jacques, Piot Christine, Pradervand Jean-Claude, Reymond Antoine, Richard Claire, Rodel Marilyne, Roulet-Grin Pierrette, Ruey-Ray Elisabeth, Saugy-Anhorn Nathalie, Schneiter Robert, Streit Adrien, Vincent Martial, Voutat-Berney Eveline, Wehrli Laurent, Wellauer Pierre-Olivier, Yersin-Zeugin Ruth.

Ont voté Non:

Mmes et MM. Baehler Bech Anne, Bavaud Adrien, Bielman Anne, Boillat Jean-Pierre, Bouvier Denis, Bovay Judith, Burnier-Pelet Thérèse, Chapuis Allegra, Cherix François, Chollet Jean-Luc, De Souza-Kohlbrenner Regula, Dépraz Alex, Desarzens Laurent, Dufour Denyse, Gallaz Christophe, Gonthier Alain, Goy-Seydoux Louis, Holenweg Rouyet Anne, Humair Louis, Jufer Nicole, Le Roy Jean, Lecoultre Richard, Lehmann Pierre, Maillefer Denis-Olivier, Martin Laurence, Martin Marie-Hélène, Morel Nicolas, Nordmann Philippe, Pellaton Berthold, Perrin Jeanne-Marie, Piguet Jean-Michel, Pillonel Cédric, Pittet Jacqueline, Rebeaud Laurent, Roulet Catherine, Salamin Michel Lauréane, Schmid Charles, Tille Albert, Troillet Roland, Volluz Françoise, Voruz Eric, Winteregg Michel, Wiser Henri, Ziegler Geneviève, Zuercher Magali, Zwahlen Jacques.

Se sont abstenus:

Mmes et MM. Aubert Josiane, Benjamin Samy, Bolinger Anne-Marie, Bovon-Dumoulin Martine, Burri Marcel, Farron Pierre, Galeazzi Rebecca, Gorgé Marcel, Hunkeler Pierre, Jaggi Yvette, Renaud Dominique, Schwab Claude, Vallotton Jacques, Weil-Lévy Anne, Wettstein Irène.

F René PERDRIX

Je comprends le plaisir des constituants qui soutiennent cette proposition, mais je rappellerai quand même que nous avions admis, lors de notre première lecture, que nous éviterions des manifestations trop bruyantes lors d'acceptations ou de refus d'un certain nombre de propositions délicates. Je crois que nous allons en rester à cette bonne pratique, qui nous a permis d'arriver dans de bonnes conditions à la fin de la première lecture. Je souhaite que ce soit la même chose lors de la deuxième et essayons d'éviter ce genre de manifestations. Il nous reste à confirmer cet article 2, amendé.

Article 2 – Armoiries
Accepté par 91 OUI, 57 NON et 7 abstentions.
Les armoiries du Canton consistent en un écusson vert et blanc avec la devise «Liberté et Patrie». 
Description héraldique en accompagnement de la représentation de l'écusson, les deux étant en regard direct de l'article 2.

F René PERDRIX

Avant d'ouvrir la discussion, Madame la secrétaire générale me rappelle qu'il y a une heure que nous délibérons et qu'il est temps de savoir qui est présent. C'est le moment de la signature: elle se fait de manière électronique, en appuyant sur le OUI, si vous êtes présent. Ne votez pas pour les absents, merci. Le scrutin est ouvert.

151 présences; vous y ajouterez celle du président de séance, nous sommes donc 152.

Madame la présidente de la commission [intervention inaudible de Mme Martin depuis la salle]… On veut bien avoir une contre-épreuve, mais on ne peut pas exclure que des gens soient sortis. Tenter de compter les constituantes et constituants, c'est comme tenter de compter les poules dans un poulailler. Avez-vous déjà essayé? Je n'aurais pas osé vous balancer une telle comparaison si je ne portais pas un nom de gallinacé. Madame Martin, vous confirmez votre demande d'un contre-appel? Alors, il est rapidement fait. Je le répète, c'est un vote pour marquer votre présence. Le scrutin est ouvert. Manifestez votre présence par un OUI.

Alors, nous sommes 154, dont moi. Bien. 

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Article 3 – Langue officielle

Texte proposé par la commission de rédaction: inchangé.

F Anne-Catherine LYON

La Commission de rédaction a souhaité préciser l'intitulé, pour que l’on sache exactement de quoi on parle: ainsi, nous proposons d'ajouter le terme «officielle», pour que l’on sache qu'il s'agit de la langue officielle et non pas d'un article sur la ou les langues en général.

F René PERDRIX

La discussion est ouverte. La discussion n'est pas demandée. Nous passons au vote sur cet article 3.

Article 3 – Langue officielle
Accepté par 148 OUI, 0 NON et 4 abstentions.
La langue officielle du Canton est le français.

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Article 4 – Capitale

Texte proposé par la commission de rédaction: Lausanne est la capitale du Canton.

F Anne-Catherine LYON

La commission de rédaction vous propose de supprimer la deuxième partie de la phrase, pour lever toute ambiguïté quant à la possibilité, pour l'État, de déconcentrer son administration. On pense à l'administration cantonale, mais surtout à l'organisation judiciaire.Notre proposition permet d’éviter que des personnes procédurières s'appuient sur cet article et disent que les tribunaux ne peuvent pas être répartis sur le territoire. On m'a narré une anecdote relative au Grand Conseil. Il semblerait que, le Grand Conseil, il y a quelques années, ne pouvant pas siéger dans sa salle ordinaire à Lausanne. Il a voulu siéger à Dorigny. Quelqu'un s'était alors appuyé sur l'article de l'actuelle Constitution pour dire que ce déplacement n'était pas possible. Donc, pour éviter toute ambiguïté, nous proposons de supprimer la deuxième partie de la phrase.

F René PERDRIX

La parole est-elle demandée? Ce n'est pas le cas. Nous procédons au vote.

Article 4 – Capitale
Accepté par 143 OUI, 1 NON et 6 abstentions.
Lausanne est la capitale du Canton.

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Article 5 – Collaborations et relations extérieures

Texte proposé par la commission de rédaction:

1 Le Canton collabore avec la Confédération, les autres cantons, les régions voisines et les autres États ou leurs populations. Il est ouvert à l'Europe et au monde.

2 L'État participe à la création d'institutions intercantonales ou internationales dans le respect des intérêts des communautés locales et régionales; il encourage les collaborations entre communes.

F Anne-Catherine LYON

Dans cet article, la commission de rédaction a veillé à être rigoureuse avec la terminologie, dans le sens de la question que me posait ce matin M. Ostermann. Nous avons distingué entre le Canton dans son ensemble et l'État dans son activité politique, technique et administrative. Donc, nous avons re-réparti les différents éléments de cet article en deux alinéas seulement, l'un relatif au Canton dans son ensemble, et l'autre relatif à l'État en tant qu'autorité politique. Par conséquent, vous avez l'ancien alinéa 4, qui remonte dans le nouvel alinéa 1, pour former un tout. Dans cet alinéa 1, la commission de rédaction a préféré inverser «Confédération» et «autres cantons». Il n'y a pas ici une obligation juridique de procéder à cette invertion, il s'est simplement agi, pour la commission de rédaction, de considérer quelle était l'instance avec laquelle le Canton a le plus de relations. Donc, il n'y a pas de problèmes juridiques, c'était notre logique à nous. Dans l'alinéa 2, nous avons supprimé, sur la recommandation du rapport Mahon, la notion d'«ensemble politique et administratif», parce qu'il y avait un doute quant à l'obtention de la garantie fédérale. En effet, l'ancien article de la Constitution fédérale, qui interdit aux cantons de créer entre eux des alliances particulières, de nature politique, continue de s'appliquer. Par conséquent, pour lever toute ambiguïté, nous avons repris la terminologie qui se trouve dans la Constitution fédérale et qui parle «d'institutions intercantonales ou internationales». Concernant l'alinéa relatif aux communes, l'ancien alinéa 3, nous nous sommes longtemps penchés sur sa formulation et sur la notion de «transfrontalier», puisque les communes ont forcément des frontières, que ce soit avec leurs voisines, les autres communes, ou par rapport à un autre canton, ou la frontière internationale. Pour tenter d'alléger le texte et reprendre l'ensemble de l'idée qu'avaient voulu nos collègues de la commission thématique, puis l'Assemblée plénière, nous avons joint cet alinéa à celui parlant des institutions intercantonales ou internationales. En mettant le point virgule, et si on se réfère à l'intitulé de l'article, il est clair que la collaboration qui est ici encouragée entre des communes a une visée «ordinaire» internationale ou intercantonale; la collaboration entre communes étant traitée sous un autre titre. Voilà les raisons de nos modifications.

F René PERDRIX

Nous sommes en possession d'un amendement du groupe Libéral. C'est Mme Amstein qui a la parole.

F Claudine AMSTEIN

Lors du premier débat, nous avions soulevé la difficulté qu'il y avait de voir un État collaborer avec les populations, sans pouvoir déterminer de quoi il s'agissait et avec qui on collaborait exactement, le terme «populations» étant extrêmement vague. Dans le premier débat, cette remarque n'avait pas été suivie. A la lecture du rapport Mahon, je peux vous citer les arguments qui ont été donnés par M. Mahon, qui vont exactement dans le même sens que nous l'avions fait dans le premier débat. Je vous cite: «D'autre part, pour ce qui est de la lettre d), la formulation est quelque peu impropre et osée. Le Canton collabore sans doute avec les autres États, mais on voit mal comment il le fait ou le ferait avec leurs populations (sans passer par les États en question)». Aussi, nous vous proposons de supprimer la référence «ou leurs populations» dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui.

F René PERDRIX

Merci à Mme Amstein du développement de son amendement. Nous sommes en possession d'un deuxième amendement, de la part de Laurent Rebeaud. Laurent Rebeaud a la parole.

F Laurent REBEAUD

J'aimerais vous proposer, au nom du groupe des Verts, une simplification et un allégement du texte constitutionnel, puisqu'il a été dit, à de multiples reprises ce matin, qu'il était trop long, trop touffu et qu'il fallait se limiter à l'essentiel. Je vous propose de nous contenter du premier alinéa de la proposition de la commission de rédaction. En effet, tout ce que nous trouvons dans le deuxième alinéa, soit relève du niveau de la loi, soit est contenu ailleurs dans notre texte constitutionnel, soit encore est déjà garanti par le droit fédéral existant, et par conséquent n'a pas nécessairement sa place dans notre Constitution. Que «l'État participe à la création d'institutions intercantonales ou internationales, dans le respect – c’est de la décoration – des intérêts des communautés locales et régionales, il encourage les collaborations avec les communes», tout cela, au fond, sont des modalités d'application possibles, et pas exhaustives du tout, des principes d'ouverture à l'Europe et au monde et à la collaboration entre régions voisines, qui sont explicitement déclinées dans le premier alinéa. Donc, par souci de clarté, de brièveté, je vous propose de laisser tomber ce deuxième alinéa, non pas du tout que nous ne soyons pas d'accord avec son contenu, mais parce qu'il va de soi qu'il est déjà contenu ailleurs.

