Liste des bulletins des séances plénières pour les consulter Consultez la version Acrobat.pdf bu001110.pdf

logo noir de la Constituante
Retrouver les articles traité en séance:
Proposition de la commission, propositions de minorité, amendements et sous-amendements

Bulletin de séance

Décisions prises lors de l’Assemblée plénière du 10 novembre 2000


Cliquer sur la page que vous voulez consulter:
top   1 2 3 4 5 6 7 8 9 10   11 12 13 14 15 16 17 18 19 20   21 22 23 24 25 26 27 28 29 30   31 32 33 34 35 36 37 38 39 40   41 42 43 44 45 46 47 48 49 50   51 52 53 54 55 56 57 58 59 60   61 62 63 64 65 66 67 68 659 70   71 72 73 fin
Pour revenir presser la touche Précédent (Back) ou sur une des balises top

N° et Date de la Séance N° 14 du du vendredi 10 novembre 2000
Lieu École hôtelière de Lausanne
Présidence de Monsieur René PERDRIX

Déroulement des débats

  1. Articles adoptés ...................................................................................................2
  2. Accueil et communication d’ordre général .........................................................5
  3. Vérification des titres d’éligibilité.......................................................................6
  4. Mise en discussion des propositions des commissions thématiques ...................7
  5. Article 2.3.17 – Politique économique ................................................................7
  6. Article 3.27 – Liberté économique ....................................................................15
  7. Article 2.3.19 – Sécurité sociale (1ère discussion) .............................................25
  8. Article 3.1 – Dignité humaine ...........................................................................26
  9. Article 3.7 – Protection de la santé....................................................................27
  10. Article 3.9 – Droit au minimum vital ................................................................48
  11. Article 3.10 – Droit à un logement d’urgence ...................................................52
  12. Article 2.3.19 – Sécurité sociale........................................................................62
  13. Article 2.3.20 – Prévention de l'exclusion et réinsertion ..................................68
  14. Article 2.3.20 bis – Intégration des personnes handicapées ..............................70

A la fin du document figurent toutes les propositions, amendements et sous-amendements liés aux articles adoptés lors de la séance.

top


Articles adoptés

Articles adoptés

Article 2.3.17 – Politique économique

Amendement Ostermann repoussé par 79 voix contre 57.
Amendement Bühler refusé par 72 voix contre 63.
Amendement Bouvier accepté à une majorité évidente.
Amendement Bovet, proposés par le groupe libéral est refusé à une large majorité.
Rédaction définitive opposée à la proposition A propos est adoptée à une large majorité.

Article 2.3.17 – Politique économique
Dans le respect du principe de la liberté économique, l’État mène une politique favorisant la diversité des activités et l’équilibre entre les régions ainsi que le plein emploi. Il encourage l’innovation technologique, la reconversion et la création d’entreprises. il peut fournir une aide à des entreprises, en particulier petites et moyennes.

Article 3.27 – Liberté économique

Article 3.27 – Liberté économique
La liberté économique est garantie. Sont en particulier garantis le libre choix de la profession et de l’emploi ainsi que le libre exercice de l’activité économique.

Amendement Ostermann refusé par 75 non contre 51 oui.
Sous-amendement Cruchon retiré.
Amendement Freymond refusé par 56 voix contre 29.
Amendement Mamboury refusé par 79 voix contre 31.

Article 2.3.18 – Agriculture et sylviculture

Article 2.3.18 – Agriculture et sylviculture
L’État prend des mesures en faveur d’une agriculture et d’une sylviculture performantes et respectueuses de l’environnement, en tenant compte de leurs multiples fonctions. Dans ce cadre, il soutient notamment la recherche, la formation, la vulgarisation et la promotion des produits.

Article 2.3.19 – Sécurité sociale (1 ère discussion)

Motion d’ordre Gérard Bühlmann acceptée à une large majorité – discussion prioritaire des articles proposés par la Commission 3, soit 3.1, 3.7, 3.9 et 3.10 par rapport aux 2.3.19.

Article 3.1 – Dignité humaine

Article 3.1 – Dignité humaine
La dignité humaine est respectée et protégée.

Article 3.7 – Protection de la santé

Texte de la commission accepté par 79 oui contre 55 pour le texte de la minorité.
Alinéa 3 tel que proposé par la commission est accepté à une majorité évidente.
Amendement Haefliger refusé par 79 non contre 63 oui.

Article 3.9 – Droit au minimum vital

Amendement Farron Martin refusé par 78 non contre 38 oui.

Article 3.9 – Droit au minimum vital
Le droit au minimum vital pour mener une existence conforme à la dignité humaine est garanti.

Article 3.10 – Droit à un logement d’urgence

Amendement Amstein accepté par 79 voix contre 53.

Amendement Recordon accepté par 71 voix contre 62.

Article tel que rédigé par la commission accepté par 92 voix contre 36 pour la variante et 5 abstention.

Article 3.10 – Droit à un logement d’urgence
Toute personne dans le besoin a droit à un logement d’urgence approprié.

Amendement Haefliger refusé par 73 voix contre 61.

Article 2.3.19 – Sécurité sociale

Proposition Martin-Salamin accepté par 66 voix contre 54.

Amendement du groupe Forum repoussé par 65 non contre 51 oui.

Amendement Bühlmann refusé par 63 voix contre 50.

Article 2.3.20 – Prévention de l'exclusion et réinsertion

Motion d’ordre Bühlmann accepté – discussion sur l’article 3.20 reportée à la fin du chapitre «Formation».

Amendement Farron accepté à une majorité évidente.

Article 2.3.20 – prévention de l’exclusion et réinsertion
L’État s’engage dans la prévention de l’exclusion professionnelle et sociale et en faveur de la réinsertion, notamment par la formation et la certification de compétence professionnelles.
L’État garantit un revenu minimum de réinsertion.

Article 2.3.20 bis – Intégration des personnes handicapées

Proposition Haefliger accepté par 61 voix contre 58 pour la proposition du groupe libéral.

Article 2.3.20 bis – Intégration des personnes handicapées
Le Canton et les communes s’engagent à promouvoir l’égalité des chances des personnes handicapées et à assurer leur dignité en prenant des mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté.

top


La séance est ouverte à 10 heures.

Sont présents:

Mmes et MM. Amstein Claudine, Athanasiadès Jean, Aubert Josiane, Baehler Bech Anne, Bavaud Adrien, Benjamin Samy, Berger Cécile, Berney Michel, Bielman Anne, Blanc Eric, Boillat Jean-Pierre, Bolinger Anne-Marie, Bory Marc-André, Bory-Weber Dominique, Bouvier Denis, Bovay Judith, Bovet Fred-Henri, Bovet Daniel, Bovy Samuel, Brélaz Daniel, Bron Jacques-Henri, Buffat Michel, Bühlmann Gérard, Bühlmann Willy, Burnet Olivier, Burnier-Pelet Thérèse, Burri Marcel, Carnevale Eliane, Chapuis Allegra, Charotton Georges, Chatelain André, Cherix François, Chollet Jean-Luc, Cohen-Dumani Marcel, Conod Philippe, Cornu Pierre-Alain, Cornu Claire-Lise, Cossy Samuel-Henri, Cruchon Raoul, Cuendet Maria-Chrystina, de Haller Jean-Claude, de Luze Charles-Henri, de Souza Regula, Delay Elisabeth, Dépraz Alex, Desmeules Michel, Dessauges Pascal, Dufour Denyse, Fague Sébastien, Farron Pierre, Favre-Chabloz Raymonde, Freymond-Bouquet Monique, Galeazzi Rebecca, Gallaz Christophe, Garelli Stéphane, Gindroz André, Girod-Baumgartner Christine, Goël Yves, Gonthier Alain, Gonvers Olivier, Goy-Seydoux Louis, Gross-Fonjallaz Nicole, Guignard Françoise, Guy Joël, Haefliger Sylviane, Henchoz Pierre, Henchoz-Cottier Martine, Henry Philippe, Hermanjat Pierre, Holenweg Rouyet Anne, Humair Louis, Hunkeler Pierre, Jaeger Odile, Jaggi Yvette, Jaillet Gérard, Jemelin Mireille, Jomini Viviane, Jordan Andreane, Jufer Nicole, Kaeser-Udry Danielle, Keller Pierre, Keshavjee Shafique, Kulling Jean-Pierre, Labouchère Catherine, Lasserre Colette, Le Roy Jean, Léchaire Jean-Michel, Lehmann Pierre, Leuba Jean-François, Linder Sandra, Loi Zedda Fabien, Luisier Christelle, Lyon Anne-Catherine, Maillefer Denis-Olivier, Mamboury Catherine, Marion Gilbert, Martin Marie-Hélène, Martin Bernard, Martin Jean, Martin Laurence, Martin Marie-Antoinette, Masson Stéphane, Mayor Philippe, Millioud Jean-Pierre, Morel Charles-Louis, Morel Nicolas, Moret Isabelle, Nicod François, Nicolier Yvan, Nordmann Roger, Nordmann Philippe, Oguey Annie, Ormond Anne, Ostermann Roland, Payot François, Perdrix René, Pernet Jacques, Perrin Jeanne-Marie, Piguet Jean-Michel, Pillonel Cédric, Pittet Jacqueline, Pittet François, Pradervand Jean-Claude, Rapaz Olivier, Rebeaud Laurent, Recordon Luc, Renaud Dominique, Reymond Antoine, Richard Claire, Rochat-Malherbe Paul, Roulet Catherine, Ruey-Ray Elisabeth, Salamin Michel Lauréane, Saugy-Anhorn Nathalie, Schmid Charles, Schneiter Robert, Schwab Claude, Streit Adrien, Thévoz Francis, Tille Albert, Troillet Roland, Vallotton Jacques, Volluz Françoise, Voruz Eric, Voutaz-Berney Eveline, Wehrli Laurent, Weill-Lévy Anne, Wellauer Pierre-Olivier, Wettstein-Martin Irène, Winteregg Michel, Wiser Henri, Yersin-Zeugin Ruth, Ziegler Geneviève, Zuercher Magali, Zwahlen Jacques (155).

Sont absents:

Mmes et MM. Bovon-Dumoulin Martine, Braissant Rénald, Bühler Michel, Burdet Georges, Cherbuin Martine, Colelough Philippe, Crisinel François, Dubois Jean-Paul, Ghiringhelli Charles-Pascal, Mamin Henri, Mange Daniel, Margot François (12).

Se sont excusés:

Mmes et MM. Balissat Jean, Blanc Marcel, de Mestral Laurent, Desarzens Laurent, Dufour Etienne, Gorgé Marcel, Grin Nicole, Haldy Jacques, Mages Roland, Pellaton Berthold, Rodel Marilyne, Roulet-Grin Pierrette, Zisyadis Josef (13).

Nouveau constituant

M. Olivier Burnet, du Groupe radical et de l’arrondissement de Pully, remplace dès ce jour M. Pierre-Olivier Buffat, démissionnaire.

top


Accueil et communication d’ordre général

F René PERDRIX

Mesdames et Messieurs les constituants, veuillez prendre place [brouhaha]. Une fois n’est pas coutume, nous commencerons notre séance plénière par quelques mots de bienvenue. Ces mots de bienvenue ne sont pas de la part de votre coprésident du jour mais du directeur de la maison, M. Maurice Zufferey, directeur de l'École hôtelière de Lausanne, à qui je donne la parole.

F Maurice ZUFFEREY

Merci beaucoup. Mesdames et Messieurs de la présidence et Mesdames et Messieurs les constituants, je vous souhaite une très cordiale bienvenue sur le campus de l’École hôtelière de Lausanne en ce jour. C’est un grand honneur pour nous que de vous recevoir. D'abord, par le respect que nous accordons à vos travaux si importants et aussi parce que cela nous donne pour quelques heures l'opportunité de vous montrer, de façon informelle, le campus de cette École. Permettez-moi très rapidement – et j’avais demandé deux minutes, je ne serai pas plus long – de vous la présenter. Cette École a doublé en taille dans les deux dernières années. Elle compte aujourd’hui 1'500 étudiants de 71 nationalités, dont 38% de Suisses. Sur le nombre d’étudiants suisses, environ 390, 133 sont vaudois. L’École compte 260 collaborateurs, dont 90 enseignants. Elle a un volume d’affaires de l’ordre de 41 millions de francs, donc c’est une PME. Et, pour avoir commandité une étude à l’école des HEC qui m’a été rendue il y a quelques semaines, nous savons maintenant que cette École exerce un impact économique direct sur la région lausannoise de 31 millions de francs par année et un impact économique induit, c’est-à-dire indirect, de 33 millions de francs. L’École dispose de cinq produits: deux programmes d’enseignement qui mènent au diplôme, dont un programme accrédité HES. Vous savez sans doute que l’École hôtelière de Lausanne est la seule école hôtelière en Suisse accréditée HES; un troisième programme, qui amène à un Masters; des activités de consultance et des activités de recherche. L’École est très admirée et très critiquée par différents cercles de personnes et de personnalités, et je crois que le moyen le plus simple de savoir ce que c’est que cette École, c’est d’y venir. Profitez de ces quelques heures aujourd’hui. Sachez que notre restaurant gastronomique est ouvert au public à midi. Venez-y à l’occasion. Regardez nos étudiants, regardez nos professeurs et soyez critiques et soyez observateurs. J’aimerais vous remercier de votre participation. J’espère que tout se passera bien pour vous aujourd’hui. Si cela n’est pas le cas et si vous avez des besoins particuliers, faites-le nous savoir très rapidement: on essaiera de vous régler ça au mieux. Merci et bonne journée. [applaudissements]

F René PERDRIX

Merci au directeur de l’École de ces mots de bienvenue et de la brève présentation qu’il a faite de son établissement. Vous avez reçu une proposition d’ordre du jour; sans remarques de votre part, nous le suivrons tel qu’il vous a été proposé. Cet ordre du jour comporte quelques communications. La première concerne l’initiative Vaud-Genève et la prise de position du gouvernement en cette matière, après la discussion que le Conseil d’État vaudois a eue avec son homologue genevois. L’Assemblée constituante, par la voix de son comité, avait demandé au gouvernement vaudois de faire diligence dans toutes les matières qu’il devait traiter et qui concernaient le travail constitutionnel. Nous avions demandé que cette diligence suffise à nous permettre d’arriver avec un projet qui ne soit pas entaché d’hypothèques, je ne dirais pas légales, mais d’hypothèques déposées déjà par le monde politique vaudois concernant ce texte constitutionnel. Dans la discussion qui a eu lieu avec Genève, le gouvernement a cru bon d’accepter un traitement différencié de l’initiative Vaud-Genève dans le Canton de Vaud et dans la république voisine, en décalant les deux votations. Il nous apparaît, en tant que comité de la Constituante, que ceci travestit un peu nos attentes envers les deux gouvernements. Il est bien entendu que nous restons demandeurs quand il s’agit de traiter cette affaire avant la fin du travail constitutionnel. L’urgence n’est pas telle qu’il faille déroger à la règle. Il semble que dans cette matière le Tribunal fédéral se soit déjà prononcé. Concernant la votation sur les deux Bâle, il apparaît que ces votations ne pouvaient avoir lieu que simultanément. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’aller jusqu’au recours, jusqu’au traitement par le Tribunal fédéral. Il s’agirait d’admettre que le Canton de Vaud traite cette affaire simultanément avec Genève et avant la fin du travail de rédaction constitutionnelle que nous avons entrepris. Je crois que ceci est parfaitement possible, sachant qu’un traitement préalable donnerait une réponse qui ne pourrait être que partielle. En effet, si le Canton de Vaud allait, contre toutes attentes, se prononcer favorablement [rires] à cette fusion, cela devrait normalement interrompre notre travail de rédaction constitutionnelle, sans savoir si Genève l’accepte. Ce n’est qu’un cas de figure. Et je crois qu’il est avantageux pour tout le monde que cette question soit posée simultanément dans les deux cantons. Et c’est ce que nous avons demandé au gouvernement vaudois. Autre communication, cela concerne plus directement notre travail d’aujourd’hui, c’est la répartition des scrutateurs. Je répète celle-ci: Mme Anne Baehler-Bech. la zone C; François Cherix, E; Charles-Henri de Luze, F; Pascal Dessauges, B; Christelle Luisier, D; Jacques Zwahlen, À; en réserve, Josef Zisyadis. Sébastien Fague, le président de ces scrutateurs est chargé aussi, en plus d’effectuer le total, de voir si les coprésidents s’expriment.

Deuxième communication: il y a ici sur la gauche, sur la mienne de gauche en tous cas, deux chaises. Elles sont destinées à accueillir les orateurs inscrits afin que le chemin entre leur siège et la tribune soit le plus court possible, afin d’accélérer quelque peu nos débats. Vous aurez compris notre souci: il s’agit que ces débats puissent se dérouler dans des temps convenables et nous cherchons tous les biais pour les accélérer. Vous pouvez chercher avec nous, il y en a sûrement d’autres! Lors de la séance plénière de vendredi passé, vous avez juste abordé le traitement de l’article 2.3.17… Point 2, oui, excusez-moi: dans mon souci d’aller vite, j’oubliais que nous avions parmi nous un constituant non assermenté, et le point 2 est consacré à son assermentation. Avant celle-ci, nous devons contrôler l’éligibilité des titres. Le comité s’est penché sur ce problème et c’est Charles-Henri de Luze qui nous donne son rapport.

top


Vérification des titres d’éligibilité

F Charles-Henri DE LUZE

Le comité s’est réuni le vendredi 10 novembre 2000 pour la vérification des titres d’éligibilité. Par lettre du 13 octobre 2000, M. Marc-Olivier Buffat, constituant, domicilié à Lausanne, a annoncé sa démission de l’Assemblée constituante avec effet immédiat. M. Marc-Olivier Buffat a été élu dans l’arrondissement de Lausanne sur la liste Radicale démocratique lausannoise. Le Conseil d’État nous a transmis l’extrait du procès-verbal du bureau électoral de l’arrondissement de Lausanne. Il en ressort que le premier des viennent ensuite sur la liste Radicale démocratique lausannoise est M. Olivier Burnet, domicilié à Pully. Aucun recours n’ayant été déposé contre cette élection, le comité de l’Assemblée constituante vous propose de valider l’élection de M. Olivier Burnet.

F René PERDRIX

M. Olivier Burnet est prié de se présenter devant l’Assemblée. Monsieur, vous voici maintenant convié à exprimer votre détermination face à l’oeuvre exaltante qui vous attend. Vous le ferez dans la pleine liberté de vos convictions, devant Dieu ou selon les valeurs qui vous inspirent. Une brève formule de prestation vous sera lue à laquelle vous êtes invité à répondre oui: «Chargé par les citoyens vaudois de participer à l’élaboration d’une charte qui fasse de leur État l’expression d’une volonté commune, je m’engage à porter haut dans cette Assemblée les valeurs propres à favoriser l’épanouissement des personnes au gré de leur liberté fondamentale et de leur responsabilité à l’égard d’autrui, au sein d’une communauté secourable aux plus faibles et ouverte au monde». Si c’est bien là ce que vous promettez, je vous demande de le sanctionner par un oui.

F Olivier BURNET

Oui.

F René PERDRIX

Merci. L’Assemblée peut se rasseoir et nous pouvons passer à nos délibérations [applaudissements].

top


Mise en discussion des propositions des commissions thématiques

Article 2.3.17 – Politique économique

F René PERDRIX

Petite précision, la feuille que vous avez reçue hier, sous le numéro 2.3.17, a une petite lacune que vous aurez identifiée. L’amendement du groupe À Propos est très lacunaire. Il faut reprendre dans l’ancienne feuille la rédaction de base. Lors de la dernière séance, le rapport de la commission a déjà été donné ainsi que l’intervention de Mme Colette Lasserre au nom du groupe À Propos. Nous en étions restés là. Nous poursuivons le travail avec le traitement des amendements et je vois le président de la commission qui est déjà sur le siège [rires]. Le président de la commission veut-il prendre initialement la parole?

F Gérard BUHLMANN

Très brièvement, j’imaginais en deux mots peut-être restituer les travaux de la commission, parce que tout le monde n’était pas là vendredi passé [deux à trois mots inaudibles]. Ceci dit, je voulais dire quelques mots de l’amendement d’À Propos qui, pour moi, avait évolué; je constate qu’il n’a pas évolué. Donc, dans ce cas-là, je ne reviendrai pas là-dessus. Simplement pour dire que la commission avait souhaité clairement que notre État mène une politique économique et ne se borne pas à fixer des conditions-cadres comme le souhaite toujours À Propos; que, pour nous, le plein-emploi était un but, qui est un but à long terme, alors notre collègue de commission Bouvier vient avec une autre formulation durable… C’est abandonné? [voix inaudible]. Alors, il y aura un autre amendement que nous discuterons le moment venu. Pour le reste, il y a l’amendement de la nouvelle commission Bühler, qui vise à supprimer de cet article «dans le respect du principe de la liberté économique»; et là, je le dis au nom de la commission, je tiens à m'opposer fermement à cet amendement Bühler ou à cet article proposé par M. Bühler, dans la mesure où il est clair que le respect de la liberté économique est vraisemblablement une des libertés fondamentales – nous y viendrons puisque l’article 3.17 est mis en parallèle avec le nôtre – et qu’il paraît absolument indispensable ici de rappeler que c’est dans ce cadre que l’État mène cette politique. Concernant l’amendement Ostermann, on en vient au développement durable. «Durable» est un mot décidément à toutes les sauces: on a le développement durable, on a le plein-emploi durable et vous verrez que l’article suivant vous propose l’agriculture durable. Donc tout le monde veut faire dans le durable. Cela a déjà été mis à l’article 1.4 D), où c’est sa place. Il est à nos yeux inutile, quand bien même on comprend bien la volonté du collègue Ostermann, à nos yeux il est superflu de le rappeler expressément ici, dans la mesure où cela s’applique de facto à tous les articles de ce chapitre. Voilà en très brève introduction; je reviendrai ultérieurement si nécessaire. Merci.

