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propositions, amendements et sous-amendements liés aux articles adoptés 

Bulletin   de   séance

Procès-verbal de la séance du 19 janvier 2001


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N° et Date de la Séance N° 19 du 19 janvier 2001
Lieu Salle du Grand Conseil
Présidence de Monsieur René Perdrix

Déroulement des débats

Articles adoptés ...................................................................................................2
Accueil et communications d’ordre général........................................................5 
Mise en discussion des propositions des commissions thématiques ...................5
Article 3.15 — Libertés politiques ........................................................................5
Article 3.17 — Liberté syndicale ..........................................................................8
Article 3.18 — Liberté de réunion et de manifestation .......................................26
Article 3.19 — Liberté des médias......................................................................31
Article 3.22 — Liberté de l’art ............................................................................34
Article 3.23 — Liberté de la science ...................................................................35
Article 3.24 — Liberté d’établissement ..............................................................41
Article 3.26 — Droit à la propriété......................................................................42
Article 3.30 — Droit de la partie.........................................................................44
– Article 3.30 — Partie I: Garanties générales de procédure .............................48
– Article 3.30 — Partie II: Garanties de procédure judiciaire............................53
– Article 3.30 — Partie III: Garanties pénales ...................................................56
– Article 3.30 — Partie IV: Garanties en cas de privation de liberté .................61
Article 512-2 Interdiction des tribunaux d’exception........................................70
Article 3.33 — Restriction des droits fondamentaux ..........................................73

A la fin du document figurent toutes les propositions, amendements et sous-amendements liés aux articles adoptés lors de la séance.

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Articles adoptés

Articles adoptés

Article 3.15 — Libertés politiques

Amendement Libéral repoussé par 93 voix contre 38.

Article 3.15 — Libertés politiques (accepté par 121 voix contre 4 et 18 abstentions)
Toute personne a le droit d'exercer son droit de pétition et ses droits politiques sans encourir de préjudice.

Article 3.17 — Liberté syndicale

La proposition de minorité l'emporte sur le texte de la majorité, par 73 voix contre 64 avec 5 abstentions.
Le texte proposé par la minorité de la commission l’emporte par 81 voix (c’était les non) contre 65 oui pour le texte de la commission, avec 4 abstentions. Le vote à main levée est donc confirmé.
La proposition Holenweg est refusée par 76 voix contre 58.
La formulation Goy est préférée à la variante proposée par la commission. La proposition Goy devient un 5 e alinéa.

Article 3.18 — Liberté de réunion et de manifestation

La proposition Bovon-Dumoulin est acceptée.
La proposition Thévoz est acceptée.
L’amendement Pernet est refusé par 68 oui contre 65 non, avec 6 abstentions

Article 3.19 — Liberté des médias

L’amendement Conod est repoussé.

Article 3.22 — Liberté de l’art

Article 3.22 — Liberté de l’art (par 121 oui contre 4 non avec 9 abstentions)
La liberté de l'art est garantie.

Article 3.23 — Liberté de la science

L’amendement Ostermann est repoussé.
L’amendement Chapuis est accepté par 81 oui contre 52 non avec 7 abstentions.

Article 3.23 — Liberté de la science (par 114 oui contre 3 non et 17 abstentions)
La liberté de la recherche et de l'enseignement scientifiques est garantie.

Article 3.24 — Liberté d’établissement

L'amendement de Haller est accepté par 74 oui contre 48 non.

Article 3.24 — Liberté d’établissement (par 102 oui contre 8 non et 22 abstentions)
La liberté d'établissement est garantie.

Article 3.26 — Droit à la propriété

L’amendement Lehmann est refusé par 63 voix contre 53.

Article 3.26 — Droit à la propriété (par 85 oui contre 22 non et 12 abstentions)
La propriété est garantie.
Une pleine indemnité est due en cas d'expropriation ou de restriction de la propriété qui équivaut à une expropriation.

Article 3.30 — Droit de la partie

La motion d'ordre Radicale (choix d’un texte de base au préalable) est refusée.

– Article 3.30 — Partie I: Garanties générales de procédure

L’amendement de Luze — Recordon est refusé par 60 voix contre 33.

– Article 3.30 — Partie II: Garanties de procédure judiciaire

L'amendement Wellauer est accepté par 64 oui contre 57 non avec 2 abstentions.

– Article 3.30 — Partie III: Garanties pénales

L'amendement Haefliger est refusé par 66 non contre 63 oui et 3 abstentions.

– Article 3.30 — Partie IV: Garanties en cas de privation de liberté

L'amendement Bovay concernant l'alinéa 12 est accepté.
L'amendement Bovay concernant l'alinéa 13 est accepté.
L'amendement Bovay concernant l'alinéa 14 est accepté.
La motion d'ordre Roulet-Grin (renvoi des droits de l'article 3.30 devant la commission 3) est repoussée.
L'amendement Radical est repoussé par 84 non contre 35 oui.

Article 512-2 Interdiction des tribunaux d’exception

Article 511-2 Interdiction des tribunaux d’exception (par 124 oui contre 0 non et 1 abstention; emplacement de l’article à déterminer par la commission de rédaction)
Il ne peut être instauré de tribunaux d'exception, sous quelque dénomination que ce soit.

Article 3.33 — Restriction des droits fondamentaux

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La séance est ouverte à 10 heures.

Sont présents:

Mmes et MM. Amstein Claudine, Aubert Josiane, Baehler Bech Anne, Bavaud Adrien, Benjamin Samy, Berger Cécile, Berney Michel, Blanc Marcel, Blanc Eric, Boillat Jean-Pierre, Bolinger Anne-Marie, Bory Marc-André, Bory-Weber Dominique, Bouvier Denis, Bovay Judith, Bovet Fred-Henri, Bovet Daniel, Bovon-Dumoulin Martine, Bovy Samuel, Braissant Rénald François, Brélaz Daniel, Bron Jacques-Henri, Buffat Michel, Buhlmann Gérard, Bühlmann Willy, Burnet Olivier, Burnier-Pelet Thérèse, Burri Marcel, Carnevale Eliane, Chapuis Allegra, Charotton Georges, Chatelain André, Chollet Jean-Luc, Cohen-Dumani Marcel, Colelough Philippe, Conod Philippe, Cornu Pierre-Alain, Crisinel François, Cruchon Raoul, Cuendet Maria-Chrystina, De Haller Jean-Claude, De Luze Charles-Henri, De Mestral Laurent, De Souza-Kohlbrenner Regula, Delay Elisabeth, Dépraz Alex, Desarzens Laurent, Dessauges Pascal, Dubois Jean-Paul, Dufour Etienne, Dufour Denyse, Fague Sébastien, Farron Pierre, Freymond-Bouquet Monique, Galeazzi Rebecca, Gallaz Christophe, Garelli Stéphane, Ghiringhelli Charles-Pascal, Gindroz André, Girod-Baumgartner Christine, Glauser Alice, Goël Yves, Gonthier Alain, Gonvers Olivier, Gorgé Marcel, Goy-Seydoux Louis, Grin Nicole, Gross-Fonjallaz Nicole, Guignard Françoise, Guy Joël, Haefliger Sylviane, Haldy Jacques, Henchoz Pierre, Henry Philippe, Holenweg Rouyet Anne, Humair Louis, Hunkeler Pierre, Jaeger Odile, Jaggi Yvette, Jaillet Gérard, Jomini Viviane, Jufer Nicole, Kaeser-Udry Danielle, Keller Pierre, Keshavjee Shafique, Kulling Jean-Pierre, Labouchère Catherine, Lasserre Colette, Le Roy Jean, Léchaire Jean-Michel, Lehmann Pierre, Leuba Jean-François, Linder Sandra, Loi Zedda Fabien, Luisier Christelle, Lyon Anne-Catherine, Maillefer Denis-Olivier, Mamboury Catherine, Mamin Henri, Marion Gilbert, Martin Marie-Hélène, Martin Jean, Martin Laurence, Martin Marie-Antoinette, Mayor Philippe, Millioud Jean-Pierre, Morel Charles-Louis, Morel Nicolas, Moret Isabelle, Nicod François, Nicolier Yvan, Nordmann Philippe, Oguey Annie, Ormond Anne, Ostermann Roland, Pellaton Berthold, Perdrix René, Pernet Jacques, Perrin Jeanne-Marie, Piguet Jean-Michel, Pillonel Cédric, Piot Christine, Pittet Jacqueline, Pittet François, Pradervand Jean-Claude, Rapaz Olivier, Rebeaud Laurent, Recordon Luc, Renaud Dominique, Reymond Antoine, Richard Claire, Rochat-Malherbe Paul, Rodel Marilyne, Roulet Catherine, Roulet-Grin Pierrette, Ruey-Ray Elisabeth, Salamin Michel Lauréane, Saugy-Anhorn Nathalie, Schmid Charles, Schneiter Robert, Schwab Claude, Streit Adrien, Thévoz Francis, Tille Albert, Troillet Roland, Vallotton Jacques, Vincent Martial, Volluz Françoise, Voruz Eric, Voutaz-Berney Eveline, Wehrli Laurent, Weill-Lévy Anne, Wellauer Pierre-Olivier, Wettstein-Martin Irène, Winteregg Michel, Wiser Henri, Yersin-Zeugin Ruth, Ziegler Geneviève, Zisyadis Josef, Zuercher Magali, (160).

Sont absents:

Mmes et MM. Athanasiadès Jean, Bühler Michel, Cherix François, Cornu Claire-Lise, Favre-Chabloz Raymonde, Henchoz-Cottier Martine, Jordan Andreane, Mages Roland, Margot François, Martin Bernard, Masson Stéphane, Nordmann Roger (12). 

Se sont excusés:

Mmes et MM. Balissat Jean, Bielman Anne, Cossy Samuel-Henri, Desmeules Michel, Hermanjat Pierre, Jemelin Mireille, Payot François, Zwahlen Jacques (8).  

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Accueil et communications d’ordre général

F René PERDRIX

J’ouvre la 19e séance plénière de l’Assemblée en saluant l’ensemble des constituantes et des constituants présents. Nous suivrons l’ordre du jour tel qu’il vous a été adressé. J’ai à vous faire deux communications, la première concerne une pétition que le comité de l'Assemblée constituante a reçue à la fin de l’année dernière. Elle demande la possibilité pour notre Assemblée de présenter au peuple des variantes. Ce point sera traité dans notre ordre du jour de la séance du 9 février. Il fera l'objet d'un rapport de votre comité. Il pourrait y en avoir deux. La deuxième concerne notre calendrier. Lors de sa dernière séance de travail, votre comité a aussi décidé d'avancer à 10 heures le début des séances des 2 mars, 27 avril et 8 juin, qui étaient prévues seulement l'après-midi. Je crois que je n'ai pas besoin de préciser pourquoi nous rajoutons ces quelques heures de travail. Les scrutateurs aujourd'hui: pour la zone D, Anne Baehler Bech; pour la zone F, Charles-Henri de Luze; pour la zone A, Laurent Desarzens; pour la zone C, Philippe Henry; pour la zone B, Viviane Jomini; pour la zone E, Jean-Claude Pradervand. Le constituant Renaud désire faire une communication à l'Assemblée.

F Dominique RENAUD

J'ai une bonne nouvelle à vous annoncer, que vous connaissez d’ailleurs. Dans le district d'Avenches, les communes de Champmartin et de Cudrefin vont fusionner. Les séances du conseil général et du conseil communal auront lieu ce prochain jeudi 25 janvier. Si vous désirez avoir plus de renseignements à ce sujet, je mettrai à votre disposition le préavis communal et la convention qui a été signée entre ces deux communes. D'autre part, je vous rappelle que les séances de conseils généraux et de conseils communaux sont publiques.

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Mise en discussion des propositions des commissions thématiques

Titre 2 “Droits et devoirs de la personne”

Article 3.15 — Libertés politiques

F René PERDRIX

Merci au constituant Renaud de sa communication. Nous passons au point 2 de notre ordre du jour: mise en discussion des propositions des commissions thématiques. Nous poursuivons ce matin avec le titre 2, «Droits et devoirs de la personne», proposition 3.15, «Libertés politiques». Le président de la commission a la parole… en l'occurrence c'est la vice-présidente.

F Jeanne-Marie PERRIN

La commission est unanime à vous proposer cet article. La nouveauté, comme le dit l'argumentaire, porte sur l'exercice des droits politiques: «Nul ne pourra subir des inconvénients, des pressions parce qu'il a signé une initiative ou une pétition, récolté des signatures, adhéré à un comité de soutien». Je vous invite à garder dans l'article, le terme «son droit de pétition», contesté par l'amendement Libéral, car notre Constitution concerne tous les habitants de ce pays. Nous ne faisons que répéter l'idée de la Constitution fédérale à l’article 33, ainsi que celle de la commission thématique 4 à l'article 4.3.3.

F René PERDRIX

Merci à la vice-présidente de la commission. Nous constatons qu'un amendement a été déposé par le groupe Libéral. Mme Amstein a la parole.

F Claudine AMSTEIN

La commission 4 avait pour mission de traiter des droits politiques. Elle l'a accomplie notamment avec l’inscription au 4.3.3 du droit de pétition qui est considéré comme un droit politique. Donc, lorsque je dépose l'amendement au nom du groupe Libéral, loin de moi l’idée de restreindre l'exercice des droits politiques. Par souci de concision et pour éviter les répétitions, le droit de pétition est compris dans les droits politiques. Il ne s'agit pas d'en faire un cas spécial qui lui donnerait une valeur supplémentaire par rapport aux autres droits politiques. Maintenant, le fait de savoir si ce droit politique est exercé de telle ou telle manière, ce n'est pas à ce niveau-là que l'on doit le faire, mais c'est au niveau de la définition du droit politique en tant que tel. Donc, le droit de pétition dans la commission 4 est défini [selon la façon et le moyen] de l’exercer, raison pour laquelle il n'y a pas lieu d'en faire une spécialité dans cette disposition. Donc, je vous invite à soutenir l'amendement Libéral, qui permet l'exercice de tous les droits politiques, sans encourir de préjudice.

F René PERDRIX

La discussion sur la proposition d'article 3.15 est ouverte. Monsieur le constituant Nordmann a la parole. Je prierai les constituants et les constituantes qui désirent prendre la parole et intervenir à la tribune de bien vouloir, comme d'habitude, prendre place sur les chaises réservées à cet effet.

F Philippe NORDMANN

J'ai participé aux travaux de la commission 3. Si nous avons inscrit spécifiquement le droit de pétition, c'est parce que nous avons considéré, contrairement à ce qui a été exposé tout à l'heure par Mme Amstein, que cela n'est pas un droit politique au sens traditionnel du terme. En effet, il peut être très bien exercé par les étrangers, qui n'ont pas les droits politiques, et également par les mineurs, c'est-à-dire par des personnes qui n'ont pas 18 ans. Une pétition pourrait très bien être adressée par des jeunes à n'importe quelle autorité. Je crois que c'est une question de vocabulaire, mais il faut être clair dans la compréhension générale du public vaudois. On a ou on n'a pas les droits politiques. La question du droit de pétition est un peu à part. Et c'est la raison pour laquelle nous l'avons inscrit de cette façon dans l'article qui vous est proposé aujourd'hui.

F Anne WEILL-LEVY

J'aimerais juste ajouter, à ce qu'a dit Philippe Nordmann, que les droits politiques ne sont exercés que par les citoyens de ce pays, contrairement au droit de pétition. C’est une notion extrêmement importante, juridiquement aussi. Supprimer la mention du droit de pétition me paraît donc tout à fait inadéquat.

F Nicolas MOREL

Effectivement, j'avais quelques hésitations au départ sur l'amendement proposé par le groupe Libéral. Les arguments exposés m'ont convaincu qu'il fallait le rejeter. Par ailleurs, je pense que ce qui est encore plus important, et qu'il faudra discuter ultérieurement, c'est qu'il faut absolument introduire dans la Constitution, mais à un autre endroit, le devoir et l’obligation de toute autorité interpellée de répondre aux pétitions. Ce n'est pas le cas actuellement. Il y a beaucoup de pétitions qui sont simplement ignorées par les autorités et il faudrait qu’elles soient obligées d'y répondre.

F Marcel COHEN-DUMANI

Je crois que l'amendement Libéral est pertinent dans deux sens. C'est-à-dire qu'il essaie d'éviter une répétition. Seulement, il a un petit défaut à ce stade, c'est que l'on n'a pas encore adopté l'article 4.3 dans les droits politiques. Alors, on ne peut l'interpréter que si on le rejette ou on l'accepte aujourd'hui, le choix est complètement différent. Donc, à titre de précaution, je vous inviterai quand même à voter le droit de pétition, tout en réservant, une fois que l'on a adopté l'article 4.3 dans la commission 4, à ce moment-là, s'il est adopté, alors en deuxième lecture, la commission de rédaction nous proposera ou non de le maintenir. Mais que l'on ne fasse pas un débat uniquement de politique sur le droit de pétition, oui ou non, parce que toute l'Assemblée ici est acquise à ce droit de pétition, y compris pour les étrangers, y compris pour les mineurs. Simplement que, dans le temps, nous nous trouvons un petit peu à cheval. Donc, c'est pour cela que je vous recommande quand même de voter le droit de pétition, tout en sachant qu'il se peut que, dans un deuxième débat, on le supprime pour des questions de concision. La remarque du parti Libéral est donc tout à fait pertinente.

F Jean-Pierre KULLING

Pour rassurer tout à fait M. Morel, effectivement au 4.3.3, alinéa 2, les autorités seraient tenues d'examiner les pétitions qui leur sont adressées. Dans l'idée de la commission 4, que j'ai eu l'honneur de présider, il était bien question que toute personne aurait le droit d'adresser une pétition aux autorités, de récolter des signatures à cet effet, y compris des mineurs. Donc, c'était simplement dans l'idée de considérer que c'est un droit politique étendu. Je crois que c'est une question de vocabulaire sur laquelle on ne va pas digresser longtemps.

F Alain GONTHIER

En deux secondes, cette fois-ci… Simplement, définition des droits politiques dans la Constitution fédérale, article 136, «Droits politiques»: «Tous les Suisses et toutes les Suissesses ayant 18 ans révolus qui ne sont pas interdits — etc. — ont les droits politiques». C'est donc bien que les droits politiques, au sens de la Constitution fédérale, excluent les étrangers, et le droit de pétition n'est pas compris dans les droits politiques. Donc il faut le mentionner à part.

F Anne WEILL-LEVY

Je vous prie de m’excuser de mon manque de célérité: je crois qu'il ne faut pas considérer le droit de pétition comme un droit fondamental. Mais il n'est pas un droit politique au sens étroit. C’est extrêmement important: ce n'est pas une répétition, c'est une distinction sur le fond.

F Claudine AMSTEIN

J’interviens à nouveau après M. Gonthier. Je vais quand même noter la différence entre le texte fédéral et le texte vaudois. Dans le texte vaudois, c'est: «Toute personne a le droit d'exercer ses droits politiques sans encourir de préjudice». Donc, «Toute personne» recouvre aussi les étrangers. Il ne s'agit pas seulement de tous les Suisses. Le droit de pétition sera prévu dans l'article 4.1.

F René PERDRIX

La parole est-elle encore demandée? Si ce n'est pas le cas, nous allons passer au vote. Nous nous prononcerons d'abord sur l'amendement Libéral. Je soumets celui-ci à l'Assemblée. Vous avez le texte proposant la modification de l'article de base, par la suppression de «son droit de pétition». Les constituantes et les constituants qui sont d'accord avec la proposition du groupe Libéral de supprimer «son droit de pétition» sont priés de le manifester en levant la main. Les personnes qui refusent la proposition libérale de suppression sont priées de le manifester. Je crois que c'est évident. Par 93 voix contre 38 vous avez maintenu le texte tel que la commission le propose.

Amendement Libéral repoussé par 93 voix contre 38.

F René PERDRIX

Je soumets maintenant celui-ci à votre approbation afin d'inscrire cette proposition d'article 3.15 dans notre projet. C'est le vote qui intervient maintenant. Les constituantes et les constituants qui sont d'accord d'inscrire l'article 3.15, tel que proposé par la commission dans notre projet, sont priés de le manifester en levant la main. Les personnes qui refusent cette inscription sont priées de le manifester. Les abstentions? Par 121 voix contre 4 et 18 abstentions, vous avez inscrit dans notre projet l'article 3.15, intitulé «Libertés politiques».

Article 3.15 — Libertés politiques
(accepté par 121 voix contre 4 et 18 abstentions)
Toute personne a le droit d'exercer son droit de pétition et ses droits politiques sans encourir de préjudice.

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Article 3.17 — Liberté syndicale

F René PERDRIX

Nous passons à la proposition 3.17, «Liberté syndicale». La vice-présidente de la commission a la parole.

F Jeanne-Marie PERRIN

La commission a accepté à une majorité moins une abstention cet article. Cette disposition correspond, dans les grandes lignes, à la Constitution fédérale, article 28. Les trois premiers alinéas parlent de la liberté syndicale. La commission va plus loin en considérant la grève de solidarité. Nous avons actuellement un exemple en France: ce qui s'est passé à propos du meurtre du convoyeur. Cette grève s'est étendue à un bon nombre de travailleurs. Pour manifester la sympathie, la solidarité, ce n'est pas une grève politique. La commission a donc ouvert le débat et a admis, après une bonne discussion, ce principe de grève de solidarité. La commission, dans sa majorité, a admis le droit de grève quand les participants respectent les conventions collectives et qu'un service minimum est assuré. Dans l'article 4 de la Constitution fédérale, repris par la proposition de minorité Amstein, l'expression «sont conformes» apparaît discutable sur le plan de la traduction française. Nous avons préféré le terme «ne violent pas». Quant à la variante qui propose le rajout d'un cinquième alinéa, il s'agit du dernier alinéa de la Constitution fédérale qui tend justement à limiter le droit de grève, limite que votre commission, dans sa majorité, n'a pas voulu reprendre dans la Constitution vaudoise, en pensant notamment à la fonction publique. En résumé, je vous suggère d'accepter le texte de la commission, qui est le résultat d'un bon compromis après de larges débats en commission.

F René PERDRIX

Il y a toujours une petite ambiguïté, Madame la vice-présidente, entre proposition de la commission et variante. Je crois que, dans l'esprit de la Constituante, la variante est une proposition de la commission. Donc, quand vous dites privilégier la proposition de la commission, c'est la proposition de base, les quatre articles. Nous sommes en possession d'une proposition de minorité Amstein. Mme Amstein a la parole. Quelqu'un défend la variante? Alors, la variante est traitée comme une proposition de minorité et c'est Jean Martin qui la défend.

F Jean MARTIN

Je viens donc vous proposer d'adopter ce qui est décrit comme variante dans le document reçu hier et qui consiste en l'ajout d'un cinquième alinéa: «La loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes». La variante proposée m'apparaît nécessaire. Dans toute notre activité de constituants, nous avons cherché à équilibrer les droits accordés aux citoyens, d'une part, et les exigences de la vie en commun dans une collectivité civilisée, d’autre part. A cet égard, personne ne conteste sans doute le fait qu'il n'est pas admissible que certains corps professionnels ou institutionnels fassent la grève. On peut prendre de nombreux exemples. Il n'est pas admissible que les médecins et autres professionnels de la santé, en tout cas ceux travaillant dans une institution d'intérêt public, fassent la grève sans s'assurer qu'une permanence adéquate est présente pour faire face aux cas d'urgence. La même chose vaut pour les services de police ou encore pour le système pénitentiaire. On peut aussi mentionner les tribunaux. Même si, vraisemblablement, la collectivité ne serait pas paralysée si les juges arrêtaient de travailler durant une demi ou une journée. Il reste qu'il ne pourrait être accepté qu'ils soient en grève pour des semaines. D'aucuns diront que ces choses vont sans dire et que la loi peut les prévoir, même s'il n'y a pas de mention expresse dans la Constitution. Sans doute. Je pense que, dans le cas particulier, cela va mieux en le disant, raison pour laquelle je vous demande de soutenir cette adjonction à l'article 3.17. Je relève enfin que cet ajout correspond exactement à l'alinéa 4 de l'article 28 de la Constitution fédérale.

F Claudine AMSTEIN

Mme Jeanne-Marie Perrin a présenté l'article de la commission. Le rapport de minorité que je défends représente sept membres de la commission. Le point sur lequel nous souhaitons absolument mettre le débat et la discussion, c'est la question fondamentale de la grève de solidarité et de la grève politique. En effet, l'article de la commission rend n'importe quelle grève licite. Il serait ainsi possible de faire la grève pour manifester son opposition à la tenue du Forum de Davos, pour défendre la réintroduction du lynx dans le Pays de Vaud ou pour demander que la Constitution vaudoise soit lue chaque matin aux élèves de six à huit ans, pour bien les imprégner des droits et devoirs politiques. Les coiffeurs pourraient également faire grève pour soutenir les bouchers qui sont en difficulté suite aux problèmes de la vache folle. La grève est le dernier recours lorsqu'il n'a pas été possible de trouver une autre solution de discussion dans un conflit de travail. La conciliation et la discussion doivent être privilégiées mais, parfois, ni la discussion, ni la conciliation n'aboutissent à un résultat concret: à ce moment-là, la grève se justifie. Mais, cette grève est alors liée au rapport de travail. Autoriser la grève en toute circonstance, c'est la vider de son impact, c'est pénaliser une entreprise, un patron qui n'a aucun moyen pour agir, pour la réintroduction du lynx ou pour choisir les options dans les programmes scolaires. Que peut faire le patron coiffeur par rapport aux conditions des bouchers? Je vous enjoins dans ces circonstances à suivre le rapport de minorité, pour ne pas pénaliser ceux qui offrent de bonnes conditions de travail, et que la grève se limite donc aux relations liées aux conditions de travail et aux rapports de la personne qui fait grève. Quant à la formulation du texte, je précise que ce texte est celui de la Constitution fédérale. En reprenant ce texte du rapport de minorité, nous avons effectivement repris le «lock-out», sans mettre le terme français; j'aimerais modifier le texte pour qu'il apparaisse «la grève et la mise à pied collective (le lock-out) sont licites». La question n'est pas sur la définition du mot «lock-out» mais, vous l'avez bien compris, sur la grève de solidarité et la grève politique.

F René PERDRIX

Merci Mme Amstein. Nous sommes en possession d'un amendement nouveau, déposé par le constituant Goy, qui a la parole.

F Louis GOY-SEYDOUX

Cet amendement qui se trouve derrière vous cherche le but suivant: permettre à nos futures collègues du Grand Conseil de légiférer en toute liberté. En effet, vous savez que les droits fondamentaux que nous élaborons maintenant ne peuvent être limités que par une loi. Dans ces conditions, notre mission de constituants est de donner une direction de travail, un but, des objectifs au travail du Grand Conseil qui élaborera cette loi. Cette direction générale serait dès lors, avec mon amendement, d'assurer un service minimum en cas de grève ou de «lock-out». Je vous rappelle, chers collègues, que le texte de la variante décrit quant à lui une clause qui pourrait figurer dans la future loi, en mentionnant des catégories de travailleurs concernés. Je vous recommande dès lors d'appuyer mon amendement et d'inscrire un alinéa 5 à l'article 3.17.

F René PERDRIX

Merci au constituant Goy de son amendement et de sa défense. La constituante Luisier a la parole. 

F Christelle LUISIER

Le groupe Radical soutient la proposition de minorité Amstein. Le groupe Radical ne conteste absolument pas la licité de la grève, pour autant que celle-ci soit soumise à certaines conditions. Or, pour nous, il est clair que la condition du lien entre la grève et les relations de travail est absolument fondamentale, essentielle, indispensable et j'en passe. La commission propose un texte qui introduit la grève de solidarité. Ce terme est très à la mode. Il a tout pour plaire: nous en avons déjà fait l'expérience dans cette Assemblée. Et pourtant, nous refusons d'entrer en matière sur la grève de solidarité, pour des raisons qui ont déjà été partiellement évoquées par Mme Amstein. Le propre d'un droit fondamental est de protéger une personne contre les atteintes de l'État. Si cette personne est touchée personnellement dans ses droits, si ses droits sont violés, elle doit alors pouvoir recourir aux autorités judiciaires, porter son affaire qui la concerne devant un tribunal. Or ici, la solution qui nous est proposée va à l'encontre de ce principe, puisque toute personne pourrait faire valoir ce droit de grève, indépendamment de sa situation personnelle. Un employé de l'entreprise A, qui jouit de conditions de travail tout à fait favorable,, qui a six semaines de vacances par année, pourrait donc faire la grève parce que les employés de l'entreprise B sont, eux, beaucoup moins bien lotis. Pour nous, cette vision des choses est tout à fait inadmissible. L'exercice d'une grève de solidarité revient en fait à mettre tout le monde dans le même panier. On exerce une pression sur A, qui n'est pour rien dans l'affaire, pour obtenir quelque chose de B. Et finalement, c'est l'employeur A, qui remplit ses missions de façon tout à fait correcte, qui trinque et qui paye les pots cassés. Aussi, nous vous invitons à refuser la grève de solidarité. Quant à la grève politique, elle est aussi inacceptable. Elle peut se comprendre pour les pays dans lesquels le peuple a peu de possibilités d'influer sur les décisions de ses autorités, mais pas dans un système de démocratie directe comme le système suisse. En Suisse, et dans notre Canton aussi, pour faire pression sur les autorités, il n'est pas nécessaire de procéder à une grève politique. Si l'on estime que le gouvernement et le parlement sont inefficaces, ce qui peut peut-être arriver, on dispose d'un arsenal légal pour recourir au peuple et corriger ces décisions des autorités. Initiative, référendum, autant de moyens qui permettent de s'attaquer directement aux décisions de l'autorité, sans faire pression sur un employeur, qui n'y est pour rien, mais qui va faire les frais de l'affaire. Dans ces conditions, je vous propose de rejeter le texte de la commission et de suivre la proposition de minorité Amstein.