F Laurent WEHRLI

Si je me permets d'intervenir, ce n'est pas seulement en mon nom personnel, mais aussi pour rappeler brièvement les raisons d'un certain nombre d'écrits de la commission 1, en charge notamment de la rédaction de cet article. En commençant tout d'abord par la première proposition de la commission de rédaction, respectivement de M. Mahon, d'inverser «Confédération» et «autres cantons». Si la commission 1 avait volontairement écrit tout d'abord «collabore avec les autres cantons» et «collabore avec la Confédération» en deuxième position, c'est dans une double logique: d'abord, une logique géographique, parce qu'il est important, aussi, de régler des problèmes de voisinage, sans forcément passer par le niveau fédéral. Il y a là un certain nombre de problématiques, qui sont sans aucun doute prioritaires, notamment pour des zones comme le Chablais, le Pays d'en Haut, la Broye, le Nord Vaudois, respectivement La Côte. Ensuite, parce qu'il est vrai que, dans la commission 1, il y avait une certaine volonté de se souvenir d'un état d'esprit fédéraliste au niveau de la Suisse, et plus particulièrement du Canton de Vaud, en ayant également, si ce n'est une gradation hiérarchique, la volonté de motiver et mobiliser un fédéralisme horizontal et collaborant avec les autres cantons, avant de penser toujours et uniquement à un fédéralisme vertical avec la Confédération. Par ailleurs, le terme «transfrontalier» est relevé par M. Mahon comme n'étant pas assuré: je m'en étonne un peu lorsqu'on connaît le droit international public actuel, et notamment toutes les conventions du Conseil de l'Europe, dont la Suisse est membre depuis 1963, qui traite explicitement, en droit international public, du terme «transfrontalier», qui a une définition extrêmement précise. Mais, en l'occurrence, puisque le terme retenu par la commission de rédaction est «institutions internationales», il est vrai, un terme plus global, plus vaste, ne me paraît pas forcément problématique. Ensuite, par rapport à la notion des «ensembles politiques et administratifs», je me permets de rappeler très modestement, puisque je n'ai pas la réputation de certains qui l'ont évoqué, que le Sonderbund est fini et que, respectivement, la Constitution fédérale actuelle, votée par la population et en cours aujourd'hui dans notre pays, par ses articles 54 à 56, donne très précisément aux cantons des pouvoirs bien élargis par rapport à la Constitution précédente, pour créer de tels ensembles, et ceci sans passer par la garantie fédérale, mais je ne voudrais pas épiloguer ou allonger inutilement cet après-midi. Enfin, par rapport à l'amendement présenté au nom du groupe Libéral par Mme Amstein, j'aimerais rappeler ce qui a été déjà été dit ici à la tribune de l'Assemblée plénière, lors de la première lecture de cet article 5, c’est qu'en regard d'un autre article que nous avons dans notre avant-projet de Constitution traitant de l'aide humanitaire dans laquelle le Canton doit s'intégrer et agir, il s'agit de pouvoir aussi permettre au Canton d'agir directement avec des populations ou leurs représentants, qui pourraient être des organisations non-gouvernementales, et pas seulement avec d'autres États.

F René PERDRIX

Merci au constituant Wehrli de son intervention. Je remarque qu'il n'y a pas de dépôt d'amendement parallèlement à sa proposition. On expérimente une procédure: on prend comme texte de base la proposition de la commission de relecture. Si l'on veut revenir à l'article tel qu'il avait été rédigé en première lecture, il faut déposer un amendement.

F Laurent WEHRLI

Alors je déposerai formellement, puisque ce serait logique, avec ce que j'ai dit tout à l'heure, un amendement pour vous proposer de renoncer, à l'alinéa 1, à l’inversion «Confédération et autres cantons», que la commission de rédaction a proposée. Et puis, je vous inviterai simplement à refuser l'amendement Libéral, également pour être conséquent avec ce que j'ai dit tout à l'heure.

F Jean MARTIN

Quelques mots à propos de l'amendement qui a été présenté par Mme Amstein, auquel je vous propose de ne pas vous associer. Quand on parle de collaborations, on parle de choses de natures diverses, et j'imagine qu'on inclut – Laurent Wehrli vient d'y faire allusion – ce qu'il est convenu d'appeler la coopération, en particulier avec des gens qui vivent dans des conditions socio-économiques moins bonnes que les nôtres. Or, à cet égard, très clairement, au cours des dix dernières années, les institutions de coopération technique, y compris les institutions publiques, bilatérales ou multilatérales, donc les institutions gouvernementales ou multi-gouvernementales, se sont aperçues qu'il était difficile, parfois impossible, parfois contre-productif de passer systématiquement par des gouvernements. Je ne vais pas faire un long exposé à cet égard, mais qu'on pense simplement aux gouvernements actuels de l'Afghanistan ou de l'Irak, pour voir que ce n'est pas forcément la meilleure manière de collaborer avec eux que de passer par les autorités. C'est dire que j'ai du respect, bien sûr, pour les compétences que M. Mahon a mis à notre disposition, très utilement. Il est un spécialiste du droit constitutionnel mais pas forcément des relations internationales ou de la coopération. Je vous encourage vivement à maintenir cette notion «ou leurs populations», qui donne aussi un signe. Au reste, peut-être que je peux me tourner vers la présidente de la commission de rédaction: on me dit que, dans une conversation ultérieure, après rédaction de son rapport, où on a expliqué à M. Mahon le sens qu'on entendait donner à ce «ou leurs populations», il aurait modifié ses commentaires quant au caractère partiellement impropre ou osé de cette modification. Je vous invite donc à ne pas vous associer à l'amendement Amstein.

F Jacques Christian VALLOTTON

Je veux simplement revenir sur ce qu'ont dit les préopinants en ce qui concerne «ou leurs populations», stipulation que veut supprimer Mme Amstein. Je pense que c'est très important et je prendrai un seul exemple, tout simple, qui paraît un peu gros, mais qui est quand même assez révélateur. Si on autorise simplement le Canton à collaborer avec les États, cela signifierait, par exemple, que dans le conflit qui a lieu actuellement au Moyen-Orient, le Canton ne pourrait pas collaborer – comme l'a fort bien dit le président de la commission 1 – avec une organisation humanitaire ou internationale, il ne pourrait collaborer qu'avec l'État, c'est-à-dire avec le gouvernement des Taliban, alors qu'il faudrait quand même penser aux populations. On a dit «aux populations» au pluriel, pour tenir compte notamment des ethnies. Donc, ce que nous vous proposons, c'est simplement une collaboration qui est ouverte, qui est assez large. Je sais bien que le Prof. Mahon est certainement très habile et a été relativement critique vis-à-vis de cette appellation, mais je crois qu'on peut la garder parce qu'elle permet véritablement d'être quand même un peu plus ouvert.

F Anne-Catherine LYON

Une précision, par rapport à la question de «leurs populations». En effet, le rapport du Prof. Mahon, à la page 14, traite cette question comme l’a rappelé Mme Amstein. En revanche, dès lors que l'Assemblée plénière accepte la répartition entre le Canton, dans son ensemble, à l'alinéa 1, et l'État à l'alinéa 2, il n'y a pas véritablement d'empêchement juridique à l'alinéa 1, dès lors que c'est du Canton dans son ensemble qu’il s’agit. Par conséquent, nous avons trouvé plus sage de laisser leurs «populations», cette question étant purement politique et non plus juridique.

F René PERDRIX

Merci à la présidente de la commission de rédaction pour cette précision. La parole est-elle encore demandée? Si ce n'est pas le cas, nous allons passer au vote. Nous voterons les amendements alinéa par alinéa.
1) Amendement du groupe Libéral, Amstein, qui vise à supprimer, à l’alinéa 1, «ou leurs populations». Refusé par 46 OUI, 99 NON et 5 abstentions.
2) Amendement Wehrli, qui vise à l'interversion des terme à l’alinéa 1 «les au-tres cantons» avec «la Confédération». Refusé par 54 OUI, 75 NON et 19 abs-tentions. 
3) Amendement Rebeaud, qui vise à la suppression du deuxième alinéa. Refusé par 58 OUI, 79 NON et 6 abstentions.

Article 5 – Collaborations et relations extérieures
Accepté par 135 OUI, 0 NON et 14 abstentions.
1 Le Canton collabore avec la Confédération, les autres cantons, les régions voisines et les autres États ou leurs populations. Il est ouvert à l'Europe et au monde.
2 L'État participe à la création d'institutions intercantonales ou internationales dans le respect des intérêts des communautés locales et régionales; il encourage les collaborations entre communes.

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Article 6 – Buts et principes
Article 7 – Principes juridiques fondamentaux

Textes proposés par la commission de rédaction:

Article 6 – Buts et principes
1 L'État a pour but le bien commun et la cohésion cantonale.
2 Il protège la dignité, les droits et les libertés des personnes. Il fait prévaloir la justice, la paix et l'ordre public; il soutient les efforts de prévention des conflits.
3 Il veille à l'intégration harmonieuse de chacun au corps social.
4 Il préserve les bases physiques de la vie et veille à la conservation durable des ressources naturelles.
5 Il sauvegarde les intérêts des générations futures.
6 Il reconnaît la famille dans sa diversité comme élément de base de la société.
7 Il encourage la culture.

Article 7 – Principes juridiques fondamentaux
1 Le droit est le fondement et la limite de l'activité étatique.
2 Cette activité est exempte d'arbitraire, répond à un intérêt public et est proportionnée au but visé. Elle s'exerce conformément aux règles de la bonne foi et de manière transparente.
3 Toute activité étatique respecte le droit supérieur.
4 Au sein des autorités, les femmes et les hommes sont représentés de manière équilibrée.

F René PERDRIX

Nous poursuivons notre travail en traitant des articles 6 et 7. Si je dis «6 et 7», c'est que nous avons décidé de traiter ces deux articles conjointement. Vous aurez constaté que la commission de rédaction nous propose quelques bouleversements dans l'énoncé des différents alinéas, et que nous avons aussi des propositions de renvoi d'un article à l'autre au travers de divers amendements. Nous discuterons donc et nous traiterons des amendements concernant les deux articles avant de procéder au vote sur les articles 6 et 7. Madame la présidente de la commission de rédaction a la parole.