F Roland OSTERMANN

Oui, je sais: on a déjà dit que l’État doit agir dans le sens du développement durable. Mais on va aussi décréter ailleurs le dogme de la liberté économique. Ne pourrait-on pas, au sujet de ce dogme, tenir le discours que le président de la commission 2 a tenu au sujet du développement durable? Cela nous amènerait à dire, en le paraphrasant, que «cette notion de liberté économique est déjà ancrée dans un article, qu’on l’a, à x reprises, re-soutenue, reprise implicitement, explicitement. Ce serait une bonne raison pour qu’on ne reprenne pas ici cette notion, qu’on est bien d’accord avec elle et que l’article précédent montre qu’on doit trouver un équilibre entre l’économie et les besoins du développement durable. La liberté économique n’est pas contestée, elle est déjà évoquée en d’autres endroits, il faut éviter de revenir toujours avec les mêmes idées, aussi bonnes soient-elles. Encore une fois, elles ne sont pas critiquées en tant que telles». Fin de la paraphrase. Mon propos est donc le suivant. Puisqu’on juge indispensable de rappeler que, si l’État essaie de créer certains équilibres, ces m’sieurs-dames de l’économie doivent garder toute liberté de faire ce qu’ils veulent, même lorsqu’on leur apporte aide et secours, je dis moi qu’il faut aussi rappeler ici, à l’État, que sa politique économique doit s’inscrire dans la perspective du développement durable. Surtout, s’agissant de la diversité des activités et de l’équilibre entre les régions. C’est donnant-donnant. Cet amendement est donc de la politique au sens le plus noble, celle qui respecte et préserve les équilibres. En un premier temps, je vous propose donc cette adjonction, mais peut-être me ferez-vous le reproche d’alourdir ainsi notre Constitution. Je suggère donc que, dans un second temps, le maintien de l’élément de phrase mis en cause, modifié ou non, soit soumis au vote. S’il était supprimé, l’article commencerait par: «L’État (---)». Ces propositions sont applicables à l’article de la commission comme à celui du groupe À Propos. Chacun pourra ainsi se prononcer en fonction de ses priorités. Pour ma part, je pense qu’on met tout ou que l’on ne met rien. La seule mention de la liberté économique n’est pas satisfaisante. Le choix à faire entre compléter cette mention ou la supprimer n’est alors plus qu’un choix purement esthétique. Pour alimenter votre réflexion, voire la discussion, je vous signale qu’il est explicitement admis au niveau fédéral que lorsque la Confédération poursuit les objectifs visés par cet article «Elle peut au besoin déroger aux principes de la liberté économique», (article 103 de la Constitution fédérale). On trouve d’ailleurs cette restriction dans trois articles successifs. Notre nouvelle Constitution cantonale, qui se veut si novatrice, se révèlerait-elle ultra-libérale en matière économique? Je suis en train de me convaincre qu’il ne faut pas faire figurer ici ce dogme de la liberté économique et même qu’il faudrait plutôt dire qu’il peut y être dérogé. Ce serait faire preuve de réalisme. Mais la procédure que je vous propose vous permet de faire tous les choix nuancés que vous appelez de vos voeux.

F Denis BOUVIER

En tant que membre de la commission, je me félicite d’abord que soit reconnue la nécessité de conduire une politique économique, et je me félicite aussi que la commission ait retenu le thème du plein-emploi dans ses propositions. Effectivement, le plein-emploi n’est pas quelque chose de secondaire, à l’heure où l’on ne nous signale la reprise d’habitude, et depuis les années 80, que par la reprise du chiffre d’affaires, que par la reprise du produit intérieur brut, que par la reprise de l’autofinancement, etc., que par des indices, dans le fond, purement économiques, et non plus par la reprise de l’emploi, comme si l’emploi n’était plus au centre de nos préoccupations. Il me semble tout à fait intéressant que la Constitution vaudoise place le plein-emploi au centre de l’une de ses préoccupations, c’est-à-dire la politique économique. Il n’y a pas de politique économique qui n’ait pour but, à notre sens, de sauvegarder le tissu social; et pour sauvegarder le tissu social, c’est vrai qu’il faut sauvegarder le tissu économique, il faut avoir cette préoccupation et reconnaître l’emploi comme une activité noble de l’homme. On a trop tendance à perdre cette notion de nos jours. Le plein-emploi, ce n’est pas le chômage zéro. En économie, le plein-emploi, c’est l’absence de chômage involontaire. Le plein-emploi, bien sûr, il ne peut pas être total, il faut que la formation soit là pour empêcher ce qu’on appelle le chômage frictionnel, c’est-à-dire, l’inadéquation entre l’offre d’emploi et la demande d’emploi. Nous sommes conscients de ces problèmes: il ne s’agit pas d’assurer un plein-emploi absolu. Cela dit, dire que l’État mène une politique favorisant la diversité des activités et l’équilibre entre les régions, ce qui est tout à fait bien, ainsi que le plein-emploi; y ajouter «à long terme» n’a pas de sens. Si je prends le dictionnaire de la langue française, le Robert, je lis «à court terme, à long terme: qui doit se réaliser dans peu de temps, dans longtemps»… demain on rase gratis, après-demain on rase gratis. Et, comme disait Keynes, «dans le long terme nous serons tous morts». Autrement dit, si l’État favorise tout simplement le plein-emploi, cela veut dire qu’il va prendre des mesures, qu’il va avoir le souci de ce plein-emploi; il est parfaitement inutile de dire «à long terme»; cela ne veut strictement rien dire, «à long terme». Son souci, il est permanent, il commence aujourd’hui, il se poursuit demain et il n’est pas «à long terme». Parce qu’ici le long terme est lié au terme «favorisé», je vous le rappelle. J’ai été interpellé par quelques collègues qui m’ont dit: «mais si tu supprimes le long terme, tu vas supprimer l’idée de durabilité». Si l’on voulait exprimer – et je ne crois pas que ce soit l’idée de la commission – l’idée de durée, si l’on veut exprimer cette idée, il faudrait dire «sur le long terme». Mais là, nous tombons en pleine utopie. Je ne suis pas du bord qui ignore l’utopie, qui est une chose nécessaire. Mais il faut prendre quand même les choses telles qu’elles sont dans le domaine de l’emploi: personne ne peut garantir, d’une manière durable, un emploi d’une manière durable. On sait très bien que le problème de l’emploi est d’abord d’être. Il me semble que le souci premier de l’État, ici, c’est de reconnaître le plein-emploi comme un objectif. Et s’il atteint cet objectif, s’il tente d’atteindre cet objectif, il me semble qu’il a accompli sa mission. C’est la raison pour laquelle, tout en restant dans l’esprit de la commission je crois, sans trahir l’esprit de la commission, je vous demande de supprimer ce terme, cette expression «à long terme» après «plein-emploi». Je vous remercie de votre attention.

F René PERDRIX

Par rapport au texte qui vous a été distribué, la modification porte sur le fait que «à long terme» est supprimé et n’est remplacé par rien. Nous passons à l’article proposé par la commission Bühler. Qui défend cette proposition? C’est M. Gonthier.

F Alain GONTHIER

L’amendement de notre collègue Bühler, absent aujourd’hui, vise à supprimer l’invocation à la liberté économique au début de cet article. Je peux reprendre à mon compte une bonne partie de ce qu’a dit M. Ostermann tout à l’heure, simplement en modifiant l’ordre des priorités quant aux conclusions. L’amendement Bühler propose donc de supprimer cette invocation. Si on juge cette invocation à la liberté économique nécessaire au début de cet article, pourquoi ne pas la mettre aussi au début d’une série d’autres articles? Par exemple, l’article sur la sylviculture et l’agriculture, qui pourraient tout aussi bien être concernées par la liberté économique. Pourquoi pas dans la même logique, rappeler au début de chaque article toutes les libertés, tous les droits fondamentaux qui pourraient être touchés par l’article constitutionnel en question? Ce qui nous amènerait, en particulier, à mettre le souci de la dignité humaine au début de chaque article, quel qu’il soit. C’est pour cela que je vous propose de supprimer ces premiers termes et, subsidiairement… de rajouter l’amendement Ostermann, si l’amendement Bühler n’est pas accepté. C’est-à-dire, si nous n’arrivons pas à supprimer cette mention, que je pense inutile, au moins exprimer un souci d’équilibre dans la gestion de la liberté économique, dans la politique économique, par l’amendement Ostermann.

F Daniel BOVET

Au nom du groupe Libéral, je viens vous proposer la suppression de la dernière phrase de l’article 2.3.17, que vous voyez biffée ici à l’écran. Cet article, on pourrait le traduire par «l’État peut soutenir les canards boiteux»; c’est exactement ce que cela veut dire. Je ne veux pas nier que, dans des cas particuliers, dans des situations exceptionnelles ou de crise, il ne soit utile que l’État soutienne momentanément certaines entreprises qui servent à la prospérité commune. Mais, et cela Mme Lasserre l’avait dit la dernière fois, il n’est pas nécessaire que cette faculté figure explicitement dans notre Constitution, car le législateur vaudois peut parfaitement légiférer en l’absence de base constitutionnelle. C’est une chose que l’on ne doit pas se lasser de répéter. Nous avons peut-être trop l’habitude de la Constitution fédérale, sur laquelle nous avons souvent l’occasion de nous prononcer, et qui dit «la Confédération peut: c’est que la Confédération ne peut pas légiférer sans base constitutionnelle. Cette obligation n’existe pas pour le législateur vaudois»; autrement dit, lorsque les circonstances le rendront utile, l’État pourra fort bien intervenir pour porter secours à certaines entreprises et en particulier petites et moyennes. Mais ces interventions devront être exceptionnelles. Il est bon que le législateur s’en occupe; or, placer cette disposition dans la Constitution pourrait permettre éventuellement au Conseil d’État de prendre des mesures de ce genre, sans passer par le Grand Conseil. Mais étant donné la gravité de semblables mesures, il est absolument nécessaire qu’elles ne soient prises que par le législatif.

F Eric VORUZ

Je ne sais pas vraiment si le collègue Bovet est intervenu au nom du parti Libéral, parce que je suis étonné de ses propos. Je crois que, dans le cadre d’un soutien d’une activité économique, qui fait partie d’un droit aussi, concernant la lutte contre le chômage et consort, le Conseil d’État a une disposition pour soutenir les pôles économiques. Mais ce qui nous paraît absolument important, c’est que, justement, les PME, qui représentent près de 90% des entreprises de notre Canton, si ce n’est pas de la Suisse, méritent aussi le même soutien et le même appui que des nouvelles entreprises qui viennent, par exemple, de l’étranger, où il y a des facilités fiscales, etc. Or, aujourd’hui nous constatons que des PME interviennent auprès de l’État, voire des communes, à juste titre, en disant «mais nous avons toujours payé des impôts, nous sommes parfois dans des difficultés parce qu’il y a une conjoncture économique difficile, et bien nous avons aussi besoin d’un soutien des pouvoirs politiques». Pour cela il ne faut pas soutenir la proposition de notre collègue Bovet, et par là du groupe Libéral. Soutenons aussi les PME, car pour moi c’est un tout, le droit au travail, le droit aux PME à exister, le droit au logement aussi, on y reviendra tout à l’heure; tout cela est un tout, et c’est pour cela qu’il faut s’en tenir au texte de la commission.

F Laurent REBEAUD

En tant que membre de la commission 2, j’aimerais d’abord me féliciter du fait que plusieurs propositions d’amendement visent à simplifier, à rendre le texte plus bref; je crois effectivement que nous avons été un peu verbeux et je soutiens personnellement avec plaisir, et je vous invite à faire de même, les propositions qui visent à retirer de notre prose les phrases inutiles – «dans le respect du principe de la liberté économique». Effectivement, ce respect est assuré par ailleurs et il n’y a pas de raison péremptoire pour que nous re-précisions et que nous ré-enfoncions des portes ouvertes par ailleurs. Je préfère la proposition de M. Bühler qui nous propose de supprimer cette phrase, à celle de notre collègue Ostermann, précisément parce que celle de M. Ostermann a le défaut, à mes yeux rédhibitoire, d’alourdir un texte qui est déjà lourd. Et si j’ai bien compris notre collègue Ostermann, il serait aussi d’accord de renoncer au «durable«si on renonçait à la mention ici de la «liberté économique«. Donc, soutien à la proposition de notre collègue Bühler. Soutien aussi à la proposition Bouvier; c’est vrai que le plein-emploi, du moment qu’on demande à l’État non pas de le réaliser mais de le favoriser, ne doit pas l’être «à long terme«. Non seulement on ne sait pas très bien ce que cela veut dire, mais en plus si cela voulait dire quelque chose, cela voudrait dire que l’État n’a pas besoin de s’en occuper tout de suite et qu’il y pensera plus tard, ce qui n’est évidemment pas l’esprit de la proposition. Donc, approbation de ces deux propositions de suppression, qui me semblent rendent le texte plus clair, plus concis; c’est un des buts esthétique, mais aussi pédagogique, que nous poursuivons. En revanche, dans la commission 2, nous avons eu de longs débats sur la question de savoir si oui ou non, ici, nous devions mentionner l’aide ou l’attention particulière que l’État devait accorder aux PME, en fonction de ce que M. Voruz nous a rappelé tout à l’heure, c’est-à-dire que le tissu indigène de l’économie vaudoise est essentiellement constitué de PME et que, tout naturellement, surtout dans l’ambiance économique actuelle où les fusions et où le règne des grandes entreprises multinationales se fait de plus en plus pressant et qu’on se bat entre cantons pour attirer des éléments appartenant à ces grandes entreprises multinationales, de ne pas oublier le tissu économique originel de notre Canton, qui est constitué essentiellement de PME. Cette mention là a sa place ici elle ne figure pas ailleurs dans notre projet de Constitution. Par conséquent, le reproche formulé à juste titre aux deux autres phrases que j’ai mentionnées tout à l’heure ne joue pas en ce qui concerne les PME: nous devons dire au Conseil d’État et au Grand Conseil aussi, qui légifèrera par la suite sur cette matière, qu’il s’agit de conserver un tissu économique local et non pas d’offrir une aide indifférenciée à des entreprises qu'elles soient locales ou multinationales. Il y a quand même ici une volonté de porter l’accent sur un certain nombre d’entreprises autonomes, créées par des gens du lieu, et je crois que c’est exactement la place dans laquelle nous devons mettre cet élément dans notre Constitution. Je vous remercie.

F Paul ROCHAT-MALHERBE

L’économie vaudoise est très diversifiée, primaire, secondaire, tertiaire. L’économie vaudoise est diversifiée dans la taille de ses entreprises, mais sa force essentielle réside dans le réseau dense, vigoureux et dynamique de petites et moyennes entreprises. Par-là, cette économie a une grande faculté d’adaptation, une grande faculté de création, une grande ouverture au niveau des procédés et des nouvelles technologies. Cette économie de petites et moyennes entreprises, qui permet également de développer toutes les régions du Canton, doit rester le fondement de notre politique économique. Non seulement elle doit rester le fondement, mais également être facilitée par la création de nouvelles entreprises. Donc, je vous invite… l’Assemblée constituante se doit d’affirmer ce principe et je vous propose de soutenir fermement le texte de la commission et de rejeter l’amendement Bovet.

F Claudine AMSTEIN

Je vais ré-expliquer quel était le but de l’amendement Bovet, qui est un amendement du groupe Libéral, contrairement à ce que pense M. Voruz. Nous sommes convaincus – et je rejoins les préopinants – qu’il faut aider les PME de notre Canton. Simplement, on ne sait pas toujours et encore moins pour l’avenir comment il faut aider le tissu économique. Nous sommes convaincus qu’avec le texte: «L’État mène une politique favorisant la diversité des activités et l’équilibre entre les régions«, l’État a toutes les possibilités d’aider les PME. Il devra choisir, en fonction de l’évolution économique, comment il doit le faire. Et c’est toujours un grand problème d’aider certaines PME, parce qu’on le fait au détriment de celles qui fonctionnent bien. C’est une action extrêmement difficile et c’est mieux pour nous de laisser à l’État le choix de trouver les moyens au moment voulu pour aider notre économie, raison pour laquelle nous soutenons cet amendement et non pas parce ce que nous sommes contre le fait d’aider les PME.

F Gérard BUHLMANN

Il n’est jamais facile d’intervenir en tant que président, parce qu’on est censé défendre ce que la commission a fait, tout en tenant compte de ce que les gens ont dit, sans pouvoir en parler aux collègues de la commission; et puis, il faut encore faire abstraction de ses propres idées. Mais je vais quand même néanmoins essayer de le faire au plus près de ma conscience. Tout d’abord, l’amendement Bouvier. Je crois pouvoir dire, vu ce préambule, que c’est un bon amendement, que la commission aurait soutenu s’il était venu en commission: c’est clair que l’idée était bien de viser loin mais sans par-là ne pas viser court. En ne parlant que du plein-emploi, on couvre tout le spectre du temps et je crois que c’est une bonne chose, cela me paraît en tous cas nettement meilleur que le «durable«qu’on avait sur la feuille. Concernant les amendements Ostermann et Bühler, je comprends parfaitement, et je ne peux pas dire que je ne partage pas certaines réflexions faites. Néanmoins, il est clair que de parler du respect de la liberté économique dans l’article qui parle de la politique économique, c’est bien une répétition, mais ce n’est pas, à mes yeux, et je crois aux yeux de la commission, une répétition superflue. La commission était quasi unanime sur cet article; il n’y a d'ailleurs aucune proposition de minorité. C’est clair que c’est un doublon. Mais, à d’autres endroits, on a aussi fait certains doublons. Donc, je pense que cet élément-là a sa place. Faut-il maintenant, pour contrebalancer, y adjoindre celui du développement durable? Je ne le pense toujours pas. Je comprends tout à fait la réflexion du collègue Ostermann, qui dit «si on en met un, mettons l’autre«. On est ici dans un domaine de politique économique, et je dirais que le respect du principe de la liberté y a en tout cas sa place, j’en suis intimement convaincu. L’amendement Bovet ou l’amendement Libéral, là aussi on peut bien sûr dire certaines choses dans la Constitution ou les laisser à la loi. Néanmoins, si on veut que l’État mène une politique économique, on doit dire comment il le fait, et cette aide à des entreprises, elle est indispensable. Il ne faut pas se leurrer: tous les États, tous les cantons aident leur tissu économique, de manières différentes. Cela se fait sous des aides fiscales, cela peut être des aides financières, c’est souvent des aides quand un chef d’État se déplace pour faire de la promotion économique, et nos conseillers fédéraux se battent d’ailleurs pour savoir qui doit le faire, cela paraît dans les journaux. Tout le monde soutient ses entreprises: c’est une tâche de l’État. Et si l’on veut mener une politique économique, on ne peut pas le faire sans soutenir ses entreprises. Je prétends donc que cela a sa place ici et je vous encourage très vivement à le laisser. Dans le même ordre d’idée, je vous encourage à rejeter l’amendement À Propos; l’État doit faire nettement plus que fixer des conditions-cadres, il doit mener une politique économique. Je vous remercie.

F René PERDRIX

Merci au président de la commission de son intervention. Y a t-il d’autres interventions? Si cela n’est pas le cas, nous allons passer au vote. Il aura lieu sous la forme suivante. Nous traiterons des amendements en priorité, tels qu’ils sont énumérés dans votre document de travail. Une fois le texte – il n’est pas définitif – amendé, nous l’opposerons à la proposition du groupe À Propos. Y a t-il une remarque concernant cette cascade de votes? Comme il n’y en pas, nous passons au vote sur l’amendement Ostermann. Je le rappelle, il conclut à ajouter au texte de la commission «et du développement durable». Les personnes qui soutiennent l’amendement Ostermann sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s’opposent à la proposition Ostermann sont priées de le manifester en levant la main. L’amendement Ostermann est repoussé par 79 voix contre 57.

Amendement Ostermann repoussé par 79 voix contre 57.

F René PERDRIX

Nous passons au vote… contrairement à ce que je vous ai dit tout à l’heure, je crois que nous aurions avantage à traiter l’amendement qui avait été lié par M. Ostermann lui-même, c’est-à-dire celui présenté par Monsieur Bühler, respectivement Gonthier, qui l’a défendu tout à l’heure. Il concluait à la suppression de la première partie de la proposition de la commission «dans le respect du principe de la liberté économique». Les personnes qui soutiennent cette proposition de suppression sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s’opposent à cet amendement. L’amendement Bühler est refusé par 72 voix contre 63..

 Amendement Bühler refusé par 72 voix contre 63

F René PERDRIX

Nous passons au vote sur la proposition Bouvier, qui concluait à la suppression de «à long terme», et je rappelle qu’il avait renoncé à inscrire le mot «durable». La phrase se terminerait par «plein-emploi». Les personnes qui soutiennent l’amendement Bouvier sont priées de le manifester en levant la main. Je crois que la majorité est évidente. Je vous remercie: l’amendement Bouvier est accepté. Amendement Bouvier accepté à une majorité évidente.

F René PERDRIX

Nous passons maintenant à l’amendement proposé par le groupe Libéral par la voix de Daniel Bovet, qui concluait à supprimer la dernière partie de l’article, «il peut fournir une aide à des entreprises, en particulier petites et moyennes». Les personnes qui soutiennent l’amendement proposé par Daniel Bovet sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s’opposent à cet amendement sont priées de le manifester en levant la main. Elles sont beaucoup plus nombreuses: l’amendement proposé par le groupe Libéral et Daniel Bovet est refusé.

Amendement Bovet, proposés par le groupe libéral est refusé à une large majorité.

F René PERDRIX

Nous avons maintenant un article définitivement rédigé, que nous pouvons opposer à la proposition d’À Propos. Alors, nous passons au vote. Les personnes qui soutiennent la proposition À Propos sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui soutiennent le texte de la commission sont priées de le manifester en levant la main. La majorité est évidente. Nous avons à confirmer maintenant la rédaction définitive de cet article. Vous l’avez sous les yeux? Pas encore? C’est la rédaction initiale, avec la suppression de «à long terme».

Rédaction définitive opposée à la proposition A propos est adoptée à une large majorité.

F René PERDRIX

Les personnes qui sont d’accord avec cette rédaction définitive sont priées de le manifester en levant la main. Les scrutateurs décomptent. Les personnes qui s’opposent à cette rédaction sont priées de le manifester en levant la main. Abstentions? Par 136 OUI contre 4 NON avec 5 abstentions, vous avez inscrit l’article 2.3.17 dans notre projet.

Article 2.3.17 – Politique économique
(136 OUI contre 4 NON avec 5 abstentions)
Dans le respect du principe de la liberté économique, l’État mène une politique favorisant la diversité des activités et l’équilibre entre les régions ainsi que le plein emploi.
Il encourage l’innovation technologique, la reconversion et la création d’entreprises. il peut fournir une aide à des entreprises, en particulier petites et moyennes. 

top


Article 3.27 – Liberté économique

Nous passons maintenant, comme prévu dans notre ordre du jour, au traitement de l’article 3.27, «Liberté économique». Monsieur le rapporteur de la commission, son président, M. Hermanjat, a la parole.