F Anne WEILL-LEVY

Je crois que le texte de la commission est très clair: il a une gradation dans ce qui doit être fait avant que la grève n'intervienne. Par ailleurs, je peux comprendre que l'on s'oppose à la grève politique par rapport à son propre sentiment. Mais que l'on donne des exemples qui n'ont rien à voir démontre que l'on ne sait pas ce que c'est que la politique. Et cela, ça m'inquiète. [brouhaha]

F Anne HOLENWEG ROUYET

J'aimerais intervenir sur l'alinéa 4 du 3.17 par une suggestion d'ajout. Les discussions que nous avons eues à propos de cet article, à l'extérieur de notre groupe et même un peu ici ce matin, ont montré que la signification des termes «paix du travail» s’était un peu perdue dans le recoins de l'histoire. Il faut peut-être rappeler que cette notion de paix du travail est intimement liée à une politique conventionnelle. Cela n'est pas un dogme, mais le résultat d’un partenariat désiré, accepté, entre des employés, des travailleurs — ou leurs représentants — et le patronat, les représentants des patronats. Ce partenariat se manifeste par la signature d'une convention collective de travail. Mais il n’existe pas partout, pour tous. Tous secteurs confondus, moins de 50% des employés de ce Canton (et probablement des patrons) sont soumis à une convention collective de travail.

Aussi, et pour des raisons de clarté, de compréhension du texte, sans rien changer au fond, nous suggérons de glisser le terme «conventionnelle» dans le texte du paragraphe 4, qui deviendrait: «une obligation conventionnelle de préserver la paix du travail». Je crois qu'il est judicieux de transmettre cette proposition à la commission de rédaction. Ce n'est pas une modification de fond, c'est une modification de forme qui explicite ce que l'on entend par «paix du travail».

F René PERDRIX

Mme Holenweg, déposez-vous formellement votre proposition sous forme d'amendement?

F Anne HOLENWEG ROUYET

Non, parce que je pense vraiment que c'est une modification de forme et non de fond. Ce n'est pas un amendement, mais une suggestion à la commission de rédaction. Si l’on considérait que c'est une modification de fond, alors ce serait un amendement. Mais moi, je trouve que c'est uniquement une question de forme.

F René PERDRIX

Je crois que nous devons le faire sous forme d'amendement et ce sera plus clair pour chacun. Alors, le déposez-vous?

F Anne HOLENWEG ROUYET

Oui.

F René PERDRIX

Vous le déposez et nous en tiendrons compte. Le constituant Voruz a la parole. [brouhaha] Alors, il semble que celui-ci désire que le constituant Rebeaud intervienne avant lui, ce à quoi nous ne voyons aucun inconvénient.

F Laurent REBEAUD

Deux petites remarques. Je ne vais pas ajouter un amendement, mais j'aimerais demander au constituant Goy de retirer le sien ou du moins de lui suggérer de le faire, parce qu'est-ce qu'il propose? Il propose de donner au Grand Conseil une compétence législative pour limiter le droit de grève afin d'assurer un service minimum et j'ai le sentiment que, dans ce qui nous est proposé à l'article 3.33 de la commission, cette proposition est parfaitement satisfaisante. Elle dit: «toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale» et puis ensuite «toute restriction d'un droit fondamental doit être justifié par un intérêt public» …etc. On a ici la totalité du champ que veut couvrir M. Goy et je pense que cet amendement est inutile. Il faudrait au moins que le débat sur cet amendement soit renvoyé au moment où l'on discute toute la proposition de la commission à l'article 3.33. Maintenant, puisque j'ai la parole, j'aimerais faire une petite remarque au sujet de ce qu'a dit Mme Luisier. Elle a dit: «les droits fondamentaux sont là pour protéger les individus contre l'État». Alors je proteste vigoureusement contre cette affirmation. Effectivement, l'État peut être quelquefois abusif, mais il est surtout pour protéger les intérêts et les droits des personnes contre d'autres lieux de pouvoirs qui peuvent s'exercer sur les personnes qui ne sont pas l'État. Je ne pense pas que Mme Luisier pense différemment, mais puisqu'elle l'avait dit et que cela sera au procès-verbal, je tenais à dire que l'État n'est pas l'ennemi des personnes, mais plutôt leur protecteur dans l'esprit où nous travaillons.

F Eric VORUZ

Le texte proposé par la commission en la matière et le fait d'en parler dans le cas d'une liberté fondamentale est déjà un atout. Il faudrait savoir aussi en quoi consiste non pas le principe, mais le genre d'une grève. Mettre le principe d'un droit de grève dans la Constitution fédérale et également dans notre future Constitution serait naturel quant au principe de ce droit, justement. Il faut savoir maintenant comment on peut éviter le déclenchement d'une grève, si ce n'est par exemple par l'élaboration d'une convention collective de travail. Le principe de grève va de pair avec celui du capitalisme libéral. En effet — et je fais référence à certains passages du mémoire du droit du travail qu'a défendu, en mars 99, mon collègue de travail, [nom inaudible], juriste à la FTMH — certains auteurs estiment que le phénomène de grève va de pair avec le capitalisme libéral, comme étant l'application du principe de libre concurrence, c'est-à-dire de la loi du plus fort. Je cite: «Les forces économiques qui constituent le capital et le travail ont chacune leur instrument de lutte face à l'État non interventionniste. Il n'est pas inutile d'ajouter que l'évolution des relations de travail est désormais commandée par des profondes mutations économiques qui accompagnent les progrès techniques, spectaculaires, soit la formation de grandes entreprises». C'est drôle, le langage auquel je fais allusion est pratiquement le même aujourd'hui, alors que je faisais allusion à la première partie du 20 e siècle, donc du siècle dernier. Toujours est-il que cette ampleur éloignait davantage les centres de décisions et le monde ouvrier. N'est-on pas aujourd'hui dans la même situation où la globalisation éloigne encore plus les centres de décisions, puisque, malheureusement, le capitalisme libéral pur fait que seuls de grands groupes financiers achètent, échangent, revendent et ainsi de suite, de grands groupes industriels de production, voire de recherche, en boursicotant sans cesse? L'égalité de chance s'éloigne autant pour les salariés que pour les responsables d'entreprises, qui sont au même titre pris dans le même entonnoir. A quelque part, n'y a-t-il pas aussi une violation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie? Alors, dans ce contexte, il n'y a pas seulement le principe du droit de grève dont il faudrait parler, mais bien celui d'une solidarité, entreprise par une action d'envergure, qui serait celle d'une grève de solidarité. Je fais référence à un article de la convention collective de travail de l'horlogerie qui dit: «Pour prévenir les conflits sociaux préjudiciables aux intérêts du pays et des populations concernées par la présente convention collective de travail, la convention patronale, les organisations patronales et leurs membres, d'une part, la FTMH et ses membres, d'autre part, s'abstiennent, pendant la durée de la présente convention, de tout acte propre à troubler les bonnes relations entre employeurs et travailleurs». Il s'agit-là d'une obligation conventionnelle de préserver la paix du travail — l'amendement à l’alinéa 4 et à l'article 3.17 ne veut dire que cela – obligation violée si, par exemple, on décide à l'autre bout du monde la fermeture d'une entreprise ou sa délocalisation. Où se trouve la légalité de droit entre le capitalisme libéral et le monde du travail? Dans ce contexte, le droit à la grève est la réponse pour empêcher la délocalisation d'une entreprise, la grève de solidarité devient un complément pour éviter ce que je disais tout à l'heure, la prévention de conflits sociaux préjudiciables aux intérêts d'une région ou d'une population toute entière. Toutefois, pour en revenir au droit de grève dit traditionnel, il est évident qu'elle doit se rapporter à la relation du travail mais qui, ô paradoxe, n'est pas nécessairement conduite contre la direction d'une entreprise, mais contre un groupe financier puissant qui joue aux pions avec des êtres humains et qui menace les intérêts du pays, d'une région, donc d'une population. Mais il ne faut pas oublier qu'une grève, ou l'exercice de ce droit, doit faire l'objet d'un vote et être approuvé par la majorité des votants. D'ailleurs, l'article 357 du Code des Obligations y fait allusion. Maintenant, en regard de la variante de la commission, l’alinéa 5 de l'article 3.17, il me semble que cela ne va pas dans le sens du droit international en la matière, droit international approuvé par notre pays, d’un respect de ce droit dans notre Constitution. En effet, la garantie du droit de grève a une portée très large au sens de la Convention 87 de l'Organisation Internationale du Travail. Le but poursuivi par une grève se rapporte non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d'ordre professionnel, mais il englobe également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale et aux problèmes qui se posent à l'entreprise et qui intéressent directement les travailleurs. Dans le cadre d'une Conférence Internationale du Travail, une commission d'experts était d'avis qu'une grève de solidarité était légitime dans la mesure où la grève initiale, à laquelle un soutien était apporté, était elle-même légale. Ainsi, la liberté du commerce et de l'industrie amène obligatoirement à la liberté syndicale, d'où le droit à la grève qui répond au rapport de force illégal qu'amène le capitalisme libéral. La fonction publique est aussi comprise dans ce contexte, non pas la fonction publique en soi, mais les personnes qui l'exercent. Toujours dans l'exercice de ce droit, les sanctions appliquées en raison de la participation à une grève légitime sont considérées comme contraires à la liberté syndicale. L'esprit de la Convention de l'Organisation Internationale du Travail donne donc ce droit aux personnes, tout en s'assurant que les secteurs stratégiques ou les services essentiels de l'État doivent être garantis. Cela m'est égal si l'on ne m'écoute pas, car cela sera écrit: il faut que cela soit écrit dans les arguments de débat que nous avons [brouhaha]. Toujours est-il que ce que je dis me paraît important. Par secteur stratégique, on comprend aussi des branches du secteur privé, tel que l'électricité par exemple, car une grève ne doit pas mettre en danger l'existence ou le bien-être de l'ensemble ou d'une partie de la population. Dans ce cadre strict, il y a obligation de prévoir des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées et applicables aux deux parties. Ainsi, une approche superficielle de la jurisprudence de l'OIT pourrait donner à penser que le droit suisse est en contradiction flagrante avec plusieurs règles internationales régissant le droit de grève. En définitive, le texte de la Constitution fédérale, ou du moins son interprétation française, est-il contraire au droit international? C’est le cas. Enfin, une convention collective de travail permet aux parties d'aller au-delà des dispositions constitutionnelles et législatives. C'est la même chose pour la Constitution cantonale. Le texte de la commission va dans ce sens. L'amendement 4 et l'ajout d'un mot à l'amendement de l'alinéa 5, s'il est accepté, est un minimum acceptable. Mais le refuser serait encore mieux. Quant à la proposition de la minorité Amstein, elle ne doit pas être prise en considération parce que, justement, elle est contraire au droit international. Je vous remercie de votre très grande attention [brouhaha].

F Josef ZISYADIS

Quand il a besoin de faire la grève, le peuple n'a pas besoin de demander l'autorisation d'un article constitutionnel pour le faire, dans les moments historiques importants. L'histoire de notre pays est jalonnée de grèves politiques. Une des premières grèves politiques importantes de ce siècle, c'est celle de 1918 qui a réussi, par la suite, à imposer l'AVS, qui a réussi à imposer, plus tard, la mise sur pied du scrutin proportionnel, par exemple. Plus récemment, en 1991, la grève des femmes pour imposer la véritable égalité entre hommes et femmes. Deux cas très précis. Si vous adoptez l'amendement Amstein, et bien vous les mettrez tout simplement hors la loi. Est-ce que l'on peut imaginer de mettre hors la loi la grève des femmes en 1991? Pour ma part, je n'y crois pas. Curieusement, si vous adoptez l'amendement de la minorité Amstein, vous allez donner beaucoup plus de poids à la nécessité de la grève, en tant que telle, pour imposer un certain nombre de progrès sociaux indispensables dans une société. Je vous invite à suivre la proposition de la commission.

F Louis GOY-SEYDOUX

Comme j'ai été interpellé par le constituant Rebeaud, je me permets de maintenir mon amendement, parce que le texte de la variante parle de certaines catégories de personnes et cela n'est pas assez clair. Dans le sens que je disais, on vise un but, qui est effectivement, à mon avis, de pouvoir avoir un service minimum dans tous les secteurs sensibles, alors que dans le texte de la variante de la commission, «certaines catégories de personnes» peut laisser à penser qu'on pourrait imaginer que l'on interdit à tout un secteur de travailleurs de faire la grève, sans qu'il y ait mention du service minimum, raison pour laquelle je garde mon amendement.

F Daniel BOVET

Nous avons entendu avec le plus grand intérêt le long développement de M. Voruz et ce parallèle qu'il fait entre les droits des employeurs et des employés. Mais alors, si nous appliquions la grève de solidarité aux employeurs, comme a soin de le prévoir l'article adopté par tout le monde, cela permettrait à Nestlé de soutenir Philips Morris par un «lock-out», par solidarité. Voilà la conséquence des développements de M. Voruz. Alors, personnellement, je m'y oppose.

F Olivier BURNET

Je voudrais revenir très brièvement sur l'amendement de Mme Holenweg. Mme Holenweg, si j'ai bien compris, voulait en fait faire une remarque de forme. Et puis, finalement, on en a quand même fait un amendement, qui me semble avoir bel et bien une incidence sur le fond. Si l’on rajoute à l'article 3.17, chiffre 4: «La grève et la mise à pied collective sont licites quand elles ne violent pas une obligation…», Mme Holenweg voulait rajouter «contractuelle» …

F René PERDRIX

Conventionnelle… 

F Olivier BURNET

 … c'est presque la même chose, «conventionnelle de préserver la paix, etc.», il me semble qu'on le dit alors par opposition à une éventuelle obligation légale. On sème le trouble par cette adjonction. Il faut parler d'une obligation tout court, qui englobe toutes les obligations, qu'elles soient contractuelles, conventionnelles ou légales, sinon je crois que l'on arrive à un contresens. J'invite donc Mme Holenweg à retirer son amendement, car je pense que cela n'était pas le sens de son intervention.

F Christelle LUISIER

Je vais brièvement intervenir sur ce qu'a dit M. Rebeaud, puisque j'ai aussi été directement interpellée par M. Rebeaud. Simplement pour préciser ce que je voulais dire tout à l'heure: les droits fondamentaux ont évidemment plusieurs fonctions. Une de leurs fonctions est de protéger les individus contre les atteintes de l'État. Pensons à l'interdiction de la censure, par exemple: c'est effectivement pour protéger l'individu contre une atteinte de l'État à la liberté de la presse. Les droits fondamentaux sont premièrement faits pour protéger l'individu contre l'État, mais ils ont d'autres fonctions. On peut faire effectivement appel à l'État pour protéger un droit fondamental: c'est le cas, par exemple, pour l'égalité de traitement, l'égalité des salaires. Donc, je crois que ce que disait M. Rebeaud tout à l'heure était un peu réducteur. Les droits fondamentaux ont plusieurs fonctions. Mais ce qui est ici important pour le droit de grève, c'est que, quelle que soit la fonction des droits fondamentaux, on ne protège en général les droits fondamentaux que si la personne est directement touchée par la violation d'un droit. Or, avec le droit de grève de solidarité, toute personne pourrait faire valoir ce droit, indépendamment de sa situation personnelle, indépendamment du fait que cette personne soit touchée ou non dans la situation concrète.

F Anne HOLENWEG ROUYET

Brièvement, en réponse à ce qui s'est dit précédemment, ma réponse est non, je ne me suis pas trompée, il n'y a pas d'erreur. Si vous avez suivi l'argumentaire que je vous ai livré, vous aurez très bien compris que «paix du travail» représente une idée spécifique. Il me semble nécessaire d’y ajouter «conventionnelle», parce qu'on a oublié quel en était le sens. Et c'est cela que j'ai développé. La «paix du travail» est une idée, qu'il s'agit ici de clarifier. Maintenant, que ce soit un amendement, ce n’est pas mon choix, mais semble-t-il celui de notre Président. Pour moi, c’est toujours une modification de forme et non du fond.

F Marcel COHEN-DUMANI

Comme vous pouvez l'imaginer, je ne suis pas du tout d'accord avec le camarade Josef, pour une raison bien simple, c'est que ce droit, lui, est reconnu, sur le plan fédéral. Il vient d'être reconnu, sur le plan cantonal. Je crois que personne dans cette salle ne le conteste. Par contre, je pense qu’une grande partie de cette salle souhaite le limiter à la relation de travail. On a été très clair, presque tout a été dit. Je le répète une dernière fois: on ne souhaite pas de grève de solidarité, on ne veut pas de grève politique. Mme Weill, tout à l'heure, nous a fait des allusions qu'une partie de cette assistance ne comprenait rien à la politique et nous sommes en plein débat politique. Ce qui se passe, c'est que l'on ne partage pas cette même vision politique. L'exemple que le camarade Josef a fait concernant la grèves des femmes, je vous rappelle qu'elle était illicite et beaucoup de femmes de tous les milieux, y compris du centre droite, ont participé à cette grève. Donc, quand il y a une révolte, on a beau mettre toutes les interdictions dans la loi, si la révolte est suffisamment grande, on ne pourra pas empêcher la grève. Ce que nous cherchons avec ces articles, c'est simplement à les limiter, qu’on n'ouvre pas la porte et qu'il n'y ait pas d'abus. Mais on ne pourra pas empêcher des grèves quand il y a une révolte. C'est la raison pour laquelle je pense que l'on devrait bientôt voter, car le débat est assez clair à ce sujet. Vous savez donc ce que je vous recommande, c'est de voter la proposition de minorité de Mme Amstein, ainsi que la proposition de la variante, telle que présentée par le Dr Martin.

F Philippe NORDMANN

On est effectivement au cœur d'un débat d'une très grande portée, d'une très grande importance, qui est de savoir si, par principe, on entend exclure les grèves de solidarité. Il ne s'agit pas de dire si l’on souhaite celles-ci ou non, mais si l’on veut une interdiction générale des grèves de solidarité. Nous sommes d'un autre avis que Mme Amstein, et pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il ne faut pas oublier que les cantons sont autonomes dans tous les domaines qui n'ont pas été expressément délégués à la Confédération. Et il en va ainsi en particulier du domaine des fonctionnaires ou employés cantonaux et communaux. Pour ce qui est du droit fédéral, on n'a pas à s'en préoccuper particulièrement, puisque c'est la Constitution fédérale et le Code des Obligations qui font foi. D'une manière générale donc, il n'est pas contraire à un texte fédéral que de supprimer une restriction ou une limitation qui y figure. Je rappelle que, à de nombreuses reprises dans notre Assemblée, nous sommes allés un peu plus loin que la Constitution fédérale et que si nous avons décidé de créer une Constituante cantonale et de nous y porter candidats, c'est que nous n'entendons pas faire uniquement un «copier-coller» de la Constitution fédérale, faute de quoi nous perdrions ici notre temps. En réalité, nous faisons une Constitution pour plusieurs années et nous pensons que, un jour prochain, et en relation avec des obligations internationales notamment, la limitation qui est prévue dans la Constitution fédérale, c'est-à-dire celle se rapportant aux relations de travail, va tomber, ou la jurisprudence du Tribunal fédéral va évoluer. Ce que je voudrais dire sur les grèves de solidarité, c'est qu'elles ne sont de loin pas nécessairement politiques, comme semble le croire ou le craindre la Fédération patronale vaudoise dans le papier bleu-vert qui nous a été adressé hier. Que l'on songe en particulier aux attaques physiques, de plus en plus fréquentes en France, et même parfois en Suisse, contre des chauffeurs de bus ou de taxis. La réponse immédiate est une protestation, qui est compréhensible, qui est légitime: une grève d'une heure ou une demi-journée. On a beau appeler cela un «débrayage» pour rendre la chose plus acceptable, en réalité, un débrayage, c’est une mini-grève, c'est une grève. Alors, est-ce que l'on peut vraiment exclure ou rendre illicite d'emblée un débrayage d'une heure en signe de solidarité contre un collègue qui a été victime d'un acte criminel, voire même peut-être d'un «mobbing», que sais-je? La question des délocalisations: on a vu des mouvements de protestations qui peuvent aussi là être très limités contre des délocalisations ou une grève symbolique d'une heure par exemple. Cela s'est vu dans le canton de Fribourg, tout voisin du nôtre, au moment de l'histoire Cardinal. Vous vous souvenez qu'il y avait eu également un débrayage. Sur la grève d'appui à d'autres grèves, nous en avons déjà parlé. Ce qu'il faut dire ici, c'est que la Suisse n'a pas une tradition de grève et que, lorsque cela éclate, qu'il s'agisse d'un débrayage ou d'une grève, c'est très rare et c'est toujours pour le bon motif. Les exemples de grèves qui sont pour un mauvais motif, il n'y en a pas légion et j'attends que les autres orateurs viennent nous les fournir. Enfin, je regrette un petit peu que, dans le débat à ce sujet, on nous ait présenté, notamment dans le texte jaune que vous avez ici, des exemples qui se voulaient drôles. Je vais les lire: «Une grève pour la lutte contre le vol des nains de jardin». Alors, c'est très amusant, mais il ne s'agit pas de cela évidemment. Si ce sont ces types d'arguments que l'on va nous apporter contre le principe même d'une grève de solidarité dans un débat sérieux, et je crois que l'on a un débat sérieux au sein de cette Constituante, je le regrette personnellement. Donc, en conclusion, ne soyons pas frileux, ne fermons pas une porte. Nous n'appuyons pas les grèves de toute façon: «Les grèves peuvent être interdites par les conventions collectives», cela reste dans le texte. Mais ne soyons pas frileux et mettons un texte ouvert. On verra une fois de plus que les Vaudois ont pris de l'avance, qu'ils ont vu juste et loin, comme cela avait été le cas, notamment, pour le suffrage féminin.

F Irène WETTSTEIN MARTIN

La proposition de minorité montre le peu d'estime que l'on a pour le travailleur, rien que quand on pense aux exemples qui sont cités dans le rapport de minorité. Je dirai d'ailleurs aussi le peu d'estime que l'on a à l'égard de l'employeur, puisque l'exemple qui a été donné par le constituant Bovet est tout aussi aberrant. Il n'y a pas de causes ridicules pour lesquelles tant un travailleur qu'un employeur, éventuellement, ferait grève. Il ne faut pas oublier que lorsqu'un travailleur fait la grève, il n'est pas payé, il n'a pas de salaire. Il pourra avoir aussi des répercussions par rapport à son avenir professionnel, les possibilités d'avancement, notamment. Donc, il est évident qu'un employé ne fera grève qu'en cas de nécessité, lorsque les discussions politiques ou les moyens consensuels n'ont pas abouti. Par le passé, on a montré qu'il n'y a pas eu de grèves abusives. Alors, s'il vous plaît, soyez respectueux des travailleurs, dans le futur également, les travailleurs sauront se montrer raisonnables.

F Gérard BUHLMANN

Je n'interviendrai pas sur le fond du débat. Sans allonger celui-ci, j'aimerais néanmoins revenir suite aux deux interventions de Mme Holenweg sur son amendement. Je crains qu'il n'y ait un malentendu sur les buts et sur la mission de la commission de rédaction. Pour moi, le but de la commission de rédaction sera, le moment venu, de contrôler la forme, la syntaxe, de corriger d'éventuelles erreurs d'orthographe qui ont pu se glisser, d'uniformiser des termes. Par exemple: doit-on parler du conseil d'État ou du gouvernement? Chaque commission a choisi sa variante, il faudra bien que l'on mette une variante unique dans la commission. Ce sera peut-être, et certainement, de reprendre des titres, puisqu'on ne les vote pas, voire des découpages d'articles, on a fait des articles très longs tout d'un coup, parce qu'on a rajouté de bric et de broc, et peut-être que ceux-ci devront être repris. Pour moi, la commission de rédaction n'a en aucun cas la mission de modifier ou d'ajouter des mots. Nous passons nos journées à discuter de la portée d'un mot et vraiment je n'imagine pas que cette dernière, tout d'un coup, décide qu'un mot n'est pas bien et qu'elle le remplace par un autre parce qu'il est plus joli ou parce qu'il irait mieux. Ou alors, on fera un deuxième débat, on reprendra tout ce que la commission a fait. J'encourage donc Mme Holenweg à maintenir son amendement, de manière à ce que l'on puisse aujourd'hui voter sur ce terme. C'est du rôle du plénum de savoir si nous voulons ou non mettre «conventionnel». Je ne me prononce pas sur le fond: cela n'est en tout cas pour moi le rôle de la commission de rédaction.

F Denis BOUVIER

L'amendement qui nous est proposé est un amendement ouvrant au pur arbitraire et donc dévastateur de droits. J’ai entendu affirmer ici une adhésion assez globale: oui à la grève de relation de travail, non à celle exprimant la solidarité ou disons une raison politique. On a fait surgir ces mots «solidarité» et «politique» comme d'un chapeau, et cela nous effraie. Mais quand on propose un amendement qui interdit le recours à la grève à des catégories de personnes, je ne vois pas comment, dans une solidarité, on peut trouver des catégories de personnes. Il y a une totale inadéquation entre l'argumentation et la proposition et l'énoncé de cet amendement. On vise en fait tout autre chose, je le pense. Je ne veux pas faire de procès d'intention, mais si l'on pense à des catégories de personnes, à qui peut-on penser? Et si l’on pense à des grèves de solidarité, quel serait l'énoncé de ces catégories? Cet énoncé-là, il serait impossible de le dire. Aujourd'hui ce sont les chauffeurs de bus, demain ce seront toute autre catégorie, toute autre personne, sans catégorie nécessairement, qui se retrouve sur un problème social, sur un problème de société et je ne vois pas que l'on puisse interdire à des catégories de personnes ce droit. Interdire un droit fondamental à une catégorie de personnes, c'est quelque chose de tout à fait inacceptable du point de vue des droits fondamentaux, de la définition même du droit fondamental. Je vous demande donc de bien réfléchir avant de voter. Je sens que la droite va voter massivement cette restriction scandaleuse et, selon l'issue, je demanderai un votre nominal.

F Claudine AMSTEIN

Comme j'ai appris de M. Voruz que l'on parlait surtout pour être lu dans le futur, j'aimerais donc corriger ce que vient de dire M. Nordmann, qui m'a prêté des propos que je n'ai pas tenus. Je n'ai pas dit que la proposition de minorité avait pour but de montrer que nous n'étions pas conformes au texte fédéral. La proposition de minorité n'a que pour but de faire un choix politique, c'est celui de savoir si l’on veut la grève de solidarité ou non dans ce Canton. Je n'ai donc pas dit que le texte de la commission était contraire au droit fédéral. Je ne l'ai pas dit et je persiste à dire que l'on fait un choix politique et ce choix politique consiste, pour nous, à ne pas introduire la grève de solidarité. C'était la première mise au point que je voulais faire. Le deuxième point que je veux relever, c'est que les exemples qui nous sont donnés des chauffeurs de bus, c'est en relation avec leurs conditions de travail. Donc, ce n'était pas des grèves qui étaient faites pour quelqu'un d'autre. Les exemples qui nous ont été donnés, sont tous en relation avec les conditions de travail. Ensuite, le processus de dire qu’il y a certaines grèves qui étaient illicites et qui ont eu lieu, elles ont pu avoir lieu. De les rendre licites dans toutes les circonstances, c'est leur enlever leur impact. Finalement, chaque grève devenant licite, cela sert à quoi de faire la grève puisque cela vient dans les habitudes?