F Anne-Catherine LYON

Ce que la commission de rédaction a cherché à faire aux articles 6 et 7, c'est ce qu'elle avait déjà tenté de faire avant l'été, soit d'avoir un article dans lequel il y a des buts et des principes de nature plutôt programmatique, en quelque sorte un catalogue qui annonce ce qui est traité dans les «Tâches de l'État». En l'espèce, cette redondance entre buts et tâches ne pose pas un problème. Nous avons regroupé à l'article 6 tous les principes qui n'ont pas une grande force normative, tous ceux qui ne sont pas directement invocables devant le juge. En revanche, à l'article 7 on retrouve les principes qui, eux, ont une force normative, ceux qui sont justiciables. De l’avis de la commission de rédaction, le seul principe qui pose, une difficulté en termes d'emplacement, c'est l'article relatif à la représentation équilibrée entre les hommes et les femmes au sein des institutions. Nous avons regardé l'ensemble des travaux, les prises de position, les travaux préparatoires en commission, puis en plénière, et il n'était pas du tout évident de déterminer si notre Assemblée a voulu en faire un simple but, une simple annonce, ou alors si notre Assemblée a voulu aller plus loin et créer un cas particulier du principe d'égalité entre les sexes. Nous l'avons donc placé ici momentanément peut-être, à l’article 7 tout en vous indiquant quel est l'enjeu et quelle est la discussion par rapport à cet article pour que dans la clarté nous tranchions cette question. A défaut, ce sera la Cour constitutionnelle, si nous gardons cette instance, qui devra procéder à cette clarification. A nouveau: article 6 – un catalogue, un programme, une annonce de ce qui se passe plus loin; article 7 – des principes juridiquement contraignants. Une dernière chose peut-être, pour être complète dans mon explication: à l'article 7, tout comme nous l'avions fait ce matin pour l'article 75, alinéa 1, nous avons regardé le texte dans son ensemble et avons trouvé à l'article 91, dans la rubrique «Autorités cantonales, dispositions générales», deux alinéas qui sont des principes juridiques fondamentaux. Nous avons proposé de les transférer ici et de résumer ces deux alinéas dans une phrase qui recouvre le tout: «Toute activité étatique respecte le droit supérieur». Les alinéas d'origine – vous les retrouvez dans la brochure – disaient, l'un que les droits cantonal et communal doivent être conformes au droit supérieur, et l'autre que les autorités exécutives, législatives et judiciaires agissent dans le respect du droit supérieur. On peut résumer ces deux idées en la phrase «Toute activité étatique respecte le droit supérieur».

F René PERDRIX

Merci à Mme Lyon de sa présentation. Nous traitons les amendements déposés à l'article 6. Amendement Forum Holenweg Rouyet. Mme Holenweg a la parole, ou... M. Schwab.

F Claude SCHWAB

[début inaudible, micro débranché] Il y a aussi eu des problèmes de transmission de l'amendement qui l'ont attribué au groupe ForuM. Nous en assumons la coparentalité entre Anne Holenweg et moi-même. J'aimerais d'abord dire qu'en ce qui concerne la première partie de cet amendement, elle tombe, dans la mesure où nous avons comme texte de base celui de la commission de rédaction. C'est donc sur la deuxième partie que j'aimerais intervenir pour rectifier ce qui semble avoir été une erreur de jeunesse dans notre première séance plénière après l'été, parce que les mots ont un sens et ce qui a été écrit mérite d'être corrigé. «Prévaloir» signifie «avoir plus de valeur que», cela implique donc une hiérarchie entre les valeurs. La formulation qui vous est proposée ne peut pas être retenue dans un État démocratique pour plusieurs raisons. J'en citerai simplement deux: la première, c'est que l'ordre public n'est pas de même niveau que la justice ou la paix. Il peut en être un moyen, mais un moyen ne saurait se substituer à un but. Trop de dictatures ont, au nom de l'ordre, fait le lit de l'injustice, préparé la guerre et l'humiliation. Remettons donc l'ordre public à l'ordre, qui est second, d'autant plus que, dans l'idéal, il devrait résulter d'une société harmonieuse vivant selon la paix et la justice. Le second argument, c'est que si l'on compare cette formulation avec l'alinéa précédent qui parle de dignité, de droits et de libertés, cette prévalence de l'ordre public devrait être comprise par rapport à ces libertés, ces droits et à la dignité humaine. Je crois qu'il y a certes une tension nécessaire entre les libertés et l'ordre, mais il ne saurait y avoir prévalence de l'ordre public sur la liberté. La conception selon laquelle l'ordre est plus valable que la liberté, c'est ce que je vous invite à rejeter clairement, sinon il faudrait encore revenir en arrière sur l'histoire de notre devise, et proposer «ordre public et Patrie». Je terminerai en disant que le rôle de l'État consiste plus modestement – et c'est déjà un défi important, surtout en temps de crise – à garantir un ordre public qui soit au service de la dignité, des libertés et des droits des personnes.

F René PERDRIX

Merci au constituant Schwab du développement de son amendement. Nous passons à l'amendement du groupe des Verts. M. Hunkeler a la parole.

F Pierre HUNKELER

Monsieur le président, chers collègues, Il y a eu un très bon travail de rédaction fait au sein des commissions. Les amendements successifs n'ont pas toujours amélioré la clarté du texte, mais la commission de rédaction s'est efforcée d'en faire quelque chose d'aussi lisible que possible. Toutefois le résultat est un texte qui est plutôt cursif, voire discursif, et on attend parfois d'un texte constitutionnel une lisibilité aussi bonne que possible. On utilise en effet une constitution plus comme texte de référence – où il faut trouver rapidement les mots clés – que comme un texte littéraire. La rédaction proposée permettra, nous l'espérons, d'avoir un texte plus direct. Mais cela n'est que la forme, le fond de notre amendement est évidemment beaucoup plus important. Il s'agit de bien séparer les buts de l'État et les principes qui sous-tendent son action. Les buts ne sont pas justiciables mais ils justifient l'existence même de l'État. Un État sans buts déclarés n'aurait pas de raison d'être. Nous avons mis en évidence les principes qui doivent sous-tendre les activités de l'État et qui peuvent être, eux, justiciables. Mais il faudra évidemment prendre une décision pour chacun d'entre eux. Vous trouverez dans notre proposition d'article 6 une partie des buts de l'État que nous avons extraits de l'article 6 d'origine, intitulé «Buts et principes». Les autres buts se trouvent dans le nouvel article 7, soit la dignité, droits et libertés, avec une petite correction à faire: il s'agit bien de la protection de la dignité, du droit et des libertés des personnes. Au point f) la justice, la paix et l'ordre public; au point i) la famille et un point g) que nous proposons de compléter en parlant, dans les principes de l'État, pas seulement de la prévention des conflits, mais aussi de la prévention des risques. Dans une société qui devient toujours plus vulnérable, de par son évolution des risques, qu'ils soient naturels, industriels, sociaux ou autres, il est justifié d'ajouter la prévention des risques dans les principes qui sous-tendent les activités de l'État, ceci pour éviter d'attendre, comme c'est souvent le cas, de prendre les mesures nécessaires uniquement lorsqu'une catastrophe nous y oblige. J'ai entendu la présidente de la commission de rédaction dire que la commission elle-même était parfois un peu partagée sur les principes justiciables ou ceux qui ne l'étaient pas. Nous restons bien sûr ouverts à une réorganisation possible, par exemple en ressortant ce qui actuellement appartient aux principes fondamentaux dits juridiques du reste de la liste.

F René PERDRIX

Merci au constituant Hunkeler de ses explications. Nous sommes en possession d'un amendement du groupe Vie associative. Mme Linder a la parole.

F Catherine ROULET

En fait, cet amendement est conditionnel. Si [c'était] supprimé à l'article 7, «Principes juridiques fondamentaux», nous demandons sa réintroduction à l'article 6, par exemple après l'alinéa 3, article qui vise les buts vers lesquels l'État devrait tendre. Cet amendement, si nous insistons pour qu'il vous soit proposé, c'est parce que forts du soutien des nombreuses associations qui font partie de Vie associative, nous souhaitons qu'un nombre toujours plus important de femmes puissent accéder à tous les échelons de la vie professionnelle et politique. C'est pourquoi cet alinéa doit absolument trouver sa place au sein de notre Constitution.

F Gérard BUHLMANN

Tout d'abord, mes regrets sur la confusion qui a prévalu à l'envoi des différents amendements du groupe Radical et mes remerciements à Mme Crettaz d'avoir rectifié et présenté une deuxième version qui était compréhensible pour les uns et les autres. Nous avons déposé des amendements conditionnels si le projet de la commission de rédaction était refusé, ne sachant pas comment notre Assemblée allait travailler. Entre deux, vous avez – j'en étais, nous avons – décidé de travailler sur la base du texte de la commission de rédaction. Les amendements conditionnels liés à ceci tombent donc, je n'y reviendrai pas. Les propositions que nous vous faisons visent trois buts: tout d'abord épurer le texte pour n'en garder que les éléments déterminants au plan constitutionnel et ce sera une préoccupation du groupe Radical tout au long de cette deuxième lecture – mettre chaque chose à sa place dans l'ensemble de la Constitution, en évitant les doublons, voire les triplons pour autant que ce mot soit français; la volonté aussi de suivre la commission de rédaction. Il y aurait d'autres termes que nous aurions volontiers changés, sans qu'il nous paraisse toutefois déterminant de le faire. Nous avons admis, tant que faire se peut, de nous en tenir aux propositions de la commission de rédaction. Je souligne le travail qu'elle a fait, comme l'a évoqué sa présidente, en séparant clairement dans un article 6, «Buts et principes», les dispositions qui ne sont pas directement justiciables, et dans un article 7 des principes juridiques fondamentaux. C'est la raison pour laquelle je vous engage à ne pas suivre l'amendement déposé par les Verts, M. Hunkeler, qui précisément continue ce mélange entre ces deux dispositions. Premier amendement: la suppression, à l'alinéa 2 de l'article 6, «il soutient les efforts de prévention des conflits». Pour nous, ce n'est ni un but de l'État en soi, ni un principe; c'est une de ses tâches, sans aucun doute, raison pour laquelle il y a un certain nombre d'articles qui le traitent dans le chapitre des tâches publiques. Je cite notamment le 46 sur la médiation, le 47, «Sécurité et police», il y en a d'autres. Sur le plan externe, nous sommes d'avis que c'est plus une fausse promesse qu'une bonne intention, et que même sans avoir cette disposition, l'État peut très bien s'engager en offrant ses services, en mettant des locaux à disposition, par exemple pour des conférences internationales. Je vous encourage donc à biffer ici cette disposition, étant entendu que nous la retrouvons à divers endroits dans les tâches de l'État, là où est sa place. Le deuxième amendement vise à enlever les mots «dans sa diversité» concernant la famille. Là j'aimerais être très clair: nous n'avons absolument rien contre les familles dans leur diversité. Nous pensons par contre que de préciser ceci affaiblit un mot qui est très clair, qui est celui de la famille, un mot générique et englobant. Nous serions favorables à ce que dans le commentaire – qui sera bien sûr livré lors de la votation – nous précisions clairement notre vision des familles que nous comprenons au sens large du terme. L'amendement qui est déposé par Vie associative qui précise «les familles» pourrait aller dans ce sens. Mais encore une fois, «dans sa diversité» est un terme mode. Je ne suis pas convaincu qu'il rende service à cette disposition et au contraire, les Radicaux, nous pensons qu'il l'affaiblit. Je relève d'ailleurs que la commission de rédaction a proposé d'enlever «dans sa diversité» pour la culture, ce qui n'a pas l'air d'avoir suscité des réactions. Encore une fois, dans ce sens bien compris, je vous propose d'enlever ces trois mots. «Il encourage la culture», alinéa que nous vous proposons de biffer, pour les raisons déjà évoquées. Nous n'avons absolument rien contre la culture, c'est une des tâches de l'État et il y a un article, 55, qui en parle. Mais pour nous, la culture n'est ni un but de l'État, ni un principe, c'est une de ses tâches. Mettons donc les choses à leur place et évitons, tant que faire se peut, les doublons. J'en viens à l'amendement concernant l'article 7. Nous proposons, dans un premier temps, de supprimer l'alinéa «Au sein des autorités les hommes et les femmes sont représentés de manière équilibrée». Placé où il est, ce n'est pour nous en aucun cas un principe juridique fondamental, et les articles tels que nous les propose la commission de rédaction sont très clairs: à l'article 7, nous avons trois alinéas qui, à l'évidence, sont des principes juridiques fondamentaux. Par contre, le fait qu'au sein des autorités les hommes et les femmes soient représentés de manière équilibrée ne saurait être comparé à ces trois autres alinéas. L'égalité hommes-femmes, comme toute égalité, est déjà couverte par l'article 10 si je ne me trompe pas, et nous avons dans le chapitre «Vie participative» l'article 87 qui donne mandat aux partis de veiller à ce que les listes soient équilibrées. C'est de nouveau là la bonne place de cette disposition, et non pas dans les principes juridiques fondamentaux. Nous vous encourageons donc, Mesdames, Messieurs, à biffer purement et simplement cette disposition. Si toutefois vous souhaitiez l'avoir dans les dispositions générales, nous avons déposé un amendement conditionnel, au cas où notre amendement serait refusé, qui est celui de transférer cette disposition à l'article 6, dans les «Buts et principes». Pour nous, ça n'est pas un but et principe, mais au moins ce n'est clairement pas une disposition qui serait juridiquement directement invocable. Nous ne voulons pas que ce soit un juge qui détermine ce qu'est une représentation équilibrée. Par-là même, je vous encourage, Mesdames, Messieurs, à refuser l'amendement de Vie associative qui propose d'ailleurs une autre rédaction de cette disposition à l'article 6. Je crois que le Prof. Mahon dans son commentaire est très clair sur ce problème-là: il dit que notre Assemblée doit se prononcer sur ce qu'elle veut et nous vous encourageons donc à le faire dans ce sens.