F Pierre HERMANJAT

Je vais être court, l’article 3.27 qui vous est proposé est une copie conforme de l’article 11 de la Constitution fédérale et repris dans la plupart, sinon toutes les constitutions cantonales… je n’ai pas vérifié partout, partout. Ce droit confirme donc que la liberté économique est garantie, et il est ensuite précisé, dans les «Tâches de l’État», à l’article que l’on vient d’adopter. Je vous recommande donc de l’adopter tel qu’il a été proposé et je vous recommande de ne pas entrer en matière avec la proposition Gonthier qui dit, en début d’article, «dans la mesure où elle concourt au bien commun»; il me semble que c’est inutile, dans ce contexte-là. Je vous remercie.

F Alain GONTHIER

Comme vous l’a signalé le président de la commission 3, je propose de rajouter au début de l’article la phrase, «dans la mesure où elle concourt au bien commun». Cette phrase ne me semble pas complètement inutile. Les récents naufrages en Manche devraient attirer notre attention sur le fait que la liberté économique ne saurait être illimitée. Dans ce domaine précis du trafic maritime, elle est d’ailleurs surveillée, contrôlée, même si, manifestement, ce n’est pas assez efficace. De façon moins frappante, les séquelles encore bien présentes de la crise économique témoignent des conséquences de la liberté économique, qui inclut la liberté de licencier, même si c’est sans autre justification que la croissance du dividende. Mais là aussi, dans la pratique, cette liberté économique est encadrée, trop au goût de certains, pas assez au goût d’autres, dont je suis évidemment. Ainsi, mon amendement ne fait en somme que dire ce qui est, que rendre compte de la réalité. La liberté économique est limitée par l’intérêt général, autre nom du bien commun. Donc, si l’on s’en tient là, cet amendement devrait être accepté à l’unanimité. La question peut cependant se poser: cette limitation à cette liberté doit-elle figurer dans l’article constitutionnel? Dans le chapitre des droits fondamentaux, un droit trouve sa limite, soit dans le droit lui-même, soit face à d’autres droits. Ma liberté d’expression est limitée par celle des autres. Je ne peux pas continuer de m’exprimer indéfiniment à cette tribune [applaudissements]. Mais elle est aussi limitée, par exemple, par la dignité, par le respect de la dignité humaine – je n’ai pas le droit de m’exprimer de façon à attenter à la dignité d’autrui – ou encore par le respect de la sphère privée, article 3.11. Le citoyen un tant soit peu attentif peut ainsi, à la lecture de la Constitution, se rendre compte que les droits ne sont pas absolus. Mais le droit de défendre le bien commun n’est pas mentionné dans le chapitre des droits fondamentaux, et d’ailleurs, il ne pourrait pas y être mentionné. La liberté économique ne trouve ainsi pas son pendant dans le chapitre. Elle le trouve dans la Constitution mais seulement à l’article 1.3, alinéa 1, que nous avons adopté: «L’État a pour but le bien commun et la cohésion cantonale», soit à une certaine distance physique et logique pour le lecteur. Je pense donc que mentionner ici cette réserve quant à la liberté économique fondée sur la notion du bien commun est utile et cohérente avec ce que nous avons adopté jusqu’à aujourd’hui. J’ajouterai encore, en rappelant une citation qui vous a été faite lors de la dernière séance par le président de la commission 3, de Jean-François Aubert, qui rappelait que «la liberté économique est l’une de celle qui est le plus susceptible de porter atteinte au bien commun». C’est pour cela que je pense que c’est à cet article précis que cette mention est utile, et pas nécessairement à tous les autres. Je vous remercie.

F René PERDRIX

Merci, au constituant Gonthier, du développement de son amendement. Sur l’article 3.27, la discussion est ouverte. La discussion n’est pas demandée: nous passons au vote. Nous traitons en priorité de l’amendement Gonthier. Les constituants et les constituantes qui soutiennent la proposition Gonthier sont priés de le manifester en levant la main. Merci. Les personnes qui s’opposent à cet amendement sont priées de faire de même. Je vous remercie, la majorité est évidente. L’amendement Gonthier est refusé. Nous passons au vote sur la proposition d’article de la commission. Les personnes qui acceptent l’article 3.27 comme la commission l’a rédigé sont priées de le manifester en levant la main. Les constituants et constituantes qui s’opposent à cet article sont priés de le manifester en levant la main. Abstentions? Par 119 voix contre 9 avec 7 abstentions, vous avez inscrit un article 3.27, «Liberté économique», tel que proposé par la commission 3.

Article 3.27 – Liberté économique
(119 voix contre 9 avec 7 abstentions)
La liberté économique est garantie. Sont en particulier garantis le libre choix de la profession et de l’emploi ainsi que le libre exercice de l’activité économique.

top


Article 2.3.18 — Agriculture et sylviculture

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de la proposition 2.3.18, «Agriculture et sylviculture», avec une déclaration préliminaire du président de la commission 2.

F Willy BUHLMANN

Pourquoi un article sur l’agriculture? La question mérite d’être posée, puisque nous avons un amendement qui vise sa suppression. Et bien, c’est parce que la commission a estimé qu’il était utile, si ce n’est indispensable, de préciser les nombreuses missions, les nombreuses fonctions d’une agriculture. Que ce soit bien entendu dans l’approvisionnement du pays, que ce soit dans l’entretien du territoire, que ce soit dans l’emploi. Notre article, court d’ailleurs, le précise très clairement. M. Ostermann souhaite enlever le mot «performantes». C’est clair que c’est un terme qui peut prêter à confusion. Je crois que le commentaire est tout à fait clair. Nous n’entendons pas par «performante» une agriculture à priori industrielle, intensive, etc. Mais nous entendons une agriculture qui soit aussi qualitativement performante. Une agriculture qui ne serait pas performante est vouée à disparaître; et là, je ne dirais pas à long mais à moyen si ce n’est pas à court terme. Ceux qui ne sont aujourd’hui pas performants, que cela plaise ou que cela ne plaise pas d’ailleurs, sont voués à disparaître, à moins que l’on veuille que l’État soutienne à bout de bras une agriculture. Donc, je vous encourage vivement à garder le mot «performantes», c’est un mot clef de cet article. Nous voulons une agriculture performante. L’amendement Cruchon et le sous-amendement Morel visent eux à préciser les modalités. Dans beaucoup d'articles, pensez au patrimoine, pensez à la culture, nous avions une première phrase qui disait ce que nous voulions, et une deuxième phrase qui disait comment nous le voulions. La commission n’a pas jugé utile, mais n’a peut-être pas pensé à ceci. Il est clair qu’aujourd’hui déjà nous avons nombre d’associations, [Prometer] et d’autres, qui font de la vulgarisation, qui font de la promotion des produits agricoles. Et je dirais que d’ancrer dans la Constitution ces éléments de recherche, de formation et de vulgarisation va dans le sens de ce que l’on a fait à d’autres articles, je pense encore une fois à «Patrimoine et culture». Cet amendement ne dénature en tout cas pas le texte de la commission. Et le sous-amendement Morel vient rajouter la promotion des produits. C’est toujours le problème d’une énumération: on a le risque d’être incomplet ou le risque d’être trop long. Ce sont donc deux amendements qui vont dans le sens voulu par la commission. Faut-il les rajouter? Vous en jugerez vous-mêmes. J’ai déjà parlé de l’amendement du groupe À Propos. Quant à celui de Mme Freymond, alors j’ai deux problèmes personnellement. Mme Freymond, vous proposez que l’État favorise une agriculture. Il faudrait déjà dire au détriment de qui il doit la favoriser. Parce que quand on favorise quelqu’un, c’est au détriment de quelqu’un d’autre. Notre idée n’est pas que l’État favorise, mais qu’il prenne des mesures, ce qui est beaucoup plus directif. Deuxièmement, vous venez avec – je l’ai dit tout à l’heure – l’agriculture durable, après le développement durable et l’économie durable. Si l’agriculture est performante, elle sera viable, donc elle sera durable. Raison de plus, Mesdames et Messieurs, pour garder le mot «performantes», tel que vous le propose la commission et je vous propose de rejeter l’amendement de Mme Freymond. Je vous remercie.

F Roland OSTERMANN

C’est quoi une agriculture et une sylviculture performantes? En la matière, la performance est généralement quantitative. Elle s’accompagne des noms si doux à certaines oreilles de culture intensive, culture hors-sol, engrais surdosés, pesticides, génie génétique. Cela évoque aussi les cyclistes, avec les moyens qui sont médicalement proposés à certains d’entre eux pour réaliser «leurs» performances. Ce n’est certainement pas ce que veut promouvoir cet article, mais il suscite immédiatement ces images négatives. Ne suffit-il pas de dire que l’État prend des mesures en faveur d’une agriculture et d'une sylviculture respectueuses de l’environnement? Personne, j’imagine, n’est d’avis que l’État devrait soutenir d’autres types d’exploitation. C’est déjà gentil de ne pas dire qu’il prend des mesures à leur encontre. Les exploitations dignes d’être soutenues, et qui ont besoin de l’être, recouvrent une large palette qui ne se limite pas aux formes les plus abouties, ou exacerbées selon les points de vue, de l’agriculture intégrée ou biologique. A contrario, il serait intéressant de savoir ce que c’est que cette agriculture non performante qui ne saurait être encouragée par l’État, malgré ses qualités, au prétexte qu’elle n’aurait pas reçu le label de la performance. Cet article doit donc être modifié. On pourrait même se poser la question de son opportunité. Car, quelles sont en fait les mesures de soutien envisagées? Ne sont-elles pas, en matière agricole, du ressort de la Confédération? S’agit-il d’aménagement du territoire? De subsides, si tant est qu’ils soient autorisés? De locations favorables de terrains, si cela n’est pas contraire aux règles de la concurrence? Mes questions ne se veulent en rien polémiques envers une aide à l’agriculture et à la sylviculture, qui en a encore bien plus besoin. J’ai le sentiment que la qualification de «performantes» est une sorte d’incantation ou de paratonnerre dressé contre une dérive qui conduirait à ne soutenir que des niches idéologiques, une façon de dire qu’il faut raison garder. Le terme choisi est alors inadéquat et évoque par trop les méthodes du passé. D’ailleurs par essence même, une agriculture performante au sens où l’on pourrait comprendre ce terme a-t-elle vraiment besoin d’aide? L’aide n’est-elle pas justement nécessaire parce qu’agriculture et sylviculture ont de la peine à être performantes à l’aune utilisée pour mesurer les activités économiques fébriles qui occupent une partie du monde actuel, alors que leur rôle, dans notre société, et les exigences que l’on a à leur égard sont justement autres? Je vous enjoins donc d’éliminer l’idée de performance dans cet article qui n’est pas consacré à une course de tracteurs.

F Raoul CRUCHON

Tout comme le collègue Ostermann, à la lecture de cet article, j’ai été interpellé. Comment peut-on en effet demander à l’agriculture d’être en même temps performante et écologique? La performance et l’écologie sont tout à fait incompatibles, tout du moins dans le sens où l’on entend la performance généralement; moi, je la perçois sous-entendue économique aujourd’hui, pour ne pas dire financière. Schématiquement, Mesdames et Messieurs, la performance économique n’est possible que dans la logique d’une agriculture industrielle. Et la course au rendement qui caractérise cette agriculture-là ne peut pas être écologique, encore moins qualitative: la pollution des nappes phréatiques par les nitrates, la vache folle et le poulet à la dioxine en sont, je dirais, la parfaite illustration, pour ne pas dire la caricature. Seule une agriculture de type artisanal, humaine, peut garantir le respect de l’environnement. Ma conviction est que nous allons devoir en rester à des petites fermes de polyculture et à l’équilibre qualitatif, écologique et social qu’elles engendrent. Le combat ou les combats de Bové, et plus près de chez nous, de Fernand Cuche, vont dans ce sens: je crois qu’ils méritent notre soutien ou à défaut notre attention. Mesdames et Messieurs, si dans le terme «performance», on n’y voit que la performance économique, alors cet article contient un énorme paradoxe. Si, dans la performance, on tient compte d’un ensemble, comme expliqué par Gérard Bühlmann, on peut admettre cette formulation, encore que je doute que la perception du terme «performance» soit celle de Gérard Bühlmann chez la majorité d’entre nous. L’agriculture, ces dernières années, passe de révolution en révolution, tiraillée justement entre une politique économique régie par l’Europe et l’OMC, et les enjeux écologiques importants dont l’agriculture aura toujours plus la responsabilité. Dans ses futures responsabilités environnementales, l’agriculture aura besoin plus que jamais de la recherche, d’une formation professionnelle pointue et d’une vulgarisation efficace. C’est pour garantir durablement – M. Bouvier ne m’en voudra pas d’utiliser ce terme ici – ces trois piliers indispensables à l’agriculture, pour trouver à l’avenir une alternative à la fatalité industrielle et chimique, que je vous propose de les inscrire dans la Constitution. Pour les mêmes raisons, je soutiens le sous-amendement Morel, qui peut être attaché à mon amendement, si cela nous évite un vote. Merci.

F Charles-Louis MOREL

Je dirai très clairement que l’amendement de notre collègue Cruchon m’ennuie. Il m’ennuie parce que, sur le fond, le texte de la commission me convient parfaitement: il est court, il est clair, il ne cache pas les problèmes, qui ne sont pas seulement les problèmes de l’agriculture mais de toute entreprise, cette tension entre une production de qualité à des prix acceptables pour la population et le respect de l’environnement. Nous notons ce champ de tension dans cet article. Il ne nous paraissait pas nécessaire de partir dans l’énumération et dans le détail de cette tâche. Pourquoi? Parce que dès qu’on se met à détailler des tâches, on en oublie, et c’est la raison de mon sous-amendement: si vous voulez noter les tâches, pour moi, la promotion des produits devient une tâche presque plus importante que la production. Quelqu’un a dit à notre époque: «Il vaut mieux avoir vendu la peau de l’ours avant d’essayer de le tuer». Dans cet esprit-là, ma conviction est la suivante: si vous êtes séduits par l’amendement de M. Cruchon, à ce moment-là, mettons-y aussi la promotion. Je suis devenu d’ailleurs encore plus prudent, puisque je modifie légèrement mon amendement en y mettant «il soutient notamment ces tâches-là», en sachant qu’il peut y en avoir d’autres. En résumé, le texte de la commission me convient. Si l’amendement de M. Cruchon vous convient aussi, ajoutez-y mon sous-amendement.

F Colette LASSERRE

Tout d’abord, j’aimerais préciser que je n’ai absolument rien contre l’agriculture, et ce n’est pas pour cette raison que je désire supprimer cette disposition. Pourquoi, à mon avis, cette disposition n’a t-elle rien à faire dans la Constitution de notre Canton? Tout d’abord, l’agriculture fait partie de l’économie, elle est déjà comprise dans l’article que nous avons voté sur l’économie, elle est le secteur primaire de l’économie; elle est déjà dans la Constitution. Ensuite, l’agriculture est de la compétence fédérale. Le Canton n’a pratiquement pas de liberté d’action dans ce domaine: il doit exécuter la politique fédérale. C’est au niveau de la Confédération que les décisions se prennent, que toutes les orientations sont décidées. Donc, nous n’avons pas vraiment de marge de manoeuvre dans ce domaine. Ensuite, d’un point de vue général, une constitution est adoptée pour un certain laps de temps. Elle est censée durer, elle est censée pour cela s’adapter à des situations nouvelles. Nous n’avons absolument aucune idée de comment les choses vont évoluer, et ceci de manière générale; cela concerne, je pense, tout notre travail constitutionnel. Nous ne savons pas comment l’économie, comment le climat, comment les recherches et la technologie vont évoluer, l’évolution démographique est également inconnue: il ne sert absolument à rien de faire un texte trop précis. Parce que cela signifierait que, dans dix ans, il faudra tout recommencer parce que nous aurons figé, bloqué la situation. Nous devons impérativement alléger le texte qui nous est proposé par la commission: il est beaucoup trop précis. Il est rédigé pour l’heure actuelle et il n’est absolument pas tenu compte du fait que les choses vont changer et que le texte constitutionnel devra pouvoir s’appliquer à long terme. Ensuite, comme l’a dit également M. Bovet tout à l’heure, les tâches du Canton n’ont pas besoin d’être inscrites dans la Constitution pour que le Canton puisse s’en saisir si le besoin s'en fait sentir. Contrairement à la Constitution fédérale, où les tâches doivent inscrites dans la Constitution pour que la Confédération puisse les exécuter, ici, ce n’est pas nécessaire. Enfin, je trouve extrêmement regrettable la tendance actuelle, au sein de notre Assemblée, d’accorder une ligne ou deux ou un article, ou même deux ou trois – parce que finalement on peut aller très loin – à chaque groupe de pression représenté parmi nous. Même si le travail de ces groupes de pression est très important pour notre information, je crois que nous ne devons pas perdre de vue le but qui est, encore une fois, de faire une Constitution légère qui puisse vivre à long terme. Je vous remercie… Comme je vois toutefois que je suis fortement à contre-courant des opinions majoritaires dans cette Assemblée, je retire mon amendement. Mais je continue à penser que nous faisons fausse route. Merci [rires].

F René PERDRIX

Merci à Mme Lasserre, qui va en tout cas nous éviter un vote. Nous passons au développement de l’amendement Freymond. Mme Freymond a la parole.

F Monique FREYMOND-BOUQUET

 Je suis contente qu’une discussion ait pu être ouverte sur le rôle de l’agriculture et je développe ici mon amendement, que vous avez sous les yeux, je l’espère… Alors je vous le relis: «L’État favorise une agriculture durable dans ses diverses fonctions, notamment en relation avec la protection de l’environnement». Puisque la politique agricole suisse est décidée en majeure partie à Berne, quelles sont les possibilités d’actions au niveau cantonal? Surtout, celles mentionnées au deuxième alinéa, celui de l’amendement Cruchon, que je soutiendrai, qui dit que «L’État soutient la recherche, la formation et la vulgarisation». Mais ces mesures ne vont pas forcément rendre l’agriculture plus performante. Pour moi, être performant, c’est être le meilleur, se surpasser et battre des records. Et même dans le dictionnaire, il s’agit de notions chiffrées. Je ne sais pas si on peut les appliquer à l’agriculture. C’est là que je ne suis pas d’accord avec le texte de la commission, qui utilise ce terme, qui est d’ailleurs un anglicisme déguisé. Que chacun accomplisse sa tâche au plus près de sa conscience et de ses facultés, et tout ira mieux. Pour l’agriculture, la tendance actuelle n’est pas d’être performant. Car, avec les moyens techniques, on arriverait facilement à produire beaucoup plus et des produits de qualité. Mais non, il s’agit de produire intelligemment, de cultiver le sol sans l’affaiblir, d’entretenir le paysage, de produire différents aliments de façon saine et en portant le moins possible atteinte à l’environnement. Dans ce cadre, la profession s’est donnée des règles sévères et des codes éthiques qu’il appartient aux agriculteurs d’appliquer. Et l’État peut intervenir en second lieu comme indiqué précédemment. C’est pourquoi, je souscris à l’idée de M. Ostermann de supprimer l’adjectif «performantes», mais par contre je propose d’introduire la notion d’une «agriculture durable». Je sais que c’est un terme galvaudé, mais je vais l’expliquer. Jusqu’ici le terme «durable» était le plus souvent associé au développement, dans le sens d’un progrès qui veille à préserver le patrimoine à transmettre aux générations futures. En appliquant cet adjectif à l’agriculture, c’est le nouveau concept émanant des défenseurs engagés de la profession, d’une exploitation qui pourra perdurer, être transmise à un descendant ou à quelqu’un d’autre qui continue le métier. Il faut faire plus que de se payer de mots vagues et de bonnes intentions. Une diminution trop importante du nombre d’agriculteurs mettra en péril un ensemble de traditions, de savoir-faire et de vie rurale dont l’apport social n’est pas chiffrable et qui constituent un facteur important d’équilibre et de bien-être de la population. Ces diverses fonctions, j’y souscris également, elles sont d’ailleurs énumérées dans la Constitution fédérale, à son article 104. A ce propos, j’ai été vraiment heureuse d’entendre M. Rebeaud se faire le chantre de l’agriculture, lorsque nous avons discuté de l’aménagement du territoire. Donc, je vous invite à bien peser les termes de cet article 2.3.18 et à soutenir mon amendement, qui a été complété au second paragraphe par celui de mon collègue Cruchon.

F René PERDRIX

Merci à Mme Freymond d’avoir développé son amendement et précisé dans quel cadre il s’inscrivait, c’est-à-dire en complément de l’amendement Cruchon. Nous traitons maintenant de l’amendement Mamboury. Vous n’en savez rien sur votre document; par contre, il figure derrière moi sur le tableau. Mme Mamboury vous avez la parole.

F Catherine MAMBOURY

Comme l’a déjà évoqué M. Ostermann tout à l’heure, à l’heure du maïs transgénique et de la vache folle, ce n’est pas participer à la psychose ambiante que de vouloir souligner dans l’article de la Constitution une dimension qui ait trait à la protection de la santé des consommateurs de notre agriculture. Je propose donc un amendement qui prend la forme suivante, comme vous pouvez le lire, d’ajouter au respect de l’environnement, celui de la santé de la population. D’autre part, je demande à appuyer les propos de M. Ostermann et je soutiendrai son amendement, tant la performance dans ce domaine risque de mettre en péril les conditions d’une production respectueuse de la santé de la population. L’observatoire que nous donne le débat français actuel nous permet de bénéficier de témoignages des producteurs du pays voisin, qui montrent bien que ce sont les lois d’une productivité performante qui ont engendré les dérives graves que nous connaissons actuellement. Merci.