F Alain GONTHIER

La vision caricaturale qu'a la droite — et Mme Amstein en particulier — des salariés est choquante. Au bout du compte, des fantaisistes prêts à saisir n'importe quel prétexte, fût-ce les nains de jardin, pour s'amuser à faire la grève. Les salariés n'ont pas attendu le parti Libéral pour savoir que la grève était une chose sérieuse. C'est une chose sérieuse, car son pendant est le «lock-out», dans le même article, c'est une chose sérieuse. La perte salariale et les risques de représailles futures, c'est aussi une chose sérieuse. Si le droit de grève est mis dans cet article, ce droit de grève dit que la grève est licite. Que la police, par exemple, ne peut pas intervenir contre une simple grève; une grève avec occupation, c'est une autre histoire. Mais cet article ne dit en aucun cas que la grève doit en toute circonstance rester sans conséquences, qu'elle doit rester impunie; tout cela n'est pas couvert par cet article, puisque cela relève du droit privé, à l'intérieur de l'entreprise. Que la grève soit licite ne veut pas dire que les gens peuvent la faire sans que cela ait des conséquences pour eux. De ce point de vue-là, nous raconter que si nous adoptons cet article, nous allons avoir une habitude de grèves dans ce pays, cela me semble de la plus haute fantaisie. La proposition Libérale et Radicale, d'autre part, à l'encontre de la grève de solidarité, fait comme si les associations patronales n'existaient pas. Comme si, par le financement interne à ces association patronales, voire par des contributions extraordinaires au cas où une grève durable toucherait une entreprise, comme si ces contributions pour soutenir cette entreprise n'existaient pas et n'avaient pas existé. Elle fait comme si la solidarité de fait entre directions d'entreprises, membres de la même holding, voire directions d'entreprises liées par des participations d'un même fonds de participations ou d'un même fonds de pension, comme si tout cela n'existait pas. Elle fait en somme comme si notre économie n'était pas déjà largement globalisée et comme si les intérêts croisés entre les différentes entreprises n'existaient pas. Et c'est bien cela qui fonde sur beaucoup de points la grève de solidarité. Sur un exemple, peut-être plus concret: la grève de solidarité peut être d'une logique et d'une nécessité parfaitement évidentes. Imaginons — cela existe quand même de temps en temps – une négociation en vue d'une convention collective de branche. Il y a mobilisation, dans les différentes entreprises de la branche, sans qu'elles aillent à la grève. Malheureusement, une direction d'entreprise peu éclairée procède à des licenciements de représailles. Est-ce que les salariés des autres entreprises de la branche, engagés dans la même lutte, pour la même convention d'entreprise, doivent rester les bras croisés, face à ce déni de droit? Dernier point sur lequel je voudrais revenir: on nous dit que la proposition Amstein est la reprise de la Constitution fédérale. C'est la reprise de la version française de la Constitution fédérale. Or, il y a un grave problème de traduction dans la Constitution. La version allemande, comme la version italienne, sont plus larges que la version française. La version allemande nous dit que la grève et le «lock-out» sont licites «wenn keine Verpflichtungen entgegenstehen, den Arbeitfrieden zu wahren oder Schlichtungsverhandlungen zu führen». Traduction: «et quand aucune obligation de respecter la paix du travail ou de mener à une procédure de conciliation ne s'y oppose». C'est donc une version indéterminée beaucoup plus proche de la version de la commission. La version de la Constitution fédérale française, comme la version de la proposition Amstein, introduit, par cet article-là, une obligation générale de paix du travail, puisqu'elle nous dit: «des obligations de paix du travail». Donc elle les présuppose et c'est contraire à la réalité. Il n'y a pas, dans ce pays, d'obligation générale de paix du travail. C'est donc déjà une mauvaise rédaction de la Constitution fédérale, reprise sans égard par la minorité Amstein. Dernier point: il serait quand même un peu étrange qu'après avoir mis la devise «Liberté et Solidarité», nous interdisions la liberté de manifester sa solidarité. [brouhaha]

F Roland OSTERMANN

Nous faisons beaucoup d'efforts pour rédiger les choses de façon à être compris. Aussi aimerais-je être sûr que, après coup, l'interprétation que l'on fera de nos vertueux efforts sera effectivement conforme. Je pose donc, avant le vote, une question précise à la commission. L'alinéa 4 définit-il «des conditions» ou «les conditions» dans lesquelles une grève est licite? Est-ce que tout ce qui ne satisfait pas aux conditions de l'article est décrété illicite? Cela veut-il dire, en particulier, qu'une grève qui violerait une obligation de recourir à une conciliation serait considérée d'office comme illicite? Cela pose le problème suivant, d'une manière un peu générale: est-ce tout ce qui n'est pas décrété licite est considéré d'office comme illicite? Autrement, la lecture que nous devons faire de cet article est-elle la suivante: «la grève et la mise à pied collective ne sont licites que quand…». Si c'est cela qu'il faut comprendre, il vaudrait mieux le dire et l'écrire ainsi.

F René PERDRIX

La vice-présidente de la commission souhaite-t-elle répondre?

F Jeanne-Marie PERRIN

Monsieur le président, je maintiens les termes de la commission.

F Jean-Luc CHOLLET

Il y a quelque chose qui m'étonne dans les paroles de M. Cohen-Dumani pour défendre l'amendement Amstein. Vous le dites vous-même, M. Cohen-Dumani, on veut empêcher une grève de mécontentement ou une grève de solidarité: il faut l'interdire. J'ai un peu l'impression que c'est la mère qui essaie de faire descendre son gosse de l'arbre, mais qui est bien incapable d'aller le chercher, qui crie en bas et qui se couvre par là de ridicule. Mettre un article comme cela dans la Constitution, c'est couvrir l'État de ridicule. Ou l'amendement Amstein est clairement applicable ou il est juste là pour punir arbitrairement quelques leaders. Dans tous les cas, il est indigne de notre Constitution.

F Cédric PILLONEL

Citoyens, citoyennes, je vais intervenir sur la variante que l'on nous propose. Malgré tout le respect que j'ai pour la Constitution fédérale, je dois quand même m'étonner du fait que l'on interdise le recours à la grève à certaines catégories de personnes. Que veut dire concrètement, en France courant ou dans le français des Vaudois, les catégories de personnes: les noirs, les catholiques, les femmes? Je pense que les termes sont très mal choisis et pourront être très mal interprétés. Je vous suggère donc de rejeter cette variante.

F Christelle LUISIER

Moi aussi, j'aimerais intervenir sur la variante et l'amendement Goy. Effectivement, à la réflexion, il nous semble que la variante proposée par la commission est peut être peu compréhensible, même si je n'allais pas jusqu'à dire comme M. Bouvier qu'elle est dévastatrice de droits. Mais enfin, il est vrai que l'on peu l'interpréter de plusieurs façons, et, ce que nous visons, nous, c'est évidemment de garantir un service minimum, par exemple, pour les médecins. Le but qui est visé est donc peut être mieux formulé dans le texte de M. Goy et c'est pourquoi le groupe Radical va soutenir l'amendement Goy.

F Jean-François LEUBA

J'ai entendu beaucoup de choses — vous aussi, sans doute — dans ce débat. Il faudrait quand même revenir un tout petit peu au sujet. C'est un point d'abord fondamental, il faut le dire. C'est un point qui est susceptible de provoquer des oppositions ou l'acceptation de cette Constitution, et nous devons y réfléchir très sérieusement, parce qu'il y a une très grande sensibilité. Je constate que, au parlement fédéral — j'avais l'honneur d'être encore au parlement fédéral au moment où le texte de la Constitution fédérale a été discuté — nous avons eu un débat très semblable à celui-ci. Et le texte qui finalement a été accepté est un texte de compromis. Je regrette que nous n'arrivions pas ici au texte de compromis qui a été accepté par la droite modérée, par le centre et par la gauche modérée au parlement fédéral. Il est tout à fait clair qu'il y avait deux ailes qui ne l'ont pas accepté, mais ces deux ailes ont été minorisées. J'aimerais vous rappeler qu'il y a un arrêt du Tribunal fédéral qui est fondamental en matière de droit de grève, qui a été rendu en 1999. On ne remonte donc pas à des périodes extrêmement lointaines. Celui-ci disait, j'en cite simplement le résumé: «Pour être licite, la grève doit cumulativement: A) être formée par une organisation apte à négocier un tarif salarial, B) poursuivre des buts susceptibles d'être réglementés par une convention collective, C) ne pas violer une obligation de maintien de la paix du travail, D) être proportionnée au but poursuivi et n’être utilisée qu'en dernier ressort». Les deux dernières conditions, vous les avez aussi bien dans le texte de la commission que dans le texte de la variante. Donc, je n'en parle pas. Sur quoi a porté le compromis aux chambes fédérales?. Et bien, le compromis a porté sur le fait que la droite a abandonné la première condition. C'est-à-dire «être formée par une organisation apte à négocier un tarif salarial». Qu'est-ce que cela veut dire dans le langage fleuri du Tribunal fédéral? Cela veut dire que seule une grève décrétée par un syndicat serait licite. Et, à cet égard, je crois que la droite a eu raison d'abandonner cette condition. A mes yeux, les grèves les plus licites sont les grèves spontanées qui sont provoquées au moment où, véritablement, un employeur abuse, excède de son pouvoir et qu'il révolte ses salariés. Par conséquent, la droite a eu raison d'abandonner cette condition selon laquelle, seuls les syndicats pouvaient déclencher des grèves ou des organisations assimilées aux syndicats. En revanche, la gauche modérée a accepté l'autre condition. C'est-à-dire, poursuivre un but susceptible d'être réglementé par une convention collective de travail. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que la grève doit se rapporter à quelque chose. C’est plus général que de dire simplement au rapport de travail, entre le travailleur et son employeur. Mais cela doit se rapporter à quelque chose. Pour reprendre un exemple qui a été qualifié de ridicule, mais enfin, si c’est pour la réintroduction du lynx, ce n'est manifestement pas un objet qui peut être réglementé par une convention collective, une grève de ce genre serait exclue. Par conséquent, elle ne sera pas licite. Qu'est-ce que cela a comme conséquence? Et là, il faut bien aussi voir de quoi on parle. Quand une grève n'est pas licite, il y a de la part du travailleur qui se met en grève, alors que la grève ne remplit pas ces conditions, il y a une rupture du contrat de travail. Ce qui veut dire qu'ensuite l'employeur est libre de le licencier, puisqu'il y a eu une rupture du contrat de travail. Quand la grève est licite, il n'y a pas de rupture du contrat de travail et, par conséquent, il ne peut pas y avoir de mesures de représailles, tel que le licenciement parce que quelqu'un a fait grève. C'est exactement là dessus que porte le droit de grève. Et je vous invite dans ces conditions à prendre, parce que je crois que c'est raisonnable, le même compromis qui a été admis aux chambres fédérales, reprendre le texte du chiffre 4 de la Constitution fédérale, qui correspond à la variante Amstein, c'est exactement le même texte. Nous éviterons ainsi, dans un sujet qui est très délicat, une divergence entre notre Constitution cantonale et la Constitution fédérale. Je dirai au surplus que je n'ai pas été absolument convaincu par l'argumentation de M. Nordmann à ce sujet, parce que le droit du travail, c'est un droit réglementé, il l'a dit d'ailleurs, par le Code des Obligations, c'est donc du droit fédéral, et je ne suis pas sûr que l'on puisse, dans ce domaine, déroger au droit fédéral. Donc, j'ai des doutes que même la solution de la majorité de la commission, puisque c'était une majorité, soit absolument correcte. Je ne me prononce pas de manière définitive, parce que je n'en suis pas sûr, je ne veux pas affirmer des choses qui ne sont pas sûres ici. Mais la question peut en tout cas se poser. En tout cas, avec la variante, vous n'avez aucun risque, puisque la variante correspond au texte du compromis des chambres fédérales qui était important parce qu'il y avait toute une partie de la droite qui disait que si l’on passait sans cette condition, de se rapporter aux relations de travail, qu’elle prendrait position contre la nouvelle Constitution. C'était notamment l'avis du Vorort. Et puis la gauche disait que s'il n'y avait pas cette allusion à la grève licite dans la Constitution, elle prendrait position contre la révision de la Constitution fédérale. Le compromis qui a été trouvé a permis aux deux ailes de prendre position pour la Constitution fédérale. Et je vous invite à adopter ce même compromis qui me paraît raisonnable, reconnaissance du droit de grève, reconnaissance d'un certain nombre de cas où la grève est licite, mais avec des restrictions qui ne sont pas, comme l’a dit M. Bouvier, j'ai noté cela, un «argument dévastateur» du droit, c'est la Constitution fédérale; jusqu'à maintenant, je n'avais pas entendu que la Constitution fédérale soit dévastatrice du droit.

F Philippe NORDMANN

Je remercie le coprésident Leuba de son intervention, parce qu'elle démontre précisément le manque de clarté de l'adjonction, conforme à la Constitution fédérale, qu'une partie de cette Assemblée souhaite mettre, c'est-à-dire la mention expresse aux relations de travail. Vous avez parlé, Monsieur le coprésident, du cas où un employeur abuse de son droit et vous dites au fond que, dans ces conditions-là, on peut comprendre que des travailleurs de la branche, [brouhaha] généralement par solidarité, souhaitent faire une action syndicale de débrayage ou de grève. D'une manière générale — reprenons le texte–, lorsqu'on dit que «la grève et le «lock-out» sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail», il s'agit bien des relations de travail des personnes qui font la grève, et c'est là qu'il y a un problème. Quand ils se rapportent aux relations de travail, cela signifie uniquement que ceux qui font la grève doivent eux-mêmes être touchés dans leur condition. Or, cela n'est pas ce qui se passe lorsqu'il y a une grève de solidarité, et vous avez l'exemple qui a été donné lorsqu'un chauffeur des Transports lausannois, par exemple, est agressé et que la grève est le fait des gens qui conduisent les cars postaux jaunes, qui ne sont donc pas dans la même entreprise, c'est une grève de solidarité et de personnes qui ne sont pas personnellement touchées par un tel crime. Et, par conséquent, si l’on interprétait au fond la Constitution fédérale et la proposition Amstein qui lui colle exactement dans le sens très large qui a été défini par M. Leuba tout à l'heure, on pourrait encore l'admettre. Mais je crains, effectivement, qu’on rende illicite toute grève de solidarité parce qu'on prendrait le terme «relations de travail» dans un sens beaucoup trop étroit. Donc, je vous invite, pour ce motif-là, à ne pas reprendre ce texte dont on a dit, par ailleurs, dans cette Assemblée, qu'il n'est pas bon en français et qu'il résulte de traductions assez approximatives de l'allemand et de l'italien.

F Jacques PERNET

J'aimerais revenir sur deux ou trois phrases qu'a dites M. Gonthier. Il a dit que la droite avait tendance à caricaturer les travailleurs: je pense que vous avez aussi tendance à caricaturer les employeurs. Je crois que nous vivons dans ce pays et dans ce Canton depuis près d'un demi-siècle la paix du travail, cette paix qui est basée sur une relation saine, relation correcte entre employeurs et collaborateurs. Vous avez dit, M. Gonthier, que vous ne voulez pas faire de notre Canton un canton de grèves. Mais, en votant cet alinéa 4, vous en ouvrez la porte. Vous ouvrez la porte peut-être aussi à des agitateurs. C'est pour cela que je vous conseille de soutenir l'amendement Amstein.

F Laurent REBEAUD

Je suis — et je ne crois pas être vraiment le seul — dans une situation un peu désespérée intellectuellement. Après avoir entendu M. Leuba, je me suis dit, oui, au fond, reprenons le texte de la Constitution fédérale, c'est un bon compromis qui est acceptable par une majorité, allons-y. Et puis, M. Nordmann vient nous expliquer la manière dont il comprend ce texte en disant que seuls les ouvriers ou les employés directement touchés par la discussion sur les conditions de travail d'une entreprise particulière auraient le droit de faire la grève, à l'exclusion de tous ceux qui s'intéressent indirectement à l'évolution de ces conditions de travail. Si ce que M. Nordmann dit est vrai, alors je dois voter la proposition de la commission. Si ce que M. Leuba dit est vrai, alors je dois voter la proposition de Mme Amstein. Mais j'aimerais bien savoir si quelqu'un peut me dire lequel des deux interprète juste [brouhaha].

F René PERDRIX

Ce n'est en tout cas pas votre président ! La parole n'est plus demandée? Nous passons au vote. Je vous propose de voter de la manière suivante. Nous sommes en présence d'un article proposé par la commission qui a quatre alinéas. Le quatrième alinéa fait l'objet d'une proposition de minorité; il fait aussi l'objet d'un amendement proposant d'ajouter le mot «conventionnelle». Je constate que le mot «conventionnelle» peut s'ajouter aussi bien à l'une des formulations qu'à l'autre. Nous traiterons donc de cet ajout après avoir choisi le texte que nous désirons voir figurer dans cet article. Ensuite de quoi, nous traiterons de la variante possible, proposée, sous ces deux formes; mais ce vote-là interviendra après que nous avons réglé le sort du quatrième alinéa. Les personnes qui soutiennent le texte tel que proposé par la commission sont priées de se manifester en levant la main. Il s'agit bien de l'alinéa 4. Les personnes qui soutiennent le texte proposé par la minorité de la commission sont priées de le manifester en levant la main. Le vote apparaissant très serré, je demanderai les abstentions, qui sont priées de le manifester. Je vous donne le résultat du vote. Le texte proposé par la minorité de la commission l'emporte par 73 voix contre 64 sur le texte de la majorité, avec 5 abstentions.

La proposition de minorité l'emporte sur le texte de la majorité, par 73 voix contre 64 avec 5 abstentions.

F René PERDRIX

M. Bouvier demande la parole.

F Denis BOUVIER

Je demande un vote nominal sur ce point maintenant.

F René PERDRIX

Le vote nominal doit être appuyé. Quels sont les constituants qui appuient un vote nominal? Oui, je crois qu'il n'y a pas de problème. Nous passons à ce vote nominal. Alors, pour que les choses soient parfaitement claires pour tous les constituants qui vont voter à l'appel nominal, il s'agit de savoir sur quoi l’on vote. Nous votons sur l'alinéa 4 uniquement.

Droit de grève

Appel nominal

Nous votons sur le texte proposé par la commission. Je répète, il s'agit de voter sur le texte de la majorité de la commission, celui qui figure sous 3.17. Il s'agit, si l'on accepte ce texte, de dire oui, si on le refuse, de dire non. Alors, dire non, cela signifie que l'on opte pour le texte de la minorité, si l'on ne veut ni l'un ni l'autre, il s'agit d'une abstention qui est dûment proclamée. Est-ce qu'il y a encore une question par rapport à ce vote, pour que l'on ne vienne pas nous dire, après, qu'il y avait des ambiguïtés ou des doutes? Alors, il n'y a pas d'autres questions, je n'ai pas besoin de répéter? Nous passons au vote à l'appel nominal. Madame la secrétaire.

F Francine CRETTAZ

Ont voté Oui:

Mmes et MM. Aubert Josiane, Baehler Bech Anne, Bavaud Adrien, Benjamin Samy, Boillat Jean-Pierre, Bolinger Anne-Marie, Bouvier Denis, Bovay Judith, Burnier-Pelet Thérèse, Burri Marcel, Chapuis Allegra, Chatelain André, Chollet Jean-Luc, Dépraz Alex, Desarzens Laurent, de Souza-Kohlbrenner Regula, Dufour Denyse, Farron Pierre, Galeazzi Rebecca, Goël Yves, Gonthier Alain, Gorgé Marcel, Goy-Seydoux Louis, Holenweg Rouyet Anne, Humair Louis, Hunkeler Pierre, Jaggi Yvette, Jomini Viviane, Jufer Nicole, Lehmann Pierre, Le Roy Jean, Linder Sandra, Lyon Anne-Catherine, Maillefer Denis-Olivier, Mamboury Catherine, Martin Laurence, Martin Marie-Antoinette, Martin Marie-Hélène, Morel Nicolas, Nordmann Philippe, Pellaton Berthold, Perrin Jeanne-Marie, Piguet Jean-Michel, Pillonel Cédric, Pittet Jacqueline, Recordon Luc, Renaud Dominique, Reymond Antoine, Roulet Catherine, Salamin Michel Lauréane, Saugy-Anhorn Nathalie, Schmid Charles, Schwab Claude, Tille Albert, Troillet Roland, Vallotton Jacques Christian, Volluz Françoise, Voruz Eric, Weill-Lévy Anne, Wettstein Martin Irène, Winteregg Michel, Wiser Henri, Ziegler Geneviève, Zisyadis Josef, Zuercher Magali (65).

Ont voté Non:

Mmes et MM. Amstein Claudine, Berney Michel, Blanc Eric, Blanc Marcel, Bory Marc-André, Bory-Weber Dominique, Bovet Daniel, Bovet Fred-Henri, Bovy Samuel, Braissant Rénald François, Bron Jacques-Henri, Buffat Michel Louis, Buhlmann Gérard, Bühlmann Willy, Burnet Olivier, Carnevale Eliane, Charotton Georges, Cohen-Dumani Marcel, Colelough Philippe, Conod Philippe, Cornu Pierre-Alain, Crisinel François, Cruchon Raoul, Cuendet Maria-Chrystina, de Haller Jean-Claude, de Mestral Laurent, Delay Elisabeth, Dessauges Pascal, Dubois Jean-Paul, Dufour Etienne, Fague Sébastien, Freymond-Bouquet Monique, Garelli Stéphane, Ghiringhelli Charles-Pascal, Gindroz André, Girod-Baumgartner Christine, Glauser Alice, Gonvers Olivier, Grin Nicole, Gross Nicole, Guignard Françoise, Haefliger Sylviane, Haldy Jacques, Henchoz Pierre, Henry Philippe, Jaeger Odile, Jaillet Gérard, Kaeser Danièle, Keller Pierre, Kulling Jean-Pierre, Labouchère Catherine, Lasserre Colette, Léchaire Jean-Michel, Leuba Jean-François, Loi Zedda Fabien, Luisier Christelle, Mamin Henri, Marion Gilbert, Mayor Philippe, Morel Charles-Louis, Moret Isabelle, Nicod François, Nicolier Yvan, Oguey Annie, Ormond Anne, Pernet Jacques, Piot Christine, Pittet François, Pradervand Jean-Claude, Rapaz Olivier, Richard Claire, Rodel Marilyne, Roulet-Grin Pierrette, Ruey-Ray Elisabeth, Schneiter Robert, Streit Adrien, Thévoz Francis, Vincent Martial, Voutaz-Berney Eveline, Wellauer Pierre-Olivier, Yersin-Zeugin Ruth (81).

Se sont abstenus:

Mmes et MM. Bovon-Dumoulin Martine, Keshavjee Shafique, Ostermann Roland, Rebeaud Laurent (4).

F René PERDRIX

Je vous donne le résultat du vote par appel nominal.

Le texte proposé par la minorité de la commission l’emporte par 81 voix (c’était les non) contre 65 oui pour le texte de la commission, avec 4 abstentions.

Le vote à main levée est donc confirmé

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de l’amendement Holenweg qui concluait à l’ajout, dans le texte de l’alinéa 4, du terme «conventionnelle», après «obligation». Les constituantes et les constituants qui soutiennent la proposition d’ajouter le mot «conventionnelle» dans l’alinéa 4 sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s’opposent à cet ajout sont priés de le manifester en levant la main. La proposition Holenweg est refusée par 76 voix contre 58. Le texte de la commission sort donc indemne de nos discussions [brouhaha], excusez-moi, le texte de la minorité de la commission.
La proposition Holenweg est refusée par 76 voix contre 58.

F René PERDRIX

Nous traitons maintenant de la variante qui concluait à ajouter un cinquième alinéa. Nous avons deux propositions d’ajout, celle de la commission et celle de M. Goy. Les deux propositions vous sont soumises simultanément. Je vous propose de voter en deux temps, de faire d’abord le choix d’une variante, de confirmer ensuite l’inscription de ce cinquième alinéa dans notre article, puis un vote global. Il semble que nous n’arrivions pas à présenter les deux variantes simultanément, du moins dans l’immédiat. Je confirme pourtant la manière dont nous allons voter. Nous commençons par opposer les deux versions et ensuite à confirmer l’inscription. Celles et ceux qui soutiennent la variante proposée par la commission sont priés de le manifester en levant la main [brouhaha]. Cela n’apparaît pas dans notre esprit comme une variante: «La loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes». Les constituantes et les constituants qui soutiennent cette formulation sont priés de le manifester en levant la main. Merci. Celles et ceux qui soutiennent la formulation Goy, «La loi peut limiter ces droits pour assurer un service minimum», sont priés de le manifester en levant la main. Merci. C’est évident, la proposition Goy est privilégiée.

La formulation Goy est préférée à la variante proposée par la commission.

F René PERDRIX

Il s’agit maintenant de décider si nous incluons ce cinquième alinéa dans l’article de base. Les constituantes et les constituants qui soutiennent l’inscription du cinquième alinéa que nous venons de privilégier, c’est-à-dire celui de M. Goy, sont priés de le manifester en levant la main. Merci, la majorité est évidente. C’est donc un article contenant cinq alinéas que nous nous proposons d’inscrire dans notre projet de Constitution.

La proposition Goy devient un 5e alinéa.

F René PERDRIX

Nous passons au vote final. Celles et ceux qui confirment l’inscription dans notre projet d’un article 3.17 comportant cinq alinéas, tels que nous les avons votés précédemment, sont priés de le manifester en levant la main. Celles et ceux qui s’opposent à l’inscription de cet article sont priés de le manifester en levant la main. Abstentions? Par 125 OUI contre 15 NON et avec 8 abstentions, vous avez inscrit dans notre projet de Constitution un article 3.17 comportant les cinq alinéas précédemment définis.

Article 3.17 — Liberté syndicale
(accepté par 125 voix contre 15 et 8 abstentions)
1. La liberté syndicale est garantie.
2. Nul ne peut subir de préjudice du fait de son appartenance ou de son activité syndicale.
3. Nul ne peut être contraint d'adhérer à un syndicat.
4. La grève et la mise à pied collective (lock-out) sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail et qu'ils sont conformes aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation.
5. La loi peut limiter ces droits pour assurer un service minimum.

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Article 3.18 — Liberté de réunion et de manifestation

F René PERDRIX

Nous passons à l’article 3.18, «Liberté de réunion et de manifestation». Madame la vice-présidente prend-elle la parole?

F Jeanne-Marie PERRIN

En plus du droit de réunion issu de la Constitution fédérale, article 12, la commission propose un droit de manifestation qui n’est pas inscrit dans la Constitution fédérale, même s’il est reconnu par la jurisprudence comme droit constitutionnel non écrit. Ce droit peut être limité par une loi ou un règlement communal. L’alinéa 2 s’inspire de la Constitution neuchâteloise, en son article 20. L’alinéa 3 précise que les manifestations ne peuvent être interdites que par exception. J’invite donc l’Assemblée à voter le texte de la commission.

F René PERDRIX

Merci, Madame la vice-présidente. Nous sommes en possession d’une proposition de minorité Pernet. Le constituant Pernet a la parole.

F Jacques PERNET

A mon sens, comme dans plusieurs autres articles d’ailleurs, concoctés en commission à huis clos et sans tenir compte des travaux des autres commissions, cet article va trop loin dans son troisième alinéa. En effet, ce troisième alinéa ouvre la porte à toutes les interprétations et à tous les dérapages: n’importe qui peut organiser n’importe quoi, n’importe où, n’importe quand, n’importe comment, pour autant que l’ordre public ne soit pas menacé. Le terme «ordre public» est vague et n’a pas de définition précise. Lors de l’annonce d’une manifestation, il est facile de cautionner cet aspect de l’ordre public, pour un organisateur marginal, pour un homme d’affaires sans scrupules, pour un groupe d’intérêt, pour le chef suprême d’une secte et j’en passe. Le Pen organisant un meeting est convaincu de ne pas troubler l’ordre public. Une «Love Parade» aujourd’hui ne trouble par l’ordre public à Zurich mais le troublerait-elle dans une commune de cent âmes, au site particulièrement favorable à l’organisation d’une telle fête? Qu’en est-il de la manifestation d’une secte dans une petite commune le jour de la Pentecôte? D’autre part, une manifestation dangereuse mais ne troublant pas l’ordre public ne pourra pas être interdite. Je pense à une «Rave Party» dans une forêt, à des «skinheads» organisant une rencontre européenne dans les champs d’un agriculteur favorable à leurs idées. Pour garantir les atouts démocratiques propres à notre pays et respecter les populations de nos communes qui, finalement, ont le droit d’accepter ou de refuser démocratiquement telle ou telle manifestation, je suggère de supprimer cet alinéa 3 et de laisser le soin de le faire à l’alinéa 2, qui respecte aussi l’idée de l’alinéa 3, sans rentrer dans le même excès puisqu’il dit qu’il peut y avoir un règlement et qu’il peut y avoir des restrictions. Cet alinéa 3 a donc un relent d’anarchisme qui me déplaît et je vous prie d’appuyer ma proposition de minorité.

F René PERDRIX

Merci au constituant Pernet du développement de sa proposition. Nous sommes en possession d’un amendement Thévoz. M. Charotton défend-il l’amendement Thévoz? Non, alors le constituant Thévoz à la parole.