F René PERDRIX

Merci au constituant Buhlmann de son intervention. Dois-je considérer que M. Hunkeler a traité son intervention pour l'article 7 ou désire-t-il réintervenir? Merci. Mme Roulet. C'est la même chose, vous réintervenez pour l'article 7?

F Catherine ROULET

Oui, tout à fait, comme M. Buhlmann. Si les principes juridiques devaient être supprimés de l'article 7, nous désirions qu'ils soient glissés à l'article 6, dans les buts.

F Laurence MARTIN

Il y a peut-être eu un peu de confusion tout à l'heure, dans la première intervention de ma collègue Roulet du fait que, pendant qu'elle parlait de la représentation équilibrée des hommes et des femmes, vous aviez sous les yeux un article qui parlait des familles. Alors je viens ici personnellement pour défendre l'amendement Vie associative concernant la formulation des familles. Non, j'aimerais bien qu’on affiche l’amendement sur les familles… Voilà: «L'État reconnaît les familles comme éléments de base de la société». La réalité sociale montre, sans contestation possible, une diversification des formes familiales. Malgré cela, que voit-on? Un amendement visant à éradiquer la diversité des familles dans notre future Constitution. Cette réalité fait-elle si peur qu'il faille se voiler la face et n'insérer dans la Constitution que l'image faussement réconfortante de la famille traditionnelle? C'est en tout cas cela que ça évoque. J'aimerais rappeler ici que pour les milieux associatifs qui sont en contact avec la réalité sociale de nombreuses familles, le problème est posé depuis longtemps de trouver la manière d'en parler tout en tenant compte de la réalité, sans pour autant offenser les familles qui continuent à trouver leur équilibre dans ce qu'on appelle le modèle traditionnel. En parlant de la famille au singulier, on évoque irrésistiblement un modèle qui a eu ses heures de gloire, mais qui est aujourd'hui en perte de vitesse. Il n'est pas question pour nous de l'enterrer, ni de porter un jugement sur les évolutions des familles, mais il est indispensable de tenir compte de l'évolution. Comment en tenir compte? Dans nos milieux, l'expression «les familles», tout simplement au pluriel, a remplacé «la famille». «Les familles» évoque à la fois l'idée de coexistence intergénérationnelle et la multiplication actuelle de familles monoparentales, recomposées, différentes versions nouvelles de familles. Donc si la diversité des familles devait disparaître, il serait alors indispensable de dire, en toute simplicité, «les familles». Il ne s'agit là que de faire justice à une évolution actuellement incontournable de la vie de famille.

F René PERDRIX

Merci à Mme Martin. Mme Weill a la parole. Je signale la présence à la tribune de M. Pierre Rochat, président du Grand Conseil. Je le remercie de l'intérêt qu'il porte à nos travaux et je l'assure que la Constituante a au moins autant de difficultés à s'habituer à ce local que le Grand Conseil en a eues!

F Anne WEILL-LEVY

Je viens ici, non pas tellement pour débattre de la place en premier lieu – à savoir si ce que je vais énoncer sera rangé dans les principes ou dans les tâches – mais pour revenir sur le fond de la question. Tout d'abord, s'agissant de la prévention des risques et des conflits, je m'étonne que M. Buhlmann considère que le fait que l'on aie une police et que l'on résolve par la sécurité soit pour lui équivalent. En effet, dans les risques physiques, sur lesquels je crois qu'il n'est pas utile de s'appesantir, tout le monde a en mémoire les événements plus ou moins récents qui font que la science-fiction est devenue le quotidien; quant aux risques de prévention de la violence, ceci je peux le dire à titre professionnel, c'est une réalité de tous les jours qui doit nous faire réfléchir et trouver les moyens d'asseoir une norme qui permette à ceux qui s'occupent des jeunes, des toxicomanes, de veiller à ce que l'on évite d'arriver à un discours sécuritaire qui a animé – et qui anime toujours – la campagne des municipales, et qui animera certainement la campagne cantonale dans ce Canton. Cela me paraît essentiel. Ce n'est pas par la sécurité, ce n'est pas par la police qu'on résout, et je crois qu'elle-même serait tout à fait d'accord avec ce que je viens d'énoncer. En deuxième lieu, s'agissant de la représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein de l'univers politique, je rappellerai brièvement que nous vivons sur un adage juridique aristotélicien, qui est celui de traiter de manière semblable ce qui est semblable et de manière différente ce qui est différent. Ce qui est évidemment d'un flou artistique total et qui a permis à la société occidentale d'interdire l'accès aux femmes, tout d'abord à des charges civiles, puis à des charges civiques. Nous avons quand même été – non pas ce Canton, qui a été précurseur, mais ce pays – le dernier en Europe à attribuer le droit de vote aux femmes, après que le Tribunal fédéral ait réussi à dire que les femmes n'étaient pas les égales des hommes puisqu'elles ne faisaient pas de service militaire. On peut aussi considérer que les hommes ne sont pas les égaux des femmes puisqu'ils n'ont pas grossesses et accouchements. Ce sont donc des prétextes qui ont été mis en place pendant des générations et des centaines d'années pour éviter aux femmes d'avoir l'accès au politique. De la même manière, le fait de ne pas leur donner les outils qui leur permettent de venir en politique par différents biais permet de les écarter de la place. Et je crois que les femmes de ce Canton – elles le disent de manière interpartite et la motion Cohen-Dumani et consorts l'a clairement montré – veulent participer à la vie politique. Le moindre mal qu'on puisse faire si nous n'atteignons pas la parité, c'est au moins d'avoir une représentation équilibrée des femmes et des hommes, et donc d'offrir aux femmes les outils qui leur permettront, sous diverses formes, d'y arriver.

F Josiane AUBERT

J'aimerais prendre position sur les amendements proposés par le groupe Radical et M. Buhlmann: suppression de la famille dans sa diversité, de l'équilibre femmes-hommes, de la culture et, même en ces temps troublés, de la médiation des conflits lorsqu'on parle des buts de l'État. Quel jeu veulent-ils jouer? Enlever toute âme à cette Constitution, c'est vraiment prendre le peuple vaudois pour quantité négligeable. C'est ce même peuple qui a souhaité une nouvelle Constitution. Comment lui présenterez-vous un projet qui sera aussi peu en adéquation avec la vie actuelle? Comment peut-on par exemple, en cette fin 2001, demander de supprimer l'alinéa concernant les efforts de prévention des conflits? Comment peut-on demander la suppression de l'encouragement à la culture? N'entend-on pas constamment dire que notre société a un grand besoin de valeurs, de points de repère? C'est l'occasion d'élever certaines de ces valeurs au niveau des buts et principes de l'État. Il y aura lieu de décrire les moyens d'y parvenir dans les articles, dans les tâches, par exemple. Mesdames et Messieurs, ne vous laissez pas gagner par la grisaille ambiante et le juridisme sec et froid! Laissez un brin d'humanité dans notre projet, par amour des Vaudois et Vaudoises, et pas seulement par celui de la Patrie! Pendant que je suis à la tribune, je dis aussi quelques mots concernant la représentation équilibrée femmes-hommes. La question a été longuement débattue au premier débat et l'Assemblée a jugé adéquat de mentionner dans notre projet de Constitution non pas la parité pure et dure, mais la nécessité d'une présence équilibrée des hommes et des femmes pour mener à bien les affaires de la Cité. Cet équilibre est un principe, il doit jouer dans les deux sens: favoriser la présence des femmes là où elles sont encore peu nombreuses; éviter aussi que certaines instances, à terme, ne se féminisent entièrement. Car la richesse et la maturité de notre démocratie résident bien aussi dans le fait que les femmes et les hommes sont parties prenantes dans les responsabilités de l'État. A l'heure où les événements internationaux nous forcent à réexaminer les valeurs de notre démocratie sous une nouvelle lumière, il me paraît de haute actualité d'affirmer haut et clair certains acquis et principes. Celui de la présence équilibrée des femmes et des hommes dans nos institutions politiques est de ceux-là. Je vous encourage donc à maintenir cet alinéa.