F Philippe CONOD

J’interviens pour vous demander de soutenir le texte de la commission tel qu’il vous a été présenté. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas un texte qui a été rédigé au Comptoir Suisse, avec une coloration que l’on pourrait peut-être critiquer, mais qui a fait l’objet d’une réflexion importante, même intensive, des membres de la commission. Performante, c’est vous qui le direz. Le terme «d’une agriculture et d’une sylviculture performantes» a été volontairement choisi. On n’entend pas par-là une agriculture intensive et ce n’est pas du tout ce qu’a voulu dire la commission. Au contraire, je crois que les deux termes «respectueuses de l’environnement» et «performantes» peuvent tout à fait – et même doivent – se joindre pour former un tout. Je vous donnerais un exemple tiré d’un domaine que je connais bien, puisque c’est mon hobby, l’apiculture, qui entre bien évidemment comme l’arboriculture dans le cadre de l’agriculture. Sur un plan plus général, les abeilles piquent, c’est une chose, mais parfois cela fait un peu moins mal que les flèches qu’on peut recevoir à la Constituante. [brouhaha] Un exemple: En Inde, vous avez une sorte d’abeille, l’abeille Dorsata qui vit en symbiose avec un tout petit acarien, et il n’y a aucun problème au niveau de l’abeille et de l’acarien: ces deux insectes vivent très bien. Les Anglais sont intervenus et ont amené en Inde l’abeille telle que vous la connaissez ici. Or, cette abeille ne supporte pas cet acarien, qui vide en quelque sorte l’abeille de sa lymphe. Et au bout de quelques années, ces acariens ont passé l’Himalaya depuis l’Inde, et petit à petit, en venant de l’Est, sont arrivés jusqu’en URSS, Hongrie et jusqu’à nous. Cela cause des dégâts considérables aux ruchers. Et en France notamment, en Allemagne, vous avez eu la possibilité de traiter ces acariens avec des acaricides, produits – je ne vais pas citer de firme – qui sont très efficaces. Malheureusement, ces produits laissent des traces de pesticides dans le miel ou dans la cire ou dans les produits dérivés. Si on applique ce schéma-là à notre article, nous voyons que l’on peut tout à fait avoir une apiculture respectueuse de l’environnement, on ne fait rien. Les abeilles qui tiendront le coup survivront et il n’y a pas de produits chimiques. En revanche, si on veut une apiculture performante, il faut se tourner vers des produits qui ne seront pas des produits de synthèse mais qui permettront de lutter efficacement contre cet acarien. On n’arrivera pas à le supprimer, parce que cela n’est pas possible; mais à limiter la progression de cet acarien. Cela permet d’une part de donner au consommateur suisse un miel de qualité et en suffisance, alors que l’on n’a aucune connaissance sur les miels produits à l’étranger. Deuxièmement, et là on rejoint l’agriculture, cela permet aussi de maintenir un nombre de ruches suffisant pour assurer une tâche essentielle, celle de la pollinisation des arbres. Ce schéma vous le retrouvez exactement, dans bien d’autres domaines de l’agriculture.

F Fabien LOI ZEDDA

J’invite tout d’abord Mme Lasserre à réviser la répartition des compétences entre Confédération et cantons: s’il est vrai que la recherche, dans ce domaine-là, est régie de manière fédérale, ce n’est pas du tout le cas de la promotion et de la formation, ce sont même des points importants sur le Canton. Je souhaite, chers collègues, que tout ce que l’on raconte sur notre passé, notre présent et notre futur agrarien ne soit pas qu’un discours de cantine. Ce sont les raisons pour lesquelles, dans la commission, c’est en fonction d’éléments extrêmement forts que nous avons souhaité cet article, et non pas, comme on a voulu le faire passer tout à l’heure, pour un verni. Quant à ces fameux groupes de pression, je trouve l’expression presque maladroite, dans le sens où ils sont le reflet direct d’une démocratie, aussi bien, aussi mal que les autres. Je vous invite à soutenir le texte de la commission, qui est un reflet et un signe important, à notre avis, pour notre Constituante.

F Daniel BRELAZ

Je n’avais pas pensé intervenir sur ce chapitre, mais après un certain nombre de choses que j’ai entendues, je crois qu’un certain nombre de choses méritent d’être précisées. Tout d’abord, en prenant dans l’ordre, l’amendement sur la santé, je comprends tout à fait, dans l’objectif de ce qui s’est passé en Belgique notamment, un tel amendement. Il faut néanmoins être conscient que, dans le particularisme du Canton de Vaud, et cela mérite d’être éclairé avant le vote, un tel amendement aurait pour conséquence l’interdiction du tabac dans la Broye, ce qui est quand même une très grosse part de l’agriculture vaudoise. Mais on peut faire ce choix, il faut simplement être conscient de le faire. [brouhaha] Quant à l’alcool, c’est un tout petit peu moins contesté, M. Cohen-Dumani. Mais, disons, il faut être conscient, simplement, de ces conséquences-là, c’est tout. Maintenant, en ce qui concerne le reste du débat, je crois quand même qu’il faut qu’on se rende compte qu’avec la notion de «performance», on introduit incontestablement une source de confusion majeure, y compris autour des possibilités d’interventions de l’État. Avec les accords de l’Organisation Mondiale du Commerce, avec tout ce qui se passe au niveau de la Confédération, on est maintenant dans des régimes de paiements directs, dans des régimes de prestations. Incontestablement, cela n’interdit pas de le faire de manière efficace ou efficiente, ce qui serait d’ailleurs une bien meilleure traduction du mot anglais que vous avez voulu utiliser, avec «perform». Mais la situation ici, elle est très clairement qu’on va de manière contraire par rapport aux possibilités légales d’un État, puisque les prestations directes, pour l’essentiel payées par la Confédération, il faut le dire, et les suppléments cantonaux s’introduisent quand même sous le couvert de tout ce qui est lié au GATT, à l’OMC, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, et c’est le régime actuel. Dans ce sens-là, les précisions apportées notamment par M. Cruchon, ou la version complètement différente de Mme Freymond, ce qui est une autre manière de rédiger, est beaucoup plus près des accords que la Suisse a signés au niveau international, et également de l’application et de la marge de manoeuvre cantonales qu’il reste après tout ce que la Confédération fait de manière obligatoire. Et, à ce stade, et surtout avec un mot aussi malheureux que «performant» par rapport à d’autres termes qui pourraient peut-être encore être étudiés d’ici le débat 1 ou 2, il me paraît plus utile d’aller dans le sens soit de la version Freymond, complétée Cruchon, soit de la version de la commission, avec «performant» en moins, complétée aussi Cruchon et bien sûr Morel.

F Isabelle MORET

Laissez-moi ici plaider aussi pour une agriculture et une sylviculture performantes, car agriculture performante n’est pas synonyme de production de masse, d’OGM, etc., de ces choses horribles que personnellement je n’ai pas envie de manger. À l’article 2.3.15 sur l’aménagement du territoire, vous avez reconnu que l’agriculture est une branche de notre économie, puisque nous avons inscrit le terme «économie» sans différencier les différentes branches de l’économie, l’agriculture étant comprise. Or, dans notre Canton, l’agriculture et la sylviculture sont des branches importantes de notre économie. Vous avez certainement lu comme moi dans les journaux les problèmes auxquels sont confrontés notre agriculture et en particulier nos jeunes agriculteurs. Or, l’agriculteur et sa famille doivent pouvoir vivre de leur travail. Il faut donc que son domaine et son entreprise soient non seulement viables mais performants. Mais une entreprise agricole économiquement performante n’est pas forcément orientée sur la production de masse. Il est possible qu’elle le soit, il est possible qu’elle pratique de l’OGM, etc., mais ce n’est pas forcément nécessaire. En effet, je pense personnellement qu’à l’échelle européenne, voire mondiale, je ne suis pas sûre que la survie de notre agriculture soit vraiment dans la production de masse. Bien plus, une entreprise agricole spécialisée dans le bio peut être tout à fait économiquement performante. Les niches, les produits du terroir comme les développe actuellement Prométerre, la traçabilité des produits, etc., tout ceci permet à nos entreprises agricoles d’être économiquement performantes. Il existe actuellement une catégorie de consommateurs qui privilégient la qualité et qui sont prêts à en mettre le prix. Et je pense que ce sera de plus en plus le cas. En introduisant le terme de «performant» dans la Constitution, vous dites simplement que l’entreprise agricole doit être viable, que l’entrepreneur et sa famille doivent pouvoir vivre de leur travail. Vous affirmez que l’agriculture est une branche de notre économie. En clair, vous dites oui à l’agriculture en tant que branche de notre économie et vous dites non à un agriculteur réduit à n’être plus qu’un jardinier-paysagiste de notre Canton. Certes, il est important que l’agriculteur soigne notre paysage, mais ce n’est qu’une de ses activités, ce n’est pas son activité essentielle. L’essentiel, c’est que l’agriculteur et sa famille doivent pouvoir vivre de leur travail. Oui, à l’agriculture en tant que branche de notre économie. Non à l’agriculteur réduit à n’être qu’un simple jardinier-paysagiste [applaudissements].

F René PERDRIX

Merci à Isabelle Moret de son intervention. Les constituants demandent-ils encore la parole à propos de cet article? Si ce n’est pas le cas, nous passons au vote. Nous traitons de l’amendement Ostermann. Le constituant Ostermann propose de supprimer le mot «performantes». Celles et ceux qui soutiennent l’amendement Ostermann sont priés de le manifester en levant la main. Celles et ceux qui s’opposent à la suppression du terme «performantes». L’amendement Ostermann est refusé par 75 NON contre 51 OUI.

Amendement Ostermann refusé par 75 non contre 51 oui.

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de l’amendement Cruchon… ou plutôt du sous-amendement Morel. Vous l’avez sous les yeux: «Dans ce cadre, il soutient notamment la recherche, la formation, la vulgarisation et la promotion des produits». Celles et ceux qui soutiennent le sous-amendement Morel sont priés de le manifester en levant la main. Ceux qui s’opposent à ce sous-amendement sont priés de le manifester en levant la main. La majorité est évidente, le sous-amendement Morel est accepté. [voix inaudibles] Il y a une telle similitude… [voix inaudibles] Merci au constituant Cruchon de cette déclaration. L’amendement Cruchon est retiré et nous passons au vote… [brouhaha] Le président de la commission 2 a la parole, exceptionnellement durant un vote.

Sous-amendement Cruchon retiré.

F Gérard BUHLMANN

C’est le constituant Bühlmann qui s’exprime: je ne suis pas d’accord avec la manière de voter. On a voté sur le sous-amendement Morel par rapport à l’amendement Cruchon, et c’est pour cela que je l’ai soutenu. Je n’ai pas encore soutenu l’amendement Cruchon. Et je veux avoir la possibilité de voter sur l’amendement Cruchon modifié Morel. Donc, maintenant, on doit voter sur le fond du texte que nous avons opposé à l’autre. Donc, je veux que l’on vote maintenant sur cet amendement modifié. Merci.

F René PERDRIX

Sous cette forme-là, d’accord. Donc, nous passons à l’amendement Cruchon, malgré sa déclaration de retrait. Les personnes qui soutiennent l’amendement Cruchon modifié Morel, je vous rappelle que c’est exactement le même texte, [brouhaha] sont priées de le manifester en levant la main. Merci. Les personnes qui s’y opposent. La majorité est évidente: l’amendement Cruchon modifié Morel est accepté. Je rappelle que l’amendement du groupe À Propos a été retiré, celui-là. Nous traitons de l’amendement Freymond. Les personnes qui soutiennent l’amendement Freymond sont priées de le manifester en levant la main. Merci. Les personnes qui s’opposent à l’amendement Freymond sont priées de le manifester en levant la main. Par 56 voix contre 29, l’amendement Freymond est refusé.

Amendement Freymond refusé par 56 voix contre 29.

F René PERDRIX

Nous traitons de l’amendement Mamboury, c’est-à-dire l’adjonction de «et de la santé de la population». Les personnes qui soutiennent l’amendement Mamboury sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s’opposent à l’amendement Mamboury sont priées de le manifester en levant la main. L’amendement Mamboury est refusé par 79 voix contre 31.

Amendement Mamboury refusé par 79 voix contre 31.

F René PERDRIX

Nous nous prononçons dans le vote prochain sur l’ensemble, le texte de la commission et le rajout du sous-amendement Morel-Cruchon. Vous avez l’article sous les yeux? Les personnes qui soutiennent la rédaction de l’article tel qu’il vous est présenté maintenant sont priées de le manifester en levant la main. Merci [brouhaha]… Il faut compter. Les personnes qui s’opposent à l’inscription de cet article sont priées de le manifester en levant la main. Abstentions? L’article 2.3.18 est accepté par 114 OUI contre 5 NON avec 15 abstentions.

 

Article 2.3.18 – Agriculture et sylviculture
(114 OUI contre 5 NON avec 15 abstentions)
L’État prend des mesures en faveur d’une agriculture et d’une sylviculture performantes et respectueuses de l’environnement, en tenant compte de leurs multiples fonctions.
Dans ce cadre, il soutient notamment la recherche, la formation, la vulgarisation et la promotion des produits.

top


Article 2.3.19 — Sécurité sociale (1ère discussion)

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de l’article 2.3.19, «Sécurité sociale», avec une première intervention du président de la commission 2.

F Gérard BUHLMANN

Je ne viens pas vous proposer de vous parler de l’article 2.3.19. J’ai déposé une motion d’ordre auprès du comité pour procéder différemment. En effet, contrairement à ce qui est mis sur votre feuille, l’article 2.3.19 n’est pas seulement en rapport avec les articles 3.1 et 3.9, mais il touche également tout à fait directement les articles 3.7 et 3.10. Par ailleurs, la commission 3 se plaint – et on peut dire à juste titre – de voir traiter ses articles à la hue et à la dia, sans ordre cohérent. Nous abordons ici un chapitre dont l’importance n’aura échappé à personne, et il me semble équitable, aussi pour la commission 3, de pouvoir traiter ces quatre articles en un bloc. Troisième raison de ma motion d’ordre: vous avez tous lu que notre collègue constituante Sylviane Haefliger a déposé un amendement qui vise à faire un seul article des 3.7, 3.9 et 3.10. Il me paraît donc absolument important qu'on discute de ces articles en bloc, ne serait-ce que pouvoir voter sur cet amendement. Enfin, dernière raison: en fonction des votes que fera votre Assemblée, je viendrai avec des propositions d'amendement des articles 2.3.19, voire 2.3.20, ce que je ne peux évidemment pas faire avant que nous nous soyons déterminés, notamment sur les articles 3.7 et 3.10. Pour toutes ces bonnes raisons, je vous propose d'ouvrir le débat et de voter sur les quatre articles 3.1, 3.7, 3.9 et 3.10, y compris, bien entendu, la proposition de les réunir en un, et après seulement ces votes-là d'ouvrir la discussion sur les articles 2.3.19 et suivants.

F René PERDRIX

Merci au président de la commission 2. La motion d'ordre est-elle soutenue? Merci. Discussion ouverte sur la motion d'ordre. La discussion n'est pas demandée, nous passons au vote sur la motion d'ordre. Les personnes qui soutiennent la motion d'ordre sont priées de le manifester en levant la main. Merci, la majorité est évidente. La motion d'ordre est acceptée et nous passons prioritairement à la discussion sur les articles proposés par la commission 3, soit 3.1, 3.7, 3.9 et 3.10, en priorité par rapport aux 2.3.19 et suivants.

Motion d’ordre Gérard Bühlmann acceptée à une large majorité – discussion prioritaire des articles proposés par la Commission 3, soit 3.1, 3.7, 3.9 et 3.10 par rapport aux 2.3.19.

Article 3.1 – Dignité humaine

F René PERDRIX

Concernant l'article 3.1, «Dignité humaine», Monsieur le président de la commission 3 a la parole.

F Pierre HERMANJAT

L'article 3.1, «La dignité humaine est respectée et protégée» est le premier article concernant le chapitre des droits fondamentaux dans toutes les Constitutions. Je vous invite donc à le voter tel qu'il vous est présenté.

F René PERDRIX

Merci au président de la commission. La discussion est ouverte. La discussion n'est pas demandée. Nous passons au vote sur la proposition de la commission. Les scrutateurs sont prêts. L'article 3.1, «Dignité humaine»: «La dignité humaine est respectée et protégée», comme présenté par la commission 3. Les personnes qui soutiennent cette rédaction sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à l'inscription de cet article. Les abstentions. L'article 3.1 [applaudissements] est inscrit dans notre projet par 142 voix, sans opposition ni abstention.

Article 3.1 – Dignité humaine
(142 voix, sans opposition ni abstention)
La dignité humaine est respectée et protégée.

Article 3.7 – Protection de la santé

F René PERDRIX

Nous traitons maintenant de l'article 3.7. Comme il ne figure pas dans vos papiers, il est nécessaire de disposer d'un petit peu de temps. Il s'agit de la protection de la santé. Monsieur le président de la commission 3 a la parole.

F Pierre HERMANJAT

La commission a très longuement débattu des articles 3.7, 3.9 et 3.10. Nous allons aborder en premier le 3.7. Ces trois articles s'inscrivent dans une logique tout à fait logique. L'article 3.7 met en exergue tout ce qui concerne la protection de la santé. Au vu de ce qui se passe actuellement – et je crois que l'actualité nous sert aujourd'hui –, nous avons trois alinéas qui sont parfaitement complémentaires et qui sont en plus appuyés par les articles 3.19 et suivants de la commission 2. Il n'y a aucune redondance et je vais prendre les alinéas les uns après les autres. Premier alinéa: «Toute personne a droit à la protection de la santé et aux informations nécessaires à celle-ci». C'est un alinéa qui est d'une importance extrême. La protection de la santé doit être au centre des préoccupations de notre société qui est en train de dériver dans certains coins, on en a eu déjà quelques bribes de discussion à propos d'autres articles concernant d'autres domaines, mais là, la santé doit vraiment être une des priorités fondamentales de notre société future. Pour pouvoir avoir une protection de la santé efficace, il faut que tout citoyen ou toute personne puisse avoir accès aux informations nécessaires à cette protection. L'alinéa 2: «Toute personne a droit aux soins médicaux essentiels, à ne pas souffrir inutilement et à mourir dans la dignité». Je mets une petite pause entre chacune de ces portions de phrase parce que se sont trois objets totalement différents les uns des autres. Les soins médicaux essentiels, personne ne le conteste, ils sont absolument indispensables. Mais le fait de ne pas souffrir inutilement est aussi une préoccupation première de notre société. Nous avons les moyens médicaux pour y arriver et il faut pouvoir s'en doter et inscrire un droit fondamental en ce qui concerne cette portion de l'article. Et puis, mourir dans la dignité, vous savez que des organismes comme Exit existent. Ils ne sont pas officialisés, on peut fonctionner comme cela, mais c'est encore mieux si on le dit et si on le met dans un droit fondamental. Le fait de pouvoir mourir dans la dignité n'autorise pas l'euthanasie active, c'est bien clair. Le troisième alinéa: «Les personnes vulnérables, dépendantes, handicapées ou en fin de vie, ont droit à une attention particulière». Je n'ai pas besoin de vous faire de longs discours à ce sujet. Il y a des exclus dans notre société, il faut forcément pouvoir s'en occuper. Mme Haefliger – dans une proposition qui viendra plus tard en ce qui concerne un ajout à un article de la commission 2 – vient parfaitement en complémentarité dans les «Tâches de l'État» pour appuyer ce droit fondamental. Maintenant je viens rapidement au sujet des propositions minoritaires. La première proposition – modification de l'alinéa 1 – me semble beaucoup plus faible que celle de la commission, «Toute personne a droit aux informations nécessaires à la protection de la santé». Il me semble qu'il faut mettre «la protection de la santé» en priorité, et «les informations nécessaires» viennent ensuite. Claudine Amstein propose la suppression de l'article. Vous l'avez compris, je ne suis pas du tout de cet avis. Le regroupement des articles proposé par Sylviane Haefliger, de regrouper trois articles – les 3.7, 3.9 et 3.10 – ne me paraît pas du tout justifié puisque chacun traite d'un cas bien particulier: le premier qu'on traite maintenant, «protection de la santé», ensuite un «droit au minimum vital» qui est quand même autre chose, et le «droit à un logement d'urgence» qui est encore une troisième notion de ces droits fondamentaux à inscrire dans notre Constitution. Je vous recommande donc d'accepter l'article 3.7 tel qu'il vous a été proposé par la commission.

F René PERDRIX

Merci au président de la commission. Pour ceux qui ont le texte du fascicule de base sous les yeux, il y figure une proposition Amstein de suppression de l'article. Celle-ci a été retirée, c'est une erreur de transcription. L'amendement Amstein a été supprimé, Mme Amstein se rallie à l'amendement Haefliger. Jean Martin a la parole.