F Laurent REBEAUD

Quelque chose me déplaît souverainement dans cet alinéa 3 et si vous ne le supprimiez pas, j’aurais aimé qu’on enlève la négation, simplement le «ne que», ceci pour plusieurs raisons. Il me paraît très dangereux et très faux de mettre dans un texte constitutionnel une négation comme cela, de manière définitive. En effet, il pourrait se passer, dans les cinq ans, dans les dix ans, dans les vingt ans, des situations qui feraient dire: «Ils ne peuvent les interdire ou les soumettre à des restrictions que si l’ordre public est menacé». On verrait d’autres situations où un exécutif communal, par exemple, devrait interdire — toute la population voudrait qu’il l’interdise — il le sentirait et déciderait d’interdire, mais on dirait alors que cela ne trouble pas l’ordre public, puisque l’alinéa 3 dit: «Ils ne peuvent interdire que». Je demande simplement, pour cette raison et par le fait qu’il se crée déjà des situations où l’on doit interdire, parfois même si l’ordre public n’est pas directement menacé… il y a eu par exemple le cas d’une petite commune, avec une faible puissance policière et autoritaire mais avec une grande surface à disposition, le propriétaire d’une cabane de forêt qui s’est montré d’accord de la mettre à disposition d’un groupe de Nazis pour une manifestation durant le week-end. Le syndic paralysé ne peut rien faire parce qu’ils ont tout fait pour que l’ordre public soit respecté. Voyez-vous, je trouve qu’il faut faire confiance aux autorités exécutives. Dans les grandes villes, on a un système de police et c’est plus facile de contrôler et d’agir. Mais dans d’autres communes, cela ne l’est pas et il y en a 380 dans le Canton de Vaud. Je trouve qu’il est faux d’attacher pareillement l’avenir, d’une part, et d’attacher pareillement cette interdiction de manifester à ce «ne que». Si l’on met simplement «Ils peuvent les interdire ou les soumettre à des restrictions si l’ordre public est menacé», cela me paraît beaucoup plus simple et cela n’exclut pas — mais cela n’oblige pas — que, dans dix ans, dans d’autres situations, un exécutif communal ou cantonal puisse interdire.

F René PERDRIX

Merci au constituant Thévoz. Nous sommes en possession d’un amendement nouveau. C’est Mme Martine Bovon-Dumoulin qui le développe.

F Martine BOVON-DUMOULIN

Nous intervenons simplement pour que le terme «Ils», qui n’est pas très clair, soit transformé en «Le Canton et les communes». Quant à savoir s’il faut suivre M. Thévoz ou en rester à la proposition de la commission, j’avoue que c’est une question de mots. Pour ma part, je préférerais soutenir M. Thévoz mais en mettant à la place de «Ils», «Le Canton et les communes». C’est simplement pour mieux définir le terme «Ils», qui n’est absolument pas clair.

F René PERDRIX

Merci Mme Bovon. Madame la vice-présidente de la commission aimerait-elle intervenir tout de suite?

F Jeanne-Marie PERRIN

Je peux, ou laisser passer mon tour.

F Georges CHAROTTON

Je soutiens l’amendement visant à la suppression de l’alinéa 3, tel que présenté par M. Pernet. Pourquoi? Parce que, tel qu’il est rédigé, vous demandez à ceux qui doivent prendre la décision de ne pas autoriser, de préjuger que l’ordre public sera dérangé. Et si vous préjugez qu’un ordre public sera dérangé, vous interdisez absolument toute manifestation, toute mise sur pied de quelque manifestation et rassemblement que ce soit. Vous ne pouvez pas préjuger pour prendre une décision. Donc, ne la laissez pas à l’arbitraire: l’article 2 est parfaitement clair. L’autonomie communale saura, en fonction du type de commune, quel règlement elle doit faire avaliser par son conseil.

F Adrien STREIT

La loi mentionnée à l’alinéa 2 de l’article 3.18 représente le dénominateur commun qui sert aux communes de base de réflexion. Ces dernières disposent en effet d’un règlement communal qui traite de la liberté de manifestation. Les exemples donnés précédemment illustrent bien les diverses interprétations que l’on peut donner à l’expression «ordre public», suivant si l’on se trouve du côté des manifestants ou de ceux qui doivent subir la manifestation. Par conséquent, il vaut mieux laisser aux communes ou à leur municipalité la délégation de compétence en la matière puisque, proches de leurs administrés, elles sont le mieux à même d’apprécier si oui ou non ou va autoriser une manifestation. L’alinéa 2 peut donc nous suffire, car il englobe toutes les situations. Au nom de la majorité du groupe Renouveau Centre, je vous invite à suivre la proposition de minorité Pernet.

F Martial VINCENT

En tant que syndic responsable de la tranquillité et de l’ordre public, j’affirme qu’il est impératif de supprimer le troisième alinéa de cet article. Je ne citerai qu’un exemple. Nos communes sont sollicitées par des organisations dont la moralité et les idées n’entrent pas dans le respect d’autrui, souvent sous le couvert de réunions de familles, etc. Devoir invoquer une menace sur l’ordre public pour pouvoir les interdire relèverait du parcours du combattant. Les alinéas 1 et 2 sont largement suffisants pour garantir la liberté de réunion et de manifestation à tous nos citoyens.

F Jeanne-Marie PERRIN

Au vu des arguments qui ont été évoqués, il me semble que l’alinéa 3 doit être maintenu; mais, au nom de la commission, je pourrais me rallier à l’amendement de M. Thévoz en enlevant la négation. Juridiquement, c’est la même chose. On pourrait mettre aussi «Le Canton et les communes», qui est l’amendement de Mme Bovon. Je vous propose d’accepter cela.

F René PERDRIX

Nous devons prendre votre proposition comme étant la proposition de la commission, Madame la vice-présidente. Merci. M. Voruz désire la parole.

F Eric VORUZ

Il est midi. Je n’aimerais pas que la droite fasse grève parce qu’elle ne peut pas prendre son apéritif [brouhaha, sifflements]. Toujours est-il, à voir le déferlement qu’il y a eu, j’aimerais intervenir quand même sur tous ces amendements qu’il faut rejeter pour la raison suivante. Le fait de supprimer l’alinéa 3 enlève un principe même de la liberté et je ne comprends pas ce déferlement de mes collègues du centre droite et de la droite à dire qu’il ne faut pas que cela manifeste dans «ma» commune ou dans «mon» village parce que cela va faire la révolution ou mener à l’anarchie. J’estime que, dans ces considérations, une manifestation, ce n’est pas seulement le fait défiler. Faudrait-il, dans une commune interdire au parti Libéral de faire des stands ou de manifester en faveur de son initiative concernant, par exemple, l’impôt sur les successions? Faut-il interdire au parti Libéral de faire une manifestation dans un village parce qu’il veut faire une initiative pour l’introduction des notes à l’école? Vous voyez, la manifestation n’est donc pas simplement le fait de défiler avec des banderoles, mais c’est aussi manifester son droit démocratique à faire valoir une idée. C’est la raison pour laquelle il faut refuser aussi bien l’amendement de notre collègue Pernet que l’amendement Thévoz, parce que ce n’est absolument pas la même chose d’enlever le terme «ne que». Par principe, une municipalité doit accepter une manifestation. On a d’ailleurs été débouté à ce niveau-là par le Tribunal fédéral sur la récolte de signatures devant les bureaux de vote. D’autre part, le fait d’enlever le terme «ne» donne un principe de dictature à une municipalité parce qu’elle peut, par principe, interdire tout genre de manifestation, alors que si l’on laisse la négation, il faut réfléchir et dire pourquoi l’on interdit une manifestation dans une commune. Abandonnons ou refusons les amendements et acceptons le texte de la commission, qui a agi intelligemment en nous proposant le texte que nous voyons aujourd’hui.

F René PERDRIX

L’intervention de M. Voruz permet de répondre à ma propre interrogation quant au vote que nous allons effectuer. Le constituant Chollet a la parole.

F Jean-Luc CHOLLET

J’ai une question et un souci. La question s’adresse à M. Thévoz. Je ne suis pas juriste, mais si j’applique votre formulation à une autre phrase, je lis, dans l’article proposé par la commission: «Il ne boit que du blanc». Si je prends votre amendement, je lis: «Il boit du blanc», ce qui laisse la porte ouverte à bien d’autres choses. Est-ce que c’est voulu? [rires]

F Philippe NORDMANN

Je vais peut-être étonner l’Assemblée en disant que, moi aussi, je me rallie à la suggestion de M. Thévoz, qui me paraît raisonnable. Nous sommes dans un point 3 qui dit à quelles conditions on peut limiter des manifestations. M. Thévoz a donné la définition du cas sous une forme positive. Cela me paraît tout à fait clair. Cela clarifie en tout cas la position de la commission. Je pense qu'en rejetant l’amendement Pernet et en nous ralliant massivement à l’amendement Thévoz, nous aurons fait du bon travail.

F René PERDRIX

Merci au constituant Nordmann. La parole est-elle encore demandée? Ce n’est pas le cas. Nous allons pouvoir passer au vote. Seul l’alinéa 3 est contesté. Deux amendements ont été déposés demandant la modification du texte. Le premier concerne le sujet, remplacer «Ils» par «Le Canton et les communes». C’est le premier que je soumets au vote. Celles et ceux qui soutiennent l’amendement Bovon-Dumoulin, de remplacer «Ils» par «Le Canton et les communes» sont priés de le manifester en levant la main. La majorité est évidente. Merci.

La proposition Bovon-Dumoulin est acceptée.

F René PERDRIX

Je passe à la proposition Thévoz de supprimer la négation [discussion]. Il y a une question formelle. Mes collègues coprésidents pensent que nous devons d’abord décider de maintenir ou non le troisième alinéa. Je pars de l’idée qu’on a toujours visé à aménager d’abord le texte et ensuite à confirmer son inscription. Je crois qu’on va suivre cette politique constante et mon idée primitive. Je poursuis donc le peaufinage du texte du troisième alinéa. Les constituantes et les constituants qui appuient la proposition Thévoz de supprimer la négation sont priés de le manifester en levant la main. La majorité est évidente.

La proposition Thévoz est acceptée.

F René PERDRIX

Nous avons maintenant à traiter de la proposition de minorité Pernet visant à la suppression de ce troisième alinéa. Il s’agit donc de supprimer l’alinéa que nous venons d’aménager. Je le répète, il s’agit de supprimer ce troisième alinéa tel que nous venons de le définir. Les constituantes et les constituants qui sont d’accord avec la proposition Pernet de supprimer le troisième alinéa sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s’opposent à la proposition Pernet de suppression sont priés de le manifester. Abstentions? Par 68 oui contre 65 non, avec 6 abstentions, vous avez maintenu le troisième alinéa. L’amendement Pernet est refusé par 68 oui contre 65 non avec 6 abstentions Nous devons maintenant confirmer l’article 3.18, tel que vous venez de le définir en trois alinéas, pour l’inscrire dans notre projet de Constitution. Les constituantes et les constituants qui appuient l’inscription d’un article 3.18 tel que nous venons de le définir sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s’opposent à cette inscription sont priés de le manifester en levant la main. Abstentions? Par 89 oui contre 26 non avec 15 abstentions, vous avez confirmé l’inscription d’un article 3.18 dans notre projet de Constitution.

Article 3.18 — Liberté de réunion et de manifestation
(accepté par 89 oui, contre 26 non et 15 abstentions)
1. Toute personne a le droit d'organiser des réunions et des manifestations et d'y prendre part. Nul ne peut y être contraint.
2. La loi ou un règlement communal peut soumettre à autorisation les manifestations organisées sur le domaine public.
3. Le Canton et les communes peuvent les interdire ou les soumettre à des restrictions si l'ordre public est menacé.

Je suspends nos travaux jusqu’à 13.45 heures.

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Article 3.19 — Liberté des médias

F René PERDRIX

Nous reprenons notre travail en abordant l’article 3.19, «Liberté des médias». Madame la vice-présidente de la commission a la parole.

F Jeanne-Marie PERRIN

La commission unanime vous demande d’accepter cet article, qui est une reprise de l’article 17 de la Constitution fédérale, dans une version abrégée. En effet, la Constitution fédérale énumère les différents médias, télévision, radio, etc. La commission estime que le terme générique «les médias» désigne tous les moyens de communication et d’expression, anciens, présents et à venir. Quant à l’alinéa 2, la commission reconnaît que le texte proposé, «Le secret de la rédaction», est une erreur de français. C’est la raison pour laquelle elle se rallie à la proposition faite, «Le secret de rédaction».

F René PERDRIX

Merci à Madame la vice-présidente. Nous sommes en possession d’une proposition d’amendement du groupe Libéral. M. Conod a la parole.

F Philippe CONOD

Selon l’article proposé, la liberté des médias est garantie. Cette disposition qui est courte devrait plaire mais c’est en quelque sorte une reprise abrégée de la Constitution fédérale. Or, cette disposition ne dit pas en quoi consiste cette liberté des médias. A ce sujet, l’article de la Constitution fédérale est beaucoup plus explicite. En effet, cette disposition vise une notion importante et même essentielle dans notre pays, à savoir la notion d’informer le public, soit de diffuser des idées, de produire des informations. La liberté des médias participe dans un sens large à la liberté de communication. Elle participe au cheminement des idées, des nouvelles, dès leur émission et jusqu’à leur réception. L’idée se développe, elle est diffusée, elle est discutée et parfois, elle est critiquée. La liberté de la presse, telle qu’elle est conçue en droit suisse, permet au citoyen d’utiliser la presse pour exprimer sa pensée. Ainsi, cette liberté est protégée, en quelque sorte, la fabrication et la diffusion du produit. Cette liberté est une condition de la démocratie politique et, corollaire logique, la protection des sources du journaliste doit être garantie. La liberté de télécommunication, télévision, radio, Internet et autres est un autre pan de la liberté d’expression. L’amendement qui vous est proposé a le mérite de mettre en évidence le rôle des médias dans un sens large. Dans la liberté de la presse, c’est la société civile qui a le droit de diffuser ses idées et, corollaire logique, de recevoir les idées des autres. La liberté des télécommunications appartient aux auditeurs, aux téléspectateurs et, actuellement, aux utilisateurs d’Internet. Selon les professeurs et autres spécialistes de droit constitutionnel, ce n’est pas le média en soi qui doit être protégé mais le rôle joué par le média, rôle essentiel dans une société démocratique. Il manque donc dans cet article, à mon avis, la notion fondamentale de l’information au public. Cette notion sous-entend bien évidemment la libre formation — je dirais le devoir d’enquête, de recherche – la libre expression et la libre réception des opinions. Par information, j’entends donc une notion très large, la plus large possible, qui recouvre toute la diffusion d’idées, de production littéraire, artistique et autres, notamment. Donc, ce n’est pas des grands groupes de médias, style CNN ou autres groupes de presse qu’il faut défendre ici, que notre Constitution veut protéger. Ce n’est pas cela du tout, mais c’est bel et bien une liberté individuelle, qui est une condition de l’exercice de la liberté et le fondement de tout État démocratique. Je vous remercie d’accepter cet amendement. Concernant l’alinéa 2, il s’agit d’une pure proposition de forme, puisque je vous propose de reprendre la rédaction utilisée dans la Constitution fédérale.

F René PERDRIX

Merci au constituant Conod de son intervention. Concernant la rédaction de l’alinéa 2, je prends acte de la déclaration de la vice-présidente de la commission faisant profession que ce n’est qu’une faute de transcription. Je considère que l’amendement prévu par le groupe Radical est devenu sans objet. Le constituant Le Roy a la parole.

F Jean LE ROY

Je ne reviendrai pas sur la deuxième partie, puisque c’est pour moi tout à fait implicite. Par contre, ce qui me gêne dans l’amendement Libéral, c’est la liberté d’informer le public. Pourquoi? D’informer oui, nous sommes d’accord, mais «liberté» implique un choix; si, par hypothèse d’école, je me permets de vous dire – je transforme un peu — la liberté des médias est aussi de désinformer le public. Je pense donc que l’article de la commission n’est déjà pas mal. Deuxièmement, que penseriez-vous, mes chers collègues, si, à la place d’un éditorial dans un journal, on avait l’horoscope? Ce serait peut-être assez amusant. Si nous voulons rester dans le cadre d’une unité, prenez l’article 3.22 qui, du point de vue de la liberté artistique, dit que «La liberté de l’art est garantie». Je pense que par esprit de cohérence, nous pourrions aussi avoir «La liberté des médias est garantie» sinon, pour finir peut-être avec un petit sourire, on verrait éventuellement paraître, à la devanture des kiosques, le titre d’un journal qui s’appellerait «L’obscurantiste», journal d’intérêt public et de désinformation générale. Non, je crois que l’article de la commission est très bien fait et qu’il faut l’adopter de cette manière.

F Albert TILLE

Je combats l’amendement de M. Conod parce que je pense que le texte est réducteur par rapport à la garantie de la Constitution fédérale. La fonction des médias ne se limite pas à l’information. A titre d’exemple, la loi sur la radio et la télévision, actuelle et celle qui est consultation actuellement, mentionne trois sphères d’activité des médias: l’information, la culture, le divertissement. Ladite loi et ledit projet de loi garantissent la liberté pour ces trois activités. Ainsi, l’amendement Conod prive de liberté la culture et le divertissement. D’autre part, la formulation du texte permettrait des interprétations restrictives. On pourrait être tenté de dire, émettre une opinion, cela n’est pas informer le public, cela pourrait être désinformer, selon certains. Un commentaire politique, un dessin de Burki, Barrigue ou de n’importe qui, iraient au-delà de la pure information du public dont la liberté serait seule garantie. Nous ne devons pas nous aventurer sur un terrain glissant. Je vous incite à respecter la Constitution fédérale et d’écarter une démarche que je considère comme liberticide même si elle s’avance à pas feutrés. Il faut dire non à l’amendement Conod.

F Jacques VALLOTTON

La liberté des médias d’informer le public est garantie: c’est ce que propose, de manière limitative, Philippe Conod. Je pense que cette formulation est trop restrictive, qu’elle empêchera le bon fonctionnement des médias, qu’elle ne concerne pas ce qui précède la divulgation au public d’une information. La liberté d’un média doit aussi porter sur son organisation, sa manière de travailler, sur ses choix professionnels. Un média est souvent en possession d’informations, de données sensibles, plus ou moins confidentielles, données qui peuvent intéresser la police, l’ordre judiciaire et qui pourraient mettre les bâtons dans les roues dans des travaux qui sont simplement préparatoires, avant la divulgation au public. On prévoit dans un second alinéa que le secret de rédaction est garanti, autrement dit le droit de ne pas divulguer ses sources. C’est bien sûr une protection importante mais insuffisante. A mon avis, il faut aussi garantir les choix rédactionnels, celui d’investiguer, de mener des enquêtes, de rassembler des informations, quitte — cela j’aimerais le préciser — à ne pas en faire une information publique pour des raisons déontologiques ou judiciaires. Cette liberté organisationnelle du médias, des journalistes en général, me paraît restreinte dans l’amendement proposé par M. Philippe Conod et même absente. La simple liberté d’informer le public n’est pas suffisante. Elle pourrait mettre en danger le bon fonctionnement des médias, des journalistes en général, leur organisation de travail, leurs choix. Bref, je vous recommande d’approuver le texte proposé par la commission et de rejeter l’amendement proposé par M. Philippe Conod.

F René PERDRIX

Merci au constituant Vallotton de son intervention. La discussion est toujours ouverte. La parole est-elle encore demandée?. Si ce n’est pas le cas, nous passons au vote. Il s’agit d’abord de voter l’amendement «groupe Libéral Conod», de modifier l’alinéa 1 en ajoutant «d’informer le public». Les constituantes et les constituants qui soutiennent l’amendement Conod sont priés de le manifester en levant la main. Merci. Les constituantes est les constituants qui s’opposent à cet amendement? La majorité est évidente.

L’amendement Conod est repoussé.

F René PERDRIX

Nous passons au vote formel de l’article proprement dit, avec ses deux alinéas et, je le rappelle, avec la correction au deuxième alinéa consistant à supprimer l’article devant «rédaction». Les constituantes et les constituants qui sont d’accord d’incorporer dans notre projet un article 3.19, tel que rédigé par la commission, sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s’opposent à cet article? Il n’y en a pas. Les abstentions? Par 124 oui contre 0 non avec 8 abstentions, vous avez inscrit un article 3.19, «Liberté des médias», dans notre projet tel que rédigé par la commission 3.

Article 3.19 — Liberté des médias
(par 124 oui contre 0 non avec 8 abstentions)
1. La liberté des médias est garantie.
2. Le secret de rédaction est garanti.

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Article 3.22 — Liberté de l’art

F René PERDRIX

Nous passons à la proposition 3.22, «Liberté de l’art». Madame la vice-présidente a la parole.

F Jeanne-Marie PERRIN

La commission unanime, sans demande de discussion, a adopté cet article. C’est la reprise de l’article 21 de la Constitution fédérale. Nous avons pris l’option de répéter cet article, mot pour mot.

F René PERDRIX

Merci à Madame la vice-présidente. Aucun amendement n’a été déposé, ni proposition minoritaire, ni variante. La discussion est ouverte sur cet article. La parole est-elle demandée? M. Bovet.

F Daniel BOVET

La «Liberté de l’art», je ne comprends absolument pas ce que cela veut dire. Cela signifie que n’importe quelle sottise, pourvu qu’on mette l’étiquette «C’est de l’art – Fait par un artiste professionnel», eh bien voilà, on a le droit de le faire, tandis que d’autres choses, du moment que ce n’est pas de l’art, sont condamnables. Je ne comprends pas ce que veut dire cet article. Il me paraît absolument inutile. Je vous propose de le refuser.

F René PERDRIX

Le constituant Bovet s’interroge. Le constituant Schwab va peut-être lui apporter une réponse.

F Claude SCHWAB

Je prie l’Assemblée de considérer la précédente intervention comme une œuvre d’art [rires, applaudissements].

F René PERDRIX

Je ne demanderai pas si la réponse est suffisante. La discussion est toujours ouverte. L’un ou l’autre des constituants demande-t-il la parole? Si ce n’est pas la cas, c’est un vote immédiat. Je vous pose la question de savoir si nous inscrivons dans notre projet de Constitution un article 3.22 intitulé «Liberté de l’art». Les constituantes et les constituants qui sont d’accord de soutenir cet article sont priés de le faire en levant la main. Merci. Les constituantes et les constituants qui s’y opposent sont priés de le faire en levant la main. Les abstentions? Par 121 oui contre 4 non avec 9 abstentions, vous avez inscrit un article 3.22, «Liberté de l’art», dans notre Constitution.

Article 3.22 — Liberté de l’art
(par 121 oui contre 4 non avec 9 abstentions)
La liberté de l'art est garantie.

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Article 3.23 — Liberté de la science

F René PERDRIX

Nous passons à la proposition 3.23, «Liberté de la science». Madame la vice-présidente de la commission 3 a la parole.

F Jeanne-Marie PERRIN

La commission était unanime. Le premier alinéa reprend l’article 20 de la Constitution fédérale, comme le font la plupart des constitutions cantonales. Le deuxième alinéa introduit une nouveauté qui tient compte de la Convention de 1996 sur les droits de l’homme et de la biomédecine du Conseil de l’Europe, évoquée la semaine dernière et que la Suisse a signée le 7 mai 1999. Cette Convention s’articule selon deux axes principaux: la primauté de l’être humain, dignité et intégrité, et la liberté de la science, qui n’est pas absolue, puisque l’article 2 de la Convention stipule que «l’intérêt et le bien-être de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science». La commission a choisi une formulation forte de la primauté de l’être humain en insistant sur la dignité et l’intégrité. Ceci devrait permettre d’éviter certaines dérives scientifiques.

F René PERDRIX

Merci à Madame la vice-présidente. Nous sommes en possession d’un amendement Ostermann, son auteur a la parole.

F Roland OSTERMANN

La lecture du second alinéa de l’article en cause ici m’a choqué. Non que je n’adhère pas à son propos, mais il est tellement centré sur l’être humain qu’il s’en trouve dépourvu d’humanité. L’homme, seul capable de faire de la recherche et, ce faisant, de commettre des excès, ne penserait-il qu’à se protéger lui-même contre ses propres errements? Quand on lit cet article, on se prend à rêver qu’un organisme minuscule s’adresse à nous au travers du microscope pointé sur lui et nous dit: «Qui t’a fait Dieu?». L’article dont nous débattons est un vœu pieux. Nul ne sait autour de quoi s’agite Frankenstein dans le secret de son laboratoire, mais une limite constitutionnelle peut permettre d’ériger des barrières morales, voire légales, face aux débordements. Elles empêcheront la publicité relative à des travaux calamiteux qu’elle rendra ainsi sans intérêt. 

Dans l’idéal, la recherche est libre. De fait, elle dépend des crédits qu’on lui alloue. Le système d’attribution des crédits publics est subtil. Il n’est pas entièrement en mains des politiques — ce serait l’horreur — ni des scientifiques — quelle indécence ce serait ! Ce sont des scientifiques surveillés par des politiques qui dispensent ensemble les fonds publics et fixent les priorités. Dans ce contexte, un article montrant qu’il y a des barrières à ne pas franchir se révèle indispensable, d’autant plus que l’être humain n’est pas seul à être impliqué.

Depuis un certain temps, j’ai de bonnes fréquentations: je côtoie des juristes et je sais bien quelles objections ils vont venir réciter ici. La formule est vague, elle est inapplicable, me dira-t-on. On affirmera tantôt qu’elle ne sert à rien, qu’il faut donc la supprimer, et tantôt qu’elle permet de tout interdire et qu’il faut donc la supprimer. Je dis alors, moi, qu’il faut donc la conserver. Elle met simplement une limite éthique aux débordements.

Oui, mais que signifie cette «Création», avec majuscule, à laquelle je me réfère? Cette référence est une marque d’humilité qui répond à l’arrogance d’un article qui ne se préoccupe que de l’homme, centre de l’univers, et je l’emprunte au préambule de la Constitution fédérale. C’en est même la première phrase, immédiatement après l’invocation divine: «Le peuple et les cantons suisses, conscients de leur responsabilité envers la Création». Cette conscience d’une responsabilité est tout à la fois une raison de se donner une Constitution et une manière d’en fixer le contenu; le décor est planté. Mais qu’est-ce que le respect de la Création? Il est lié à la dignité des créatures. Mesdames et Messieurs les juristes, vous qui avez des «Raminagrobis», vous savez bien ce qu’est la dignité de votre chat. Ce n’est en tout cas pas celle qu’on aurait réservée à certains d’entre eux à l’Université de Lausanne, s’il faut en croire la pétition qui a été adressée aux Chambres fédérales. La dignité de la vache, c’est d’avoir des pis là où la nature les a mis. Sa dignité, c’est de manger de l’herbe et la malédiction du célibataire, c’est de devoir manger la vache en hamburger [rires]. On sait bien que s’il existe une loi sur la protection des animaux, c’est qu’il y a quelque chose à protéger, et pour les plantes itou. Sinon, comment expliquer l’existence d’une commission fédérale d’éthique pour le génie génétique dans le domaine non-humain? Amis juristes, puis-je vous donner en pâture l’article 120 de la Constitution fédérale en son alinéa 2? «La Confédération légifère sur l’utilisation du patrimoine germinal et génétique des animaux, des végétaux et des autres organismes. Ce faisant, elle respecte l’intégrité des organismes vivants et la sécurité de l’être humain, de l’animal et de l’environnement et protège la diversité génétique des espèces animales et végétales». Fin de cette belle citation. Cet article fédéral va loin. Il demande de respecter «l’intégrité des organismes». Je vous demande, moi, simplement d’en être respectueux. Cela n’empêche d’ailleurs pas de gagner de l’argent. Les exigences fixées par cet article ne sont pas absolues. Elles sont simplement décrites comme devant être prépondérantes. Cela place le problème au niveau éthique et on en revient ainsi à la notion de dignité qui, c’est vrai, est une notion difficile qui demande une once d’humanité.

J’ai entendu que des préférences iraient plutôt au “respect de la biosphère” qui est, vous le savez, la masse des êtres vivants qui recouvrent la surface du globe. Je crois que nous pouvons, une fois dans cette Constitution, ne pas être uniquement techniques ou froidement juridiques et user ici d’un terme qui reconnaît qu’il y a quelque chose qui nous dépasse un peu. J’ai affirmé qu’il est parfois difficile de savoir ce qu’est la dignité. J’affirme que celle d’un constituant, c’est de voter cet amendement.

F René PERDRIX

Merci au constituant Ostermann du développement de son amendement. Nous sommes en possession d’un amendement nouveau, déposé par Mme Chapuis, à que je donne la parole.

F Allegra CHAPUIS

L’amendement que je dépose est aussi au nom du Forum. Il s’agit tout simplement de supprimer l’alinéa 2 de cet article, pour deux raisons. Premièrement, l’article 20 de la Constitution fédérale sur la liberté de la science n’a pas cette limitation que nous nous mettons aujourd’hui à l’alinéa 2. Quant à la seconde raison, en fait, l’alinéa 2 enfonce des portes ouvertes. Pour tout le monde, cela va de soi. Il est bien évident que personne ne va aller à l’encontre de la dignité et de l’intégrité de l’être humain. Par contre, à quel moment et qui va décider que ces exigences sont prépondérantes, qui va décider à quel moment l’intégrité est un jeu? Il y a des domaines dans la science, par exemple lorsque l’on parle de xénogreffres, si un jour elles réussissent, à ce moment-là, pour le malade auquel on va pouvoir pratiquer une greffe, pourra-t-on dire quel sera l’état de son intégrité? Pour ces raisons, je vous demande de supprimer l’alinéa et de ne conserver que l’alinéa 1, comme dans la Constitution fédérale.