F Laurent REBEAUD

J'aimerais vous proposer une motion d'ordre dont je ne sais pas encore si elle sera suivie parce que je n'ai pas organisé mon lobby, mais je suis assez mal à l'aise dans l'idée que nous allons dans quelques minutes voter sur des textes dont nous sentons bien qu'ils ne sont pas mûrs [brouhaha]. Dans le premier projet, le Prof. Mahon nous fait remarquer qu'on a mis des principes dans les buts et des buts dans les principes. Il avait raison. La commission de rédaction résout le problème en mélangeant les buts et les principes sous un chapitre «Buts et principes» dans quoi rien ne serait justiciable. Puis, pour quand même créer une catégorie où il y ait quelque chose de justiciable, il y a des «Principes juridiques fondamentaux» qui, eux, pourraient faire l'objet d'actions en justice. Je trouve ceci artificiel, et surtout pas très facile à expliquer au public. Si on veut faire une constitution claire et qu'il faut expliquer dans une annexe quelle différence il y a entre des principes fondamentaux et des principes juridiques fondamentaux, je trouve qu'on n'a pas fait une bonne oeuvre en termes de rédaction. Par ailleurs, je sais que la proposition de M. Hunkeler soulève quelques objections quant à son contenu, mais alors je la trouve infiniment meilleure sur la forme. Elle dit «L'État a pour buts le bien commun, l'intégration, la préservation». C'est une série de substantifs qui énumèrent des buts, et on comprend très bien ce que ça veut dire. La proposition de la commission de rédaction, «Buts et principes»: «L'État a pour but le bien commun et la cohésion cantonale». Ensuite on n'a pas de substantifs, on a: «il protège», «il veille», «il préserve», «il sauvegarde», «il reconnaît» et c'est chaque fois des verbes qui impliquent ou qui supposent une action de l'État d'intensité différente. Et on ne sait pas si c'est des buts ou des principes. On nous a expliqué que ce n'était pas justiciable, je veux bien, mais ça ne donne toujours pas une clarté suffisante. En réalité, on peut séparer les buts des principes. Les buts, c'est les raisons d'être de l'État: la justice, la sécurité, la prospérité, la cohésion cantonale. Ça peut s'énumérer de manière tout à fait claire, et c'est ce qu'essaie de faire M. Hunkeler. Les principes, c'est la manière dont l'État doit s'y prendre, c'est les règles que doit respecter l'État pour atteindre ses buts. Et ceci devrait à mon sens être – dans une certaine mesure en tout cas – justiciable, c'est-à-dire qu'on devrait pouvoir exiger de l'État qu'il respecte ses principes. C'est pour cela que la proposition de la commission de rédaction de mélanger buts et principes et de faire que ces principes ne soient pas justiciables me laisse un peu sur ma faiM. J'ai d'autres objections à faire à la commission de rédaction, mais peut-être Madame la présidente de la commission de rédaction pourra-t-elle me répondre: quand on parle de l'activité étatique et qu'on dit «Le droit est le fondement et la limite de l'activité étatique», entend-on que cette règle s'applique aux communes? Je pense que oui, naturellement, je pense que ça va de soi, mais «l'activité étatique», c'est l'activité de l'État si on l'entend au sens strict, et il faudrait peut-être dire «des pouvoirs publics». Enfin, pour toutes ces raisons, je ne me sens pas mûr pour voter. Ça m'ennuie de m'abstenir parce qu'un constituant doit voter, mais du point de vue formel, je trouve qu'on est en train de faire un travail qui n'est pas conforme à nos ambitions, qui sont de faire un texte clair où on comprend ce qu'on a voulu dire. Ma proposition est donc de renvoyer ce débat d'une semaine, ou peut-être de deux, et de demander à la commission de rédaction de reprendre, sur la base de la proposition de M. Hunkeler, une proposition sur laquelle on puisse vraiment distinguer les buts des principes, et qu'on puisse savoir ce qui est justiciable et ce qui ne l'est pas.

F René PERDRIX

Je dois considérer la proposition de Laurent Rebeaud comme une motion d'ordre. Est-elle appuyée? 20, 22. Elle est appuyée. J'ouvre la discussion sur la motion d'ordre. Quelqu'un désire-t-il s'exprimer? La parole n'est pas demandée. Je mets aux votes la motion d'ordre telle que l'a formulée Laurent Rebeaud, c'est-à-dire le renvoi de la suite de la discussion et du vote... M. Schwab, vous avez la parole.

F Claude SCHWAB

Je crois qu'avant de pouvoir statuer sur cette décision, il faut que nous sachions si nous discutons maintenant du contenu et des différents amendements qui ont trait au contenu, et qu'ensuite l'ordre et la manière d'agencer, avec des rubriques et des sous-rubriques, seront travaillés par la commission de rédaction, ou si nous bloquons tout débat, mais alors avec un nouveau problème, c'est que la commission de rédaction devra travailler avec des notions qui ne sont pas clarifiées. Personnellement, je souhaiterais que le débat et les discussions sur les points particuliers se fassent encore aujourd'hui pour qu'ensuite la structuration puisse être faite par la commission de rédaction, qui viendra avec des propositions à prendre ou à laisser.

F Jean-François LEUBA

Je crois que M. Schwab a tout à fait raison: pour que la commission de rédaction puisse véritablement reprendre la totalité, il faut que nous discutions sur le fond des différents objets de la proposition, et ensuite la commission de rédaction reviendra devant le plénum avec un texte où elle aura mis de l'ordre, mais les options fondamentales seront prises. J'aimerais vous dire que par rapport à la discussion de ce matin, c'est vraiment là où nous devons, de nouveau, faire preuve de souplesse, parce que si nous adoptons un texte aujourd'hui en vote final, nous n'aurons plus le choix pour mettre de l'ordre dans cet article, ce sera le texte. Par exemple, je dirais qu'à titre personnel je suis sensible à la forme de la proposition Hunkeler, beaucoup moins sur le fond, mais sur la forme je crois que c'est une forme intéressante. On ne pourra pas se prononcer parce que si nous adoptons une autre version, par exemple la version Buhlmann, on ne pourra plus revenir, dans la forme, sur la version Hunkeler. Nous avons là une difficulté, je crois qu'il faut être souple, je crois qu'on doit modifier la proposition Rebeaud en ce sens que, oui, on discute les différents objets, mais ensuite on renvoie à la commission de rédaction avant le vote sur les articles.

F Laurent REBEAUD

Je remercie le coprésident Leuba des éclaircissements qu'il vient de nous donner. Je crois que sous cette forme c'est parfaitement acceptable pour moi. Mon souci n'est pas d'interrompre le débat, mon souci est simplement qu'on y voie clair et qu'on fasse un texte compréhensible. Si vous admettez, comme le suggère le coprésident Leuba, que la commission de rédaction puisse ultérieurement essayer de mettre de l'ordre et qu'ensuite le résultat de ses travaux vous soit re-soumis pour approbation, pour éventuelle nouvelle discussion, je retire ma motion d'ordre.

F Anne-Catherine LYON

La commission de rédaction, c'est évident, fera ce que vous lui demandez de faire, mais je tiens quand même à relever que nous avons mis de l'ordre entre ces principes, contrairement à ce que certains laissent à penser. Le seul alinéa – et je l'ai précisé dans mes paroles introductives sur cet article – dont le caractère justiciable ou non est incertain, est celui sur «Au sein des autorités, les hommes et les femmes sont représentés de manière équilibrée». C'est le seul qu'on ne puisse pas trancher. Nous avons besoin pour celui-ci d'une décision de l'Assemblée quant à sa nature. Mais pour les autres, c’est clair, et encore une fois, nous avons fait ce travail de manière très soigneuse.

F René PERDRIX

Merci à la présidente de la commission de rédaction. Je vous propose, à la suite du retrait de la motion d'ordre Rebeaud, la procédure suivante: nous traitons de tous les amendements qui ont été déposés, conformément au travail que nous avons entrepris; nous allons presque jusqu'au bout; nous ne votons pas l'inscription des articles amendés dans le projet. Nous suspendons ce dernier vote en chargeant la commission de rédaction de reprendre ce travail. Je crois que le sentiment dans la salle est très partagé quant aux deux propositions, une partie d'entre nous est sûrement séduite par la proposition Hunkeler sur la forme à donner à l'article, et je crois que la commission de rédaction serait bienvenue de venir peut-être avec deux propositions de rédaction comportant le même fond – sous la forme Hunkeler et sous sa propre forme si elle le désire. Nous procéderions au vote définitif au début de notre prochaine séance. Cette façon de procéder est-elle agréée par l'Assemblée? On vote sur ce principe.
Vote sur la procédure: conduire jusqu'à son terme la discussion sur les amen-dements; se prononcer sur ces amendements en réservant le vote final avec un nouveau rapport de la commission de rédaction. Accepté par 106 OUI, 34 NON et 5 abstentions.

La discussion sur les amendements peut reprendre. La parole est à Mme Zuercher.

F Magali ZUERCHER

L' inscription de la diversité des familles, qui avait précédemment fait l'objet d'un large consensus au sein de notre Assemblée, n'est pas ridicule mais essentielle. Elle s'inscrit en effet en continuité avec le texte de la Constitution fédérale qui élargit la notion de famille en mentionnant «les familles» en tant que communautés d'adultes et d'enfants. Cette inscription donne la lecture immédiate de la notion de famille, celle qui correspond à la réalité actuelle et non plus à l'image traditionnelle de «papa, maman et les deux enfants». Il ne s'agit pas d'une mode, mais d'une évolution – les chiffres parlent d'eux-mêmes. Cette formulation inscrit dans le texte même de la Constitution les familles monoparentales, les familles recomposées, les enfants nés de couples divorcés, les familles nombreuses qui deviennent l'exception. Faire fi de ces personnes, c'est faire preuve d'arrogance. C'est ne pas prendre en compte ces hommes, ces femmes qui vivent – volontairement ou malgré eux – une réalité familiale bien différente du simple mot «famille». Nous avons tout à l'heure regardé le passé et confirmé notre lien avec ce passé. Nous pouvons aussi mai ntenant regarder notre présent.

F Jean-Luc CHOLLET

Laissez un homme venir défendre la représentation équilibrée des hommes et des femmes. Cet alinéa – et vous l'avez compris – ne vise pas à la parité. Voyons-le plutôt comme un étendard. Il affirme et reconnaît qu'il existe encore, malheureusement, un handicap social et culturel pour la femme du début du 21e siècle. Votre statut de citoyennes, Mesdames, est reconnu depuis trente ans dans la Constitution fédérale mais, vous en conviendrez, les faits persistent à vous enfermer dans un rôle terriblement stéréotypé et qui peine à évoluer. En maintenant cet alinéa dans notre Constitution, nous affirmons haut et fort aux communes, aux services et à la population de ce Canton: Attention! Les femmes existent, sachons profiter de leur différence, de leur sensibilité, de leur intelligence et de leur humanité. Aidons-les à assurer et à profiter de ce rôle après lequel elles courent depuis des décennies. Sachons effacer peu à peu tous ces stéréotypes. Nous avons, tous, tout à y gagner. Si la femme est l'avenir de l'homme, elle est aussi l'avenir de nos institutions.

F Nicolas MOREL

J'aimerais intervenir sur deux points, d'abord sur le plan de la structure générale que nous venons d'aborder lors de la discussion de la motion d'ordre. J'aurais une suggestion à la commission de rédaction consistant non pas à rallonger la sauce, mais à diviser cette matière que nous avons actuellement subdivisée en deux articles, en trois articles qui seraient: un, les buts; deuxièmement, les principes fondamentaux, et troisièmement, les principes juridiques fondamentaux. Je pense que cela ne rallongerait en aucun cas le texte de la Constitution, mais cela apporterait une certaine clarté. Deuxième point, tout à fait différent: j'aimerais défendre ici l'idée de la prévention et spécialement la façon dont elle a été proposée par Pierre Hunkeler. La formulation qu'il propose est une formulation tout à fait générale, qui prend en compte à la fois les risques et les conflits. C'est un progrès par rapport à la formulation qu'on avait à l'origine, qui a été proposée par la commission de rédaction. La prévention a deux avantages: sur l'aspect de l'impact social, il est toujours préférable de prévenir plutôt que de guérir; sur l'aspect purement économique, puisqu'il faut malgré tout en parler, ça coûte en général beaucoup moins cher de prévenir que de réparer après un accident ou une catastrophe. Alors M. Buhlmann, si vous proposez de ne pas inscrire la prévention dans la Constitution, c'est que vous n'y croyez pas – moi je pense que c'est un principe général qui mérite d'être introduit dans ces articles généraux, au début de la Constitution – et que finalement vous estimez qu'il vaut mieux réparer les pots cassés plutôt que de prévenir. Mais je vous préviens: ça va coûter plus cher. Il s’agit bien entendu un principe qui, à mon avis, devrait sous-tendre toutes les activités de l'État et qui devrait prendre place dans ce chapitre général.