F Jean MARTIN

Merci de m'écouter sur quelques considérations à propos d'un article, au chapitre des «Droits fondamentaux», sur la protection de la santé et le droit aux soins de santé. Il ne s'agit pas d'un droit à la santé qui serait une dimension philosophique que, à l'évidence, on n'est pas en mesure d'assurer, mais d'un droit à une certaine protection et à certains soins. D'abord une remarque générale, si vous le voulez bien, sur notre travail. Il m'apparaît que, trop souvent chez certains d'entre nous, on entend ou on voit des réactions du type «le changement, c'est le diable». Pourtant, je pars de l'idée que nous voulons élaborer une Constitution adaptée à la situation d'aujourd'hui et – potentiellement et dans la mesure de nos compétences – de demain, et pas seulement reproduire sous une forme toilettée ce qui valait il y a cent ou deux cents ans. Cela est pertinent pour ce qui nous concerne ici. Il n'y a, à l'évidence, pas de droit aux soins de santé dans les textes contemporains de la Révolution française, par exemple, pour plusieurs bonnes raisons: parce que les soins étaient à l'époque – et ils l'ont été chez nous pratiquement jusqu'au milieu du 20 e siècle – essentiellement une affaire privée où les pouvoirs publics n'avaient que fort peu à faire, auxquels n'avait accès qu'une minorité et surtout parce que la médecine et ceux qui fournissaient des soins étaient pour l'essentiel inefficaces. À l'évidence, les choses ont changé et, sans avoir toutes les réponses, il est clair que depuis quelques décennies – pas tellement de décennies –, la médecine apporte des soins efficaces, est en mesure de modifier le cours de la maladie et apporte des soulagements réels, objectifs, à nos concitoyens malades ou blessés. Encore une notation générale: je veux croire que nous ne craindrons pas d'inclure des choses nouvelles dans notre Constitution. Dans plusieurs discussions, j'ai entendu exprimer des réserves ou des craintes parce que la Constitution neuchâteloise, la Constitution jurassienne ou la Constitution bernoise ne parlaient pas de telle ou telle chose qui était en discussion dans notre plénum ou dans nos commissions. Au nom de quoi nos voisins et amis confédérés auraient-ils épuisé les sujets constitutionnels de manière exhaustive, d'une manière telle que nous devrions craindre d'aborder quelques innovations, de mettre le nez à la fenêtre, de faire preuve d'un tout petit peu d'originalité? Une fois encore, il s'agit de la pertinence et de la relative modernité de ce que nous allons produire. Une dernière remarque en préambule: je n'ai pas voté tout à l'heure pour l'amendement de notre collègue Mamboury – qui proposait, à propos de l'agriculture, d'inclure une référence à la protection de la santé –, simplement pour une question de systématique. Il me paraît que nous avons besoin d'un article substantiel sur la protection de la santé et les soins de santé et qu'on ne peut pas faire référence – même si je ne suis pas contre les redondances – au même sujet à propos de multiples secteurs d'activité. Cela étant, je suis très favorable au fait que nous élaborions un article santé et je ne me rallie pas à la proposition de notre collègue Haefliger de faire quelque chose de beaucoup plus synthétique et résumé. Je souhaite que la Constitution vaudoise de demain précise un certain nombre de choses de manière plus détaillée. S'agissant d'un droit aux soins de santé, certains craignent des revendications excessives; ce sont des commentaires qu'on entend de temps en temps, en plus de ce que j'appelais le syndrome dit «le changement, c'est le diable». Or le droit aux soins de santé est d'ores et déjà reconnu dans notre société, en Suisse et dans le Canton de Vaud. On ne laisse plus – dans le Canton de Vaud – une femme enceinte accoucher sur les escaliers extérieurs de l'hôpital – comme cela se fait aux États-Unis – parce qu'elle n'aurait pas, par hypothèse, les sous destinés à payer les soins. On ne laisse pas un malade cancéreux ou souffrant d'une autre maladie grave sans soins parce qu'il ne serait pas solvable, et on ne met pas à sa disposition des médicaments ou des traitements de second ordre parce qu'il est moins solvable. Par ailleurs, depuis le 1 er janvier 1996, nous avons une loi fédérale qui assure une prise en charge médicale de base – avec un catalogue très large – à l'ensemble des résidents de ce pays. C'est dire que le droit aux soins de santé, il est reconnu. Il ne doit à mon sens y avoir aucune crainte quant au fait que, tout à coup, on verrait fleurir des revendications multiples, diverses et excessives d'un certain nombre de citoyens à cet égard. On pourrait dire que, tout ça va sans dire –clairement, dans le cas particulier, si nous voulons un texte constitutionnelle un peu complet, ça va mieux en le disant. Quelques remarques maintenant – et je terminerai par-là – sur les alinéas de l'article 3.7 qui vous est proposé par la commission. S'agissant du premier alinéa, il y a un amendement d'une minorité à laquelle j'appartenais – aussi surprenant que cela puisse être pour certains d'entre vous – et qui est plus faible, ainsi que le président de notre commission l'a relevé. C'est clairement plus faible. Au sein de la Commission, j'étais de ceux qui pensaient qu'on a droit aux informations nécessaires à la protection de la santé mais qu'il est un peu problématique d'inclure le premier alinéa de la majorité de la commission («toute personne a droit à la protection de la santé»). Là, je reconnais la légitimité de certaines craintes quant au fait qu'on pourrait, à l'aide de cet alinéa, aller devant un tribunal revendiquer comme un droit justiciable la protection de la santé d'une manière difficile à cadrer. S'agissant de l'alinéa 2, pour lequel j'espère votre soutien franc et massif, la question peut se poser du qualificatif dont on a assorti «soins médicaux»: soins médicaux «essentiels». Dans les commentaires qui apparaissent dans le document original du 7 juillet dernier, on a bien voulu laisser quelques explications dont j'étais l'auteur principal, sur le fait que l'adjectif «essentiel» paraît adapté, même s’il n’est pas parfait, et paraît plus judicieux que «indispensables», vitaux», «de base» ou que sais-je encore. Je relève aussi – même si je pense qu'il ne faut pas forcément se calquer sur nos voisins confédérés – que c'est le même terme qui est utilisé dans la Constitution bernoise, «soins médicaux essentiels». S'agissant de ne pas souffrir inutilement et de mourir dans la dignité, le président Hermanjat a bien relevé l'importance de ces considérations, vraiment d'une grande actualité dans le système médico-social de notre pays actuellement, et dont on peut être certain qu'elles ne vont pas être obsolètes dans quelques années. L'acuité de ces problèmes va se maintenir et va augmenter. Je crois que ça n'est pas trop particulariste, ni trop détaillé de préciser ces points. J'y verrais véritablement un plus dans un document que nous proposerions au peuple vaudois. S'agissant de l'alinéa 3, «Les personnes vulnérables, dépendantes, handicapées ou en fin de vie ont droit à une attention particulière», la discussion est intervenue dans notre commission quant au fait que si on dit que quelqu'un a droit à une attention particulière, ça peut vouloir dire que les autres reçoivent moins d'attention. Il y a là, à l'évidence, une dissertation philosophique très intéressante qui devrait être faite. Je crois néanmoins qu'il serait bon de maintenir cet alinéa 3 et sa formulation qui parle d'attention particulière. «Attention particulière» sans précision majeure me paraît permettre d'écarter les craintes de ceux qui voient le recours au juge sur la base d'un article constitutionnel comme le grand danger et la grande épée de Damoclès qui pèse sur tout ce chapitre sur les «Droits fondamentaux». Nous marquerions ainsi un droit qui pourrait être, le cas échéant, interprété – certainement de manière raisonnable – par les juges. Je suis donc favorable, comme je l'ai dit en introduction, au maintien d'un article spécifique «Droit aux soins de santé» et je vous recommande de ne pas prévoir une modalité beaucoup plus succincte et résumée.

F René PERDRIX

Merci à Jean Martin de son intervention. J'avais cru naïvement qu'il venait défendre la proposition de minorité pour le premier alinéa, il vous a dit lui-même qu'il ne faisait plus partie de cette minorité. Elle a pourtant droit à la parole.

F Jean MARTIN

C'est embêtant d'être trop long et confus. S'agissant de l'amendement de minorité, selon l’alinéa un, j'ai dit que je faisais partie de la minorité qui proposait «Toute personne a droit aux informations nécessaires à la protection de la santé», tout en relevant que, à juste titre, le président Hermanjat avait relevé que c'était beaucoup moins fort. J'ai dit – aussi surprenant que ça puisse être pour certains dans la mesure où je suis médecin de santé publique – que j'étais de la minorité qui propose le texte sous un, dans la colonne de droite, parce qu'il me paraissait que la formulation de majorité va trop loin, c'est-à-dire la revendication à n'importe quelle protection de sa santé – le cas échéant, invocable devant un tribunal.

F René PERDRIX

Je ne sais pas beaucoup plus qu'avant [rires], mais je pense que vous êtes comme moi… Nous considérons que la minorité a défendu sa position et nous passons à l'intervention de Mme Haefliger.

F Sylviane HAEFLIGER

Mon intervention concerne la deuxième partie de l’article [brouhaha], et se rapporte aux «Droits fondamentaux», et à la différence à faire avec les «Tâches de l'État». Mon intervention vise à séparer la première partie de ce paragraphe – soit «Toute personne qui est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a droit aux soins médicaux essentiels», qui est un réel droit fondamental – et à reporter le reste de l'article, que nous soutenons tout à fait, dans les «Tâches de l'État». En fait, je souhaite évoquer un problème de fond qui n'a malheureusement jamais pu être discuté en plénière. Une majorité de la commission 3 propose que tous les articles retenus par elle soient considérés comme des droits fondamentaux. Il faut entendre par-là qu'il s'agit de droits que le citoyen peut invoquer directement devant un juge, sans qu'il faille d'abord les mettre en oeuvre dans une loi. Il convient de s'interroger: «qu'ont fait les autres Cantons devant le même problème?» Dans la Constitution bernoise, on trouve un chapitre intitulé «Droits fondamentaux, droits sociaux et buts sociaux». Dans cette Constitution, les droits sociaux sont au nombre de trois: le droit des enfants – qu'on retrouve traditionnellement –, le droit à des prestations sociales minimales – qu'on trouve aussi traditionnellement – et le droit des victimes. Mais c'est tout, il n'y a pas d'autres droits sociaux chez les Bernois. Par contre, la suite du chapitre – bernois toujours – traite des buts sociaux. Qu'est-ce que c'est qu'un but social? Il s'agit de prestations que l'individu peut réclamer à l'État, mais après qu'elles aient été définies par des lois. Contrairement aux droits fondamentaux, les buts sociaux s'adressent, eux, aux autorités législatives du Canton et des communes, qui s'engagent en faveur de leur réalisation. Or la commission 3 ne distingue pas entre «Buts sociaux» et «Droits fondamentaux». Dans la Constitution neuchâteloise, on trouve également un chapitre intitulé «Droits fondamentaux, buts et mandats sociaux». La Constitution fédérale comprend, elle aussi, à côté des droits fondamentaux, des buts sociaux. On voit donc que buts et mandats sociaux apparaissent, à côté des Tâches de l'État, dans les trois Constitutions citées précédemment. On en vient maintenant à la question de fond: la Constitution vaudoise n'aurait-elle, elle, que des droits fondamentaux? En clair, cela signifie que l'on souhaite, dans le projet vaudois, mettre dans les «Droits fondamentaux» des dispositions qui figurent partout ailleurs dans les buts et mandats sociaux. On peut se poser la question: est-ce bien raisonnable? En avons-nous vraiment les moyens? Avons-nous vraiment d'autres moyens que les autres Cantons n'auraient pas? Ce sujet mérite réflexion. Pour avancer dans notre réflexion, notre Constitution vaudoise pourrait s'inspirer de la Constitution jurassienne où dans les «Droits fondamentaux» ne figurent que les droits reconnus comme tels, et où les Buts et mandats sociaux sont regroupés avec les «Tâches de l'État». Pour revenir à mon amendement, je vous propose de suivre cette proposition et de faire clairement la distinction entre ce qui est un droit fondamental – et le droit à des soins essentiels en est un – et de garder le reste de l'article qui serait traité conjointement avec les «Tâches de l'État». Parce qu'en fait entre les «Buts et mandats sociaux» et les «Tâches de l'État», la différence n'est pas très grande; c'est plutôt une question de nuance. Cette façon de procéder permettrait d'éviter de nombreux problèmes à l'avenir, quand on traitera des sujets qui ont été étudiés par le commission 3 parallèlement à la commission 2. Encore une dernière précision: il y a un ajout à ce qui était dans le texte initial de la commission («Toute personne a droit aux soins médicaux essentiels»)devient: «Toute personne qui est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien …» qui vise donc à limiter ce droit à ceux qui en ont réellement besoin, sur les critères reconnus traditionnels. Disons que c'est un peu anticiper, je pensais vous présenter l'autre amendement – que vous connaissez – ultérieurement, quand on aura traité le droit à un logis et le droit aux moyens indispensables au maintien de sa dignité. Le principe est le même, dans ce sens qu’il permet de regrouper sous une appellation «Droit à des prestations sociales minimales» ces trois droits fondamentaux, qui sont strictement des droits fondamentaux, qui sont reconnus dans toutes les Constitutions – aussi bien la Neuchâteloise que la Bernoise que fédérale – et de transférer le reste des articles dans les «Tâches de l'État».

F René PERDRIX

Si j'ai bien compris la proposition Haefliger, l'intervention de Mme Haefliger aurait dû intervenir au 3.10. Que la discussion ait lieu, d'accord, mais le vote formel sur la proposition Haefliger ne peut intervenir qu'après le 3.10.

F Sylviane HAEFLIGER

Disons qu'il y a deux points différents. L'amendement présenté maintenant consiste à séparer dans ces articles ce qui est «Droits fondamentaux» et ce qui est «Tâches de l'État», si on veut vraiment clarifier les choses. Et puis il y a le deuxième point, c'est regrouper les trois articles qui traitent du même sujet.

F René PERDRIX

Mme Luisier veut expliciter un point de procédure.

F Christelle LUISIER

Il me semble qu'il règne un petit peu de confusion quant à la procédure qu'on est en train de suivre. Il me semble que, tout d'abord, nous allons épurer les articles 3.7, 3.9 et 3.10 – et c'est dans ce cadre-là que Mme Haefliger a déposé un amendement qui modifie le 3.7 –, mais c'est en fait si son amendement à elle ne passe pas par la suite, vous voyez ce que je veux dire. Il y a donc une première procédure où on épure les articles 3.7, 3.9 et 3.10; une fois qu'on aura épuré ces articles avec les amendements qui sont déposés à ces articles – dont l'amendement de Mme Haefliger qu'elle vient de déposer –, on va, à mon avis, opposer l'amendement Haefliger de regroupement aux articles 3.7, 3.9 et 3.10 tels qu'ils auront été épurés. [brouhaha]

F René PERDRIX

Bien. C'est un amendement ou c'est dans la discussion? Oui, alors il y a encore un amendement, M. Schmitt, un petit moment. Nous avons reçu un amendement Mamboury. Mme Mamboury, vous avez la parole.

F Catherine MAMBOURY

Vous avez compris que je travaille dans le domaine de la santé, parce que vous m'entendez un peu plus depuis qu'on parle de la santé. J'aimerais intervenir sur les termes «ne pas souffrir inutilement». Même si je suis d'accord avec les questions de fond que ça implique, je m'interroge sur la formule. Qu'est-ce que cela signifie? Qu'il y a des souffrances utiles? Notre éducation calviniste nous le dit: oui, on mérite son paradis ici-bas. Est-ce que ça implique aussi – alors là, je vais peut-être choquer certains – qu'on pourrait entrer dans la réflexion sur une euthanasie active? C'est le débat qu'on a repris auparavant. Pour lever cette ambiguïté, je suggère une autre formulation qui est «le droit à recevoir l'assistance nécessaire devant la souffrance». À l'heure de la réflexion sur les soins palliatifs, qui est aiguë dans ce Canton actuellement, et sur les limites de la médecine de pointe, je pense que ces nuances ne sont pas superflues. Merci.

F Pierre HERMANJAT

Excusez-moi de réintervenir, mais je ne peux pas laisser passer les paroles de Mme Haefliger sans intervenir et sans réagir. Les droits fondamentaux et les droits sociaux, cette discussion a eu lieu au sein de la commission et il a été très clairement établi que nous ne faisions pas de distinction entre ces droits. Il nous est apparu essentiel de ne pas les dissocier, tant les droits fondamentaux que les droits sociaux sont des droits fondamentaux par essence, donc justiciables. En ce qui concerne les buts et mandats sociaux, il nous a semblé qu'il n'était pas de notre ressort de les traiter puisqu'ils ne sont justement pas des droits fondamentaux, ni sociaux, et nous les avons transmis à la commission qui s'occupe des «Tâches de l'État». Du reste, c'est à la suite de l'entretien que nous avons eu avec le professeur Jean-François Aubert et une lettre qu'il nous a envoyée, où il nous dit très clairement que les buts et mandats sociaux sont similaires aux tâches de l'État. Il nous a donc semblé préférable de nous fixer sur les droits fondamentaux et les droits sociaux, mais qu'ils ne forment qu'un seul chapitre, et de mettre les buts et mandats sociaux dans le chapitre qui concerne les «Tâches de l'État», ceci pour clarifier. Ensuite de cela, en ce qui concerne l'article 3.7, restreindre l'article à sa plus simple expression en ne garantissant que des soins essentiels, et puis passer les autres droits que nous avons invoqués dans les «Tâches de l'État», il n'est pas possible de mettre dans les «Tâches de l'État», par exemple, qu'on évite les souffrances inutiles et puis de mourir dans la dignité. Je ne vois pas en quoi mourir dans la dignité est une tâche de l'État. [rires]

F Charles SCHMID

Je voulais juste vous dire qu'il est clair que nous avions l'impression que cet article 3.7 pourrait être traité ultérieurement. Je n'ai pas été en mesure de préparer un amendement correct avec d'autres collègues qui ont les mêmes idées que moi. Je m'explique: en principe, la majorité du groupe Forum désire maintenir l'article 3.7 tel qu'il est maintenant. Toutefois, il nous semble que la rédaction de cet article devrait être changée quelque peu, d'autant plus par exemple – si je reprends l'amendement Mamboury, qui parle de donner une assistance, et ensuite rajouter «et à mourir dans la dignité» – que là, on pourrait penser que ce serait une aide à mourir dans la dignité. Si je regarde l'article 3 qui dit que les personnes en fin de vie ont droit à une attention particulière, là aussi, ce n'est pas très clair. Dans l'article 2 – «Toute personne a droit aux soins médicaux essentiels», «à ne pas souffrir inutilement» et «à mourir dans la dignité» –, il me paraît que la question de la mort et de mourir dans la dignité devrait faire l'objet d'un article séparé, éventuellement à la fin de l'article 3.7. Toutefois, pour ne pas perdre le temps de notre Assemblée, je propose qu'on adopte tout de même cet article 3.7 tel qu'il est maintenant, mais que l'on soumette à une commission de rédaction une certaine amélioration allant dans le sens de séparer un peu les problèmes. Je vous remercie.

F Nicolas MOREL

J'aimerais intervenir sur le problème de fond que représentent ces catégories de droits ou de tâches de l'État. On se retrouve en fait devant ce problème chaque fois qu'on discute des droits fondamentaux: le problème s'est déjà posé; il va encore se reposer. Il me semble qu'il faut clairement distinguer trois catégories et pas seulement deux comme on l'a fait jusqu'à maintenant: il y a les droits fondamentaux, il y a les buts sociaux et il y a les tâches de l'État. Si je regarde la Constitution bernoise qui a été évoquée tout à l'heure, ces trois catégories y figurent de façon séparée. L'amendement déposé par Mme Haefliger confond les buts sociaux et les tâches de l'État et je pense qu'il y a une distinction à faire entre ces deux catégories. Par ailleurs, j'aimerais également vous dire que la table des matières qui a été établie par le Cosco – que vous avez approuvée en septembre je crois, cette table des matières comporte, au titre 4 les «Tâches publiques», au titre 2 les «Droits et devoirs de la personne» et distingue dans ce titre le chapitre 1, les «Droits fondamentaux» et le chapitre 2, les «Droits sociaux». Il y a donc clairement – en tout cas au niveau de la Table des matières qui a été adoptée – ces trois catégories. Bien entendu, on peut discuter sur le fond et dire qu'on aimerait bien que tous les droits soient des droits justiciables. Il semble qu'une certaine partie d'entre vous ne veuille pas entendre parler de droits justiciables pour plusieurs des droits que la commission 3 a proposés. Je pense qu’il est alors préférable de les mettre dans les «Buts sociaux», plutôt que dans les «Tâches de l’État», c'est en tout cas beaucoup plus logique.

F Laurent REBEAUD

Je n'interviens pas sur la problématique qui vient d'être évoquée. J'avais d'ailleurs cru comprendre qu'on allait parler article après article et que le débat fondamental – regrouper les articles, définition des droits sociaux, des buts sociaux, etc. – viendrait plus tard. Je n'interviens que sur la proposition que Mme Haefliger a improvisée ou plutôt dictée tout à l'heure, et pas du tout sur la proposition Haefliger n° 2 qui figure sur nos papiers et qui devra être discutée après que nous aurons approuvé les trois articles dont nous avons à débattre. J'aimerais faire remarquer que la proposition de Mme Haefliger – celle que vous voyez là – réduit à une partie de la population les protections invoquées et ça, ça me semble totalement contraire à la logique même de la description des droits fondamentaux qui doivent être garantis à tout le monde. J'aimerais faire remarquer à Mme Haefliger qu'il pourrait y avoir d'autres obstacles à l'accomplissement de ces droits que la situation de détresse économique. Vous pouvez vous trouver dans une situation – j'invente un exemple, mais on pourrait les multiplier – où une personne d'une race ou d'une nationalité différente se verrait refuser le droit à des soins essentiels, pas parce qu'elle est pauvre, mais simplement parce que le médecin n'aime pas les Noirs, les Juifs, les Italiens ou les Suisses allemands. Par définition, les droits fondamentaux sont garantis à tout le monde, quelles que soient leur condition, leur sexe, leur âge et l'état de leur porte-monnaie. Par conséquent, on ne peut pas, logiquement, accepter que dans une situation particulière, ils soient garantis à une catégorie privilégiée qu'on désigne comme telle et qu'on décrit dans la Constitution. Il faut donc repousser l'amendement Haefliger, à défaut de quoi on ne saurait vraiment plus du tout de quoi on parle et il faudrait décrire, pour chaque droit social, à quelle population il doit être garanti. [applaudissements]

F Jean-Pierre KULLING

Vous avez dans cette assemblée trois médecins. Je pense que chacun d'entre eux prendra position sur telle ou telle partie de ce que nous discutons aujourd'hui. Mon confrère Martin a très justement mentionné que le droit aux soins est déjà réalisé dans notre Canton. Il n'y a donc pas d'exclusion du système de soins, je crois qu'on peut le dire, que nous pouvons en témoigner – les trois médecins qui sont ici – et je dirais que c'est évidemment très bien ainsi, nous désirons que cela continue. En revanche, la formulation qu'a choisie la commission pour mettre ce principe dans un texte constitutionnel me semble discutable sur plusieurs points. Lors d'une présentation de la Constituante à Terre Sainte, l'un des membres de la commission 3 a eu ce lapsus révélateur en parlant des innovations apportées par elle comme «comportant notamment le droit à la santé». L'alinéa 1 tel quel me semble excessif et dangereux. S'il est exact que chacun a droit aux informations nécessaires à la protection de la santé, en revanche le droit à la protection de la santé elle-même ouvre la porte à des effets pervers. Je vous encourage donc à voter la proposition de la minorité, soutenue aussi par le Dr Martin. Nous sommes déjà deux, c'est toujours très bien quand deux médecins ont un avis concordant, ce n'est pas toujours le cas, on se moque à propos des juristes, on se moque aussi à propos des médecins.

F Jean MARTIN

Quelques commentaires, d'abord pour dire que j'apprécie la proposition qu'a faite notre collègue Mamboury quant à une formulation différente de la question de la souffrance inutile. Là aussi, elle pourrait donner lieu à des dissertations philosophiques intéressantes. Quant à moi, je pense que les deux sont acceptables. En rapport avec la crainte de notre collègue Schmid que l'assistance nécessaire s'applique aussi bien à la lutte contre la souffrance qu'au fait de mourir dans la dignité, il me paraît qu'en français, il n'y aurait pas de telle crainte à avoir. Si j'ai bien compris, l'alinéa 2 deviendrait «toute personne a droit aux soins médicaux essentiels, à recevoir l'assistance nécessaire devant la souffrance et à mourir dans la dignité». Il ne me paraît pas que, grammaticalement, on joindrait l'assistance au fait de mourir dans la dignité. À propos d'une remarque de Mme Mamboury, je relève que dans le document du 7 juillet et en rapport avec les débats actuels sur l'euthanasie active, le commentaire disait «par contre, il convient de souligner que cette mention n'a pas de rapport avec la question d'une éventuelle dépénalisation en Suisse des modalités d'euthanasie active» et c'est bien le sens de la commission. Une remarque encore sur la question des différentes catégories – droits fondamentaux, droits sociaux, buts sociaux, tâches de l'État. Contrairement à certaines choses qui ont été parfois dites dans les couloirs, ça n'est pas par bêtise, par précipitation ou pour d'autres raisons de cet ordre que la commission 3 a adopté une seule catégorie de droits qu'il faut bien appeler, qui sont des droits fondamentaux. Notre président s'est à cet égard parfaitement exprimé tout à l'heure. Je crois qu'il y a un mérite – quand on peut le faire – à éviter des stratifications, des diversifications multiples et diverses de notions. Quant à moi, je suis tout à fait à l'aise avec l'idée qu'on aurait un chapitre de «Droits fondamentaux» qui inclut des droits qui sont au même rang juridique ou constitutionnel. S'agissant des buts sociaux – et contrairement à Nicolas Morel dont par ailleurs j'apprécie beaucoup de positions –, il me semble que buts sociaux et Tâches de l'État sont vraiment très proches et que, là aussi, on peut se passer d'une catégorie supplémentaire.