F Laurent REBEAUD

Je sais très bien que M. Ostermann n’est pas le type de personne qui ira jusqu’au bout d’un tel article pour revenir dans des guerres d’il y a dix ans, sur la question de savoir si l’on peut toucher quoi que ce soit dans la nature. Il y a deux choses qui me dérangent profondément dans son amendement et je vous invite à le refuser. Premièrement le mot «Création». Qu’est-ce que c’est, le mot «Création»? Ayant eu une formation de médecin, j’ai fait beaucoup d’expérimentation, depuis les feuilles, jusqu’aux grenouilles, les chiens, etc., dans des conditions humaines. C’est-à-dire qu’un animal en expérimentation, à mon avis, doit être traité, si l’on veut l’endormir et le réveiller, comme un être humain. Toutefois, la «Création», c’est grand. D’abord, cela évoque l’idée du Créateur et du monothéisme et on a vu qu’on hésitait une autre fois pour cela. Cela m’est égal, mais «Création», avec C majuscule, cela donne un petit ton qui ne me gêne pas personnellement mais qui est un ton quelque peu religieux, me semble-t-il. En outre, toute l’œuvre du Créateur, si l’on est dans cet axe qu’est la Création, cela veut quand même dire que des forcenés protecteurs de la nature à tout prix — pas du tout du type de M. Ostermann mais comme il y en a malheureusement dans le monde moderne, frustrés et peut-être loin de la nature — vont empêcher quelqu’un qui va faire de la génétique sur des feuilles de tilleul, rechercher, par exemple, ce qui marche très fort actuellement, des animaux clonés à qui on a enlevé leur immunité et qui vont nous fournir peut-être dans quinze ans des cœurs et des reins transplantables sans problème sur l’être humain. Je crois qu’il y a quand même des grandes avenues dans cette direction où, franchement, nous ne respectons pas l’être humain comme la «Création». Si c’était au moins quelques limites sur la manière dont on peut faire de la recherche expérimentale, j’accepterais. Mais quand on dit «si l’on pousse à outrance l’interprétation du respect de la création», cela veut dire le végétal, cela veut dire tout ce qui a été créé, même le minéral, la terre, tout. Alors, c’est presque la biosphère. Je n’aime pas «biosphère» non plus, mais j’aimerais quand même que vous soyez attentifs jusqu’où vous allez. Personnellement, je mets une limite très nette entre le respect de la dignité humaine et la dignité de la chèvre, je n’ai jamais pu l’analyser de près. La dignité du lapin ou du chien ou du chat, ils doivent en avoir une. Vous aimez tous les animaux, je pense, mais la dignité de la grenouille, je ne la connais pas, celle de la feuille et de la cerise, je ne la connais pas. Est-ce le respect de la création? Je trouve que cet amendement a un côté dangereux dans la mesure où il peut vraiment freiner la recherche, entre les mains de gens qui interpréteraient le texte d’une manière différente de celle de M. Ostermann, homme de bon sens, qui l’interpréteraient de manière intégriste. Cela peut nous mener devant les tribunaux. Ce n’est pas du tout dans l’axe de tous les scientifiques suisses, qui ont fait un gros effort pour faire attention dans cette direction. Je crois qu’on est stable maintenant. Je vous demande de refuser cet amendement.

F Laurent REBEAUD

Nous nous trouvons ici, avec le chiffre 2, devant l’un de ces cas où la proposition de la commission apporte quelque chose de plus que ce que dit déjà la Constitution fédérale. Nous devons vérifier si ce «plus» signifie quelque chose et s’il appartient à la sphère d’autonomie possible du Canton, dans la mesure où le Canton voudrait mener, dans le domaine spécifié, c’est-à-dire la recherche scientifique, une politique un peu différente de ce que veut la Confédération. Pour moi, c’est une question aux représentants de la commission et à la vice-présidente. Quand on dit: «La dignité et l’intégrité de l’être humain doivent rester prépondérants», qu’est-ce qu’on impose comme condition supplémentaire aux gens qui, dans ce Canton, font de la recherche? Vous savez très bien que la recherche se mène, dans la plupart des domaines où il y a des chercheurs actifs, au niveau national et international. Il n’y a pas beaucoup de recherche qui puisse se mener de manière autonome sur le plan cantonal. Est-ce que vous voulez imposer aux chercheurs actifs dans le Canton de Vaud des règles particulières, propres au Canton de Vaud, et qui seraient différentes et plus sévères que celles qui s’imposent, de par la Constitution et les lois fédérales, par les conventions internationales, à l’ensemble des chercheurs qui sont en concurrence avec les chercheurs vaudois? Si oui, votre proposition a un sens, mais alors je la combattrai parce qu’elle met les chercheurs vaudois en situation d’infériorité par rapport à leurs concurrents dans tout le reste du monde. Si non, cela ne vaut pas la peine. Dans les deux cas, je voterai donc non.

F Martine BOVON-DUMOULIN

J’aimerais répondre à M. Thévoz par rapport à la dignité et l’intégrité. Il faut faire une séparation, à mon avis, entre la liberté et l’intégrité de l’être humain, d’une part, et le respect, d’autre part. On ne parle pas de l’intégrité de la création, c’est le respect de la création.

F Pierre LEHMANN

Je voudrais apporter mon soutien à l’amendement Ostermann. J’aimerais faire la première remarque que personne d’entre nous ne sait ce qu’est la vie. Même le biologiste le plus futé ne sait ce que c’est. La création est quelque chose que nous ne pouvons que constater et dont nous dépendons de manière totale et absolue. De prétendre améliorer quelque chose que l’on ne comprend pas est, à mon avis, à la limite de l’imposture. La science doit avoir des limites, la science doit manifester du respect par rapport à ce qui lui échappe. Je précise encore que la science actuelle est une science analytique. Je suis personnellement physicien et non religieux. C’est une science analytique qui n’est pas capable d’aborder la nature comme un tout. Nous n’avons pas les instruments scientifiques à notre disposition pour aborder la nature comme un tout. C’est un domaine dans lequel nous ne sommes pas compétents. Par conséquent, le minimum que nous pouvons faire, c’est de témoigner du respect devant ce dont nous dépendons de manière totale, absolue et inéluctable. Donc, je pense que la proposition Ostermann est parfaitement judicieuse et je vous suggère de l’accepter.

F André CHATELAIN

Je suis un de ceux qui fait de la recherche fondamentale ici, peut-être pas le seul. Je crois qu’il y a un malentendu. Pour ma part, j’avais compris l’alinéa 2 d’une manière différente. Je crois que la recherche de savoir est quelque chose qui est inaliénable, qu’elle soit bonne ou que l’on considère qu’elle est mauvaise pour l’être humain, actuellement. Prenons Galilée, les restrictions qu’il y a eues, pendant toute l’histoire, et on accusait Einstein d’avoir fait la bombe atomique alors qu’il n’avait découvert que le savoir et ensuite il a dû lutter contre les conséquences. Les conséquences, les applications appartiennent aux politiques et c’est à eux ensuite, à la société, de décider si telle ou telle partie du savoir qu’on a obtenu doit être appliquée ou non. Mais l’acquisition du savoir ne doit pas être limitée, en aucun cas. Par contre, ce que j’ai compris est qu’on ne peut pas l’obtenir avec n’importe quel moyen, en prenant une catégorie de gens, comme au temps des Nazis, pour faire des expérimentations, voire même des animaux qu’on maltraite, etc. Si l’amendement Ostermann et même la deuxième partie de l’alinéa 2 sont compris comme étant de ne pas faire de la recherche dans n’importe quelles conditions, je peux y souscrire. Si c’est pour limiter la liberté de recherche, non.

F René PERDRIX

Merci à M. Chatelain de son intervention. Madame la vice-présidente souhaite intervenir maintenant?

F Jeanne-Marie PERRIN

J’essaie de répondre à M. Rebeaud, qui dit qu’il veut bien voter un article s’il apporte quelque chose de plus. Il est loin de l’esprit de la commission d’imposer quelque chose aux chercheurs. Nous voulons simplement affirmer la primauté de l’être humain, comme c’est inscrit dans le commentaire, sur le seul intérêt de la science et sur le seul intérêt économique, éviter les déviances du Nazisme et des animaux maltraités, comme cela a été défini tout à l’heure, éviter certaines dérives, notamment dans les domaines de la génétique et du clonage, et témoigner un certain respect pour l’être humain et les personnes.

F Gérard BUHLMANN

La notion de respect de la création a sa place dans notre Constitution. J’aimerais vous rappeler que le préambule — que nous n’avons pas encore voté, puisque nous nous sommes réservés de le faire après l’adoption des différents articles – commence par «Pour favoriser l’épanouissement de chacun dans une société harmonieuse qui respecte la Création — avec le C majuscule — comme berceau des générations à venir». C’est à mes yeux là que la «Création» a sa place, une place primordiale dans notre Constitution, et non pas dans cet article qui peut être interprété, on l’a vu, de manière plus ou moins limitative. Donc, je vous encourage à ne pas accepter l’amendement Ostermann. Par contre, lorsque nous en serons au préambule, alors chaleureusement, je défendrai la place de la «Création» dans notre Constitution à cet endroit.

F Denyse DUFOUR

Je voudrait défendre l’amendement Chapuis qui a été aussi soutenu, de supprimer ce deuxième alinéa: il est parfaitement inutile. Toutes ces règles générales de protection sont données dans des conventions. Ces conventions sont signées et cela ne ferait que donner une mauvaise impression que d’avoir ajouté ce deuxième alinéa. Le premier est largement suffisant; je vous invite à renoncer au deuxième alinéa dans cet article.

F René PERDRIX

La discussion est toujours ouverte. Un constituant ou une constituante demande-t-il encore la parole? Si ce n’est pas le cas, nous allons passer au vote sur cet article 3.23, «Liberté de la science». Nous commencerons par nous prononcer sur l’amendement Ostermann, qui vise à modifier le deuxième alinéa. Après quoi, nous traiterons de l’amendement Chapuis, qui vise à supprimer le deuxième alinéa, purement et simplement. Je le répète, nous commençons par l’amendement Ostermann, qui nous propose de rajouter «ainsi que le respect de la Création». Les constituantes et les constituants qui appuient l’amendement Ostermann sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s’opposent à l’amendement Ostermann sont priés de le manifester en levant la main. Je crois que la majorité est évidente.

L’amendement Ostermann est repoussé.

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de l’amendement Chapuis, qui vise à la suppression pure et simple de ce deuxième alinéa. Les constituantes et les constituants qui soutiennent la proposition Chapuis de suppression du deuxième alinéa sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s’opposent à la proposition Chapuis sont priés de le manifester en levant la main. Les abstentions?

L’amendement Chapuis est accepté par 81 oui contre 52 non avec 7 abstentions.

F René PERDRIX

Le deuxième alinéa est donc supprimé. Nous passons au vote sur l’inscription d’un article 3.23 dans notre projet. Je le rappelle, cet article ne comporte plus que le premier alinéa. Celles et ceux qui acceptent l’inscription de cet article ainsi modifié dans notre projet sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s’opposent à l’inscription d’un tel article sont priés de le manifester en levant la main. Les abstentions? Par 114 OUI contre 3 NON avec 17 abstentions, vous avez inscrit un article «Liberté de la science» dans notre projet.

Article 3.23 — Liberté de la science
(par 114 oui contre 3 non et 17 abstentions)
La liberté de la recherche et de l'enseignement scientifiques est garantie.

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Article 3.24 — Liberté d’établissement

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de la proposition 3.24. Madame la vice-présidente de la commission a la parole.

F Jeanne-Marie PERRIN

Cet article est accepté à l’unanimité. Il reprend la garantie accordée par la Constitution fédérale à l’article 24 en la développant. Cette garantie n’est pas seulement intercantonale mais intracantonale. Le législateur cantonal ou communal n’est pas du tout empêché d’imposer l’obligation de résidence à certains titulaires de fonction publique, pour autant que cette obligation de résidence soit justifiée. Quant aux personnes étrangères, celles-ci ne bénéficient pas, en vertu du droit fédéral, de la liberté d’établissement intercantonal, même si elles sont au bénéfice d’une autorisation d’établissement, car celle-ci ne vaut que pour le territoire du canton qui l’a délivrée. Le canton peut, rien ne l’en empêche, reconnaître à ses étrangers la liberté d’établissement à l’intérieur des frontières cantonales. C’est la raison pour laquelle la commission n’a pas proposé la formule «Suisses et Suissesses» mais «Toute personne a droit».

F René PERDRIX

Merci à Madame la vice-présidente. Nous sommes en possession d’un amendement Libéral. C’est Monsieur le constituant de Haller qui défend cet amendement.

F Jean-Claude DE HALLER

L’amendement qui vous est présenté tend à éviter d’inscrire dans la Constitution quelque chose qui n’est pas exact. Ce n’est pas un amendement qui a une portée cosmique, mais il a tout de même une importance certaine. L’établissement n’est pas la même chose que le domicile. L’établissement est la résidence d’une personne en un certain lieu. En garantir le libre choix, au fond, ne revient à rien d’autre que de garantir la liberté de mouvement, sous réserve de restrictions de police (inscription au contrôle des habitants, dépôt des papiers, de l’acte d’origine, là où c’est exigé, etc.). Mais est en cause une liberté effectivement garantie, un choix effectif. Le domicile est une toute autre chose. C’est une notion juridique — excusez-moi, M. Ostermann, une de plus — qui est souvent liée au lieu de séjour, mais pas toujours. La loi rattache une personne à un certain lieu en fonction de différents éléments qui ne dépendent pas nécessairement de la volonté de l’intéressé. Permettez-moi un exemple. Vous pouvez avoir votre famille à un endroit, votre lieu de travail à un autre et une résidence secondaire à un troisième, et l’on peut encore imaginer d’autres circonstances. La liberté d’établissement vous garantit que vous pourrez vous déplacer de l’un ou l’autre de ces endroits à l’autre et y effectuer des séjours plus ou moins réguliers, mais vous n’aurez qu’un domicile: cela, c’est le droit fédéral qui le prévoit, c’est le Code civil. Le domicile sera fixé à l’un ou l’autre de ces endroits et non pas du tout en fonction de votre libre choix, mais en fonction de l’intensité du rattachement, et il faudra parfois une décision de l’autorité pour le fixer. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’éviter d’indiquer dans la Constitution, qui est tout de même un texte fondamental, une liberté qui, en réalité, n’existe pas.

F René PERDRIX

Merci au constituant de Haller du développement de son amendement. La discussion est ouverte. La parole n’est pas demandée. Nous passons au vote sur cet article. Nous traitons prioritairement de l’amendement de Haller et je le soumets à votre vote. Les constituantes et les constituants qui soutiennent la proposition de Haller de remplacer «Le libre choix du domicile et du lieu de séjour» par «La liberté d’établissement» sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s’opposent à la proposition de Haller sont priés de le manifester en levant la main.

L'amendement de Haller est accepté par 74 oui contre 48 non.

F René PERDRIX

Nous passons au vote sur l'article proprement dit, ainsi modifié par votre premier vote, pour l'inscrire dans notre projet. Les constituantes et les constituants qui acceptent l'inscription dans notre projet de l'article ainsi modifié sont priés de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à l'inscription de cet article sont priées de le manifester. Les abstentions. Par 102 oui contre 8 non avec 22 abstentions, nous avons inscrit dans notre projet un article 3.24, «Liberté d'établissement», tel qu'amendé par l'Assemblée constituante.

Article 3.24 — Liberté d’établissement
(par 102 oui contre 8 non et 22 abstentions)
La liberté d'établissement est garantie.

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Article 3.26 — Droit à la propriété

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de l'article 3.26, «Droit à la propriété».

F Jeanne-Marie PERRIN

Dans cet article la garantie de propriété est identique à celle qui résulte du droit fédéral, article 26. Ce texte est admis par la commission à l'unanimité et sans faire l'objet de grandes discussions ou de commentaires.

F René PERDRIX

Merci à Madame la vice-présidente de la commission. La discussion est ouverte. Nous sommes en possession d'un amendement nouvellement déposé par M. Lehmann. M. Lehmann, vous avez la parole.

F Pierre LEHMANN

La proposition consiste à dire que l'usage de la propriété est limité par l'intérêt public. J'aimerais un petit peu développer cette idée. Le droit de propriété n'est, à mon avis, pas applicable sans autre à des éléments qui sont constitutifs de la biosphère — ou de la Création, comme vous voudrez — dans son ensemble, tels que l'eau, l'air et le sol. Ces éléments sont indispensables à la vie de tous et leur appropriation est une séquestration, voire un vol. Cette pratique de la propriété d'éléments constitutifs de la Création ou de la biosphère est relativement récente et elle est malheureusement devenue courante un peu partout. L'eau, l'air et le sol sont ce qui façonne le climat, lequel à son tour détermine la qualité de l'environnement et la vie de tous les êtres humains. Malheureusement le développement, fût-il durable, a transformé l'environnement en ressource et en a fait une denrée rare, ce qui — comme le dit Ivan Illich — mène fatalement à des conflits et à des guerres. Au début, le sol constituait des communaux, c'est-à-dire un bien commun. La propriété privée du sol a mené à la spéculation immobilière, pratique qui consiste à s'enrichir en bradant ce qui est en fait un bien commun. J'aimerais rappeler à ce sujet la petite brochure faite par Olivier Delafontaine, malheureusement décédé, qui s'appelle La spéculation immobilière — un parasite à supprimer, et dans laquelle il montrait que cette spéculation immobilière coûtait des milliards par an au peuple vaudois. De cette spéculation qui est liée au fait que le sol peut être une propriété privée est résulté un appauvrissement considérable du peuple vaudois. L'eau et le sol sont des biens communs appartenant à la population qui vit dans la région où ces biens se trouvent. Ils devraient être soustraits à la sphère marchande. Je suis conscient du fait que cette proposition ne va pas sans ébranler l'économie telle que nous la pratiquons aujourd'hui — ébranlement qui, personnellement, ne me dérangerait pas — et qu'elle n'a pas de chance d'être prise en compte aujourd'hui. Mais à tout le moins pourrait-on demander que l'usage de la propriété soit soumis au respect de l'intérêt public.

F René PERDRIX

Merci à M. Lehmann pour le développement de son amendement. La discussion est ouverte. Le constituant Gonthier demande la parole.

F Alain GONTHIER

Avant de commencer, une petite rectification: la commission n'avait pas adopté l'article à l'unanimité, il y avait eu un non, moi-même en personne [brouhaha], ce que je compte développer devant vous maintenant. La nouvelle Constitution que nous écrivons esquisse les contours de la société que nous souhaitons pour notre Canton dans les années à venir. Or, qu'on la critique ou qu'on se prosterne devant elle, la propriété est un élément fondamental de notre société actuelle. Il serait donc inconséquent d'adopter une disposition à ce sujet sans passer quelques instants à nous poser la question de son sens et de sa validité pour l'avenir. Le mot «propriété» évoque deux types d'image: tout d'abord nos biens personnels de consommation, de loisir, de confort (livres, Natel, voiture, villa, chalet, yacht, il y en a — ou il n'y en a pas — pour tous les goûts). Deuxièmement, une image héritée en partie du passé: la petite entreprise, le petit commerçant, l'artisan, le paysan. Héritée du passé, car c'est la Révolution française qui instaura le droit de propriété et donna enfin à ces couches de la population la garantie légale qu'elles pourraient maîtriser leur outil de travail, et partant garder le fruit de leur travail. Or ce sont deux types de propriété bien différents qui sont ainsi évoqués. D'une part possession de choses et l'usage qu'en fait le propriétaire n'a qu'une influence limitée sur ses concitoyens et sur la société. D'autre part propriété sur des outils, sur des instruments de travail, sur la terre; propriété d'un atelier, d'une exploitation agricole, d'une entreprise; possibilité d'engager des salariés. Que cette possibilité se concrétise et la maîtrise d'un artisan sur son propre outil de travail se transforme en maîtrise du propriétaire sur le travail d'autrui. De la propriété des choses on passe au pouvoir sur des êtres humains, au pouvoir sur la nature. Cet aspect de la propriété était présent dès l'origine et quelle que soit la taille de l'entreprise, mais évidemment — c'est une lapalissade — plus la propriété est importante, plus le pouvoir est grand. Or, le mouvement de concentration économique a créé des entités de telles dimensions qu'elles concentrent aujourd'hui un pouvoir proprement exorbitant. Elles ont le pouvoir d'orienter l'avenir de la société humaine sans elle, voire contre elle, de s'approprier la nature (qu'on pense aux brevets sur le vivant), de la vendre ou de la détruire. Ce pouvoir sur les êtres humains et sur la nature n'a plus grand-chose de commun avec la possession des biens de consommation à laquelle chacun est attaché. Et pourtant l'article qu'on nous propose, fidèle copie de l'article de la Constitution fédérale, ne fait aucune distinction et défend l'un au nom de l'autre, l'un sous couvert de l'autre. Cet article constitutionnel est hérité du passé et ne permet pas d'affronter les défis qui sont lancés à la démocratie et au bien commun par la globalisation du capital. Qu'on appelle enfin un chat un chat ! Vous l'aurez compris, la société que nous sommes quelques-uns à souhaiter aurait une autre définition de la propriété. Elle garantirait certainement la possession des biens de consommation et des instruments de travail, et se défierait de tout ce qui donne à une minorité du pouvoir sur d'autres êtres humains et l'autoriserait à abîmer la nature. Elle mettrait la propriété sous haute surveillance du bien commun. N'ayant pas — peut-être pas encore — trouvé de forme constitutionnelle susceptible d'exprimer cette aspiration pleinement, je vous invite à soutenir l'amendement Lehmann et, s'il devait échouer, à refuser l'article qui vous est proposé.

F René PERDRIX

Merci au constituant Gonthier de son intervention. La discussion est toujours ouverte. La parole n'est pas demandée. Nous passons au vote. Je soumets à votre premier vote la proposition d'amendement déposée par M. Lehmann. Les constituantes et les constituants qui soutiennent l'amendement Lehmann sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s'opposent à la proposition Lehmann sont priés de le manifester en levant la main. Par 63 voix contre 53, vous avez refusé l'ajout d'un amendement Lehmann au texte de la commission.

L’amendement Lehmann est refusé par 63 voix contre 53.

F René PERDRIX

Il nous reste à confirmer le texte de la commission pour l'inscrire dans notre projet. C'est ce que nous faisons maintenant. Les constituantes et les constituants qui acceptent l'inscription d'un article 3.26 dans notre projet sont priés de le manifester en levant la main. Les personnes qui refusent l'inscription d'un tel article 3.26 sont priées de le manifester en levant la main. Les abstentions. Par 85 oui contre 22 non avec 12 abstentions, vous avez accepté l'inscription d'un article 3.26, «Droit à la propriété», dans notre projet de Constitution.

Article 3.26 — Droit à la propriété
(par 85 oui contre 22 non et 12 abstentions)
La propriété est garantie.
Une pleine indemnité est due en cas d'expropriation ou de restriction de la propriété qui équivaut à une expropriation.

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è Article 3.30 — Droit de la partie

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de l'article 3.30, «Droit de la partie». Cet article est fort long. Nous avons le dépôt d'une motion d'ordre du groupe Radical en préalable. Mme la constituante Luisier a la parole.

F Christelle LUISIER

Le groupe Radical dépose une motion d'ordre concernant l'article 3.30. Avec cette motion d'ordre, nous vous proposons de choisir d'emblée le texte de base sur lequel nous allons travailler tout à l'heure, car ces deux articles — l'amendement Radical et le texte de la commission — reflètent une vision tout à fait différente de la manière dont nous devons aborder la question. Cela nous permettrait de trancher directement la question de principe — d'évaluer si l'Assemblée désire un texte concis ou détaillé –, et cela nous éviterait aussi d'épurer pour rien le long article de la commission, si d'aventure l'amendement Radical était accepté par l'Assemblée.

F René PERDRIX

La motion d'ordre est-elle appuyée? Je rappelle qu'il faut une vingtaine de constituants. Je crois que c'est largement le cas. La motion d'ordre est donc prise en considération et elle peut être défendue. Mme Luisier veut-elle défendre sa motion d'ordre avant que nous passions au vote? Madame la vice-présidente de la commission.

F Jeanne-Marie PERRIN

Au nom de la commission 3, nous ne pouvons pas accepter cette motion d'ordre et refuser de traiter ces droits-là. Il est normal que nous en discutions. Notre commission 3 a eu pour mission d'étudier ces articles. J'engage la plénière à en faire autant. La population percevrait très mal que l'Assemblée constituante ait fait l'impasse sur ce débat. Dans la Constitution fédérale, ces droits sont disposés en quatre articles, les 29, 30, 31 et 32. Le texte vaudois n'est pas plus long. Dans une deuxième lecture, nous pourrions avoir une discussion et nous interroger sur une éventuelle volonté de présentation sous une forme plus concise. Je vous demande donc de rejeter cette motion d'ordre et d'entrer dans l'étude de l'article 3.30.

F René PERDRIX

Monsieur le constituant Recordon demande la parole. Ah, excusez-moi ! Mme Amstein, vous êtes prioritaire. Ensuite M. Recordon.

F Claudine AMSTEIN

Nous sommes toujours convaincus — et vous avez certainement dû le remarquer – pour une Constitution concise, mais exceptionnellement, ici, nous allons soutenir la proposition très détaillée de la commission. Nous ne sommes pas convaincus, dans l'état actuel, qu'il faille être aussi détaillé, mais à ce stade de la version zéro, nous privilégions la proposition de la commission et nous nous rallions à ce texte comme étude. Bien évidemment, nous appuierons un certain nombre d'amendements.

F Luc RECORDON

La notion de Constitution n'est pas si ancienne. C'est un acquis qui s'est dégagé progressivement au fil du deuxième millénaire que nous venons de terminer. Je pense que le texte véritablement fondateur, c'est la Magna Carta — la Grande Charte que les Anglais se sont donnée pour limiter le pouvoir excessif du roi à l'époque de Jean Sans Terre, à l'époque des Croisades, profitant de ce que Richard Coeur de Lion avait quitté le sol anglais, et cela parce qu'ils percevaient que le pouvoir pouvait avoir des excès, pouvait avoir des abus. C'est aussi le fondement du libéralisme, avec tout ce qu'il a apporté d'essentiel à la création de notre société, qui reste aujourd'hui encore un de ses fondements que nous avons redits au début de cette Constitution. Ces libertés se sont construites d'abord contre les abus du pouvoir judiciaire. Encore aujourd'hui, le pouvoir judiciaire garde sur le citoyen une capacité d'action extrêmement considérable. C'est la raison pour laquelle il est normal, il est historiquement explicable et constaté, que les garanties que la partie doit obtenir dans le procès soient de rang constitutionnel pour nombre d'entre elles. Les discours sur la concision n'ont pas leur place ici. Je regrette d'avoir à le dire, il s'agit d'une éthique de base de notre société que d'avoir, dans ce domaine extrêmement sensible, des précisions de rang constitutionnel. Ce n'est pas pour rien que le constituant de 1885 dans le Canton de Vaud — si vous relisez les premiers articles — a mis en tête de son texte un certain nombre de garanties de ce genre. On peut discuter ensuite sur celles qui doivent figurer ou non dans la Constitution, mais l'essentiel de ce qui vous est proposé par la commission a manifestement sa place, pour des raisons de principe, dans notre Constitution. Je vous invite à suivre la commission.

F Christelle LUISIER

Je suis consciente que l'amendement Radical qui vous est présenté est aussi radical au sens propre du terme, puisqu'il condense en deux lignes les quatorze alinéas et quarante lignes proposés par la commission. Et pourtant, j'ose vous demander ici, pour une fois, de prendre le risque de la concision et aussi, à mon avis, de la clarté. Le groupe Radical est parti du constat suivant: la commission a fait un travail énorme qu'il faut saluer, mais le résultat est insatisfaisant. Le texte proposé est touffu, il est détaillé, peu lisible et beaucoup trop long. L'objectif de base était louable — il faut une Constitution qui soit pédagogique. Or ici, on essaie d'être pédagogique, mais on noie le lecteur ou la lectrice sous une multitude de détails, ce qui rend le texte totalement illisible. Par ailleurs, on ne se contente pas d'évoquer les droits, mais on les décrit de manière si détaillée que l'on a pratiquement l'impression d'avoir le commentaire de la Constitution sous les yeux, et non la Charte fondamentale elle-même. Enfin, on essaie encore d'être exhaustif. On donne l'impression que le texte est complet, mais cette image est trompeuse. Prenons par exemple le droit d'être entendu. L'alinéa 2 nous explique que le droit d'être entendu comprend le droit de consulter le dossier, le droit de recevoir une décision motivée avec les voies de recours. Or, si l'on voulait poursuivre cette démarche jusqu'au bout, il faudrait mentionner tous les éléments qui constituent le droit d'être entendu, et pas seulement certains d'entre eux. Il faudrait donc aussi énoncer le droit de participer à l'administration des preuves, et ceci n'est qu'un exemple, qui montre simplement qu'en essayant d'être exhaustif, on reste toujours incomplet. Enfin, je pourrais comprendre l'utilité d'un tel article, très détaillé, s'il proposait des nouveautés fondamentales par rapport à la Constitution fédérale. Or ici, l'article qui nous est proposé se contente de reprendre sous une forme différente les quatre articles de la Constitution fédérale. Pour toutes ces raisons, le groupe Radical a décidé d'élaborer un article beaucoup plus concis. Nous aurions pu — purement et simplement — proposer de supprimer l'article 3.30, en estimant que le texte de la Constitution fédérale est suffisant. Cependant, dès lors que nous avons décidé d'avoir un catalogue des droits fondamentaux dans notre Charte fondamentale, il nous a semblé important de faire figurer ces libertés. En cela, je rejoins M. Recordon qui s'est exprimé tout à l'heure, mais simplement à titre de rappel. On nous dira peut-être que les garanties de procédure sont trop importantes pour être liquidées en deux lignes. A cela, je répondrai que nous avons un commentaire de Constitution dans lequel nous pouvons mettre de tels détails. Et puis, il faut aussi laisser la loi définir les modalités qui concernent ces libertés. Pour toutes ces raisons, je vous demande de soutenir l'amendement Radical.