F Catherine LABOUCHERE

Au nom du groupe Libéral, je soutiendrai les amendements de M. Buhlmann qui ont le mérite d'être clairs et équilibrés. En effet, si on devait suivre les arguments de plusieurs de mes préopinants, il faudrait mettre tout le chapitre des «Tâches de l'État» dans ces deux articles 6 et 7 pour être cohérent. Enfin, je ne peux soutenir l'amendement de Vie associative en ce qui concerne la représentation équilibrée hommes-femmes au sein des autorités, pour deux raisons. Il faut le dire ouvertement une fois, cet équilibre équivaut aux quotas et le peuple n'en a pas voulu. Ensuite, si on ne choisit les autorités que sur la base de l'équilibre hommes-femmes et non pas sur les compétences et sur les qualités, je trouve ça parfaitement dévalorisant et dépassé.

F Christophe GALLAZ

J'aimerais prendre le contre-pied de ce qui vient d'être dit, pour plaider le rang et le lieu auxquels se trouve l'alinéa 4 de l'article 7, que M. Buhlmann et maintenant Mme Labouchère aimeraient voir au mieux supprimé, au pire déplacé. Parmi les sens du mot «équilibre» qui concourt à constituer l'expression utilisée dans cet alinéa, on voit «rapport considéré comme bon, proportion considérée comme exacte entre des choses opposées; état de stabilité ou d'harmonie qui en résulte». Parmi les sens du mot «démocratie», il y a «doctrine politique d'après laquelle la souveraineté doit appartenir à l'ensemble des citoyens, au peuple; organisation politique dans laquelle les citoyens exercent cette souveraineté. La démocratie place l'origine du pouvoir dans la volonté collective des citoyens. Elle repose sur le respect de la liberté et de l'égalité des citoyens». Ça, c'est une citation du Grand Robert. Autrement dit, M. Buhlmann et ceux ou celles qui le soutiennent, étant adversaires du principe d'équilibre entre sexes comme dessein fondamental en politique, se révèlent de bienséants adversaires de la démocratie. Je vous engage à ne pas les suivre dans cette direction.

F Laurence MARTIN

Je reprends la parole, compte tenu du fait que, d'après les calculs de notre collègue Burri, les constituants de Vie associative n'abusent en principe pas de leur temps de parole, pour une petite précision. Lorsque ma collègue Catherine Roulet est venue tout à l'heure parler de l'amendement Linder, amendement conditionnel qui concerne la représentation équilibrée des hommes et des femmes, vous aviez sous les yeux une phrase qui parlait des familles, donc j'imagine que vous n'avez peut-être pas parfaitement compris nos intentions. L'intention de Vie associative est la suivante: Si effectivement dans l'article 7 la représentation équilibrée implique des principes rigides qui équivalent au principe des quotas, vu la difficulté représentée, cet alinéa est menacé. Si cet article ne passe pas, par un amendement conditionnel, nous aimerions alors que la représentation équilibrée figure à l’article 6. Je ne suis pas sûre là que Mme Labouchère ait tout à fait saisi cette façon de voir les choses.

F René PERDRIX

Je ne suis pas sûr d'avoir moi-même bien compris, mais je reposerai la question au moment de voter, Mme Martin. Le constituant Buhlmann a la parole.

F Gérard BUHLMANN

Je ne peux accepter ce qu'a dit M. Gallaz, qui est absolument faux. Ni le parti Radical, ni moi ne sommes opposés à l'équilibre hommes-femmes. Nous l'avons dit clairement, ce à quoi nous sommes opposés, c'est de l'avoir ici dans la Constitution. Nous ne sommes pas opposés à ce qu'elle figure, et je vous lis l'article 86 qui dit à l'alinéa 3: «Les partis veillent à la mise en oeuvre du principe de la représentation équilibrée entre les hommes et les femmes». On mettra: «entre les femmes et les hommes». Là, je n'ai rien contre. C'est une mission que nous donnons aux partis, les électeurs sanctionneront les partis qui ne le feront pas. Je ne suis donc pas opposé à l'équilibre, je ne suis pas opposé à ce qu'il figure dans la Constitution, mais je suis formellement opposé à ce qu'il figure là. Mais je n'aimerais pas qu'on travestisse ici ni mes pensées ni mes paroles.

F Christelle LUISIER

Une brève intervention concernant le vote que nous venons de faire tout à l'heure et concernant le mandat qui a été donné à la commission de rédaction, parce qu'en parlant avec mes collègues, j'ai un peu l'impression que le mandat qui a été donné à la commission de rédaction n'est pas du tout clair. S'agit-il de réorganiser les articles 6 et 7, donc s'agit-il de refaire un tri dans les alinéas? Ou s'agit-il uniquement d'une question de formulation, donc est-ce que nous demandons simplement à la commission de rédaction d'avoir une formulation beaucoup plus concise? S'il s'agit de réorganiser les alinéas, je suis opposée à ce mandat, dans le sens où il me semble, en tout cas en tant que juriste, que le travail a été fait. Les alinéas et les deux articles tels qu'ils ont été organisés sont clairs. Il y a une seule question qui reste en suspens, c'est la question de l'équilibre hommes-femmes et Mme Lyon le disait d'ailleurs tout à l'heure. Concernant les autres éléments, c'est tout à fait clair d'un point de vue juridique et tout à fait correct. Je ne pense donc pas que le mandat de la commission de rédaction devrait aller jusqu'à réorganiser ces alinéas, puisque ce travail a déjà été fait. En revanche, j'interprète ce vote – personnellement, mais j'aimerais qu'on me le dise – comme une mission donnée à la commission d'alléger le texte que nous allons voter tout à l'heure.

F René PERDRIX

Remplaçons peut-être le mot «alléger» par le mot «harmoniser» et puis nous serons tous d'accord, je crois. M. Bouvier, vous avez la parole.

F Denis BOUVIER

J'aimerais dire ceci à Gérard Buhlmann: il nous dit que la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des autorités instituées figure à l'article 87; cet article dit dans son troisième alinéa que: «Les partis veillent à la mise en oeuvre du principe de la représentation équilibrée entre femmes et hommes». Que je sache, les partis politiques n'ont pas le monopole de l'organisation de la vie publique et il y a bien des instances qui fonctionnent sans les partis politiques. L'article 87 ne remplace donc absolument pas dans son entier la proposition qui figure dans le texte, par exemple, de M. Hunkeler. A ce titre, je vous recommande, le moment venu, de repousser cette proposition Buhlmann.

F Anne BIELMAN

Je suis comme Mme Luisier, je ne sais pas du tout ce que nous avons voté et je ne sais pas du tout, si j'étais présidente de la commission de rédaction, ce que je devrais faire. Voulons-nous remplacer simplement les verbes des articles 6 et 7 par des noms, comme la proposition de M. Hunkeler le faisait? Voulons-nous séparer en trois articles – un article «Buts», un article «Principes» et un article «Principes fondamentaux»? C'était aussi une partie de la proposition des Verts. J'aimerais bien avoir une opinion sur ces deux points parce que pour le moment, pour moi c'est la bouteille à encre, ce que nous sommes en train de faire. J'aimerais aussi que, quand nous discutons alinéa par alinéa, nous décidions où nous mettons cet alinéa. Est-ce qu'il va dans les buts? Est-ce qu'il va dans les principes? Est-ce qu'il va dans les principes juridiques? Est-ce qu'il flotte en l'air? Qu'est-ce qu'on fait en ce moment?

F Laurent REBEAUD

Je suis bien d'accord que ce qu'on demande à la commission de rédaction n'est pas spécialement facile. Le coprésident Perdrix a suggéré tout à l'heure, et ça me paraît une assez bonne piste pour la commission de rédaction, que celle-ci prépare deux formulations: l'une fondée sur la logique de la proposition Hunkeler, et l'autre fondée sur la logique actuelle, avec la séparation entre d'une part «Buts et principes fondamentaux» et d'autre part «Principes juridiques fondamentaux». Et puis on verra ce qui est le plus clair. Je sais bien que ce n'est pas très facile. Simplement, ce qui me gêne maintenant – et je crois qu'il faut quand même maintenir ce mandat à la commission de rédaction, même s'il est un peu flou –, c'est de savoir quels sont les buts de l'État qui ne sont pas justiciables. L'État a par exemple pour but la sécurité publique. Bien. On ne peut pas faire un procès à l'État parce que, quelque part, il y a eu un meurtre. Il doit tendre à ce que la sécurité publique soit assurée. Il doit tendre dans son action à ce qu'il n'y ait pas de meurtre, mais on ne peut pas se retourner contre lui au moment où il se passe quand même un meurtre, malgré les forces de police et les mesures de prévention qui ont été mises en place. En revanche, les principes – la proportionnalité, l'équité, toute une série de principes – sont, eux, justiciables, dans la mesure où si l'État ne les respecte pas dans son action, on peut déposer une plainte contre lui. Et ça fait une grosse différence. Actuellement, il y a une clarté insuffisante sur ce qui est justiciable et ce qui ne l'est pas. Et puis, il y a peut-être des sujets, comme la représentation équilibrée des hommes et des femmes, sur lesquels notre Assemblée devra décider si ça doit être justiciable ou pas, et dans quelle catégorie on le met. Je suis d'accord avec la proposition de Claude Schwab de tout à l'heure: on discute sur le fond pour voir ce qu'on veut mettre là-dedans et, dans un deuxième temps, on essaie de séparer les sujets sur lesquels on parle de buts – qui ne sont pas justiciables – et les sujets sur lesquels on parle de principes, qui sont des règles d'action de l'État. Je ne sais pas si j'ai répondu aux inquiétudes de Mme Luisier, mais il me paraît nécessaire qu'on arrive, à un certain moment, à savoir ce qu'on veut mettre dans quelle catégorie.

F Anne-Catherine LYON

Je crois que les choses deviennent de moins en moins claires [rires]. Elles le sont vraiment de moins en moins lorsque M. Rebeaud illustre exactement ce que nous avons fait. Il prend la question de l'ordre public en disant que ce n'est pas justiciable, or nous l'avons rangé dans «Buts et principes» qui sont des éléments non justiciables. Ensuite il vient dire, il y a des principes comme la proportionnalité dont on sait qu'ils sont justiciables, or nous les avons rangés dans les «Principes juridiques fondamentaux» qui, eux, sont justiciables. Il a conclu en disant qu'il y en avait un seul qu'on ne savait pas où mettre, c'est le problème de la représentation équilibrée. Alors il me semble qu'on dit soit tous des choses différentes, soit tous la même chose, mais ça devient un petit peu difficile.