F Odile JAEGER

Je voudrais encore soutenir Mme Haefliger sur ce qu'elle a dit tout à l'heure sur la différence entre droits fondamentaux et les buts sociaux. Je me réfère à l'article 41 de la Constitution fédérale, ceux qui l'ont pourraient voir cet article. La Constitution fédérale est tout à fait favorable à ces buts sociaux. Elle dit, entre autres, je cite, «la Confédération et les Cantons s'engagent en complément de la responsabilité individuelle et de l'initiative privée à ce que» … toute une liste, il y en a un grand nombre, je vous renvoie à cet article 41, entre autres «toute personne bénéficie des soins nécessaires à la santé», «toute personne bénéficie de la sécurité sociale». Il y a aussi tout ce qui concerne la famille, etc. Ensuite, vous avez le dernier alinéa de cet article 41 qui dit bien ce qu'est un but social: «Aucun droit subjectif à des prestations de l'État ne peut être déduit directement des buts sociaux». C'est là la différence essentielle entre un droit fondamental qui est justiciable devant les tribunaux et les buts sociaux. C'est pour cela que moi j'appuie aussi l'idée d'introduire plutôt des «Buts sociaux» ou alors de mettre ça dans les «Tâches de l'État», ce que nous avons fait dans la commission 2.

F Henri WISER

Je me présente comme le troisième ou quatrième médecin de l'Assemblée, je ne sais pas si mon collègue Kulling en a oublié un. Je voulais m'élever d'une manière pas seulement formelle, mais véhémente contre la proposition de mon collègue de supprimer le droit à la protection de la santé. En fait, ceci sous-tendrait que c'est un droit non nécessaire. Or il apparaît, quand on évalue l'équité dans ce domaine, que finalement on peut considérer que tous les gens ne sont pas nécessairement protégés du point de vue de leur santé. Je prends le simple exemple – qui est évident d'ailleurs, et qui est corroboré par de multiples études –, c'est qu'on considère qu'on est inégal en termes de santé par rapport aux activités que l'on mène. Il est bien connu, par exemple, que l'espérance de vie de certaines catégories de la population – certaines catégories sociales – sont nettement différentes. Un manuel, par exemple, et c'est clairement démontré maintenant, a une espérance de vie de plusieurs années moins élevée qu'une personne qui a un statut social ou éducationnel plus élevé. Pour ces raisons-là, je crois qu'il est fondamental qu'un droit à la protection de la santé soit inscrit dans la Constitution et qu'il permette aussi d'essayer de niveler ces inégalités.

F Claudine AMSTEIN

J'interviens pour soutenir la proposition de Mme Haefliger et peut-être expliquer le sens de «situation de détresse». Le fait de limiter des droits fondamentaux à certaines situations n'est pas une originalité, c'est simplement la Constitution fédérale qui le prévoit à son article 12. L'intervention qui consistait à dire» on ne peut pas mettre un droit fondamental en définissant qui y a droit» paraît tomber à faux et tombe à faux puisque l'article 12 de la Constitution fédérale le dit. Ensuite, la détresse. Pour moi, la détresse n'est pas qu'économique, la détresse peut être psychologique, elle peut être de nature sociale et c'est dans ce sens-là que je soutiens cet amendement parce que pour moi le mot «détresse» va bien au-delà de la définition purement économique. Merci.

F Claude SCHWAB

J'aimerais intervenir sur l'un ou l'autre des points qui sont controversés, tout d'abord le premier. En ce qui concerne la protection de la santé – qui est donc la volonté forte d'une petite majorité de la commission –, j'aimerais simplement nous rappeler que nous avons voté – c'était d'ailleurs la semaine dernière – l'article 2.3.15 qui dit «droit de la population à un environnement sain». C'est donc logiquement qu'il faut inscrire dans un article de la santé le même type de droit. Le deuxième point sur lequel j'aimerais intervenir, c'est celui de la notion de détresse. J'ai un peu peur qu'avec cette notion nous ne retombions dans une logique caritative qui va poser la question de savoir qui définit la détresse, qui définit les besoins de chacun. Dans ce sens-là – et outre les arguments tout à fait pertinents de mon collègue Rebeaud tout à l'heure – je crois que nous devons garder l'intitulé proposé par la commission, d'autant plus que le terme «essentiels» intervient aux deux extrêmes: «essentiels» signifie à la fois des soins minimaux, mais aussi que chacun n'a pas droit aux soins maximaux. Et ça, je crois que c'est aussi – dans la question de la gestion de la santé publique – une question importante. Donc sur ce point-là, je crois que nous devons maintenir le deuxième alinéa de la commission, quitte à avoir des retouches rédactionnelles et sur ce point-là, je suis tout à fait d'accord d'entrer en matière sur la proposition Mamboury, mais j'aimerais ensuite lui expliquer de manière privée le contresens qu'elle fait sur le calvinisme. [rires]

F Philippe NORDMANN

Tout d'abord, je voudrais déplorer clairement vis-à-vis de Mme Haefliger sa méthode, à un triple titre. D'une part, elle n'est pas intervenue au sein de la commission dont nous faisions partie ensemble pour dire, attention, cela nous aimerions le reporter soit dans une tâche, soit dans un but social. Deuxième élément: dans sa propre proposition de regroupement des droits fondamentaux – proposition Haefliger –, il y a toujours les soins médicaux essentiels parmi les «Droits fondamentaux». Alors aujourd'hui, Mme Haefliger vient nous dire qu’il faut le reporter ailleurs, alors qu'elle a elle-même formulé une proposition de regroupement au sein des «Droits sociaux». Troisième critique (elle s'adresse à tous les constituants): tous nos collègues constituants qui viennent en dernière minute avec une proposition qui ne figure pas sur les documents que nous avons reçus hier soir – par les ordinateurs notamment – et qui voudraient qu'on puisse en débattre sereinement au sein de l'Assemblée alors que les groupes n'ont pas pu en prendre connaissance et en discuter. Voilà la troisième critique que je me permettrai de faire à Mme Haefliger, ce qui me permet d'aboutir directement à l'article 3.7 proprement dit, puisque c'est de cela que nous débattons aujourd'hui. Cet article 3.7 – tel qu'il est modifié par cet amendement qu'on n'a pas eu le temps d'examiner – pose un vrai problème. Les droits fondamentaux, effectivement – je ne veux pas paraphraser ce qu'a dit notre collègue Rebeaud tout à l'heure – s'appliquent à tout le monde. Mais techniquement, la proposition de Mme Haefliger est tout simplement inapplicable, parce que les soins médicaux essentiels ne peuvent pas être conditionnés à une analyse préalable de la situation financière d'une personne. Je souhaite, par exemple, que Mme Haefliger n'ait jamais – dans une ville inconnue de ce Canton ou de ce pays – une attaque cardiaque qui nécessite qu'immédiatement on prenne en charge son cas au moyen des ambulances, au moyen du système médical, etc. Ça n'est pas une question de «n'être pas en mesure de subvenir à son entretien», ça fait partie de la dignité humaine que, immédiatement, elle soit soignée, on s'occupe d'elle et qu'on s'occupe de chacun de nous. Nous faisons une Constitution pour ces prochaines années, nous devons éviter absolument des dérives à l'américaine, consistant pour certaines personnes à devoir présenter une carte de crédit ou une attestation d'assurance, sous peine d'être laissées au bord du chemin. C'est très dangereux. Nous ne pouvons pas accepter un amendement de ce type. Je vous invite donc, d'une part à poursuivre la discussion sur les articles que nous traitons actuellement tout à fait sereinement – ceux qui ont été annoncés tout à l'heure par la présidence de la commission 3 – et ensuite, dans cet article 3.7, à rejeter fermement l'amendement dangereux de Mme Haefliger.

F René PERDRIX

Merci à M. Nordmann. Nous en resterons là, je crois, pour cette partie de séance. [brouhaha] Non, je crois que le droit de réponse subsiste. Le droit de réponse s'exercera simplement en reprise de séance plénière, après la pause de midi.

Il est 12:43. La séance est suspendue jusqu'à 14:00.

top


La séance est ouverte à 14 heures.

F René PERDRIX

Veuillez prendre place, s'il vous plaît. Nous reprenons la discussion où nous l'avons laissée. Mesdames Haefliger et Amstein étaient toutes deux inscrites comme orateur suivant. Mme Haefliger a la parole. Mme Haefliger cède son droit de parole à M. Keshavjee.

F Shafique KESHAVJEE

C'est en tant que membre de la commission 3 que j'interviens. Je crois que l'échange que nous avons eu en fin de matinée révèle bien quelques tensions vécues à l'intérieur de notre commission. Je crois qu'au niveau de nos travaux, il y a eu un malentendu qui n'a jamais pu être totalement réglé. Je crois que pour une partie de la gauche, pour être schématique, il y avait une volonté claire de pouvoir avoir le maximum de droits et puis de les formuler. Je me sens assez proche de cette position. Je crois que pour une partie de la droite, il y avait une volonté de dire, on va formuler des choses mais, dans un deuxième temps, il va falloir pondérer ce qui a été formulé. Ce travail de pondération n'a jamais pu être accompli. C'est la raison pour laquelle on arrive ici avec une tension: est-ce que ce qui a été proposé dans ces textes va figurer comme droit fondamental ou est-ce que ça va être une tâche de l'État, ou encore éventuellement un but social? C'est parce que ce travail n'a pas été accompli, mais – je l'affirme – ce travail a été évoqué. Sylviane Haefliger l'a évoqué dans notre commission, mais on n'a jamais pu arriver jusqu'au bout de ce travail. C'est la raison pour laquelle je propose que, peut-être, lorsque nous abordons ces droits fondamentaux – ce qui figure comme droit fondamental au niveau de notre commission –on puisse éventuellement avoir un débat en disant: est-ce que la majorité du plénum ici souhaite que ça soit une tâche de l'État ou alors un droit fondamental? Selon ces avis, on pourra par la suite, bien sûr, éventuellement repêcher tel ou tel élément et le mettre ailleurs. Mais peut-être que ce serait une façon de sentir – en tout cas au niveau de la première lecture – où et comment nous voulons pondérer ces textes. [applaudissements]

F Claudine AMSTEIN

Shafique vient de calmer le débat et c'était dans cet esprit que j'ai tout de suite bondi après l'intervention de M. Nordmann ce matin. J'ai bondi parce qu'on a eu des divergences d'opinion dans la commission 3 dont je faisais partie, et ce n'est pas un motif pour intervenir de telle manière en attaquant Mme Haefliger. J'ai trouvé que c'était plutôt un problème de manquer d'arguments sur le fond que de s'attaquer à une question de procédure et dire qu'il y a des choses qui n'ont pas été traitées. Je remercie Shafique d'avoir calmé le débat et j'espère que par la suite il va être calmé. Nous avons traité de cette question de savoir si on allait mettre des buts sociaux ou non, et dire simplement, qu’on n'a jamais posé de questions, je trouve que ce n'est pas très utile. Ce qui est utile, c'est de regarder le fond et non pas de s'attaquer à la personne, puisque c'est du fond que nous devons traiter et on a le droit d'avoir des divergences. J'espère qu'on est là au moins pour ça, pour pouvoir confronter des idées. Merci.

F René PERDRIX

Merci à Mme Amstein d'avoir rappelé qu'on a le droit d'avoir des divergences. [rires] Merci aussi à Shafique Keshavjee de sa déclaration. Si elle est de nature à calmer, à pondérer le débat, je crois qu'elle sera profitable à tous et au texte que nous sommes en train de préparer. Y a-t-il d'autres constituants qui désirent prendre la parole? M. Gonthier.

F Alain GONTHIER

Je vais essayer de venir quand même un peu sur le fond et non pas sur des problèmes de procédure. La commission a mis un trait d'égalité entre droits fondamentaux et droits justiciables, c'est affirmé dans les commentaires. C'est donc une donnée de base dont il nous faut tenir compte. La distinction – même si elle est faite par d'autres Constitutions ou à d'autres endroits – entre droits fondamentaux et droits sociaux n'a donc pas été retenue par la commission, rappelons-le. Elle ne semble pas utile, si on admet que les deux catégories de droit – si tant est qu'elles existent réellement – sont justiciables. Elle ne me semble, par ailleurs, pas très pertinente quant au contenu. En quoi le droit – par exemple, dont nous discutons en ce moment – à la protection de la santé est-il social et non pas un droit individuel auquel chacun peut être intéressé? Dès lors que l’on peut s'adresser en justice si ce droit n'est pas respecté, il me semble qu'on peut les mettre dans le même panier. Quant à la distinction entre droits sociaux et tâches de l'État, nous avions eu à la commission 3 une intervention de Jean-François Aubert, qui soulignait le peu de différence – théorique et pratique – entre ces deux notions. En fait, le débat que nous avons est relativement simple. Quelle est l'étendue des droits fondamentaux, quelle est l'étendue des droits justiciables que nous voulons pour ce Canton? Il n'est nul besoin pour en discuter d'avoir des distinctions théologiques ou juridisantes sur la nature et la catégorie dans laquelle il faut mettre ces droits. Nous discutons de savoir si nous voulons que le droit à la protection de la santé soit invocable devant les tribunaux ou non. Certains sont favorables à cela, d'autres trouvent cela excessif. Alors discutons-en, effectivement. Nous pouvons en discuter dans le calme. Quant à moi, je ne le trouve pas excessif. Rappelons que ce n'est pas un droit à la santé qui serait strictement inapplicable, mais un droit à la protection de la santé, c'est-à-dire que chaque citoyen ou chaque habitant – voire chaque personne qui passe dans ce Canton – a droit à ce que des mesures soient prises pour sauvegarder sa santé. Évidemment, ça n'est pas une liste d'actes médicaux et il conviendrait – si tel devait être le cas que ce droit soit invoqué devant un tribunal – que le juge fasse usage de sa liberté d'appréciation. Il n'en est pas moins possible de dire que ce droit à la protection de la santé est invocable devant la justice, et surtout il peut servir de guide pour la rédaction d'articles de loi dans notre Canton. Moi je vous invite simplement à approuver l'article proposé par la commission, avec les autres amendements sur le droit à ne pas souffrir inutilement, mais pour l'essentiel à l'approuver tel qu'il a été proposé. Il me semble que si on le réduisait au droit à l'information, il perdrait beaucoup, beaucoup de sa force et le premier paragraphe ne voudrait vraiment plus dire grand-chose.

F Jean-François LEUBA

Tout de même, c'est assez intéressant. On parle de droit justiciable, mais on dit, il ne faut pas faire de distinction juridique, ce n'est pas ça qui est important. Il me paraît qu'il y a une légère contradiction, il y a quand même des choses qui sont tout à fait claires. Les droits fondamentaux tels qu'ils sont conçus dans la doctrine suisse – et dans la doctrine sans doute internationale –, c'est la protection du citoyen contre des interventions de l'État. Ça, ce sont les libertés fondamentales et c'est vis-à-vis de l'État qu'on protège le citoyen; le cas échéant, on admet d'ailleurs des effets transversaux de ces droits fondamentaux, c'est-à-dire aussi d'être protégé contre des interventions de tiers. En réalité, les droits sociaux, c'est autre chose. On demande dans les droits sociaux que l'État, non pas s'abstienne d'intervenir chez le citoyen, mais fournisse une prestation. J'admets volontiers qu'on peut être d'avis divergents à ce sujet, mais il ne faut pas dire que c'est la même chose. Ce sont deux notions qui sont différentes. L'une, c'est une protection du citoyen contre l'État, l'autre, c'est une exigence du citoyen à l'égard d'une prestation que doit lui fournir l'État. C'est ça qui fait la différence fondamentale. Il suffit de reprendre la Constitution fédérale. Regardez les droits fondamentaux qui sont dans la Constitution fédérale – le droit d'association, ça veut dire, l'État ne peut pas vous interdire de vous associer avec qui vous voulez, la garantie de la propriété, la protection contre l'expulsion, contre l'extradition, contre le refoulement –, tout ça, ce sont des droits qui protègent le citoyen contre l'État. Et ça, ce sont des droits fondamentaux justiciables, ça ne fait aucun doute. Dans les droits sociaux, il faut chaque fois demander quelle est la prétention que je vais faire valoir contre l'État. J'aimerais bien qu'on m'explique, la protection de la santé, qu'est-ce que je vais aller demander au tribunal contre l'État? Parce que c'est ça que vous voulez introduire si vous introduisez un droit social à la protection de la santé. Qu'est-ce que je vais aller réclamer devant un tribunal contre l'État? Moi, je ne vois finalement pas grand-chose. Que l'État soit responsable d'assurer des conditions de vie saines, on l'a admis la semaine dernière. Qu'il soit responsable de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'épidémies ou de combattre les épidémies, qu'il soit responsable pour que d'une manière générale les consommateurs soient protégés contre des aliments nocifs, etc., personne n'en discute et cela a sa place toute naturelle dans les «Tâches de l'État». Mais si vous introduisez un droit – en réalité un droit social –, vous devez vous demander qu'est-ce que le citoyen va demander à l'État, parce qu'il le fera valoir devant un tribunal. Et la protection de la santé, je ne vois qu'une hypothèse, c'est sur des dommages-intérêts. Ce n'est pas – contrairement à ce qu'on peut croire – une protection active qu'on peut réclamer à l'État, ce ne sont finalement que des dommages-intérêts. Nous savons à quel degré les Américains ont pris l'habitude maintenant de faire des réclamations extrêmement importantes contre les fabricants de cigarettes, parce qu'ils vous ont vendu des cigarettes et que vous n'étiez pas capable de savoir que c'est dangereux de fumer, etc. C'est ça, finalement, le droit à la protection de la santé, ça ne peut se traduire concrètement qu'en demandes de dommages-intérêts contre l'État, et je ne crois pas, honnêtement, qu'il faille l'introduire dans notre système juridique. De tels droits ne sont pas introduits dans la Constitution fédérale. Vous me direz que ce n'est pas une raison, j'admets volontiers qu'on peut être innovateur, comme disait le Dr Martin, mais il faut quand même que les innovations soient faites à bon escient et là, je crois que ce n'est pas à bon escient.

F Philippe NORDMANN

Je voulais tout d'abord dire, je suis arrivé un petit peu en retard, je n'ai pas reçu la savonnée que je méritais concernant mon intervention de tout à l'heure. Si Mme Haefliger a pu se sentir personnellement visée, je tiens à m'en excuser, ça n'était pas du tout le propos. [brouhaha] Non, pas du tout, pas du tout, je tiens à le dire. Je ne vais pas revenir sur ce que j'ai dit ce matin. Maintenant, évidemment, M. Leuba soulève une question extrêmement intéressante, qui a fait l'objet au sein de la commission 3 de longues discussions et de longs débats, notamment avec le professeur Aubert. En deux mots, il y a donc la doctrine traditionnelle qu'il nous a évoquée, c'est-à-dire droit à une abstention de l'État, qui n'a pas le droit d'interférer sur telle ou telle activité – ça, c'est la vue, je m'excuse de simplifier «19 e siècle» – et puis il y a la vue plus moderne, qui est un droit – désormais reconnu par le Tribunal fédéral dans un certain nombre de cas – à une activité de l'État. C'est un droit justiciable qui permet au citoyen de demander quelque chose à l'État. Si je prends l'exemple qu'on discutera un peu plus tard du minimum vital, le Tribunal fédéral a dit, il y a un droit constitutionnel non écrit – non écrit, parce que lui, il en rajoute, au fond, des droits non écrits – à demander un minimum vital dans une affaire que vous connaissez bien, les trois frères bernois qui n'avaient pas d'argent. On y reviendra certainement plus tard. La vue moderne de ces droits fondamentaux, ce sont des droits justiciables qui demandent des prestations. Si on reprend l'exemple de la protection de la santé, j'étais un petit peu réticent, moi aussi en disant, mais comment, pratiquement, on va pouvoir aller devant un juge en brandissant la Constitution vaudoise et en disant à l'État, donne-moi ci ou donne-moi ça. Et puis, on m'a quand même sorti un certain nombre d'exemples qui m'ont convaincu. Notamment, par exemple, si l'État n'assure pas qu'une source ne contienne pas trop de matières fluorées négatives, etc., on peut demander non seulement après coup des dommages et intérêts – comme l'a pressenti très justement notre coprésident –, mais on peut demander à l'État de corriger l'état de choses négatif, en disant: mon droit à la santé est atteint et je vous demande – même par voie de mesures provisionnelles, le cas échéant, parce que ça existe aussi en matière de droits constitutionnels – de corriger cela, d'acheminer de l'eau provenant d'une autre source ou que sais-je encore. On ne veut pas, alors qu'on fait une Constitution qui va être en vigueur dans une bonne partie du 21 e siècle, raisonner sur des termes du 19 e siècle, sur une notion de pure abstention. Aujourd'hui, l'État est en partie un État de prestations, ça n'est pas encore l'État providence, ce serait trop beau, mais en tout cas il peut fournir un certain nombre de prestations et le citoyen qui ne les a pas peut se dire, je l'exige. Concernant un autre exemple, c'est le chiffre 2, le droit aux soins médicaux essentiels, là aussi, si on refuse des soins de ce genre-là, la personne, si elle est en état de le faire elle-même, même après coup – parce que je tiens à dire aussi que le droit aux prestations peut être invoqué après coup –, mais la famille peut éventuellement demander l'admission de la personne dans tel ou tel hôpital. Il y a donc bien des exemples et bien des cas où on obtient, grâce à ces droits justiciables, des prestations de l'État.