F Allegra CHAPUIS

Je crois vraiment qu'on ne peut pas faire l'économie de cette discussion. Effectivement, ces garanties sont peut-être évidentes pour nous, mais nous avons beaucoup de chance d'avoir un système qui nous permet d'avoir ces garanties et je crois que ce n'est pas un luxe de le rappeler. Il n'y a pas besoin d'aller très loin au-delà de nos frontières pour se rendre compte de la chance que nous avons ici d'avoir un système qui fonctionne, où des choses, qui sont peut-être évidentes et des détails pour Mme Luisier, ne le sont pas pour beaucoup, beaucoup de monde. Je pense qu'au niveau de notre Canton, nous pouvons être fiers du système et nous pouvons remettre dans notre Constitution au niveau cantonal des points aussi importants et qui ont une valeur symbolique extrêmement forte. C'est pour cela que je vous demande de rejeter la motion d'ordre Radicale.

F Jeanne-Marie PERRIN

Pour répondre à Mme Luisier, vous nous faites un mauvais procès, Madame. Avant de dire que notre texte est insatisfaisant, confus, laissez-nous au moins la manière de le défendre, s'il vous plaît. Laissez à la commission le soin de défendre son travail, d'expliquer, article par article.

F René PERDRIX

La parole n'est plus demandée. Nous passons à la votation sur la motion d'ordre. Les constituantes et les constituants qui appuient la motion d'ordre Radicale demandant de traiter prioritairement, par un vote, le choix que nous ferions sur la manière de traiter les droits de la partie, sont priés de le manifester en levant la main. Merci. Ceux qui s'opposent à cette motion d'ordre. La majorité est évidente.

La motion d'ordre Radicale (choix d’un texte de base au préalable) est refusée.

F René PERDRIX

Nous entrons dans la discussion sur l'article 3.30 tel que nous le propose la commission, «Droit de la partie», avec une intervention de Madame la vice-présidente de la commission 3.

F Jeanne-Marie PERRIN

Nous sommes partis, peut-être pour un petit bout de temps, mais c'est nécessaire. Merci. Le temps dépendra des interventions. Dans les constitutions récentes, neuchâteloise et bernoise, les diverses garanties de procédure sont regroupées. Votre commission a décidé de faire de même et de les regrouper dans la Constitution vaudoise. Elle a accepté une reprise de la Constitution fédérale, article 29. Il s'agit de droits touchant directement le citoyen, et celui-ci doit pouvoir trouver ses garanties en entier dans le même document. Cet article a été accepté par une large majorité de la commission. Je fais une brève introduction à chaque partie et je laisserai le soin à Mme Haefliger de commenter le contenu par des transparents qu'elle vous a préparés. La partie I pose les règles qui valent pour toute procédure judiciaire ou administrative. Mme Haefliger, vous avez la parole.

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è Article 3.30 — Partie I: Garanties générales de procédure

F Sylviane HAEFLIGER

Pour qu'on puisse discuter facilement sans se perdre, je vous ai préparé un document qui va apparaître. L'alinéa qui vous apparaît encadré est l'alinéa tel que la commission vous le présente. Vous avez de la chance, ça commence facilement, le premier a été accepté sans discussion et il n'y a rien à rajouter du tout. [au président] Je vous ai préparé une version sur papier pour vous éviter le torticolis.

F René PERDRIX

Merci, c'est gentil, Mme Haefliger.

F Sylviane HAEFLIGER

Cet alinéa-là, inutile d'en donner lecture, on peut tous lire, il figure dans la Constitution fédérale. A droite en haut, c'est l'article qui est repris tel quel, celui-là on le passe sans autre. Si l’on veut activer, je vous suggère de ne pas rajouter quelque chose là où il n'y a pas… [rires]. J'ai dit que je suggérais.

F René PERDRIX

Mme Haefliger, je crois qu'il faut que vous nous expliquiez votre méthode, ce qui nous permettrait d'entrer là-dedans et puis ensuite, on verra comment on peut faire avec.

F Sylviane HAEFLIGER

Alors la méthode, c'est vous qui la choisissez. Moi, je suis à votre disposition pour vous présenter le travail de la commission, c'est tout. C'est vous qui décidez si vous voulez prendre chaque alinéa l'un après l'autre.

F René PERDRIX

Je constate une chose. Dans les documents que nous vous avons envoyés, nous avons traité la motion d'ordre du groupe Radical. Nous avions ensuite l'amendement du groupe Radical. Je poserai d'abord la question à la constituante Luisier si elle veut réintervenir pour défendre l'amendement du groupe Radical dans la nouvelle formulation ou pas. [brouhaha — intervention inaudible, hors micro] Non, mais si la présentation aboutit à un vote il faut qu'on traite les amendements déposés. Madame la vice-présidente.

F Jeanne-Marie PERRIN

Excusez-moi, mais il me semblait avoir été claire. Je donnais la parole à Mme Haefliger qui présentait son travail. Je crois que, vu qu'on est entré en matière, il n'y a pas de raison de revenir en arrière une fois que le travail commence à être présenté.

F René PERDRIX

Mais il s'agit d'une présentation du travail et pas d'un vote sur le fond sans discussion. Alors nous poursuivons la présentation du travail, mais nous ne nous prononçons pas par des votes avant d'avoir pu traiter les autres amendements déposés.

F Sylviane HAEFLIGER

Il y a un léger problème: pour le contrôle de la clarté de la présentation, il y a un numéro par ligne, alors qu'au fond on pourrait les regrouper par quatre.

F René PERDRIX

Ce que nous pouvons faire, c'est traiter les amendements au fur et à mesure de la présentation. Vous avez scindé les droits de la partie en sections, on traite section après section tel que vous nous le proposez et il faut que nous puissions y raccrocher les amendements déposés concernant ces sections. Est-ce que vous avez identifié dans votre présentation les amendements déposés?

F Sylviane HAEFLIGER

Oui.

F René PERDRIX

Je veux bien tenter d'avancer comme ça, mais vous admettrez que de temps en temps il puisse y avoir une légère suspension d'audience pour ne pas oublier un amendement déposé. Mme Salamin.

F Jeanne-Marie PERRIN

Excusez-moi, je voudrais encore préciser que Mme Haefliger présente le travail de la commission et non pas son propre travail. Que ces choses soient bien claires entre nous. Merci. C'est son travail, mais ce ne sont pas ses idées. C’est donc le travail de la commission qu'elle essaie de retraduire par des couleurs différentes, et par une explication. Je lui laisse la parole, mais je tenais à préciser ceci.

F René PERDRIX

Merci de cette précision. Je vous suis du reste très reconnaissant d'avoir imaginé que nous ayons une procédure un peu particulière pour traiter d'un article si long. Nous allons tenter d'y entrer. Les choses ne sont pas simples. Vous ferez preuve d'un peu de patience, s'il vous plaît, parce que de temps en temps il y a de l'impatience dans l'Assemblée et ça n'accélère pas nos travaux. Mme Haefliger.

F Sylviane HAEFLIGER

Alors le deuxième alinéa. De nouveau, l'alinéa encadré est la proposition que la commission a retenue. Ce qui est en brun dessous est ce qui figure dans la Constitution fédérale. Ce qui est en rouge souligné est ce que la commission a rajouté, et ce qui est en couleur, ce sont les sources. Explication de cet article: dans la Constitution fédérale, il se borne à «Les parties ont le droit d'être entendues». Là, c'est le seul article où on a rallongé et je vais vous expliquer pourquoi. Nous avons estimé que le commun des mortels ne sait pas forcément que le droit d'être entendu comprend implicitement le droit de consulter le dossier de sa cause et de recevoir une décision motivée avec indication des voies de recours. Nous avons estimé que, pour que le citoyen comprenne de quoi il est question, il convenait de le lui préciser. Cette idée, ce n'est pas la commission qui l'a inventée, c'est la solution qui a été retenue dans la constitution neuchâteloise — que personne ne peut accuser d'être trop diluée — et dans la constitution bernoise. Les deux autres constitutions cantonales récemment revues se sont l'une et l'autre décidée définitivement pour cette solution-là. C'est la nôtre, mais c'est aussi celle des Neuchâtelois jusqu'à la «décision motivée», et les Bernois ont encore rajouté «avec indication des voies de recours». Est-ce que tout le monde sait que les plaignants ont le droit et même le devoir de consulter le dossier? A mon avis, pas forcément. Quant à l'indication des voies de recours, il est clair que si l'on ne vous dit pas que vous avez un droit de recours, si l'on ne vous dit pas à qui l'adresser et surtout si l’on ne vous indique pas les délais de recours, parce qu'une fois que le délai est passé, il est passé… C'est donc le seul alinéa qui est augmenté par rapport à celui de la Constitution fédérale et que nous avons retenu comme les Neuchâtelois et les Bernois. C'est fini pour cet alinéa. On passe au suivant.

L'alinéa retenu par la commission — ce qui figure en 3 — est: «Les personnes sans ressources suffisantes ont droit à l'assistance judiciaire aux conditions fixées par la loi». Ce qui apparaît en bleu, tracé, est ce qui est dans la Constitution fédérale et que nous n'avons pas retenu. A la place de notre phrase figure dans la Constitution fédérale «Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite». Nous avons préféré la première formulation. C'est la même, pour une fois, que les Neuchâtelois, ce qui est souligné en rouge. Par contre, nous avons rajouté «suffisantes» parce qu'entre «sans ressources» et «sans ressources suffisantes» il y a une nuance importante, sur laquelle on ne va pas entrer dans le détail ici, mais qu'il nous semblait important de préciser. Nous avons aussi enlevé l'assistance judiciaire gratuite parce que, comme chacun le sait, elle n'est pas gratuite, elle est remboursable. Cela nous semble donc être de fausses promesses de dire qu'elle est gratuite quand elle ne l'est pas. Nous avons également enlevé «à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès» puisque c'est implicite en disant «aux conditions fixées par la loi». Nous avons donc raccourci cet alinéa. De même, nous avons enlevé à cet endroit «(Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert)», parce que c'est aussi compris dans l'assistance judiciaire. Si vous voulez bien voir, nous avons considérablement rétréci cet article par rapport à ce qui figure dans la Constitution fédérale.

F René PERDRIX

Je crois que vous avez fini le traitement des trois premiers alinéas, la partie I. Concernant la partie I, nous avons le dépôt d'amendements. Nous les traitons et ensuite nous nous prononcerons sur cette première partie. Merci, Mme Haefliger. Merci très temporairement. Je crois que nous avons maintenant compris comment vous nous proposez d'avancer. Nous traitons l'amendement de Luze-Recordon. C'est M. Recordon qui intervient.

F Luc RECORDON

Cet amendement, préparé et déposé par mon collègue de Luze et par moi-même, a pour objet ce qu'on appelle le relief et la révision, c'est-à-dire les deux problèmes assez voisins dans lesquels une partie n'a pas pu, en temps utile, faire valoir ses droits et se retrouve — ou risque de se retrouver — avec un jugement défavorable en raison de cette situation. Dans notre culture, celle du Canton de Vaud proprement dit, on a facilement tendance à penser, si l’on a fait des études de droit, qu'il va de soi qu'il y ait un très large droit à pouvoir, en cas de défaut, obtenir un nouveau jugement, en tout cas une fois, et également d'obtenir la révision. Pour ce qui est du relief — c'est-à-dire le droit d'obtenir un nouveau jugement lorsqu'on a fait défaut, lorsqu'on a été absent au moment crucial –, il faut bien constater que notre Canton a là une tradition libérale tout à fait particulière qui ne se retrouve pas en dehors de chez nous. En matière de révision, nous sommes d'une largesse plus moyenne, mais dans l'ensemble nous avons quand même une solide tradition de possibilité de révision. Et c'est fondamental. Imaginez un cas que j'ai vécu. Un personnage se retrouve tout à coup avec un jugement fixant qu'il est le père de tel enfant par décision d'un tribunal — qui était en l'occurrence zurichois, mais peu importe – simplement parce qu'il s'est montré négligent — indiscutablement négligent — en n'allant pas rechercher à temps les actes qui lui auraient permis de se défendre au procès. Non seulement il devra payer toute sa vie pour cet enfant (là on pourrait dire que c'est le prix de sa négligence, c'est bien sûr cher payé), mais toute la relation de filiation (aussi bien du point de vue de l'enfant que du point de vue de ce père juridique) est déterminée uniquement par la négligence dont le personnage a fait preuve en n'allant pas rechercher à temps les documents nécessaires qui lui étaient notifiés. Il a été d'une extrême difficulté dans ce cas-là de se sortir d'affaire. Finalement il a été possible de mener un véritable procès sur cette question essentielle. Mais les conditions légales étaient serrées, il a fallu trouver toutes sortes d'artifices, d'ailleurs finalement par la voie du recours (et non par la voie ni du relief, ni de la révision) qu'il était possible de le faire. Cette situation, tirée il est vrai du droit zurichois, illustre l'importance qu'il y a à pouvoir faire en sorte que la justice des hommes se rapproche quand même à peu près de la justice tout court, si tant est que ce concept ait une véritable existence, mais à tout le moins que la justice des hommes ne soit pas trop formaliste, pas trop injuste au point d'apporter parfois des solutions extrêmes, par formalisme, totalement éloignées de la réalité de la vie et des faits. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé fondamental d'ancrer le principe de ce droit — dit au relief — et du droit à la révision dans notre Constitution. C'est indiscutablement une idée moderne, même la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'accorde pas encore dans ce domaine de garanties très satisfaisantes. Elle est assez maigre et la jurisprudence de la Cour de Strasbourg aussi. Nous ferions donc là une certaine oeuvre de pionnier, oeuvre de pionnier toutefois basée pour l'essentiel sur la constatation d'excellentes règles que nous avons dans notre droit de procédure civile et de procédure pénale, mais auxquelles nous conférerions, à l'échelon des principes, un rang constitutionnel.

F René PERDRIX

Merci au constituant Recordon du développement de son amendement. Je crois que nous avons épuisé la discussion sur la partie I. Y a-t-il un constituant ou une constituante qui demande la parole? Le constituant Haldy a la parole.

F Jacques HALDY

Je ne vais pas être très long. Il faut quand même un juste équilibre entre la proposition qui nous a été faite tout à l'heure de présenter une garantie qui ne dit rien et un véritable code de procédure, détaillé avec un droit au relief et un droit à la révision, que je ne viendrai bien entendu pas contester car ces institutions existent, elles sont utilisées, mais véritablement elles n'ont rien à faire à mon sens dans notre Constitution. Je crois que la commission a bien vu quels étaient véritablement les droits fondamentaux sans que l'on introduise des spécialités de procédure qui ne sont discutées par personne.

F Luc RECORDON

Je me vois tout de même contraint de rétorquer à mon excellent collègue et spécialiste de la procédure Jacques Haldy que ce ne sont pas de simples spécialités de procédure. Il faut se placer dans la perspective politique qui entoure ces questions. Nous avons des solutions relativement satisfaisantes chez nous, mais il faut savoir qu'on s'oriente de plus en plus vers la probabilité d'avoir un droit fédéral de procédure. Je crois qu'il est important de marquer les esprits pour le jour — et ce n'est peut-être pas si lointain — où la procédure pénale et la procédure civile seront prises en main par le législateur fédéral. Nos solutions, notre culture de la protection des libertés dans le domaine judiciaire, nous devons leur conférer une certaine aura, une certaine importance. Pour les motifs que je vous ai exposés à l'exemple de ce procès en paternité, je crois que vous avez pu comprendre qu'il s'agissait là d'une chose essentielle, dont le niveau constitutionnel ne se discute pas.

F Marcel COHEN-DUMANI

Je crois que vous avez rejeté assez rapidement la proposition du parti Radical qui consistait à venir avec une proposition succincte. Je crois que les débats qu'on vient d'entendre entre deux juristes, avec leurs arguties, vont nous entraîner très, très loin. J'aimerais juste expliquer, je comprends tout à fait ce que M. Recordon demande pour la défense de la partie qui est absente — j'aimerais juste [pousser] par négligence, il a tout à fait raison. Et puis juste un cas d'hypothèse, celui qui le fait exprès? Celui qui est absent exprès? Alors il y a des solutions, bien sûr, on va me répondre un tas de choses. Nous sommes en train véritablement, comme l'a dit M. Haldy, de discuter d'un code de procédure. Est-ce la place dans une Constituante? Honnêtement, je ne le pense pas. Je pense que les débats d'aujourd'hui sur ce point vont démontrer qu'à la fin vous vous rallierez à la proposition Radicale qui est vraiment radicale. Le débat va montrer que les définitions que nous souhaitons mettre dans la loi, le législateur sera pratiquement lié par ce que nous aurions discuté dans le débat, dans quel sens il doit faire la protection et arranger ou aménager le code de procédure dans le sens que la Constituante souhaite, mais il ne devrait pas figurer dans la Constitution.

F Philippe CONOD

Juste une remarque au sujet du 3ter. On nous dit «Lorsqu'une partie apprend des faits ou recouvre des moyens de preuve nouveaux et pertinents à un stade où la procédure normale ne lui permet plus de s'en prévaloir, elle est autorisée à les introduire au procès ou, le cas échéant, à obtenir la révision du jugement». Selon les codes de procédure, vous pouvez dans certains cas obtenir la révision d’un jugement. Avec cette précision-là, on nous dit «où la procédure normale ne lui permet plus de s'en prévaloir». Je ne comprends absolument pas ce que cela veut dire. Est-ce que lorsqu'un jugement est rendu et que l'affaire est pendante devant une Cour supérieure, on pourrait revenir avec de nouvelles preuves? Cet article n'est absolument pas clair. On vote d'autres articles qui prévoient une justice rapide, prompte et accélérée. Ici, vous avez exactement le contraire.

F Luc RECORDON

Je réponds volontiers à la question de mon collègue Philippe Conod. Il est exact de constater qu'à l'article 3ter proposé, deux hypothèses sont visées: d'une part, celle où le jugement a été rendu et, d'autre part, celle dans laquelle le jugement n'a pas encore été rendu. Chaque situation appelle sa solution. En cas de jugement rendu, il est clair que c'est la révision. En cas de jugement non encore rendu, c'est la procédure dite de la réforme, que nous connaissons aussi par une longue tradition dans notre Canton. C'est à ces institutions techniques que fait allusion le texte, en termes me semble-t-il compréhensibles pour chacun, sans user du jargon habituel. Il me semble que sur cette base-là, on peut parfaitement avoir les codes de procédure qui sont les nôtres actuellement, sans la moindre difficulté.

F René PERDRIX

La parole est-elle encore demandée sur cette partie I ainsi que sur l'amendement de Luze–Recordon? Si ce n'est pas le cas, nous passons au vote. Nous votons prioritairement sur l'amendement, c'est-à-dire l'ajout à l'alinéa 3 d'un point bis et d'un point ter proposés par l'amendement de Luze–Recordon. Les personnes qui soutiennent l'amendement de Luze–Recordon sont priées de le manifester en levant la main. Ceux qui s'opposent à l'amendement de Luze–Recordon. Par 60 voix contre 33, vous avez refusé l'ajout proposé par MM. de Luze et Recordon.

L’amendement de Luze — Recordon est refusé par 60 voix contre 33.

F René PERDRIX

Les trois alinéas tels que rédigés par la commission n'ayant pas été contestés ou mis en discussion par une ou un quelconque constituante ou constituant, je vous propose de passer au vote sur cette première partie. Ce n'est pas un vote d'inscription définitive, puisque nous l'effectuerons en fin de parcours de tout l'article. 

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è Article 3.30 — Partie II: Garanties de procédure judiciaire

Nous écoutons Mme Haefliger présenter la partie II.

F Sylviane HAEFLIGER

De nouveau, en encadré, vous voyez l'alinéa tel que proposé par la commission. En bleu et barré apparaît ce qui figurait en plus dans la Constitution fédérale. Nous avons précisé «a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi». Cette partie est extrêmement importante. Ce qui nous a encouragés, puisque tout le monde souhaite raccourcir, à enlever la phrase qui figure dans la Constitution fédérale («Les tribunaux d'exception sont interdits») parce qu'un tribunal d'exception est justement un tribunal autre que celui établi par la loi. D'après nous, si l’on dit «établi par la loi», l'interdiction des tribunaux d'exception est implicite. La même chose pour ce qui figure dans le dernier alinéa («La personne qui fait l'objet d'une action civile a droit à ce que sa cause soit portée devant le tribunal de son domicile. La loi peut prévoir un autre for»): puisque dans l'alinéa nous avons retenu «un tribunal établi par la loi», c'est la loi qui détermine le for. Par souci de simplification, nous avons donc également renoncé à faire figurer cette partie-là. Cet alinéa, lui aussi, est donc raccourci. C'est tout ce que j'ai à dire pour l'alinéa 4.

F René PERDRIX

On a une petite remarque, c'est que le texte qui figure sur l'écran n'est pas tout à fait le même que celui qui est à l'alinéa 4.

F Sylviane HAEFLIGER

Excusez-moi, je reconnais que c'est une erreur de frappe. En général, il y a toujours «compétent». Mais c’est la même chose, elle est établie par la loi. C'est la loi qui établit la compétence, donc la commission a enlevé ce mot. C'est moi qui me suis trompée…

F René PERDRIX

Il y a encore autre chose. L'article 4 dit «cette cause» et ici on a «sa cause».

F Sylviane HAEFLIGER

Là encore, je vous précise que c'est la solution qu'ont retenue tant les Neuchâtelois que les Bernois, qui ont aussi décidé de sabrer le reste et s'en sont tenus à cette partie raccourcie. «Toute personne a droit à une procédure simple, rapide et peu coûteuse». Ce n'est pas à moi de développer ici cet ajout, je crois que si l’on veut avancer, je laisserai la parole aux personnes qui soutiennent cette partie, et après à ceux qui n'en veulent pas puisqu'un amendement a été déposé sur ce sujet. Au fond, tout le monde a compris ce dont il est question. Si l’on veut avancer, je ne veux pas, moi, m'étendre sur le sujet. L'alinéa 6 est simple. De nouveau, l'encadré montre ce que la commission a retenu: «Sous réserve d'exceptions réglées par la loi, l'audience et le prononcé du jugement sont publics». C'est la formulation neuchâteloise, que nous avons préférée à celle qui figure dans la Constitution fédérale.

F René PERDRIX

Merci. Nous passons au traitement des amendements déposés pour cette deuxième partie. Nous traitons, si possible rapidement, du dépôt de ces deux amendements. Proposition de minorité Wellauer. Monsieur le constituant Wellauer a la parole.

F Pierre-Olivier WELLAUER

Vendredi dernier, on parlait d'interdiction de l'arbitraire. Le non-politique que je suis essayait de vous convaincre du fait que le débat n'était pas politique, qu'il n'était pas juridique, mais qu'il était exclusivement technique. La disposition qu'on vous propose d'adopter aujourd'hui, elle est mauvaise, elle est un leurre, elle est irréaliste, elle est impossible à appliquer, de sorte que le débat que je vous propose d'avoir aujourd'hui n'est pas politique, mais il est logique. Le cinquième alinéa de cette disposition propose que toute personne ait droit à une procédure simple, à une procédure rapide et à une procédure peu coûteuse. Procédure simple — comment voulez-vous imposer au juge d'adopter une procédure simple dans une affaire compliquée? Imaginez un procès en matière d'assurance sociale. Une personne demande une rente de l'AVS ou une rente de l'assurance invalidité. Il s'agit d'un procès compliqué. Il s'agit d'un procès dans lequel il y aura lieu d'ordonner des expertises. Il s'agit d'un procès qui ne peut être instruit de façon simple. Vous ne pourrez pas, de cette façon, imposer au juge de choisir une procédure simple. Vous avez un procès en matière de circulation routière. Vous avez un père de famille qui se fait shooter sur un passage protégé. C'est un procès en responsabilité civile. Il y une question de dommages-intérêts, de responsabilité. Vous ne pouvez obliger le juge à adopter une procédure simple. Le législateur ne peut pas imposer n'importe quoi. Imaginons que le peuple vaudois impose à la Constituante de lui soumettre un projet de texte suivant une procédure simple, rapide et peu coûteuse. Cela est évidemment impensable. Procédure rapide — cette procédure rapide est déjà prévue par le premier alinéa de la disposition, dont je vous rappelle qu'il dit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Si vous avez déjà dit au premier alinéa que la cause devait être tranchée dans un délai raisonnable, vous n'allez pas rappeler quatre alinéas plus loin qu'il faut qu'elle soit traitée rapidement. Enfin — et les magistrats qui siègent au sein de cette Constituante seront d'accord avec moi — la procédure peu coûteuse. Si une procédure est coûteuse, c'est à cause du justiciable. Ce n'est pas le juge qui ordonne les expertises qu'on ne lui a pas demandé d'ordonner. Ce sont les justiciables qui exigent du juge qu'il en fasse beaucoup. Vous ne pouvez donc pas — parce que ce serait inutile — imposer au juge d'adopter une procédure peu coûteuse, lors même que ce sont précisément les justiciables qui font que la procédure est coûteuse. C'est la raison pour laquelle je vous propose de me suivre et de ne pas ratifier la proposition tendant à l'adoption du cinquième alinéa de cette disposition.

F René PERDRIX

Merci à M. Wellauer du développement de son amendement. Nous avions un amendement Bovay. Je vous signale qu'il est retiré. M. Philippe Nordmann désire intervenir.

F Philippe NORDMANN

Je viens défendre ici le texte de la commission, c'est-à-dire le chiffre 5, «Toute personne a droit à une procédure simple, rapide et peu coûteuse». On ne dit pas dans quel délai les jugements doivent être rendus. On ne dit pas quel doit être le degré de simplicité de cette procédure. On ne dit pas non plus quel doit en être le montant. On veut par là poser un principe qui ne vise pas du tout à imposer quoi que ce soit au juge, mais bien plutôt — parce que le constituant est au dessus du législateur et on est ici dans la salle du Grand Conseil –, si possible et dans la mesure où ça n'échappera pas définitivement et totalement aux Vaudois parce que la procédure deviendra fédérale à imposer au Grand Conseil en réalité des principes de procédure simple, rapide et peu coûteuse. Cela signifie simplement que cette simplicité, cette rapidité et cette économie (je rappelle d'ailleurs que le principe de l'économie figure déjà, mon cher confrère, à l'article 1 du Code de procédure civile pour toutes les affaires, y compris les affaires compliquées) sont des principes généraux, de niveau constitutionnel, avec des modalités d'application. Il est bien évident que si l'on fait un procès sur la hauteur d'une haie entre voisins ou un procès pour une personne qui a été renversée sur un passage clouté et qui pose des problèmes délicats de dommages et intérêts, la simplicité ne sera pas la même dans les deux cas, ni le coût d'ailleurs. Mais je voudrais quand même dire qu'une erreur a été prononcée tout à l'heure par mon contradicteur, M. Wellauer: c'est que le coût ne dépend pas du tout uniquement du justiciable. Il dépend beaucoup du tarif judiciaire qui a été fixé au niveau cantonal, et je vais vous en donner un exemple en francs et en centimes, pour que vous voyiez de quoi l'on parle. Je défends dans une procédure une personne qui a précisément été victime d'un accident de la circulation. Il s'agissait d'un cadre d'une entreprise, qui réclame, capitalisés pour toute sa vie parce qu'il a été victime de cet accident quand il était jeune, environ Fr. 3 millions. Je vous demande combien cette personne doit effectuer devant la Cour civile d'avance de frais. Je peux vous donner la réponse, c'est Fr. 100'000. Fr. 100'000 d'avance de frais à payer, simplement parce que le tarif est proportionnel à la valeur litigieuse. C'est trois fois Fr. 33'000, une fois au moment du dépôt de la demande, une fois au moment de l'audience préliminaire et une fois au moment de l'audience de jugement. Vous pouvez vérifier cela et je me fais fort de vous le confirmer. Vous voyez donc que les Fr. 100'000 que cette personne doit avancer sont loin d'être peu coûteux, à moins que nous n'ayons pas les mêmes notions de coût. Peut-être encore un mot sur les assurances sociales. Précisément en matière d'assurance sociale — et cela figure dans les dispositions d'application de la loi sur le Tribunal des assurances –, on a une procédure sommaire qui obéit à la maxime d'office. Par conséquent, on a en principe une procédure simple, ce qui ne veut pas dire que la cause soit simple, mais on l'a déjà, cette procédure simple. Alors maintenons les grands principes ici (simple, rapide et peu coûteuse), évidemment dans la mesure du possible, à l'impossible nul n'est tenu, mais donnons ainsi une indication claire au législateur !