F Claudine AMSTEIN

Je vois qu'on est dans une incompréhension totale, et il me paraît difficile de voter dans cette situation. Je n'étais pas favorable au renvoi du traitement de ces deux articles, mais vu les circonstances, je fais une nouvelle motion d'ordre qui consiste à renvoyer ces deux articles à la séance de la semaine prochaine, pour qu'on essaie de clarifier à tête reposée la manière dont on va voter.

F René PERDRIX

M. Marion, je vous donne la parole. J'aimerais juste dire que, pour que la commission de rédaction puisse faire son travail, il faut que nous tranchions sur le fond, en renvoyant la décision sur le fond à la semaine prochaine, nous allons nous trouver exactement dans la même situation. M. Marion.

F Gilbert MARION

Je me demande à qui cela profite de temporiser comme cela! On a ouvert une discussion, il nous faut maintenant trancher parmi tous ces amendements. Si on ne finit pas avant 17.30 h, on fera ce qu'a dit M. Rebeaud, sans le vote final de l'article puisque cela fait problème, mais votons maintenant. La discussion a été ouverte, on vote tous ces amendements, on se débrouillera avec en commission de rédaction.

F René PERDRIX

La parole est-elle encore demandée? Si ce n'est pas le cas, nous allons... [brouhaha] Mme Holenweg, vous avez la parole.

F Anne HOLENWEG ROUYET

Je tenais à dire que nous sommes, pour une fois, et c'est vraiment la première, d'accord avec M. Marion [rires].

F René PERDRIX

M. Marion n'ayant pas compris, je vais répéter: elle se réjouissait d'être d'accord avec vous. Je me réjouis aussi que vous soyez d'accord de passer au vote sur ces différents amendements. Je vais essayer de vous proposer une méthode qui soit le plus claire possible, c'est celle de prendre ces articles 6 et 7 alinéa par alinéa. Nous traitons des alinéas proposés par la commission de rédaction avec mission à celle-ci, une fois décision prise, de nous présenter une forme d'article qui puisse vous convenir. Je prends comme texte de base la proposition de la commission de rédaction, «Buts et principes», qui comporte sept alinéas.

Art i cl e 6

1) Amendement Schwab au nom du groupe Forum à l’alinéa 2: «Il fait préva-loir la justice, la paix et il garantit l'ordre public», en lieu et place de «Il fait prévaloir la justice, la paix et l'ordre public». Accepté par 121 OUI, 16 NON et 3 abstentions.

2) Amendement Buhlmann à l’alinéa 2: suppression de la dernière phrase, après le point-virgule: «il soutient les efforts de prévention des conflits». Refusé par 66 OUI, 72 NON et 2 abstentions.

3) Amendement Buhlmann à l’alinéa 6: supprimer les mots «dans sa diversité». Accepté par 71 OUI, 65 NON et 4 abstentions.

4) Amendement Buhlmann: supprimer l’alinéa 7. Accepté par 68 OUI, 65 NON et 6 abstentions.

5) Amendement conditionnel Vie associative à l’alinéa 6: au cas où l'élément de phrase «dans sa diversité» venait à disparaître, «modifier le texte de cet alinéa de la manière suivante: «L'État reconnaît les familles» – et non plus la famille – «comme éléments de base de la société»? Accepté par 74 OUI, 64 NON et 2 abstentions.

Art i cl e 7

6) Amendement Buhlmann: suppression de l’alinéa 4. Accepté par 70 OUI, 67 NON et 2 abstentions.

Nous avons encore à traiter des amendements Hunkeler. Je poserai la question à l'auteur de ces amendements si le renvoi tel que nous l'avons prévu devant la commission de rédaction avant le vote final et l'offre qui est faite d'une double proposition de la part de la commission de rédaction le satisfait, ou s'il désire une autre procédure. M. Hunkeler, vous avez la parole.

F Pierre HUNKELER

Merci. Je suis parfaitement d'accord...

F René PERDRIX

Une petite minute, M. Hunkeler, on a quelques problèmes avec un amendement qui traîne un peu dans les coins, on va voir si on le traite encore avant le vôtre. Comme je l'ai dit, nous avions encore un amendement qui traînait dans les coins. Il était conditionnel, il visait, si nous votions la suppression de l'alinéa 4 de l'article 7, à réintroduire cet alinéa à l'article 6 comme alinéa 3 bis.

Articles 6, al. 3 bis et 7, al. 4

Amendement conditionnel Vie associative Linder concernant l’alinéa suivant: «Il veille à ce que, au sein des autorités, les femmes et les hommes soient représentés de manière équilibrée»; si cet alinéa est supprimé à l’art. 7, le réintroduire à l’art. 6 comme alinéa 3 bis. Accepté par 70 OUI, 66 NON et 2 abstentions.

F Pierre HUNKELER

Merci, Monsieur le président. Je suis parfaitement d'accord et heureux de la solution proposée, ce qui permettra de voter la semaine prochaine en toute connaissance de cause et avec une structure, avec un choix, je l'espère. Il reste un point cependant à clarifier encore aujourd'hui. Nous avions proposé d'ajouter la prévention des risques à celle des conflits et je pense qu'il est utile que l'Assemblée se prononce sur cet ajout, la forme finale dépendant de la proposition qui sera faite par la commission de rédaction.

F René PERDRIX

Vous venez d'entendre M. Hunkeler qui est d'accord avec la procédure proposée, à la condition que nous traitions préalablement la proposition d'ajout. Il s'agit de la prévention des risques et des conflits, sous lettre g) de la proposition Hunkeler. Les constituantes et les constituants qui sont d'accord d'ajouter, dans le texte qui nous sera proposé lors de la prochaine séance, la prévention des risques et des conflits, sont priés de le manifester par un OUI.

Par 61 OUI, 71 NON et 6 abstentions, vous avez refusé l'ajout de la prévention des risques et des conflits dans le texte qui nous sera proposé par la commission de rédaction.

Je vous remercie. La procédure que nous avions prévue aujourd'hui est terminée. Il reste à charge de la commission de rédaction de nous faire la proposition définitive de rédaction de ces articles.

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Article 8 – Responsabilité individuelle (art. 42 du projet mis en consultation)

Proposition de la commission de rédaction: transfert de l’article 42 au titre I.

F René PERDRIX

Il est bien entendu que la séance n'est pas levée, il n'est pas l'heure et nous avons en main un article 8. Même si celui-ci n'existait pas dans notre premier projet, la commission de rédaction nous propose de transférer l'article 42 au titre 1, «Responsabilité individuelle». La parole est à la présidente de la commission.

F Anne-Catherine LYON

La commission de rédaction, comme elle vous l'a démontré tout au long de cette journée, s'est penchée sur l'ensemble du texte pour rapatrier dans ce premier titre tout ce qui lui appartient. Dans ce rapatriement de dispositions ou de morceaux de dispositions, nous sommes naturellement tombés sur cet article 42 du texte mis en consultation concernant la question des devoirs ou celle de la responsabilité individuelle. Pour des raisons juridiques qui ont été largement développées par le Prof. Mahon, ce transfert permet, d’une part, de mettre en valeur cette disposition et, d'autre part, de résoudre le problème juridique qui existe entre droits fondamentaux et devoirs, car juridiquement ce titre n'est pas composé d'articles de même nature. Le transfert de l’article sur la responsabilité ici permet donc de donner à cet article toute la valeur qu'il doit avoir, tout en résolvant un problème juridique plus loin.

F René PERDRIX

Merci à Mme Lyon. Nous traitons des amendements à cette proposition. Le premier est celui de Vie associative. C'est Mme Martin qui a la parole.

F Laurence MARTIN

Non, il n'y a aucune entourloupette derrière le remplacement proposé par Vie associative de «envers les autres êtres humains» par «autrui». La consultation a montré que les expressions «personnes», «êtres humains» sont controversées et suscitent beaucoup de discussions. Nous n'allons pas anticiper sur le débat de l'article 12 sur le droit à la vie, mais évitons-nous de susciter des réactions négatives inutiles au moment du vote final. Il ne s'agit donc ici de rien d'autre que de simplifier le texte en remplaçant cinq mots par un seul, concis, disant exactement la même chose, et de plus d'une formulation relativement élégante.

F André CHATELAIN

Mon intervention à cette tribune et ma proposition d'amendement que j'ai présentée au nom du groupe des Verts n'a sûrement pas pour but de revenir lourdement sur ce sujet des devoirs et responsabilités. Un débat a eu lieu et les décisions ont été prises, je respecte l'essentiel. Je souhaite cependant que nous acceptions d'atténuer l'aspect pur et dur actuellement contenu dans notre avant-projet. Les droits sont égaux pour tous. Ce n'était pas évident, disons dans l'ancien régime, et tel n'est pas encore le cas dans de nombreux pays. Ces droits ne doivent pas dépendre du statut social, de ce que l'on possède ou des influences potentielles que l'on pourrait exercer sur autrui ou sur une organisation, y compris l'État. Le devoir de responsabilité vis-à-vis de la société de l'État, etc. concerne aussi et incontestablement tout le monde, mais peut-on sérieusement douter que cette responsabilité doive s'exercer – et qu'elle s'exerce, d'ailleurs, concrètement – à des niveaux différents selon la position sociale, l'intelligence, les pouvoirs, autrement dit les possibilités d'influencer la marche de la société? Nous proposons donc de dire que ce devoir de responsabilité dépend effectivement des possibilités, au sens large, de la personne, et qu'il concerne toute personne physique ou morale. Permettez-moi de citer encore une fois notre collègue Shafique Keshavjee, qui dit dans sa lettre à la Constituante, que je vous recommande vivement de lire in extenso: «Inscrire dans la Constitution une responsabilité sociale et écologique des individus, des collectivités et des entreprises ne va pas révolutionner le monde. Cette responsabilité ne sera pas justiciable en tant que telle, mais selon l'avis du Prof. Pascal Mahon, une telle responsabilité sociale permettrait au législateur d'orienter quelquefois la rédaction de certaines lois dans cette direction. L'enjeu est minime et la portée reste extrêmement faible». Une dernière modification vous est proposée. Elle est de pure logique, nous semble-t-il. Les générations futures auront certainement tous les droits. Auront-elles les possibilités? Remplaçons donc «droits» par «possibilités».

F Denyse DUFOUR

Merci, Monsieur le président. Vu l'heure, je vais être extrêmement brève. Je voudrais tout d'abord rendre hommage à la commission de rédaction pour la proposition de déplacement de cet article dans des dispositions générales. En effet, la Constitution fédérale, dont je reprends le texte, place également cette responsabilité dans les dispositions générales. Quant au texte lui-même, il impose une responsabilité très grande de l'individu, en disant que celui-ci «contribue à l'accomplissement des tâches de l'État» – nous avons vu qu'elles sont nombreuses – «et de la société». Il modère cependant cette responsabilité par la mention «selon ses forces». Ainsi donc, les paragraphes 2 et 3 de l'article 8 – qui est notre ex-article 42 qui représente en fait une partie des tâches de l'État – sont largement couverts par cette formulation. Je vous propose donc de remplacer le texte adopté en première lecture par le texte de la Constitution fédérale et de soutenir cette proposition.