F Anne WEILL-LEVY

Je crois que là, nous revenons sur ce qui nous a occupés la semaine dernière – que nous avons, malencontreusement à mon avis, rejeté, mais c'est fait –, sur la protection du milieu de vie. La protection de la santé est une forme de prévention du milieu de vie. À ce sujet, les exemples que je vais vous donner illustreront pourquoi on peut prendre ces mesures préventives, et non pas se référer uniquement à des notions de dommages et intérêts pour tenter de combler un dommage réalisé. Je crois qu'en ce moment l'exemple le plus probant, c'est toute la problématique de Creutzfeldt-Jakob où on voit que, dans les cantines scolaires, on renonce à mettre de la viande. C'est même à Genève le cas depuis quelques jours ou ça va l'être. De la même manière, c'est le fait de ne pas mettre une centrale nucléaire très proche de lieux de vie. De la même manière également, c'est par exemple supprimer ou demander à ce que l'amiante soit supprimée de matériaux de construction dans des locaux, comme cela a été le cas en France. Je crois qu'il faut y voir un but réaliste et de prévention, sujet sur lequel je reviendrai. Merci.

F Roland OSTERMANN

J'aimerais interpeller M. Leuba. Il présente les buts sociaux, dans le fond, comme des droits que l'on pourrait faire valoir vis-à-vis de l'État. Est-ce que ces buts sociaux ne devraient pas être poursuivis, non seulement par l'État, mais par tous ceux qui composent finalement le Canton, qui le composent au sens large, c'est-à-dire aussi les entreprises, les milieux associatifs, etc.? Autrement dit, M. Leuba, est-ce que les buts sociaux seraient aussi assignés au secteur privé?

F René PERDRIX

Je crois que tout ça appelle une réponse immédiate et M. Leuba tente de la donner.

F Jean-François LEUBA

J'essaie ici de faire preuve plus d'esprit de finesse que d'esprit de géométrie. La question qui nous est posée et qui est posée dans le débat que nous avons avec M. Nordmann, je fais juste remarquer à M. Nordmann, en passant, que j'admets parfaitement qu'il y a un droit subjectif aux soins essentiels, ça, je suis d'accord. C'est la question de la protection de la santé où je conteste qu'il y ait un droit subjectif. Mais la question posée par M. Ostermann, c'est une autre question, c'est le problème des effets qu'on appelle horizontaux des droits fondamentaux. J'admets qu'il peut y avoir – comme dit la Constitution fédérale, d'ailleurs, je crois qu'on ne peut pas sortir ici de la Constitution fédérale – un effet horizontal, c'est-à-dire que ces droits fondamentaux peuvent s'appliquer entre individus, dans la mesure – dit la Constitution fédérale – où ils s'y prêtent, parce qu'il y a des droits fondamentaux qui ne se prêtent pas à cet effet horizontal. Mais dans la mesure où ils s'y prêtent, moi je suis aussi d'accord que le respect, notamment des autres individus, implique qu'un certain nombre de règles qui figurent dans les droits fondamentaux doivent être respectées par la société de manière générale, pas seulement par les entreprises, mais aussi par les individus.

F Stéphane MASSON

Je reviens sur l'alinéa 1 et sur cette définition du droit que pourrait avoir toute personne à une protection de sa santé. Notre coprésident, M. Leuba, nous a dit qu'il était possible, par le biais de cet article, d'invoquer des dommages et intérêts. On a entendu par la suite qu'il serait également possible de demander des corrections, notamment au sujet de la qualité d'une source d'eau. J'aimerais vous mettre en garde – dans un même esprit – contre je dirais une possibilité d'aller encore plus loin et de demander des interdictions. Au même titre qu'une personne aujourd'hui peut demander à être interdite d'entrée dans un casino, on pourrait imaginer qu'une personne nous dise – ou demande à l'État – une interdiction de la consommation d'alcool, par exemple. Je pense que c'est aller trop loin. On imagine mal, par exemple, un individu arriver à la conclusion qu'il peut – sur la base de cet article – demander l'interdiction de servir des boissons alcoolisées dans les établissements parce que ce service qui lui est offert nuit à sa santé. Bien sûr, je vais loin, je vais très loin, mais je vous montre par-là – ou je tente de vous démontrer par-là – que c'est une porte ouverte qui est excessive, et je vous invite à ce titre à ne pas voter pour cet article, et plus particulièrement son alinéa 1.

F Daniel BRELAZ

Dans ce débat, on entre vraiment dans des notions un tout petit peu curieuses dans les méthodes de débat. En effet, il y a toujours dans ce pays les principes du droit fédéral supérieur qui s'appliquent au-dessus de tout ce que pourront imaginer les Cantons dans un sens ou dans l'autre, notamment le principe de la proportionnalité. S'il est à peu près certain que ce qui vient de nous être dit ne pourra pas être évoqué, puisque la personne – prenons l'alcool – qui est elle-même alcoolique et qui souhaiterait qu'on lui interdise l'alcool par voie d'ordonnance législative, d'abord ça violerait probablement le principe qu'une telle disposition devrait être prise au niveau fédéral – puisque toute restriction à la liberté du commerce et de l'industrie est de niveau fédéral –, ce qui veut dire que l'exemple qui vient de nous être donné n'a aucun sens. Également, très clairement, ce que ça peut viser – parce que je crois qu'il faut dire les choses clairement –, c'est qu'effectivement si l'État, dans les domaines de sa compétence, n'agit pas – parce qu'il a connaissance par exemple de faits comme Biodépollution à Yverdon, qu'il a connaissance de faits comme la décharge de Sottens – et que ça a des conséquences pour des personnes, alors, parce qu'il n'a pas agi, il peut être poursuivi, y compris en dommages et intérêts, ce qui paraît tout à fait normal à toute personne de bon sens. Ça encourage donc l'État dans un certain nombre de domaines – qui sont considérés par le bon sens commun comme des domaines de protection de la santé – à agir lorsque les indices suffisants sont là. Effectivement, dans ce cas-là, on peut s'attaquer à l'État qui s'apprêtait peut-être à favoriser – plus aujourd'hui, mais il y a trente ans – une décharge sauvage, avec toutes les conséquences que ça peut avoir sur la population. Voilà le sens que, personnellement, je vois à cet article. Ce n'est pas un principe de droit supérieur qui va s'appliquer au-dessus du droit fédéral. Toute restriction à la liberté du commerce et de l'industrie – telle qu'évoquée dans deux exemples – est de niveau fédéral. Je vous prierais donc, autant que vous le pouvez, de voter sur le fond et pas sur des arguties qui ne sont malheureusement pas pertinentes ou pas de bonne foi.

F Bernard MARTIN

Juste une petite remarque de laïc, [rires] il me semble qu'il y a deux conceptions, c'est un truisme de le dire. Ou l'État garantit les droits sociaux et on est dans le domaine du politique, ou c'est le juge et on est dans le domaine du juridique et des droits justiciables. Quel est le plus efficace? Je pose la question, à l'Assemblée d'y répondre. Pour moi, je préférerais fortifier le politique et l'associatif, et moins le juridique. Aux États-Unis, on a vu la naissance de tas de droits individuels, c'est parce que c'est le tout économique là-bas, il suffit de regarder ce qui se passe ces derniers jours. Je préférerais qu'on reste dans le domaine du politique et que si l'État ne fait pas son travail, c'est aussi aux politiques de le surveiller et de l'encourager.

F Isabelle MORET

Je crois que le débat général – que nous sommes en train de mener maintenant – est en fait le débat d'entrée en matière sur la commission 3. J'aimerais vous parler ici de pouvoir, car derrière les grands mots, les questions de coeur ou les arguties comme dirait M. Brélaz, en fait il y a une question de pouvoir. Nous ne sommes plus au 18 e siècle, il n'est plus question de laisser quelqu'un crever de faim, malade, dans la rue. Moi aussi, comme vous, je veux pouvoir être fière de mon Canton, pouvoir dire qu'ici personne ne meurt de faim, que personne ne meurt dans la rue. Moi aussi, comme vous, je veux que ce soit une certitude dans ce Canton. Je crois donc que nous sommes tout à fait d'accord sur le fond et je pense pouvoir dire qu'une majorité du centre-droite est également d'accord avec vous sur le fond. Par contre, ici, nous ne sommes pas d'accord sur la forme, car la forme déterminera le pouvoir. Qu'est-ce que j'entends par «forme»? Vous voulez une rédaction sous la forme de droits fondamentaux, alors que nous vous proposons le même fond, mais une rédaction sous la forme de tâches de l'État ou – comme le proposait Nicolas Morel et pour ma part j'étais assez d'accord avec lui – plutôt sous la forme de buts sociaux. Oui sur le fond, non sur la forme, car la forme déterminera qui détient le pouvoir. Avec un droit fondamental, c'est le juge qui a le pouvoir. Avec un but social, c'est le législateur qui a le pouvoir puisqu'il rédigera une loi permettant d'appliquer ce but social. Avec un droit fondamental, c'est le juge qui déterminera quelles sont les conditions d'application du droit. Avec un but social ou une tâche de l'État, c'est le législateur qui déterminera les conditions d'application. Avec un droit fondamental, le juge pourra casser les lois en disant qu'elles sont anticonstitutionnelles. Ici, c'est une question essentielle. Pour moi, le législateur est élu démocratiquement, il représente démocratiquement toute la population. Si vous n'êtes pas d'accord avec une loi, vous avez la possibilité de lancer un référendum contre cette loi. Si vous n'êtes pas d'accord avec votre législateur, et bien vous essayez de changer la majorité, de changer les personnes que vous avez élues quelques années auparavant. Or, dans le cas du juge, c'est le juge qui déterminera les conditions d'application. Vous n'êtes pas d'accord avec ce juge, et bien qu'est-ce que vous faites? Vous recourez. Auprès de qui? Auprès d'un autre juge. Vous créez ici le pouvoir des juges. Or, le juge ne vous représente pas forcément démocratiquement. Demandez aux écologistes, demandez à M. Recordon si c'est facile de faire nommer un juge écologiste. Demandez aux popistes combien ils ont de juges popistes. Voulez-vous vraiment laisser autant de pouvoir entre trois à cinq juges élus quasiment à vie? Je vois ici le départ d'une dérive dangereuse vers l'exemple américain. Récemment dans la presse, mercredi 8 novembre 2000, a paru un arrêt du Tribunal fédéral où un Schaffhousois demandait – en application d'un droit lui garantissant une existence conforme à la dignité humaine – à recevoir l'aide sociale afin de pouvoir partir en week-end lorsqu'il y avait des concerts de plein air, pendant la belle saison, dans sa ville. Cette personne a donc trouvé tout à fait légitime, sur cette base-là, de recourir auprès du Tribunal fédéral. Jusqu'à présent, la formulation de ce droit a permis au Tribunal fédéral de rejeter cette demande, mais qu'en sera-t-il à l'avenir, suivant la formulation des droits que nous avons? Je ne dis pas ici qu'il ne faut pas de droits fondamentaux, mais ces droits doivent être limités à l'essentiel, c'est-à-dire aux droits vraiment fondamentaux stricto sensu. Pour le reste, il faut garder le fond, mais le placer dans les buts sociaux. Si vous voulez que ces buts sociaux soient forts, qu'ils soient réellement appliqués, utilisez des termes stricts obligeant le législateur à voter des lois, et vos droits aux prestations de l'État, vous ne les tirerez plus de la Constitution, mais des lois. C'est donc le législateur qui aura démocratiquement décidé des conditions de ce droit, et non le juge. Je vous prie ici de laisser ce pouvoir au législateur, de laisser ce pouvoir à la démocratie, de vous laisser ce pouvoir. [applaudissements]

F Luc RECORDON

Opposition entre juge et législateur, opposition entre pouvoir démocratique et pouvoir non démocratique, comme le pauvre Montesquieu doit se sentir mal dans sa tombe! Lui qui pensait avoir défini une théorie florissante qui devait conduire – et qui semblait avoir conduit – à l’équilibre des trois pouvoirs démocratiques: le législatif, certes, pouvoir considéré toujours comme plus ou moins suprême, l'exécutif et le judiciaire. Je donne acte à Mme Moret du caractère non démocratique des élections des juges telles qu'elles ont été pratiquées dans notre Canton jusqu'ici. [rires] Elle a certes raison et a relevé à juste titre à quel point je me suis battu, pas seulement d'ailleurs pour faire élire des juges écologistes, mais pour faire changer ce système «inapproprié», disons, pour employer un «understatement». Il n'en demeure pas moins que ça n'est pas une fatalité que les juges soient élus de manière non démocratique. On peut en changer, et nous sommes en voie d'en changer d'ailleurs, lisez les propositions de la commission 5. D'autre part, ce n'est pas un pouvoir moins démocratique que l'autre. À chacun sa mission, simplement et c'est ici la question qu'il nous faut résoudre: est-ce qu'on propose de conférer au juge une mission qui peut être la sienne et qui peut réellement entrer harmoniquement en résonance avec la mission du législateur? Je suis convaincu que c'est possible. Prenez l'exemple de la sécurité sociale. Vous pouvez très bien imaginer d'avoir un droit aux prestations en cas d'invalidité. Vous pouvez imaginer d'inscrire ce droit tout seul dans la Constitution. Mais vous pouvez aussi imaginer d'avoir un arsenal légal et réglementaire, c'est ce que la Suisse a fait depuis 1960, enfin c'est en vigueur depuis 1960. C'est certainement mieux, la seconde solution. Ça précise, ça cisèle les droits et les obligations, ça dit où sont les limites des droits, car il faut le dire et le redire encore une fois, il n'est pas de droit sans limite, notamment par le principe de la proportionnalité, comme l'a dit avec pertinence M. Brélaz; mais de manière générale il n'est pas de droit sans limite. Il n'y a qu'à remonter à la philosophie grecque la plus ancienne pour se le rappeler. Il n'en demeure pas moins que, lorsque – dans certains domaines nouveaux que le législateur n'a pas encore pu aborder – on a eu la pertinence de conférer un droit fondamental, on permet au pouvoir créateur du juge de s'exercer et de combler les lacunes que la variété des situations – le renouvellement même de toute modernité – fait apparaître inévitablement. Il ne s'agit donc pas d'opposer crûment – et de façon très schématique – le juge et le législateur. Il s'agit, encore une fois, que chacun trouve sa place. Il s'agit que l'on reconnaisse un droit fondamental là où il est nécessaire et possible. Je ne répéterai pas les excellents motifs que M. Brélaz a soulevés tout à l'heure, et d'autres, pour montrer à quel point c'était possible dans le cas particulier. Mais c'est clair que ce doit être un appel et non pas un oreiller de paresse pour le législateur. A mesure que les problèmes apparaissent, mieux vaut bien entendu les régler par des lois et ne pas y opposer d'ailleurs au passage qu'il y a tout d'un coup trop de lois et qu'il faut moins d'État. Non, au contraire, parfois des lois précisent le cadre et le contour des droits et évitent qu'ils soient utilisés de manière erratique. C'est vrai que de n'avoir que le pouvoir du juge crée une incertitude et que ce n'est pas souhaitable. Je crois que la démarche sensée, c'est de créer le droit fondamental et, au fur et à mesure que l'expérience – notamment celle, nourrissante, qui provient des différents jugements rendus, positifs et négatifs, dans l'application de ce droit – fournit, de développer la législation et la réglementation. Ne faisons donc pas du législateur et du juge deux ennemis, conférons à chacun le rôle qui lui revient! Dans ce sens-là, je crois qu'on peut très sainement voter la disposition proposée. [applaudissements]

F Daniel BRELAZ

Je m'étonne quand même de la tournure du débat et des motifs invoqués par quelqu'un qui – comme M. Recordon et moi-même – est en même temps député au Grand Conseil, Mme Moret. Mme Moret qui craint que les juges fassent du gauchisme, alors que comme elle l'a dit elle-même, ils sont beaucoup plus à droite politiquement, en moyenne en tout cas dans les propositions – puisqu'il n'y a pas eu de juge Vert, popiste ou autre – que ne l'est le Grand Conseil, M. Cohen-Dumani, voilà la situation, donc on invoque ce genre de motifs. Je vous dirais quand même que je connais passablement les assemblées législatives que je fréquente depuis 1978 – ça fait donc vingt-deux ans ininterrompus, aux niveaux national, cantonal, communal ou constituant – et tout aussi clairement qu'il y a des choses qui ont beaucoup de peine à passer par le législatif. Le cas le plus pathologiquement connu est bien sûr, au niveau fédéral, celui de l'assurance maternité votée il y a plus de cinquante ans au niveau du principe constitutionnel et qui, pour de bonnes raisons – y compris démocratiques puisque les lois d'application ont toujours été refusées par référendum aussi –, n'a jamais pu entrer en vigueur. Nous sommes ici dans une Assemblée constituante où tout le monde – si j'ai bien compris – ou en tout cas une écrasante majorité affirme clairement que le principe de la protection de la santé est un bon principe, la nuance étant de savoir s'il faut aller jusqu'au droit fondamental ou s'il est suffisant d'en donner un mandat plus ou moins fort au législateur. Et bien, je vous dis simplement et clairement que nous sommes dans un domaine où le législateur aura probablement – malheureusement – dans un certain nombre de cas quelques guerres de retard par rapport au juge. Parce le juge, il y a un certain nombre de pesées de droit, de droit des personnes, qu'il peut faire. Le législateur, il y aura la routine du gouvernement, de ses consultations, il y aura la routine du Grand Conseil, il y aura les groupes de pression, et manifestement il sera dans un environnement beaucoup plus pollué – au sens du débat général tous azimuts – que ne le sera le juge, qui pourra quand même le faire dans la sérénité, même s'il subira aussi probablement quelques pressions. La situation ici, c'est de permettre – dans un domaine que tout le monde affirme comme fondamental, la protection de la santé – que l'État se sente dans une situation où il aura tendance à prendre un certain nombre de précautions pour éviter de se retrouver astreint à d'éventuels paiements d'indemnités. Voilà. Si on ne le fait pas, l'État aura une belle mission théorique et s'il la résout dans deux ans, dans trois mille ans ou jamais, ça reviendra au même. Voilà ce qu'on veut, alors l'Assemblée constituante, est-ce que vous êtes là pour préserver les citoyens ou le pouvoir des députés? [applaudissements]

F Jean MARTIN

Souvent, nous soulignons que nous sommes là pour faire du travail prospectif et je crois que nous sommes tous d'accord qu'il faut essayer de le faire. Par ailleurs, ça ne veut pas forcément dire de la futurologie dans le sens de politique-fiction. Or, il me semble – c'est mon appréciation, à la lumière de ce que je sais de ce pays, de ses citoyens, de sa culture et de son système politique – que, certains d'entre nous font de la politique-fiction, dans le sens où, à chaque fois qu'on cherche à introduire une disposition un tant soit peu nouvelle, il y a une diabolisation des effets négatifs pervers possibles de ce qui est proposé, avec des scénarios à la Frankenstein qui nous sont présentés et qui ne correspondent pas à ce que les Vaudois vont faire ni aujourd'hui, ni demain, ni dans cinquante ans. A propos du pouvoir des juges, j'ai beaucoup d'estime pour ma dynamique et jeune collègue Isabelle Moret, mais enfin nous ne sommes pas dans un dispositif à l'américaine – en fait, il faudrait dire «à l'anglo-saxonne» – où effectivement les juges, en l'absence de droit, créent le droit à partir des domaines adjacents qui sont codifiés. Nous avons par contre en Suisse une allergie politico-culturelle majeure au pouvoir des juges. Cela étant, on peut penser – je ne suis pas loin de penser – que cette allergie est trop grande et, dans certains cas, il serait parfaitement judicieux que les juges puissent avoir un rôle plus important qu’aujourd’hui, où ils sont véritablement des exécutants, des interprètes extrêmement encadrés À cet égard, j'ai envie de souligner la pertinence de ce qui a été dit par Luc Recordon et M. Brélaz. Pour refuser des innovations, nous inventons des évolutions, qui ne sont absolument pas plausibles dans le Canton qui est le nôtre et que nous connaissons. S'agissant – je termine par là – de l'article 3.7 qui est l'objet de la discussion, je vous propose d’adopter la proposition de minorité, pour l'alinéa 1. Dans une situation difficile où il s'agit de peser les risques ou les enjeux, il me paraît que la formulation prudente d'un «droit aux informations» est bonne. Tout en comprenant qu'on puisse être d'un autre avis. Par contre, je souhaite vivement que vous nous suiviez avec l'inclusion d'un droit fondamental aux soins médicaux essentiels, qui n'a pas aujourd'hui à être simplement remis à une seule «Tâche de l'État».

F René PERDRIX

La parole est-elle encore demandée? Je constate que ce n'est pas le cas. La discussion est donc close et nous passons au vote. Je vous propose de voter alinéa par alinéa. Nous commençons bien sûr par le premier, où nous avons une proposition de la commission, et une autre proposition de la minorité de la commission que nous lui opposons. Les personnes qui soutiennent le texte de la commission sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui soutiennent le texte de la minorité [commentaires d’un intervenant non identifié sur l’utilité de l’écran]. Alors, contre-épreuve, nous confirmons le premier vote sur le texte de la commission. Confirmation du vote que vous venez de faire. Les personnes qui appuient le texte de la commission sont priées de le manifester en levant la main. L'alinéa 1, bien sûr. Les personnes qui soutiennent le texte de la minorité de la commission. Le texte de la commission est accepté par 79 OUI contre 66 pour le texte de la minorité.

Texte de la commission accepté par 79 oui contre 55 pour le texte de la minorité.

F René PERDRIX

Nous passons au deuxième alinéa, avec l'amendement Mamboury. Vous avez sous les yeux le texte de l'amendement Mamboury. Les personnes qui soutiennent l'amendement Mamboury sont priées de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s'opposent à l'amendement Mamboury. La majorité est évidente. L'amendement Mamboury est accepté. C'est donc ce texte-là que nous opposerons à la proposition Haefliger. Je rappelle que la proposition Haefliger s’accompagne d'une demande de renvoi des alinéas 1 et 3. Non? C'est fini, ça? C'est partiel. Alors nous voterons partiellement sur la proposition Haefliger. J'essaie de repréciser le vote sur l'amendement Haefliger. L'amendement Haefliger – l'alinéa 2 –, c'est le texte que vous avez sous les yeux. Il re préciser d'une proposition de renvoi des alinéas 1 et 3 aux «Tâches de l'État». Là-dessus, on est d'accord, Mme Haefliger. Oui, Madame? Mme Salamin, uniquement sur la manière de voter.