F René PERDRIX

Merci au constituant Nordmann de son intervention. La parole est-elle encore demandée? Si ce n'est pas le cas, nous passons au vote sur l'amendement Wellauer. Je vous rappelle que l'amendement Wellauer conclut à la suppression pure et simple de l'alinéa 5. Les personnes qui soutiennent l'amendement Wellauer visant à la suppression de l'alinéa 5 sont priées de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s'opposent à l'amendement Wellauer sont priés de le manifester en levant la main. Abstentions.

L'amendement Wellauer est accepté par 64 oui contre 57 non avec 2 abstentions. 

F René PERDRIX

Nous avons traité de la partie II. Il est temps de faire une petite pause. Nous reprenons le travail à 16 heures précises.

«Pause»

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è Article 3.30 — Partie III: Garanties pénales

F Jeanne-Marie PERRIN

Nous abordons la partie III. Ces alinéas sont acceptés dans leur ensemble à une large majorité. Ils prévoient des garanties minimales qui appartiennent spécifiquement aux personnes impliquées dans une procédure pénale. L'alinéa 7 parle de la présomption d'innocence. L'alinéa 8 d'information à la personne accusée des accusations portées contre elle et des droits qui lui appartiennent. Ces informations seront données d'une manière détaillée, dans une langue que la personne comprend. Je laisse la parole à Mme Haefliger qui continuera son exposé.

F Sylviane HAEFLIGER

Dans ce chapitre, la commission a décidé d'intervertir, par rapport à la Constitution fédérale, le 3 et le 4, pensant que les garanties de procédure judiciaire étaient plus logiquement à mettre avant les garanties en cas de privation de liberté. Par rapport à la Constitution fédérale, nous avons rajouté «et dans une langue qu'elle comprend», ce qui est un problème qui se rencontre souvent pour tous les gens qui sont arrêtés et ne parlent pas français. C'est quelque chose que nous souhaitions faire figurer particulièrement, pour que celui qui ne parle pas la langue sache qu'il a le droit de le demander. Nous avons aussi rajouté «et des droits qui lui appartiennent». Par contre, pour simplifier la présentation, nous avons enlevé «Elle doit être mise en état de faire valoir les droits de la défense», estimant que cela ne rajoutait rien de particulier au reste de l'alinéa.

La dernière partie qui figure dans la Constitution fédérale («Toute personne condamnée a le droit de faire examiner son jugement par une juridiction supérieure. Le cas où le Tribunal fédéral statue en instance unique sont réservés») a également été supprimée, car nous avons pensé que le droit de recours était compris dans les droits traditionnels et que c'était un ajout supplémentaire dont on pouvait se passer dans notre Constitution.

L'alinéa 9 est implicitement compris dans les droits généraux, donc le droit d'avoir un avocat. Par contre, la commission a souhaité faire figurer ici — ce qui est une nouveauté vaudoise — le droit absolu, en cas de détention, de se voir attribuer un avocat d'office. Si ce qui est souligné en double — qui est donc un ajout vaudois – tombe, nous pourrions rediscuter si la phrase au-dessus a vraiment sa place ici, ou si c'est un ajout qu'on peut également enlever. Cela se rediscutera une fois que le droit absolu en cas de détention aura été discuté. L'alinéa 10 est rajouté. C'est aussi une nouveauté vaudoise, que l'on retrouve également dans les constitutions neuchâteloise et bernoise, mais qui ne figure pas dans la Constitution fédérale.

F René PERDRIX

Merci. Nous sommes en possession d'une proposition de minorité Haefliger. J'imagine que vous prenez la suite.

F Sylviane HAEFLIGER

Je précise que jusqu'à présent je présentais les travaux de la commission. Cet amendement, c'est avec une autre casquette, c’est un amendement en mon nom personnel. Je combats donc le droit absolu à un avocat en cas de détention. Ce droit existe déjà dans les faits, parce que la première mesure que prend le juge d'instruction, dans les vingt-quatre heures après l'arrestation, c'est d'informer la personne arrêtée de ses droits. Parmi ces droits, le premier est de lui demander si elle souhaite que soit désigné un avocat. Ce droit existe donc dans les faits. Ensuite, si la personne est détenue pendant un mois, au bout d'un mois on lui attribue de toute façon d'office un avocat. Ce sont des droits qui, à mon avis, existent déjà. Ils ne sont pas impératifs, c'est “si la personne arrêtée le demande”. Il est clair que les membres de la commission qui souhaitaient que l'on rajoute cette phrase pensaient au problème psychologique du détenu qui est au secret et ne communique plus avec personne pendant le premier mois de l'instruction. Le problème là est surtout financier. Est-ce que les Vaudois sont décidés à consacrer un montant très important pour accorder un avocat d'office à n'importe quelle personne qui est arrêtée? Mais à part le problème financier, si vous êtes d'accord d'accorder des sommes supplémentaires pour des crédits de fonctionnement à la justice, dans ce cas j'ai d'autres propositions à vous faire. A mon avis, l'argent qu'on voudrait attribuer peut l'être à d'autres choses, dans le fonctionnement des tribunaux par exemple. Ainsi, vous savez tous que les tribunaux fonctionnent avec un retard chronique parce que les dossiers ne peuvent pas être suivis dans le délai qu'on voudrait, ce qui porte préjudice aux plaignants, aux parties civiles, jusqu'à ce qu'elles puissent faire valoir leurs droits. A mon avis, on doit aussi se préoccuper du droit des plaignants et des victimes pour faire valoir leurs droits. Or, tant que le tribunal n'a pas statué, on ne peut pas ouvrir d'action civile. Il y a encore d'autres cas, par exemple, si vous imaginez les conditions de vie en milieu carcéral, combien les personnes sont entassées dans des cellules. Je peux aussi vous proposer quelque chose qui me tient à coeur. Savez-vous qu'il n'y a pas de maison dans laquelle on puisse interner plus ou moins les enfants et les mineurs? Il n'y en a pas dans le Canton de Vaud, on les envoie dans le canton de Neuchâtel et dans celui du Valais. Pour des foyers semi fermés pour jeunes filles, il n'y en a pas.

Si vous êtes décidés à augmenter les crédits pour le fonctionnement de la justice, d'accord, mais je souhaiterais qu'avant de favoriser en tout premier une catégorie particulière, soit des gens qui sont arrêtés, on ait une vision globale de ce qu'on veut faire des deniers publics pour savoir qui on veut favoriser, et favoriser équitablement ceux qui auraient besoin de cet argent. Encore une fois, je reviens au commencement, je rappelle qu'une personne arrêtée a le droit, en préventive, de demander un avocat, qu’on le lui dit ,et que de toute façon, au bout d'un mois elle a un avocat d'office.

F Alex DEPRAZ

Bolomey, employé modèle et père de famille, est emmené par les gendarmes. Interrogé pendant plus de deux heures, il comprend qu'on le soupçonne de graves délits. Présenté au juge d'instruction, il est placé en détention préventive. Bolomey n'a auparavant jamais eu à consulter d'avocat; il s'en méfie et a des moyens financiers limités. Il croit pouvoir s'en sortir seul. Après une semaine de ce régime, il comprend que sa situation est plus compromise que prévu et il s'adresse au juge d'instruction pour qu'on lui désigne un avocat d'office. Surprise ! Il se voit notifier une décision négative par le président du tribunal, puisque, à ce moment-là, c'est de la compétence du président du tribunal de décider si oui ou non le prévenu a droit à un avocat d'office. Ce n'est qu'un peu plus d'un mois après son arrestation, et quelques jours après une longue audition particulièrement pénible, qu'il voit pour la première fois un avocat. Il ne s'agit pas là d’un roman, mais bien de la réalité de la procédure pénale dans notre Canton. L'article 104 du Code de procédure prévoit que le prévenu doit être pourvu d'un défenseur lorsque la détention dure plus de trente jours, et donc, a contrario, que lorsqu'elle est d'une durée inférieure à trente jours, le prévenu n'a pas automatiquement droit à ce qu'on lui désigne un avocat, même s'il le demande. Ce délai de trente jours est bien entendu insatisfaisant du point de vue du droit du prévenu à être mis en état de faire valoir les droits de la défense, qui est par ailleurs garanti par la Constitution fédérale. La personne détenue est démunie pour faire valoir son point de vue face aux autorités d'instruction. La détention est une mesure extrêmement grave puisqu'elle porte atteinte à la liberté la plus élémentaire. La discrimination qui existe à l'heure actuelle, en cas de détention dans notre Canton — entre le prévenu qui a les moyens de consulter un avocat et qui pourra le faire dans les premiers jours de sa détention, et le prévenu dépourvu de moyens et qui doit attendre plus d'un mois pour pouvoir s'entretenir avec son avocat — n'est pas justifiée et elle doit céder le pas à une meilleure garantie des droits de la défense. J'ajoute qu'il ne s'agit pas là d'exprimer une méfiance vis-à-vis des autorités judiciaires, mais bien de mieux garantir à toute personne le droit à une défense, ce qui est une composante indispensable de la justice pénale dans un État de droit. Au cas où nous acceptons cette proposition de la commission, le législateur devra sans doute, dans un premier temps, modifier le Code de procédure pénale cantonale et adopter une disposition équivalente à celle que connaissent d'autres cantons. Je mentionne par exemple le droit genevois qui donne le droit à la désignation d'un défenseur d'office dès le premier interrogatoire. Je termine en rappelant que le propre des droits fondamentaux est que toute personne en bénéficie et je vous pose la question: si vous étiez détenu, accepteriez-vous d'attendre trente jours avant de pouvoir rencontrer votre avocat? Si vous répondez non, je vous invite à refuser l'amendement de Mme Haefliger et à soutenir la proposition de la commission.

F Irène WETTSTEIN-MARTIN

La proposition de minorité Haefliger me paraît également moyenâgeuse. Certes, le juge informe le détenu de ses droits d'obtenir un avocat mais, comme l'a dit la personne qui est venue avant, cette demande peut effectivement lui être refusée. Pendant trente jours, il peut se retrouver sans avocat parce qu'il n'a pas les moyens de le payer. Or, l'on sait qu'une personne qui est détenue est fragilisée, ne serait-ce que parce qu'elle ignore quelles sont ses réelles possibilités d'être libérée, quelles sont ses chances dans le cadre d'un recours contre une décision lui refusant sa mise en liberté. Ne serait-ce que parce qu'elle ignore quelle va être la condamnation à venir, et surtout parce qu'elle est à la merci du juge d'instruction, car elle n'a pas encore été préparée quant à ce qu'il faut dire ou ne pas dire pour ne pas porter atteinte à ses intérêts. Alors certains craquent, se chargent trop. D'autres restent trop longtemps en prison, cela coûte très cher naturellement à l'État, et d'autres se suicident, ce qui est irrémédiable. On admet en début de phrase de l'alinéa 9 que toute personne impliquée dans une procédure pénale a droit à un avocat si cela est nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts. Or, indéniablement, la sauvegarde de ses intérêts naît déjà dans les premiers jours d'une détention. Chers collègues en liberté, une garantie moderne en matière pénale exige donc l'existence d'un droit absolu à avoir un avocat en cas de détention.

F Philippe NORDMANN

Là aussi, je voudrais appuyer la formule de la commission au détriment de l'amendement Haefliger. Je ne reprendrai pas des arguments qui ont déjà été donnés, mais je voudrais quand même rappeler que nous discutons des principes généraux de la défense des citoyens, et que les arguments purement financiers doivent ici céder le pas. Je suis un peu étonné de voir que Mme Haefliger a mis au fond sur le même plan de la discussion une augmentation souhaitable des budgets vaudois pour la procédure et l'organisation judiciaire, et la défense des grands principes fondamentaux, notamment le droit à la liberté auquel nous sommes tous attachés, et spécialement évidemment ceux dont le nom du parti porte en lui le terme de liberté. Chaque citoyen peut demain être arrêté, non pas parce que l'État lui veut du mal — et ça on l'oublie un petit peu — mais aussi parce qu'il est victime d'accusations privées. Vous avez tous en mémoire un certain nombre de cas où, par exemple dans le cadre d'un divorce, une des parties formule à l'encontre de l'autre parent une accusation de comportement inadéquat vis-à-vis des enfants. Des accusations qui peuvent être injustifiées, qui parfois ne le sont pas, mais on ne le sait pas au départ. Une personne accusée à tort, d'attouchements vis-à-vis de ses enfants, par exemple, au moment où elle est arrêtée, se trouve dans un état psychologique tellement grave, tellement de dépendance et dans une telle détresse, que véritablement un contact extérieur avec un avocat est indispensable. Les vieux chevaux de retour, ceux qui connaissent bien le mécanisme de la procédure vaudoise, ceux-là ne sont pas empruntés, ils ont pratiquement sur eux-mêmes déjà une liste des avocats à contacter. Ceux qui ont l'habitude de la procédure pénale parce qu'ils en sont à leur troisième ou quatrième affaire criminelle, ils connaissent bien le mécanisme, il n'y a pas de souci à se faire, ils se débrouilleront, au besoin avec les fonds volés ou escroqués, pour financer un avocat. Nous parlons des gens démunis et nous parlons des gens qui sont dans une situation de détresse. Mme Haefliger nous a dit, oui mais attention, pensons également aux victimes. Précisément, on va lui répondre, on a pensé aux victimes, on a fait une loi qui s'appelle la LAVI, une loi de l'aide aux victimes, qui prévoit également le financement d'un avocat pour les victimes qui n'en ont pas les moyens. Cette loi est en vigueur et les victimes n'ont pas du tout été oubliées dans ce débat. Par conséquent, au plan des principes fondamentaux, il faut véritablement écarter l'amendement Haefliger.

F Odile JAEGER

Je comprends tout à fait la position de ceux qui demandent que l'on applique un droit plus grand à ceux qui sont en procédure pénale, mais je pose quand même une question aux personnes qui ont proposé ce texte. Est-ce que par exemple un petit dealer qui est arrêté, disons à Lausanne, que l'on met à la gendarmerie pendant un jour ou deux, ce petit dealer — qu'on va relâcher au bout d'un certain temps mais il y aura quand même une enquête pénale qui sera ouverte –, ce jeune homme ou cette jeune fille pourront-ils demander d'office un avocat? Ceci augmentera énormément le nombre d'avocats d'office, ce sera obligé. Je pose quand même cette question.

F Philippe NORDMANN

Je vais tenter de répondre à la question de Mme Jaeger. Je crois que c'était une question, c'est bien ça? L'avocat n'est pas, évidemment, toujours avec sa tente de camping et son sac de couchage au pied du Palais de justice, prêt à répondre immédiatement. Il ne faut pas confondre interpellation et détention. Bien évidemment, une personne qui est arrêtée, un petit dealer — pour reprendre votre expression — qui est interpellé, qui est peut-être mis un certain temps en garde à vue, comme on dit en France, dans les locaux de la police, peut demander un avocat. Il ne l'aura pas tout de suite. Il n'est pas question qu'en vingt-quatre ou quarante-huit heures, il ait rencontré son avocat. Simplement, il peut le demander et s'il est placé en détention pour un peu plus que quelques heures ou une très brève durée, à ce moment-là cette garantie jouera. Mais comme toutes les garanties données par la Constitution, elles ne sont jamais absolues au point que dans la minute qui suit immédiatement l'arrestation, cette personne aura le contact avec son avocat. On restera donc raisonnable. Aucune disposition de la Constitution ne doit être interprétée ou appliquée de manière excessive ou déraisonnable.

F Sylviane HAEFLIGER

Je suis quand même surprise qu'on ne fasse pas davantage confiance au magistrat qui prend la décision. Le droit, il existe. Il a le droit de demander un avocat. Dans les faits, ça s'adresse au tribunal et c'est le président qui statue sur sa demande. On veut nous faire croire que forcément, même s'il le demande, qu'il ait une bonne ou une mauvaise raison, ce sera refusé. Faites donc confiance au président qui accorde ou non ! Il le fait en son âme et conscience et je peux vous assurer que s'il a le sentiment qu'il a besoin d'un avocat, on le lui accordera. On ne le refuse pas dans toutes les situations, comme on veut nous le faire croire. De même, si la personne détenue a le sentiment qu'elle est détenue à tort, elle peut — dans les droits qu'on verra dans la partie suivante — de demander en tout temps à être libérée. Alors chaque fois on statuera. Et ce n'est pas une seule personne, ce sont plusieurs personnes qui détermineront si oui ou non la demande est fondée. Et pour les demandes fondées, il y a déjà des droits qui existent, qui sont appliqués. Au fond, ce qu'on veut nous faire accepter, c'est tous les droits, sans préciser s'ils sont fondés ou infondés. A mon avis, c'est quand même quelque chose sur lequel on doit s'arrêter.

F René PERDRIX

La parole est-elle encore demandée? Si ce n'est pas le cas, nous passons au vote sur l'amendement Haefliger. Je vous rappelle qu'il conclut à supprimer les termes «Ce droit est absolu en cas de détention» à l'alinéa 9. Le chef des scrutateurs vous recommande de ne pas bouger lors des votes. Ceci s'adresse surtout aux personnes qui sont debout derrière. Avez-vous déjà essayé de compter des poules dans un poulailler? C'est très difficile [brouhaha]. On fait donc des décomptes de constituants stabilisés. Merci. Les constituantes et les constituants qui appuient la proposition Haefliger sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s'opposent à la proposition Haefliger sont priés de le manifester en levant la main. Les abstentions.

L'amendement Haefliger est refusé par 66 non contre 63 oui et 3 abstentions.

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è Article 3.30 — Partie IV: Garanties en cas de privation de liberté

F René PERDRIX

Comme il n'y a pas d'autre contestation du texte de la commission, nous passons au traitement de la partie IV. Est-ce que Madame la vice-présidente veut intervenir préalablement?

F Jeanne-Marie PERRIN

Ces articles ont été acceptés largement. Ils rassemblent les garanties de procédure dont dispose une personne privée de liberté.

F Sylviane HAEFLIGER

L'alinéa que nous vous proposons est une modification cosmétique. Il nous semblait que la formulation neuchâteloise était plus élégante que la fédérale: «Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas et selon les formes prévus par la loi». Il n'y a rien à rajouter là-dessus. La Constitution fédérale disait «Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit».

L'alinéa suivant a subi davantage de modifications. Dans l'encadré, en haut, toujours le nôtre. Dans la Constitution fédérale («Toute personne privée de sa liberté»), nous avons enlevé «qui se voit» parce que ce n'était pas joli. Ensuite il y a eu quelques discussions pour savoir si nous voulions «doit» ou «a le droit». La Constitution fédérale a mis «a le droit» et la plupart d'entre nous ont estimé que «doit» avait plus de force, mais ça ne change pas le principe lui-même. C'est aussi ce que les Neuchâtelois avaient retenu.

«Dans une langue qu'elle comprend», nous l'avons enlevé ici parce que ça figure déjà plus en avant dans les garanties précédentes, cela ne sert donc à rien de le citer deux fois.

J'ai vu qu'il y a un amendement sur «des raisons de cette privation de liberté». On peut le mettre ou ne pas le mettre, c'est une question d'élégance de la phrase. La Constitution neuchâteloise l'a rajouté, ils ont trouvé que c'était plus clair. «Et des droits qui lui appartiennent», c'est aussi une question de mode.

Là aussi, on n'a pas remis «Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits», pensant que c'était inclus. Traditionnellement elle a — on peut discuter sur le «notamment» ou pas — le droit de faire informer ses proches. Ça, c'est aussi quelque chose qui est utilisé dans la Constitution fédérale. La commission a souhaité rajouter «et les tiers qui doivent être avisés», pensant que dans cette phrase était compris, par exemple si vous avez une opération qui est programmée, le fait d'aviser le médecin qui vous attend ou si vous avez des rendez-vous d'affaires, de vous donner la permission d'aviser que vous êtes retenu.

Concernant l'alinéa 13, «Toute personne arrêtée», la commission n'a pas précisé «par la police», c'est moi qui l'ai rajouté (en vert puisque cela provient de la Constitution neuchâteloise), c'est donc à discuter. «Toute personne arrêtée doit être présentée dans les vingt-quatre heures à une autorité judiciaire». La formulation de la Confédération est légèrement différente: «qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération». Là aussi, nous avons préféré une autre formulation («La personne détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée»). Par souci de clarification, la constitution neuchâteloise avait rajouté «si celle-ci maintient la détention». A notre avis, c'était évident. Si la personne est présentée au juge, il décide soit de la maintenir, soit de la relâcher. La commission a préféré une solution plus simple, sans redites nuisant à la concision du texte.

Dans l'alinéa 14, la formulation est différente mais le fond reste inchangé: «Toute personne détenue sans condamnation ou internée» — ou «privée de liberté» comme disent les Neuchâtelois — «a le droit de faire contrôler la légalité de cette privation de liberté dans une procédure judiciaire simple et rapide». Là, c'est justement le droit dont je parlais tout à l'heure qu'a toute personne internée de demander, — en tout temps pendant la détention préventive — sa libération, en écrivant au président du tribunal ou au juge d'instruction dont elle dépend pour demander d'être libérée si elle estime être détenue à tort. C'est justement un droit auquel tout le monde tient, il n'est pas question de le mettre autrement. A titre d'information, il y a encore un autre contrôle que je vous précise pour que vous ne pensiez pas que quelqu'un peut croupir dans des geôles, ignoré de tous: la loi veut, quand vous êtes depuis deux semaines en détention préventive, que la personne qui a signé le mandat d'arrêt le réactualise et reformule sa demande, laquelle doit être signée par trois autres présidents du tribunal ou juges, qui doivent donner leur accord pour la poursuite de la détention préventive. Ainsi, personne chez nous ne peut être “oublié”en préventive. Cela s'appelle le contrôle d’écrou.

F René PERDRIX

Merci à Mme Haefliger de sa présentation. Nous sommes en possession d'amendements Bovay. C'est Mme Zuercher qui défend les amendements Bovay.

F Magali ZUERCHER

Mme Bovay m'a demandé de présenter les modifications qu'elle a déposées. Je vais présenter la justification de ces modifications pour les trois alinéas à la suite. Je vous propose plusieurs amendements dans l'article 3.30 sur le droit de la partie, qui tendent tous à une égalité des droits entre les personnes privées de liberté par une procédure pénale, et celles privées de liberté par une procédure civile. La commission 3 a délibérément accepté une redondance avec la Constitution fédérale, comme nous pouvons le lire dans son rapport. La commission 3 a tenté de reformuler des articles de la Constitution fédérale sans changer les idées de fond. Malheureusement, pour certains articles, les conséquences de cette reformulation sont une restriction de l'étendue du droit fédéral. Il s'agit des alinéas 12 et 14. Je vous propose donc de reprendre le texte de la Constitution fédérale intégralement pour ces alinéas. En ce qui concerne les alinéas 12, 13 et 14, la commission 3 semble avoir pensé prioritairement aux personnes privées de liberté par une procédure pénale. Il n'y a aucune raison de donner moins de garanties, moins de droits aux personnes subissant une privation de liberté à des fins d'assistance qu'à une personne emprisonnée. Même si le nombre de ces situations est nettement moindre, certaines grandes personnalités, touchées par cette réalité, devraient nous permettre de ne jamais les oublier, je pense notamment à Camille Claudel. Pour en venir à l'alinéa 12 du chapitre «Garanties en cas de privation de liberté», la commission 3 a biffé une partie du texte de la Constitution fédérale: «dans une langue qu'elle comprend». La commission 3 a donc restreint le droit tel que stipulé dans la Constitution fédérale. Peut-être les constituants et constituantes de la commission 3 ont-ils pensé que ce même texte figure déjà dans l'alinéa 8. Cependant, je vous rappelle que l'alinéa 8 se trouve dans le chapitre des garanties pénales. Il est indispensable de sauvegarder le texte complet. Il n'y a aucune raison qu'une personne privée de liberté à des fins d'assistance ne soit pas renseignée dans une langue qu'elle comprend. La commission est allée plus loin que la Constitution fédérale en complétant le droit d'informer ses proches par un droit d'aviser également des tiers. Je vous propose donc de reprendre cet élément en ajout à l'article de la Constitution fédérale. C'est dans l'alinéa 13 que je vous propose un réel plus à la Constitution fédérale. Je vous demande de remplacer le texte «Toute personne arrêtée» par «Toute personne privée de sa liberté». Ce terme englobe donc les procédures pénale et civile. Comme je vous l'ai déjà dit pour les autres alinéas, il n'y aucune raison qu'une personne privée de sa liberté par une procédure pénale ait plus de droits et de protection qu'une personne privée de sa liberté à des fins d'assistance. Ces personnes doivent être présentées dans les vingt-quatre heures à une autorité judiciaire. Il n'est pas plus malsain pour une personne atteinte d'un désordre psychique d'être présentée à une autorité judiciaire. Cette personne a dépassé la normalité admissible. Il est sain de lui signifier cela, pour qu'elle prenne conscience de son état. Ce n'est point différent du cas d'une personne ayant dépassé la normalité admissible d'un point de vue pénal. Mais cette garantie d'être présenté à une autorité judiciaire est un garde-fou devant l'erreur professionnelle d'un juge d'instruction ou d'un médecin. Je vous demande donc d'être équitables et de remplacer «Toute personne arrêtée» par «Toute personne privée de sa liberté». Dans cette même logique, je vous demande de reprendre le texte de la Constitution fédérale pour l'alinéa 14. La commission a repris les mêmes éléments contenus dans l'article 31, alinéa 4 de la Constitution fédérale, mais en biffant les mots «en tout temps». Il est indispensable que les personnes privées de liberté sans condamnation puissent en tout temps saisir le tribunal, notamment en ce qui concerne les privations de liberté à des fins d'assistance. Les personnes atteintes d'une maladie psychiatrique ou psychique peuvent évoluer rapidement vers un mieux ou un moins bien. Lorsque la personne évolue positivement, elle doit pouvoir saisir le tribunal à ce moment-là, donc en tout temps. L'alinéa de la commission 3 ne fait que restreindre le droit fédéral. Je vous demande donc d'être équitables dans les différentes procédures judiciaires et d'accepter mes amendements.

F René PERDRIX

Je remercie Mme Zuercher d'avoir défendu les amendements Bovay. La discussion est ouverte. M. Kulling demande la parole.

F Jean-Pierre KULLING

J'apporte une précision en ce qui concerne les malades mentaux qui ont été hospitalisés à des fins d'assistance. J'ai fonctionné pendant six ans comme médecin délégué. La procédure actuelle n'est pas complètement libre. Lorsqu'un patient est admis à des fins d'assistance dans un hôpital psychiatrique, d'abord on lui remet un papier qui stipule son droit de recours. Le médecin qui décide de l'hospitalisation et signe le certificat doit le faire. Ensuite, le patient doit être vu dans les quarante-huit heures par le médecin délégué du médecin cantonal, qui doit s'assurer de la justesse de l'indication médicale et expliquer à ce patient — dans la mesure où il est en état de le comprendre — qu'il a un droit de recours auprès du juge de paix. Encore une fois, il existe actuellement une procédure, et cette procédure donne satisfaction. Il m'est arrivé plusieurs fois de libérer lors de ma visite un patient qui avait été admis selon des critères qui me semblaient médicalement discutables.

F Sylviane HAEFLIGER

Au nom de la commission, nous avons estimé que le cas des personnes qui sont internées à fins d'assistance entrait dans l'alinéa 11, «Garanties en cas de privation de liberté» — «Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas et selon les formes prévues par la loi».

F René PERDRIX

L'alinéa 11, on parle bien de l'alinéa 11 et pas de l'article 11.

F Sylviane HAEFLIGER

Oui. Il nous semblait que vouloir informer quelqu'un qui n'a pas toute sa tête… Comment est-ce qu'on peut obliger quelqu'un à informer un malade psychiatrique? Il n'est pas vraiment applicable. Par contre, il existe des lois, dont M. Kulling vient de vous donner connaissance, qui défendent parfaitement — dans l'état actuel des choses et selon la loi — la situation de ces personnes.

F René PERDRIX

La discussion est toujours ouverte. Elle n'est pas demandée. Nous passons au vote sur ces différents amendements qui concernent les alinéas 12, 13 et 14. D'abord l'amendement Bovay concernant l'alinéa 12. Celui-ci a été modifié par rapport à ce que vous avez sur vos feuilles, puisque les tiers qui doivent être avisés étaient biffés sur votre feuille, alors qu'ils sont réintroduits définitivement par l'amendement. Vous avez pris connaissance du texte proposé par l'amendement Bovay. Je soumets celui-ci à votre vote. Les constituantes et les constituants qui soutiennent l'amendement Bovay sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s'opposent à l'amendement Bovay concernant l'alinéa 12 sont priés de le manifester en levant la main. La majorité est évidente.

L'amendement Bovay concernant l'alinéa 12 est accepté.

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de l'amendement Bovay sur l'alinéa 13. Vous l'avez sous les yeux. Il conclut à remplacer «arrêtée» par «privée de sa liberté». Les constituantes et les constituants qui soutiennent l'amendement Bovay concernant l'alinéa 13 sont priés de le manifester en levant la main. La majorité est évidente.