F Claire RICHARD

Au nom du parti Radical, j'ai déposé un sous-amendement à l'amendement Chatelain. En effet, l'ajout de la notion de «personne morale» à l'alinéa 1 est un progrès en direction de la responsabilité de notre société et de ses membres, que nous avons voulue par cet article. Cette adjonction est donc acceptable. Par contre, pourquoi lui enlever toute substance par la réserve «dans la mesure de ses possibilités» ajoutée au début de l'alinéa 1? Il est bien évident qu'à l'impossible nul n'est tenu. Il serait donc dommage d'affaiblir inutilement cet alinéa. En conclusion, au nom du groupe Radical, je vous recommande d'accepter un alinéa 1 qui débuterait simplement par «Toute personne». Maintenant, puisque je suis ici, je voudrais préciser qu'à titre tout à fait personnel et en mon nom, j'approuve l'amendement Chatelain concernant le deuxième alinéa de cet article 8, visant à remplacer «le droit» par «la possibilité». En effet, il est inutile d'accorder un droit sans donner la possibilité. Essayons donc d'abord de donner la possibilité aux générations futures de décider elles-mêmes, elles sauront assez se donner le droit, le moment ve nu.

F Jean MARTIN

J'aimerais faire quelques commentaires pour apporter mon soutien à deux éléments de l'amendement Chatelain. D'abord s'agissant de l'introduction ou de la précision des personnes physiques et morales, je suis bien conscient que les personnes morales sont animées, dirigées et constituées par des personnes physiques, mais il reste qu'à mes yeux l'évolution – notamment l'évolution actuelle – montre à quel point des personnes morales – et là, bien entendu, il s'agit de personnes morales au sens juridique du terme, parce qu'au sens du bon sens et du sens usuel, la dernière chose qu'elles sont, c'est morales – se comportent d'une manière où il y aurait lieu de préciser qu'elles ont une certaine responsabilité. C'est dire que sur ce point je vous encourage à ajouter le qualificatif «physique ou morale». Un mot encore dans le sens de ma collègue Claire Richard à propos de «la possibilité» plutôt que «le droit» à la fin de cet article. Au premier abord, on se dit, le droit, c'est plus fort que la possibilité. En réalité il n'en est rien dans cette situation. Pour prendre un exemple crasse mais complètement pertinent, plus d'un milliard d'êtres humains actuellement ne mangent pas à leur faim; pourtant c'est leur droit le plus strict de manger à leur faim, mais ils n'en ont pas la possibilité. Et si l'on parle ici de ce qui va se passer dans l'avenir, je crois que c'est très important de préserver non seulement le droit des générations à venir de décider elles-mêmes de leur devenir, mais la possibilité pour elles de décider de le faire.

F Jean-Pierre KULLING

Je serai d'un avis légèrement différent par rapport à mon préopinant. Il me semble que la responsabilité, tout comme la dignité, ne se divise pas. On ne donne pas un coefficient de dignité. On ne donne pas un pourcentage de responsabilité, tout au moins lorsqu'il s'agit d'une charte fondamentale. Nous ne sommes pas ici dans un prétoire où l'on parlerait de responsabilité atténuée. La responsabilité, dans le sens où l'ont voulu la commission et le plénum, doit être prise ici, je dirais, dans un sens générique. Je vous propose donc d'en rester à l'énoncé original.

F René PERDRIX

La parole est-elle encore demandée? Si ce n'est pas le cas, nous allons passer au vote. Je vous propose la procédure de vote suivante: nous traiterons initialement de l'amendement Martin, qui vise à modifier le premier alinéa de la commission de rédaction. Nous traitons ensuite du sous-amendement Richard, qui demande la suppression de la première partie du premier alinéa de la proposition Chatelain. Ceci connu, nous opposerons les amendements Chatelain et Forum – Dufour. Le texte qui sortira vainqueur de cet affrontement sera opposé au texte – amendé ou pas – de la commission de rédaction. Y a-t-il une remarque quant à cette procédure de vote?
1) Amendement Martin: remplacer «les autres êtres humains» par «autrui». Accepté par 125 OUI, 2 NON et 6 abstentions.

2) Sous-amendement Richard concernant l'amendement Chatelain: supprimer «dans la mesure de ses possibilités». Accepté par 73 OUI, 51 NON et 9 abstentions.

3) Opposition des amendements Chatelain et Dufour, qui concerne le premier alinéa. Les OUI sont attribués à l'amendement Chatelain. Les NON soutiennent l'amendement Dufour. L'amendement Chatelain l'emporte par 91 voix contre 34, avec 3 abstentions.

Il nous reste à opposer l'amendement Chatelain qui vient de l'emporter au texte proposé par la commission. Il est bien entendu que l'alinéa 3 de la commission n'est pas contesté. Oui, M. Nordmann, vous avez... [échange hors micro]. Le constituant Schwab me souffle, je crois, une procédure qui devrait satisfaire chacun, c'est de traiter maintenant les deux alinéas séparément: la proposition Chatelain et la proposition de la commission de rédaction. Nous opposons maintenant le premier alinéa seulement, tel qu'il est sorti amendé de la proposition Chatelain: «Toute personne physique ou morale est responsable d'elle-même et assume sa responsabilité envers les autres personnes» [brouhaha]. Non, on ne l'a pas amendé. On a une petite controverse à la coprésidence: «autrui» est déjà incorporé dans la commission de rédaction, c'est la première chose que nous avons votée. Alors c'est bien clair que, je le répète, nous opposons le texte sorti du vote sur le premier alinéa Chatelain – où nous avons supprimé «dans la mesure de ses possibilités», le reste étant maintenu intégralement – au premier alinéa de la commission de rédaction amendé, où il ne s'agit plus des «autres êtres humains» mais d'«autrui». Le constituant Charotton a la parole puisqu'il n'est pas d'accord.

F Georges CHAROTTON

Monsieur le coprésident, nous avons accepté l'amendement Martin qui supprimait «envers les autres êtres humains et qui remplace «envers autrui». Il en va ainsi, dans notre compréhension, que l'article Chatelain finit avec «envers autrui» plutôt que «envers les autres personnes» tel que cela avait été accepté.

F René PERDRIX

Alors ça c'est l'opinion de M. Charotton, mais le vote opposait particulièrement l'amendement Martin à la commission de rédaction. Je demanderai, pour simplifier les choses, à M. Chatelain s'il accepte de remplacer «les autres êtres humains» par «autrui». M. Chatelain. Mme Martin a la parole.

F Laurence MARTIN

Mon amendement de tout à l'heure visait le texte de la commission de rédaction. Si c'est le texte Chatelain qui est adopté, avec «les personnes physiques ou morales», il semble qu'effectivement laisser «envers les autres personnes» serait mieux. Moi je n'ai pas fait l’amendement «autrui» pour le texte Chatelain, «autrui» n'est pas une personne morale, donc je pense que la formulation doit être différente: «autrui», pour le texte de la commission de rédaction et laisser «les autres personnes», si on prend le texte Chatelain.

F René PERDRIX

M. Chatelain ne désire rien rajouter. On en est donc exactement à la question telle que je l'avais formulée et c'est une opposition de ces deux rédactions. On va garder la même formule que tout à l'heure.

4) Alinéa 1: Opposition amendement Chatelain et proposition de la commission de rédaction. La proposition Chatelain l'emporte par 74 voix contre 49 et 3 abstentions.

5) Alinéa 2: Opposition amendement Chatelain et proposition de la commission de rédaction. La proposition Chatelain l’emporte par 93 voix, contre 30 et 5 abstentions.

L'alinéa 3 n'est pas contesté. Nous sommes donc au terme de cette série de votes et nous avons à confirmer cet article et à l'inscrire dans notre projet.

Article 8 – Responsabilité individuelle
Accepté par 80 OUI, 31 NON et 18 abstentions.
1 Toute personne physique ou morale est responsable d'elle-même et assume sa responsabilité envers autrui.
2 Elle contribue à la bonne marche de la collectivité dans laquelle elle vit et prend sa part de responsabilité pour garantir aux générations futures qu'elles auront aussi la possibilité le droit de décider elles-mêmes de leur devenir. 
3 Elle assume sa part de responsabilité dans une utilisation appropriée des deniers publics et des services financés par ceux-ci.

F René PERDRIX

J'ai quelques communications. Il s'agit d'annonces de manifestations. Lundi 5 novembre, dans cette salle, nous avons une présentation des travaux par les coprésidents à 15:30, dans le cadre d'une conférence organisée par Pro Senectute Vaud. Mardi 20 novembre, journée des droits de l'enfant sur le thème de l'enfant citoyen. Certains constituants ont été invités à prendre part à une manifestation organisée par le département formation et jeunesse. Vendredi 23 novembre, l'émission Forum de la Radio Suisse Romande, en direct de cette salle à partir de 18:15 environ. La Radio souhaiterait pouvoir réunir quatre à cinq constituants autour du micro, et que d'autres constituants interviennent pendant le débat. Il est donc demandé à chacun de prolonger si possible la séance du 23. La Radio avait demandé la présence des coprésidents. Nous avons estimé que nous étions suffisamment intervenus sur les ondes lors des conférences de presse et que nous préférions que les intervenants principaux soient les présidents des groupes politiques. Nous demandons donc à ces présidents d'être autour du micro le vendredi 23 novembre, à partir de 18:15. Nous demandons au plus possible de constituants de rester dans la salle pour la partie questions, intervention de fin d'émission. Encore quelques petites recommandations. Les places de chacun doivent être remises en ordre, deux poubelles se trouvent à l'entrée, faites-en bon usage. La liste d'inscriptions pour la commande groupée de l'ouvrage de l'IDEAP, Espace local, doit être rapportée au pupitre des coprésidents. Mémorisez la place où vous êtes assis aujourd'hui, il s'agira de la même place la semaine prochaine. J'ai omis de vous signaler aussi que le constituant démissionnaire Keshavjee nous avait remis une longue lettre qu'il désirait que nous vous adressions individuellement. Il n'est pas dans la pratique du secrétariat d'adresser des messages individuels de constituants à tout le monde. Par contre, nous ne nous opposons pas du tout à ce que cette lettre puisse vous parvenir, mais sur demande seulement. Vous voudrez bien mettre votre nom au bas de la lettre qui est sur le pupitre maintenant, ceux qui la désirent la recevront. Je vous remercie de votre active participation d'aujourd'hui. Il n'était pas facile pour les uns ou les autres d'apprivoiser cette salle. Je crois que ça ne s'est pas trop mal passé, malgré les difficultés acoustiques. Sur ce, bonne fin de semaine! 

Fin de la séance du 2 novembre 2001 à 17 heures 45.

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Enregistrement et transcirption Intercongress Genève

Mise en page Dominique Renaud


A vu  bu011102.htm   7.1.2002 — mise au point complète: 5.3.2002 — Révision : 31 January 2003

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