 L'amendement Bovay concernant l'alinéa 13 est accepté.

F René PERDRIX

Je soumets à l'Assemblée l'amendement Bovay concernant l'alinéa 14. Vous l'avez sous les yeux. Les constituantes et les constituants qui soutiennent l'amendement Bovay concernant l'alinéa 14 sont priés de le manifester en levant la main. Là aussi, la majorité est évidente. L'amendement Bovay concernant l'alinéa 14 est accepté.

L'amendement Bovay concernant l'alinéa 14 est accepté.

F René PERDRIX

Les trois amendements Bovay sont acceptés tels qu'ils ont été présentés et constitueront le texte de base que nous vous soumettrons maintenant, puisque nous avons traité les quatre parties de cet article 3.30. Excusez-moi, il reste à traiter l'amendement Radical, pour le développement duquel je donne la parole à Mme Luisier.

F Christelle LUISIER

Après avoir entendu les arguments certes très pertinents qui viennent d'être évoqués, le groupe Radical maintient tout de même son amendement de réduction. J'ai déjà développé tout à l'heure les arguments qui nous ont poussés à nous prononcer pour une version réduite. Ces arguments valent encore maintenant, à l'issue de nos débats et alors que le texte présenté a été «épuré». Je tiens à rappeler les points suivants. Premièrement, ce texte a été voulu détaillé dans un but pédagogique, mais il se révèle illisible par le commun des mortels. Ce texte ne se contente pas d'énoncer des droits, il les commente et les décrit. Or, si l'on décrit par exemple le droit d'être entendu, il faudrait aussi détailler les autres droits, par exemple expliquer au citoyen ce que l'on entend directement par la «liberté des médias». Or nous ne l'avons pas fait pour ces autres droits. Troisième point, ce texte va si loin dans le détail qu'il donne l'impression d'être exhaustif. Cette impression est trompeuse, je l'ai déjà mentionné tout à l'heure, notamment avec l'exemple sur le droit d'être entendu. Je vous propose dès lors de vous déterminer en faveur d'une version light, en renvoyant pour le reste à la Constitution fédérale et à la loi. Le législateur pourrait dès lors concrétiser cette norme, en s'inspirant à la fois des discussions que nous avons aujourd'hui — de nos débats — et des commentaires du texte, qui pourraient, eux, être très détaillés. En effet, comme ce terme l'indique, il revient aux commentaires de commenter, et non à la Charte fondamentale elle-même.

F Claude SCHWAB

Ce texte qui nous est proposé est tellement réduit que c'est à peine un confetti. En termes techniques, ça s'appelle une tautologie, c'est-à-dire qu'on enfonce une porte ouverte en disant que des garanties sont reconnues, on ne sait pas lesquelles, donc ce texte ne sert à rien. Ou l'on vote l'ensemble de ce que nous avons péniblement essayé d'élaborer ensemble, ou on ne vote rien du tout, mais en tout cas pas cette espèce d'alibi.

F Gérard BUHLMANN

Il y quelqu'un qui a oublié son stylo, ce n'est pas pour cela que je suis venu, mais si jamais, voilà [rires]. Avant la discussion, j'étais d'avis que l'article qu'on nous proposait n'était pas d'ordre constitutionnel. Après la discussion, j'en suis d'autant plus convaincu, mais je suis aussi convaincu d'un certain nombre d'autres choses. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Mme Luisier sur le fait qu'il est complet mais tout à la fois incomplet. Toute législation est appelée à être modifiée et ce que nous écrivons dans une constitution impliquera un vote populaire. Nous avons ici un article qui, à l'évidence, devra être retouché régulièrement, c'est un article — ou un groupe d'articles, parce que pour moi ça fait quatre articles et pas un, mais ça, c'est encore du détail — qui n'a réellement pas sa place dans la Constitution. Par ailleurs, en écoutant les débats, je crains que nous ne soyons en train de faire du bricolage, de jouer aux apprentis sorciers en maniant une matière que nous ne connaissons pas ou que nous maîtrisons très mal, voire de jouer aux équilibristes, malheureusement pour nous sans filet. Je crains que ce que nous avons fait brillamment avec le drapeau, nous ne soyons en train de le refaire aujourd'hui [brouhaha]. Je suis navré, non, nous prenons un bout de la fédérale, et puis on change la fédérale, et puis on reprend ça. On a la commission 3 qui vient avec une proposition, mais il y a des variantes et puis ensuite on compare avec la neuchâteloise, on prend un petit bout de ça. J'entends, je suis en train de faire une pizza, je prends un petit bout ici, un petit bout là, un petit bout là… Moi, j'appelle ça du bricolage. Personnellement, je ne voterai en aucun cas cet article, malgré les deux heures — ou d'autant plus après les deux heures — qu'on lui a consacrées. Reste l'amendement Radical. C'est vrai, M. Schwab, il n'apporte pas grand-chose et s'il n'y avait rien on pouvait vivre sans, mais il a au moins deux mérites, cet amendement Radical. Le premier, c'est de rappeler que les droits de la partie sont reconnus, et ces droits de la partie, tout le monde sait où ils sont, ils sont dans la Constitution fédérale. Deuxièmement, il a le mérite de dire que la loi définit. Ça impliquera donc l'obligation de faire une loi, qui elle pourra aller dans tous les détails, qui elle pourra évoluer en fonction des besoins. Je vous encourage donc à voter l'amendement Radical et à refuser l'article qu'on vient de discuter.

F Alain GONTHIER

Pour la deuxième fois en deux secondes, on nous oppose le commentaire à la Constitution. Constitution fédérale: les articles, pas de commentaire. Constitution neuchâteloise que nous venons de recevoir: les articles, pas de commentaire. Les commentaires sont pour les juristes, le public a besoin de savoir exactement quels sont ses droits et il ne les trouvera pas dans des commentaires qui ne sont pas édités, qui ne sont pas en librairie.

F Anne WEILL-LEVY

Je suis navrée que M. Buhlmann, au bout de deux heures, n'ait pas compris qu'il était dans l'erreur. On ne retouche pas les droits fondamentaux de la partie, ils sont depuis le Bill de l'Habeas corpus développés comme ils le sont, et s'il y a bien quelque chose qui doit rester ou progresser, c'est cela. Je ne peux donc absolument pas suivre ce qu'il dit, et je vous encourage à voter les droits tels qu'ils ont été proposés.

F Marcel BLANC

Que doit faire le constituant que je suis, qui n'a pas soutenu l'amendement Radical parce que décidément il était trop mince et n'incluait pas quelques droits fondamentaux relatifs aux droits de la parties, mais qui n'est pas satisfait non plus du résultat final, beaucoup trop détaillé et qui est — il faut bien le dire, et je l'ai dit dès le début — carrément la transcription d'un code de procédure et non pas d'un article constitutionnel? Nous ne referons pas l'histoire, la majorité a tranché, mais à titre personnel je regrette toujours infiniment que cette Constituante ait été totalement allergique dès le début à toute proposition venant d'un corps constitué, tout comme à tout texte de référence qui aurait pu l'aider dans ses travaux, sans trancher sur le fond. Je ne veux pas plaider la cause de quiconque, mais nous avons parmi nous un constituant qui a présidé un groupe de travail. On a dit que le projet portait sa patte, je n'en suis pas si sûr mais je vous laisse apprécier. Je veux seulement dire par là que le projet du groupe de travail “Révision totale de la Constitution” était exactement entre les deux options. Il a prévu un article 80 qui fait référence à tout ce qui est droit fédéral, auquel nous sommes de toute façon soumis, et pour le surplus il a proposé trois article (81, 82 et 83) qui additionnent les particularités vaudoises dans le domaine des droits de la partie. Il y a là une solution qui n'est pas une solution de compromis parce qu'on ne doit pas chercher le compromis à tout prix, mais qui sur la forme donnerait satisfaction à tous ceux – je ne suis pas le seul — qui ne sont pas satisfaits du résultat final de nos travaux. Je souhaiterais — je sais bien que ce sera difficile de tout remettre en cause — que lors du deuxième débat on s'inspire de ce projet.

F Claudine AMSTEIN

Nous ne pouvons pas, au nom du groupe Libéral, soutenir l'amendement Radical, je l'ai déjà dit en entrée en matière. Je viens le répéter et ceci dans l'objectif suivant: le texte qu'on a amendé et qu'on a soutenu pratiquement tel quel jusqu'à maintenant ne nous paraît toujours pas satisfaisant parce qu'il est trop détaillé. Le texte Radical ne nous convient pas non plus. Mais nous voterons aujourd'hui ce texte, en nous réservant la possibilité de revenir ultérieurement pour essayer de faire un texte qui soit un peu plus allégé. Pour nous, il y a un élément important qui n'a pas été cité. Il est évident que beaucoup de dispositions sont reprises de la Constitution fédérale. Mais il y en a une à laquelle nous sommes particulièrement attachés et qui est une victoire qu'on a eue sur le plan vaudois, c'est la disposition 13 qui prévoit que toute personne arrêtée doit être présentée dans les vingt-quatre heures à une autorité judiciaire. Ça, la Constitution fédérale ne le prévoit pas et pour nous, c'est fondamental que ça apparaisse. Malheureusement, l'amendement du groupe Radical ne nous permet pas d'être certains que cette garantie vaudoise, qui est extrêmement importante, figurera dans la suite, raison pour laquelle je souhaitais m'exprimer au nom du groupe Libéral pour réserver la possibilité de revenir ultérieurement sur ce texte afin de l'alléger, même si nous le votons aujourd'hui.

F Sébastien FAGUE

M. Blanc m'a tendu une perche, je suis presque moralement obligé de la saisir au passage pour rappeler mon appartenance au groupe A Propos. Si je partage tout à fait les remarques évoquées par M. Blanc, c'est-à-dire que l'une ou l'autre des solutions qu'on va être amenés à voter tout à l'heure ne me satisfait pas personnellement, puisque l'une est trop mince et l'autre trop étendue, je rappelle aussi à votre bon souvenir qu'il existe, outre le projet officiel, le projet du groupe A Propos qui a une proposition bien succincte des articles, suffisamment vaste pour recouper tout ce qu'il est nécessaire de mettre dans cette Constitution. Nous nous réservons aussi le prochain débat, après cet été, pour revenir avec les articles que nous avons déjà rédigés en parallèle.

F Philippe NORDMANN

Vous avez sûrement été frappés lors de ce débat, en écoutant les explications très claires données par Mme Sylviane Haefliger, qu'au fond ce n'est pas si compliqué que ça. Vous avez vu qu'il y avait beaucoup de bleu sur l'écran, c'est-à-dire qu'en fait ce texte, qui soi-disant serait touffu et compliqué, en réalité, partout où c'était possible — et Mme Haefliger l'a très, très bien expliqué — on a pu simplifier par rapport à la Constitution fédérale. On aboutit à un texte qui, par rapport à sa longueur (quatre articles et quatorze paragraphes) a été traité, on peut presque dire dans un délai record. On n'a donc pas du tout quelque chose de trop compliqué. Ce sont des textes — je le rappelle, comme tous les droits fondamentaux — directement applicables et c'est l'immense avantage du texte que nous venons de voter par rapport au texte proposé par l'amendement étique, c'est-à-dire très, très maigre qui nous est proposé. Nous pouvons très bien nous rallier à ce texte. Je voudrais dire que la Constitution fédérale n'est pas si simple et si claire qu'on puisse la reprendre telle quelle, puisqu'elle vient d'être modifiée tout récemment, alors même qu'elle était entrée en vigueur le 1 er janvier 2000. Sur le chapitre qui nous intéresse, nous avons de nouveaux textes de la Constitution fédérale, notamment un article 29a qui vient s'ajouter à l'article 29 sur les garanties générales de procédure. Je vous engage simplement à lire ces textes nouveaux. Nous avons au moins l'avantage, dans le Canton de Vaud, d'avoir un texte qui n'a pas bougé aussi rapidement que cela. Nous ne nous référons pas uniquement à une Constitution fédérale qui vient d'être modifiée, une fois de plus et très rapidement après son adoption. Nous avons au moins quelques grands principes stables.

F Pierrette ROULET-GRIN

Nous avons voté, sauf erreur, une planification des travaux de l'Assemblée constituante. Au chiffre 15 de cette planification, on trouve, sur les déterminations de l'Assemblée constituante: «l'Assemblée constituante délibère en séance plénière sur les principes et les articles rédigés. Elle peut renvoyer en commission tout ou partie des propositions avec des indications de corrections». Manifestement, l'article que nous sommes en train de discuter ne convient ni aux uns, ni aux autres. Je propose que nous renvoyions ceci en commission, que les indications qui ont été faites par les délibérations permettent à la commission de mieux cerner la volonté de cette Assemblée. C'est donc une motion d'ordre, Monsieur le président.

F René PERDRIX

La motion d'ordre déposée par Mme Roulet est-elle appuyée par 20 constituantes ou constituants? Les scrutateurs ont bien compté? La constituante a reçu un appui suffisant. La discussion sur la motion d'ordre est ouverte. Le constituant Brélaz demande la parole.

F Daniel BRELAZ

Il y a différentes manières de travailler. On aurait pu discuter de manière sensée d'une telle proposition au début de ce débat, à la limite, et encore elle n'aurait pas été entièrement adéquate, puisque ça signifierait que tout ce chapitre aurait un débat de retard sur le reste des travaux, sauf à y revenir dans je ne sais combien de mois, à la fin des travaux, en séparant complètement les sujets les uns des autres. Je crois qu'il y a une méthode sensée, c'est de voter le texte. Si une discussion de fond doit se faire, après consultation de l'ensemble des forces politiques et de la population du Canton, elle a encore deux débats pour se faire. Moi, je trouve ce texte personnellement relativement satisfaisant. Je comprends parfaitement qu'on ait envie de l'élaguer quelque peu parce que c'est vrai qu'il est long. Il y a peut-être une méthode toute simple et toute bête qui s'inspire de la Confédération et qui m'a été suggérée par quelqu'un, c'est de faire quatre articles au lieu d'en faire un. A ce moment-là, on ne le trouverait plus tellement long. Ce serait peut-être la méthode la moins stupide. Mais en attendant, ce qui serait vraiment complètement faux, c'est de faire deux heures de débat pour, tout à la fin, tout renvoyer pour recommencer. Si vous avez du temps jusqu'en l'an 2010, faites cela !

F René PERDRIX

Merci au constituant Brélaz de sa déclaration. Je signale l'arrivée à la tribune du public de Monsieur le conseiller d'État Philippe Biéler que je remercie de l'intérêt qu'il porte à nos travaux. La discussion est toujours ouverte concernant la motion d'ordre Roulet-Grin. Mme Perrin.

F Jeanne-Marie PERRIN

Il me semble que la commission 3 peut se rallier à la proposition de M. Brélaz. C'était déjà ce que j'avais dit en début de débat, et qu'on pourrait reprendre ces articles en deuxième lecture.

F René PERDRIX

La parole est-elle encore demandée? Si ce n'est pas le cas, nous allons passer au vote sur la motion d'ordre Roulet-Grin qui conclut au renvoi des droits de la partie – l'article 3.30 — devant la commission 3. Les constituantes et les constituants qui appuient la motion d'ordre Roulet-Grin sont priés de le manifester en levant la main. Merci. Les personnes qui s'opposent à cette motion d'ordre. La majorité est évidente.

La motion d'ordre Roulet-Grin (renvoi des droits de l'article 3.30 devant la commission 3) est repoussée.

F René PERDRIX

Puis-je considérer la discussion sur l'amendement déposé par le groupe Radical comme close? Si tel est le cas, nous allons procéder au vote sur cet amendement. Les constituantes et les constituants qui soutiennent l'amendement Radical concluant à un article — «étique» comme l'a précisé quelqu'un — sont priés de le manifester en levant la main. Il faut compter. Les personnes qui s'opposent à l'amendement Radical sont priées de le manifester en levant la main.

L'amendement Radical est repoussé par 84 non contre 35 oui.

F René PERDRIX

Nous passons donc au vote final sur cet article 3.30 et ses quatorze alinéas. Nous ne reviendrons pas sur les quatorze alinéas pour les préciser. Je rappelle que trois d'entre eux seulement ont été amendés, ce sont les trois derniers, et que l'alinéa 5 a été supprimé. Les alinéas 12, 13 et 14 ont été amendés et c'est sous cette forme-là que je vous demande de les confirmer et de les inscrire tels que nous les avons préparés et acceptés préalablement dans notre projet. Les constituantes et les constituants qui approuvent cet article 3.30 tel que préalablement voté sont priés de le confirmer en levant la main. Les personnes qui s'opposent à l'inscription de cet article sont priées de le manifester en levant la main. Abstentions. Par 86 oui contre 30 non avec 9 abstentions, vous avez inscrit un article 3.30 composé de treize alinéas dans notre projet de Constitution. Il appartiendra à la commission de rédaction de déterminer si c'est sous cette forme-là qu'il y figurera ou sous une forme remaniée.

Article 3.30 — Droits de la partie
(par 86 oui contre 30 non et 9 abstentions)
I. Garanties générales de procédure
1. Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
2. Les parties ont, dans toute procédure, le droit d'être entendues, de consulter le dossier de leur cause et de recevoir une décision motivée avec indication des voies de recours.
3. Les personnes sans ressources suffisantes ont droit à l'assistance judiciaire aux conditions fixées par la loi.
II. Garanties de procédure judiciaire
4. Toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que cette cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, indépendant et impartial.
6. Sous réserve d'exceptions réglées par la loi, l'audience et le prononcé du jugement sont publics.
III. Garanties pénales
7. Toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'a pas été condamnée par un jugement entré en force.
8. Toute personne accusée a le droit d'être informée, dans le plus bref délai et de manière détaillée et dans une langue qu'elle comprend, des accusations portées contre elle et des droits qui lui appartiennent.
9. Toute personne impliquée dans une procédure pénale a droit à un-e avocat-e si cela est nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts. Ce droit est absolu en cas de détention.
10. Toute personne ayant subi un préjudice injustifié en raison d'une procédure pénale a droit à en obtenir pleine réparation.
IV. Garanties en cas de privation de liberté
11. Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas et selon les formes prévus par la loi.
12. Toute personne privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches et les tiers qui doivent être avisés.
13. Toute personne privée de sa liberté doit être présentée dans les vingt-quatre heures à une autorité judiciaire. La personne détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée.
14. Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.

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Article 511-2 Interdiction des tribunaux d’exception

F René PERDRIX

Nous traitons maintenant de l'article 512-2, «Interdiction des tribunaux d'exception» [brouhaha], 511-2, excusez-moi. Le président de la commission 5 désire-t-il intervenir? M. Ostermann a la parole.

F Roland OSTERMANN

Dans le fond, cet article est complètement coupé de son contexte, puisqu'il ne se rattache pas aux articles que nous venons de voter, mais à ceux que nous allons voter plus tard. Mais je veux bien m'exécuter. «Il ne peut être instauré de tribunaux d'exception, sous quelque dénomination que ce soit». La terminologie n'est pas sans importance. Le tribunal d'exception est chargé de lourds héritages. Il évoque non seulement l'exception de l'instance, mais aussi l'exception qui caractérise son fonctionnement, sa façon d'établir les faits, de les apprécier hors des bases légales, avec en conclusion un verdict préconçu. Il n'est pas étonnant que des termes de substitution soient envisagés pour cacher des procédures non conformes. A l'inverse, le dévoiement de la qualification peut être au service du refus de voir instaurer une nouvelle instance, fût-elle respectable. La question s'est posée lorsque la Suisse s'est proposé de collaborer avec les tribunaux internationaux chargés de juger les atteintes au droit humanitaire international au Rwanda et en ex-Yougoslavie. S'agissait-il de tribunaux d'exception, de tribunaux extraordinaires, ou ad hoc? Le terme qui a prévalu alors était celui de «ad hoc». Il qualifiait ainsi la solution retenue par la communauté internationale qui n'avait pas encore de tribunaux habilités à connaître des violations à ces règles universelles et qui donc en instaurait deux. Mais d'aucuns préféraient lui accoler le terme «d'exception» en contestant ainsi les fondements de la collaboration prévue. Pour compliquer encore les choses, une incursion dans Le Robert nous apprend qu'un tribunal d'exception est, selon lui, un tribunal compétent seulement pour les matières qui lui sont expressément attribuées par une loi, en opposition à un tribunal de droit commun. Or, pour la commission, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il est temps de donner les définitions que nous avons retenues. Pour nous, un tribunal d'exception est un tribunal créé après que l'affaire à juger est née, et qui soustrait les prévenus à leur juge naturel. Cela implique que la loi n'a pas laissé des infractions orphelines de tribunaux. Par contre, la commission laisse la porte ouverte à la création de tribunaux spécialisés, qui sont ceux malencontreusement qualifiés «d'exception» par Le Robert. Il s'agit de tribunaux dûment chargés par la loi d'une tâche particulière avant l'apparition d'une cause qu'ils seraient appelés à juger. On peut penser au Tribunal des baux ou à un tribunal de commerce. La commission — nous y reviendrons lors du débat sur l'ordre judiciaire — demande simplement que tout habitant de ce Canton y ait alors accès, autrement dit que la même cause ne soit pas traitée ici par un type de tribunal et là par un autre. Je répète donc que ce que nous voulons exclure, c'est de voir instaurer un tribunal après l'apparition d'une affaire aux fins de la traiter. C'est l'acception que nous donnons à «exception».

F René PERDRIX

Merci au président de la commission 5 de son développement. La discussion est ouverte. Madame la constituante Berger a la parole.

F Cécile BERGER

Dans la mesure où l'article 511-2 consacrant l'interdiction des tribunaux d'exception est ici examiné, le groupe Libéral vous propose qu'il soit intégré dans l'article 3.30, considérant qu'un tel principe se rapproche plus du thème de la commission 3 que de celui de la commission 5. Ce n'est pas tant le fond de la question de l'interdiction des tribunaux d'exception que nous entendons ici soulever, mais bien plus celle de la place d'une telle disposition dans la nouvelle Constitution. A présent, le principe de cette interdiction figure dans le chapitre sur les trois pouvoirs, plus précisément dans le titre relatif aux principes généraux pour les autorités judiciaires. Il est certain que cette disposition touche de près à un tel pouvoir, ainsi qu'aux principes généraux qui s'y appliquent. Il nous est toutefois apparu que ce principe, quoique touchant de près au pouvoir judiciaire, aurait plus à apporter à notre futur texte en figurant dans le chapitre sur les droits fondamentaux, comme garantie de procédure judiciaire dans les droits de la partie. En effet, par l'introduction d'un tel principe dans le texte, la commission 5 a entendu éviter que le législateur ou les autorités judiciaires ne soient tentés — par exemple par commodité ou par volonté de sévérité — de régler telle ou telle affaire spéciale en-dehors des circuits ordinaires, risquant ainsi d'affaiblir l'indépendance des jugements rendus sur cette affaire. Dans la mesure où il en va de l'indépendance de la justice, il nous paraîtrait pertinent d'introduire ce principe comme chiffre 4bis dans l'article 3.30, c'est-à-dire juste après la garantie de l'établissement d'un tribunal indépendant. Le groupe Libéral souhaite en conséquence que la commission de rédaction prenne ces motifs en compte lorsqu'elle s'adonnera à sa tâche, ne souhaitant pas amender un texte dont le fond n'est en rien contesté.

F Jeanne-Marie PERRIN

Il me semblait qu'on voulait raccourcir l'article 3.30 ! Toutefois, la commission 3 peut tout à fait se rallier à cette proposition et voir ainsi ce principe inscrit dans les «Droits fondamentaux».

F Luc RECORDON

Je voudrais ici très clairement appuyer la proposition qui a été émise par Mme Berger d'inscrire cette disposition dans les «Droits fondamentaux» plutôt que dans les chapitres rédigés par la commission 5, bien que j'aie fait partie de cette dernière et que j'aie approuvé cet article. Sa rédaction me paraît fort bonne, en l'occurrence, et même si l’on rallonge un peu les droits de la partie — j'ai d'ailleurs expliqué pourquoi ça ne me paraissait pas extrêmement grave de le faire et qu'au contraire ça me paraissait une bonne chose –, je souligne ici que ce qui est dans les droits de la partie sera très vraisemblablement interprété comme un droit constitutionnel invocable par le citoyen. Ce n'est donc pas tout à fait la même chose d'avoir un tribunal d'exception interdit en tant que principe organisateur d'une partie de l'État – le secteur judiciaire — ou d'avoir une interdiction des tribunaux d'exception qui soit un droit à disposition, clairement et invocable par la partie. Je crois que personne ne contestera qu'il est sain que ce soit clairement un droit invocable.

F René PERDRIX

La discussion est toujours ouverte. Elle n'est pas demandée. Nous allons donc passer à un vote. Je rappelle les différentes remarques qui ont été faites. Le texte lui-même n'a pas été contesté, c'est sa situation dans la Constitution qui paraît poser problème. Il semble y avoir un certain consensus pour un examen conjoint de la place que prend cet article 511-2 par rapport à ce que nous avons voté au 3.30. Il appartiendra, si nous votons ce texte, à la commission de rédaction de faire des propositions à l'Assemblée quant à la forme définitive que pourraient prendre le 3.30 et le 511-2. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette manière de voir les choses? Si le consensus est général, je soumets le 511-2 à votre vote, tel qu'il nous est présenté par la commission 5. Les constituantes et les constituants qui approuvent l'inscription dans notre projet de Constitution d'un article 511-2 avec la réserve que je viens d'indiquer sont priés de le manifester en levant la main. Les personnes qui refusent l'inscription de cet article sont priées de le manifester en levant la main. Il n'y en a pas. Les abstentions.

Article 511-2 Interdiction des tribunaux d’exception
(par 124 oui contre 0 non et 1 abstention)
emplacement de l’article à déterminer par la commission de rédaction
Il ne peut être instauré de tribunaux d'exception, sous quelque dénomination que ce soit.

F René PERDRIX

Pour la suite du travail, le constituant Brélaz demande la parole.

F Daniel BRELAZ

Il nous reste en gros quinze minutes de travail à occuper de manière efficace. Or, les débats qui menacent d'après tous les bruits de couloir aux 3.31 et 3.32 peuvent durer encore de trois quarts d'heure à une heure. Pour faire un travail efficace, je vous suggère donc — il ne faut pas seulement commencer ces deux articles puis les reprendre, ou bien finir à 18:15 ou 18:30 — de prendre le 3.33 et de remettre ces deux articles à la prochaine séance pour avoir le temps de les traiter dans des conditions normales.

F René PERDRIX

Cette proposition est-elle appuyée? Merci. Je la mets au vote. Les personnes qui sont d'accord d'aborder prioritairement le 3.33 sont priées de le manifester en levant la main. Merci.

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Article 3.33 — Restriction des droits fondamentaux

Nous passons au 3.33, «Restriction des droits fondamentaux». Madame la vice-présidente de la commission 3 a la parole.

F Jeanne-Marie PERRIN

La commission était unanime. Ce texte reprend exactement l'article 36 de la Constitution fédérale.

F René PERDRIX

Aucun amendement n'est déposé. La discussion est ouverte sur cet article 3.33. La discussion n'est pas demandée. Nous passons au vote. Les constituantes et les constituants qui sont d'accord d'inscrire dans notre projet de Constitution un article concernant la restriction des droits fondamentaux, tel que nous le présente la commission 3, sont priés de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à cette inscription sont priées de le manifester en levant la main. Il n'y en a pas. Les abstentions. Il n'y en a pas non plus.

Article 3.33 — Restriction des droits fondamentaux
(par 124 oui contre 0 non avec 0 abstention)
1. Toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés.
2. Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui.
3. Toute restriction d'un droit fondamental doit être proportionnée au but visé.
4. L'essence des droits fondamentaux est inviolable.

F René PERDRIX

Alors maintenant, M. Brélaz [rires].

F Daniel BRELAZ

Pour autant que je puisse mesurer les chances des débats de se terminer dans des délais raisonnables — mais peut-être que je me trompe et qu'il y a des tas de propositions — il me semble que le 3.34 au moins et l'éclaircissement de la variante 1 est jouable dans ces délais. Si l’on ne peut pas [brouhaha], je ne sais pas simplement si ça vaut la peine d'aborder des sujets, qu'on parle d'un tout petit bout pendant dix minutes [brouhaha]. Je le laisse à votre appréciation.

F Gérard BUHLMANN

En tant que président de la commission 2, j'ai vivement regretté des votes à l'arraché dans des conditions déplorables à 17 heures 40. J'aimerais l'épargner à ma collègue vice-présidente de la commission 3. Je vous propose par motion d'ordre d'arrêter maintenant les débats. Nous ne ferons pas du bon travail dans les dix minutes qui suivent.

F René PERDRIX

Je ne fais pas voter la motion d'ordre, je prends souverainement la décision de lever la séance [applaudissements], de vous souhaiter une excellente soirée et un bon week-end.

Fin de la séance à 17 heures 30

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Enregistrement et transcription Intercongress Genève

Mise en page Dominique Renaud


A vu  bu010119.htm   27.2.2001  — mise au point complète: 14.8.2001 — Révision : 29 janvier 2003

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