F Lauréane SALAMIN MICHEL

Oui, uniquement sur la manière de voter. Puisque la correction de Mme Haefliger concerne les alinéas 1, 2 et 3 de l'article 3.7 – les trois alinéas de l'article 3.7 –, il faut d'abord voter sur les trois alinéas et puis après opposer l'article 3.7 à l'article de Mme Haefliger.

F René PERDRIX

Alors confirmons ce troisième alinéa. Je rappelle qu'il n'y a aucun amendement déposé. Les personnes qui acceptent la rédaction de l'alinéa 3 tel que proposée par la commission sont priées de le manifester en levant la main. Merci. Oppositions. La majorité est évidente. L'alinéa 3 est inscrit.

Alinéa 3 tel que proposé par la commission est accepté à une majorité évidente.

F René PERDRIX

Nous opposons maintenant cet article, tel qu'il vient d'être accepté, à la proposition Haefliger de modification de l'alinéa 2 et de renvoi des alinéas 1 et 3 aux «Tâches de l'État». Les personnes qui soutiennent l'amendement Haefliger sont priées de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s'opposent à l'amendement Haefliger sont priés de le manifester. L'amendement Haefliger est refusé par 79 NON contre 63 OUI.

Amendement Haefliger refusé par 79 non contre 63 oui.

F René PERDRIX

Je vous demanderai maintenant de confirmer l'article 3.7 tel que nous venons de l'accepter en trois votes successifs. Les constituantes et les constituants qui acceptent l'inscription dans notre projet d'un article 3.7, «Protection de la santé», tel que nous venons de le rédiger sont priés de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à cet article sont priées de le manifester. Les abstentions. Nous avons inscrit l'article 3.7 dans notre projet par 80 OUI contre 56 NON avec 3 abstentions.
Article 3.7 – Protection de la santé
(80 OUI contre 56 NON avec 3 abstentions)
  1. Toute personne a droit à la protection de la santé et aux informations nécessaires à celle-ci.
  2. Toute personne a droit aux soins médicaux essentiels, à recevoir l’assistance nécessaire devant la souffrance et à mourir dans la dignité.
  3. Les personnes vulnérables, dépendantes, handicapées ou en fin de vie ont droit à une attention particulière.
 

top


Article 3.9 – Droit au minimum vital

F René PERDRIX

Nous passons à l'article 3.9, «Droit au minimum vital». Le président de la commission intervient-il?

F Pierre HERMANJAT

Juste avant de passer à l'article 3.9, il a été soulevé par un de mes préopinants que l'entrée en matière de la commission 3 n'a pas été faite. En fait, c'est le calendrier qui l'a voulu, puisqu'on mélange les articles de la commission 3 et de la commission 2, donc on n'a pas pu avoir d'entrée en matière, ce qui aurait été très souhaitable, effectivement, mais le calendrier étant fixé par le comité, nous nous y soumettons. En ce qui concerne l'article 3.9, ce droit est en fait parfaitement reconnu par le TF. C'est un droit non écrit, mais qui a été reconnu par le Tribunal fédéral à de nombreuses occasions, donc je ne peux que vous recommander de le voter tel qu'il est présenté par la commission.

F Fabien LOI ZEDDA

Je souhaite avoir quelques explications de la commission 3. J'aimerais savoir ce qu'est le minimum vital. Qu'est-ce qu'on entend par «minimum vital»? J'aimerais savoir ce que c'est que «mener une existence conforme à la dignité humaine». J'aimerais aussi savoir ce qu'on entend par «dignité humaine», avant de voter quelque chose qui me paraît sympathique de premier abord, mais dont je ne vois pas tellement le contenu avec précision.

F Philippe CONOD

Dans le même ordre d'idées que mon préopinant, «droit au minimum vital», il faut bien voir qu’on se trouve face à une totale innovation, ou à une reprise d'une institution qui est connue et admise par toute la jurisprudence et la doctrine. C'est au niveau de la définition du droit au minimum vital. Est-ce que c'est le droit au minimum vital dans le sens le plus large possible, que tout un chacun pourrait invoquer en Suisse? Vous travaillez ou pas, vous avez un droit à une prestation positive de l'État? Ou est-ce la définition donnée par le Tribunal fédéral, qui ne dit pas «droit au minimum vital» mais conditions minimum d'existence à quiconque se trouve dans une situation de détresse»? Si c'est la notion reprise du droit non écrit du Tribunal fédéral, je peux tout à fait me rallier à cette notion. Elle existe, c'est un droit. Mais en revanche, la formulation telle qu'elle est proposée n'est pas admissible, parce qu'elle ouvre la porte à n'importe quelle, appréciation de ce droit au minimum vital. D'autant plus que, pour les juristes – et les juristes, j'espère, ne me contrediront pas –, le droit au minimum vital peut être amputé du mari, parce que l'Office va prélever sur le minimum vital pour payer les pensions. Donc attention avec la notion de minimum vital qui est une notion, à mon avis, trop extensible et qui pourrait être dangereuse, et qui surtout amène à des interprétations, diverses. En l'état, je vous propose de ne pas voter cette disposition telle qu'elle est rédigée ici.

F Geneviève ZIEGLER

Je voudrais, pour répondre à M. Conod, reparler des débats de la commission 3. Il a été question – dans cette idée de minimum vital – de dire, d'une part que le Canton de Vaud a adopté une loi RMR (revenu minimum de réinsertion), qu'il est question dès l'année prochaine, sauf erreur, que le régime de l'aide sociale et du RMR puissent fusionner, en tout cas dans les temps qui viennent. L'autre argument développé dans la commission – et on en a déjà parlé aujourd'hui – était de revenir sur l'arrêt du Tribunal fédéral de 95, qui donne ce droit-là, y compris si c'est un droit non écrit. Enfin, je voudrais revenir aussi sur les questions de vocabulaire par rapport à la discussion de ce matin. La commission 3 a été assez – peut-être – innovatrice, en disant que nous ne souhaitions plus parler de notions de personnes «dans le besoin», «dans la détresse», etc., mais qu'on souhaitait adapter le vocabulaire, et c'est dans ce sens-là que cet article a été proposé. Je vous invite donc à l'adopter tel quel. Je vous remercie.

F Philippe NORDMANN

Deux remarques suite à celle que vient de faire Mme Ziegler. Si je vous invite à voter cet article, c'est aussi pour une raison de compréhension de la part du public. Nous voudrions que le public vaudois ne soit pas obligé d'aller feuilleter les arrêts du Tribunal fédéral. C'est vrai que le Tribunal fédéral a rendu cet arrêt sur la base de droits constitutionnels non écrits, et bien nous faisons un texte – cinq ans plus tard, depuis 1995 ça fait cinq ans –, nous estimons que c'est normal de mettre dans la Constitution ce que le Tribunal fédéral a dit, pour que tout soit regroupé dans la Constitution vaudoise. Une observation à mon collègue Conod. Il fait une distinction – si j'ai bien compris son intervention – entre le «minimum d'existence» qui a été effectivement évoqué dans cet arrêt bernois par le Tribunal fédéral, et le «minimum vital». Le hic, c'est que «minimum vital» se dit en allemand «Existenzminimum».

F Pierre FARRON

Je dois dire honnêtement que quand j'ai vu cette phrase, j'ai éprouvé un sentiment de déception, parce que ça me paraît vraiment très, très minimaliste. Avec une vingtaine d'associations –d'ailleurs nous avons été reçus par la commission 3 –, nous avons essayé de formuler quelque chose d'un peu plus précis. C'est vrai qu'il n'y avait pas de juriste parmi nous, mais nous avons pensé aux conséquences concrètes du texte et je vous relis cet alinéa 2 que tout le monde a reçu parce que ça a été soutenu par Vie Associative: «Toute personne résidente sans emploi, ni assurance d'un revenu suffisant a droit pour elle-même et pour les personnes à sa charge, à un minimum d'existence qui assure» – et c'est ça qui est important – «leur intégration sociale, sportive, culturelle et finalement professionnelle», parce que notre perspective était d'éviter l'assistance à long terme, telle qu'on la connaît souvent et qui est désastreuse. Je ne dis pas que c'est peut-être la formulation parfaite, mais c'est nettement plus précis que ce texte-là, qui me paraît affreusement vague.

F René PERDRIX

La déclaration du constituant Farron est à considérer comme un amendement. Le constituant Bühlmann a la parole, ensuite le constituant Pillonel.

F Gérard BUHLMANN

J'aimerais vous rendre attentifs à la teneur de l'article 2.3.19, même si nous ne le votons pas maintenant, parce que là nous avons typiquement des formulations très, très proches, et le tout est de savoir, une fois encore, si nous le voulons dans les droits ou si nous le voulons dans les tâches de l'État – l'éternel débat. La teneur de cet article reprend la jurisprudence du Tribunal fédéral, c'est un article comme d'autres et donc solide. Nous disons au 2.3.19 que «le Canton et les communes assurent à chaque habitant les conditions d'une vie digne, par la prévention des situations de précarité et par l'organisation d'une aide sociale». On reviendra sur le texte lui-même, sur les adjonctions qu'on peut y faire ou ne pas y faire, ce n'est pas le moment maintenant. Ce que je veux dire par là, c'est que vous avez le choix, en définitive, entre un droit au 3.9 et une tâche au 2.3.19, les deux dans des termes, je dirais, très proches, et dont le sens est très proche. Vous avez exactement la même chose entre le 2.3.19 et le 3.10 d'ailleurs, concernant le logement. Je voudrais quand même vous rendre attentifs à ceci: il y a vraiment un choix. Le voulons-nous – on le veut tous, on est absolument d'accord, enfin, je crois, à une écrasante majorité – dans les droits, le voulons-nous dans les tâches? Vous avez deux articles qui vous sont ouverts, aujourd'hui, maintenant, nous votons sur le 3.9 seulement.

F Cédric PILLONEL

Je ne pensais pas intervenir, mais comme personne n'a répondu à la question du citoyen Loi Zedda, je me sens obligé de répondre à une des parties de sa question. Lorsqu'il demande ce qu'est la dignité humaine, je répondrais que, lors de la votation sur l'article 3.1 qui dit «la dignité humaine est respectée et protégée», cet article a été adopté à l'unanimité et il n'y a aucune question sur son interprétation, je m'étonne donc que cette question revienne sur un autre article. Merci.

F Fabien LOI ZEDDA

J'attire l'attention du citoyen Pillonel sur le fait que, un, il n'a pas répondu à ma question, et que deux, je m'étais abstenu, ce pourquoi.

F Laurence MARTIN

Je voulais juste soutenir l'amendement proposé par Pierre Farron avec – je m'en excuse – un sous-amendement en supprimant les mots «sportive, culturelle et finalement professionnelle». Ça reviendrait à la formulation «toute personne résidente sans emploi ni assurance d'un revenu suffisant a droit, pour elle-même et pour les personnes à sa charge, à un minimum d'existence qui assure leur intégration sociale et professionnelle». [brouhaha] C'est «leur» parce que c'est la personne et sa famille.

F René PERDRIX

L'amendement Farron est retiré en faveur du texte que vous avez sous les yeux. Nous opposerons donc ce texte au texte de la commission. Nous votons en priorité le texte de la commission. Les constituantes et les constituants qui acceptent le texte proposé par la commission sont priés de le manifester en levant la main. La secrétaire me signale que c'est l'ajout d'un deuxième alinéa. Est-ce que c'est bien l'intention des proposants? Je ne l'avais pas compris comme ça, vous m'excuserez d'être à côté. M. Farron précise qu'il s'agit de l'ajout d'un deuxième alinéa, donc il est à prendre pour lui-même. Acceptez-vous l'amendement Farron-Martin? Ce n'est déjà pas clair dans l'esprit des proposants. L'amendement Farron, corrigé par Mme Martin, constitue un deuxième alinéa à la proposition de la commission. Nous nous prononçons donc indépendamment sur cet amendement de la proposition de la commission. Les constituantes et les constituants qui acceptent l'amendement Farron en tant que deuxième alinéa sont priés de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à l'amendement Farron-Martin sont priées de le manifester en levant la main. L'amendement Farron-Martin est refusé par 78 NON contre 38 OUI.

Amendement Farron Martin refusé par 78 non contre 38 oui.

F René PERDRIX

Nous passons au vote sur l'article (ou du moins ce qui reste de cet article), c'est-à-dire la proposition de la commission. Les personnes qui acceptent l'article tel que proposé par la commission sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à l'inscription de cet article dans notre projet. Les abstentions. L'article 3.9 tel que proposé par la commission est accepté par 77 OUI contre 52 NON avec 10 abstentions.

Article 3.9 – Droit au minimum vital
(77 OUI contre 52 NON avec 10 abstentions)
Le droit au minimum vital pour mener une existence conforme à la dignité humaine est garanti.

top


Article 3.10 – Droit à un logement d’urgence

F René PERDRIX

Nous passons à l'article 3.10 qui figure juste en dessous du 2.3.21 dans vos documents.

F Pierre HERMANJAT

Nous allons voter sur le 3.10, qui est un droit au logement d'urgence. Je ne pense pas qu'il est à mettre en opposition avec le 2.3.21, qui précise ce droit au logement d'urgence. Si nous n'adoptons pas un droit fondamental au logement d'urgence, on affaiblit considérablement la possibilité du citoyen d'y avoir droit. Par contre, en adoptant notre article 3.10, on donne du poids à l'article 2.3.21 qui précise justement ce droit. Je vous conseille donc d'adopter cet article tel que présenté par la commission.

F Claudine AMSTEIN

Le titre de cet article est «Droit au logement d'urgence», en deuxième alinéa, on vous met «la loi peut introduire un droit au logement». On est donc loin du titre, puisque inscrire dans la Constitution que la loi peut introduire un droit au logement, c'est admettre le principe du droit au logement. Cette proposition est une proposition de minorité, nous étions plusieurs à défendre la suppression de cet alinéa, parce que nous sommes opposés à ce principe général. Pour nous, autant il se justifie de prévoir que l'État assure aux personnes dans le besoin un logement d'urgence ou une aide qui fait partie du filet social permettant le respect de la dignité de la personne, autant il n'y a aucune raison de prévoir un droit général au logement, raison pour laquelle nous considérons qu'il appartient aux «Tâches de l'État» de veiller à ce que chacun puisse disposer d'un logement, si la responsabilité individuelle et l'initiative privée n'ont pas pu donner satisfaction. L'inscription d'un droit au logement dans les «Droits fondamentaux» irait bien au-delà, puisqu'il serait alors possible de l'invoquer dans d'autres circonstances et à l'encontre de la propriété privée. Nous devons veiller à protéger les faibles, mais pas à donner des droits généraux pour tous et enlever ainsi la responsabilité de chercher un logement quand on le peut, c'est une manière d'enlever simplement le droit à sa responsabilité personnelle. Quant aux abus en matière de droit du bail, ils relèvent de la Confédération. La Constitution fédérale a un mandat de lutter contre ces abus, et il serait faux de croire qu'un droit au logement dans la Constitution vaudoise aurait pour but de répondre à ces cas-là.

F Philippe NORDMANN

Nous avons dit plusieurs fois que nous n'étions pas liés par des textes d'autres Constitutions cantonales, ou même de la Constitution fédérale, que nous pouvions faire preuve d'audace. Je viens dire aujourd'hui exactement le contraire: pourquoi ne pourrions-nous pas introduire un droit au logement qui figure tel quel – aussi absolu que cela et en toutes lettres – dans la Constitution jurassienne? Mme Amstein vient de dire aujourd'hui que le texte – de compromis, c'est vrai – de la commission consistant à autoriser ou à suggérer que le législateur introduise un droit au logement, que ce texte de compromis va finalement avoir pour effet de mettre quand même le principe du droit au logement dans la Constitution. À ses yeux, si j'ai bien compris, c'est quelque chose de négatif. C'est quelque chose de négatif parce qu'il se heurterait – toujours si je l'ai bien comprise – à la liberté individuelle de choisir son logement, à la responsabilité personnelle et à quantité d'autres principes éminemment respectables. Le problème que nous avons, c'est que nous allons – après peut-être dix ans ou huit ans où ça ne s'est pas produit – de nouveau vers une pénurie quantitative et qualitative de logements, c'est-à-dire que les gens – malgré leur responsabilité individuelle, malgré leur autonomie personnelle et malgré l'esprit de liberté qui les anime – ne trouveront tout simplement pas – ou de moins en moins – de logement assez grand pour leur famille, adapté, etc. Dès l'instant où nous disons qu'un toit sur la tête, comme disent nos amis confédérés, est un élément essentiel de la dignité humaine – non seulement à titre d'urgence en cas d'incendie ou d'expulsion, mais également d'une manière un peu plus durable –, je pense que le droit au logement complet, tel que la minorité le propose, peut être quelque chose d'acceptable. Alors est-ce que c'est justiciable, et si oui, dans quelle mesure? C'est évidemment un argument qui est délicat. Je ne le cache pas, si on introduit un droit au logement complet – c'est-à-dire large –, comment le juge va-t-il le concrétiser dans un cas d'espèce, pour une famille qui n'aurait pas à se reloger? C'est vrai que dans un cas de ce genre, le juge devrait faire preuve d'une certaine imagination. Nous avons des exemples pratiques de ce type de droit au logement, notamment à Genève et notamment en France, lorsque des propriétaires immobiliers laissent vides – pendant des années et sans entretien – des logements qui sont finalement squattés. Ils sont squattés et, chez nous, on a réussi à résoudre en partie le problème grâce aux contrats de confiance. Ça évite que ce ne soient des squats sauvages. [brouhaha] Qu'on ne respecte pas, peut-être, mais qu'on devrait respecter et qu'on respecte quand même assez souvent. Nous pensons que ce serait une bonne solution. Et pour servir de base à de tels contrats de confiance, c'est utile d'avoir ce droit au logement. Voilà pourquoi je vous engage à aller dans le sens de la minorité qui souhaite un droit au logement complet.

F Christelle LUISIER

Je suis persuadée que la problématique du logement nous concerne et nous touche tous, et en cela je rejoins tout à fait ce que vient de dire M. Nordmann, en tout cas quant au but qui est visé. D'ailleurs le groupe Radical soutient l'alinéa 1 qui prévoit un droit à un logement d'urgence, un toit lorsque l'on est dans une situation de détresse. Je suis aussi persuadée que nous accueillerons tout à l'heure favorablement l'article 2.3.21 qui prévoit que l'État veille à ce que toute personne puisse disposer d'un logement dans des conditions supportables. C'est d'ailleurs les solutions qui ont été choisies par les autres Cantons, qui ne prévoient donc pas de véritable droit au logement, mais qui prévoient ce droit, en fait, comme un but social ou comme une tâche de l'État. Dans ces conditions, que nous propose de plus la commission? Elle nous propose d'introduire un véritable droit au logement dans la Constitution, qui en fait pourrait régler d'un coup de baguette magique le problème des personnes sans domicile fixe. En clair, pour prendre un exemple concret, personnellement j'aurais intérêt à ne pas payer mon loyer, ensuite à me faire expulser de mon appartement, et puis demander à l'État ensuite qu'il me donne un logement qui me convienne et dans lequel je me sente à l'aise. On m'accusera ici de forcer le trait, de caricaturer, et pourtant, ce que je viens de dire, c'est en fait simplement ce que j'ai lu dans un article qui est paru au mois de mars de cette année, qui était signé par la secrétaire générale de l'ASLOCA, et qui disait les choses suivantes, par rapport à un véritable droit au logement dans la Constitution: «les collectivités publiques devraient, par exemple, non seulement encourager la construction de logements, mais disposer elles-mêmes d'un parc locatif suffisant pour proposer un appartement à toute personne sans logement. Elles devraient également se donner les moyens nécessaires pour procéder parfois à des expropriations, ainsi qu'à la réquisition de locaux vides». Ça signifierait que, par exemple, des locataires expulsés puissent tirer de cet article constitutionnel le droit d'exiger de l'État qu'il leur procure un nouvel appartement. Et il ne s'agirait pas simplement d'un logis, mais il faudrait que la personne puisse s'y sentir véritablement chez elle. On voit bien qu'il s'agit d'un droit qui va terriblement loin. M. Nordmann demandait comment est-ce qu'on peut définir ce droit au logement. Là, on en a une définition très claire et on voit exactement les implications que l'introduction de ce droit au logement pourrait avoir. Dans ces conditions, nous ne pouvons que rejeter l'alinéa 2 de l'article 3.10. Outre les coûts, je dirais presque hallucinants, que la mise en oeuvre de ce droit pourrait engendrer pour l'État, il y a là un problème bien plus important, qui est celui de la vision de société qui est impliquée par la proposition qui nous est faite. Cette proposition dénie toute responsabilité individuelle. D'ailleurs, qui aimerait se montrer responsable si l'État pourvoit à ses besoins? J'irais même jusqu'à dire qu'elle transforme le citoyen en personne assistée, placée sous la protection paternaliste de l'État. C'est pourquoi je vous invite clairement à rejeter l'alinéa 2 de cet article 3.10 ainsi que sa variante.

F René PERDRIX

Je ferai gentiment remarquer à la constituante Luisier qu'emportée par sa fougue, elle est montée à la tribune sans attendre le feu vert. [rires] Ça, c'est pour une prochaine fois. La constituante Haefliger a la parole, ensuite M. Charles Schmid.

F Sylviane HAEFLIGER

Je tiens à apporter une précision à ce que notre collègue Nordmann a dit. Vous avez cité tout à l'heure le droit au logement qui figure dans la Constitution jurassienne. Il figure bien dans la Constitution jurassienne sous le terme de «droit au logement», mais classé dans les «Tâches de l'État», ce qui change complètement sa portée! Et dans les droits fondamentaux jurassiens, aucun droit social ne figure. Elle est limitée strictement aux droits fondamentaux purs et durs, soit ceux qui protègent l'individu contre une emprise excessive de l'État. Est-ce que vous voulez que je vous donne lecture de cet article? Je peux vous assurer que ce droit figure dans les «Tâches de l'État», qu'il y a différentes rubriques – la famille, la sécurité sociale – et celui-là figure sous la «sécurité sociale», avec droit au travail, protection des travailleurs, paix sociale, droit au logement. Ce n'est pas un droit fondamental, de loin pas, c'est dans les «Tâches de l'État».

F Charles SCHMID

Je sais que ce n'est pas de bonne guerre de faire des attaques personnelles, mais tout de même, j'aimerais dire à Madame qui représente le plus grand groupe politique dans cette Constituante, qu'il faut quand même dire la vérité et vous référer à la réalité. Si un locataire ne paie plus son loyer et qu'il se fait expulser, c'est vraiment parce qu'il est dans la détresse, parce que du point de vue financier, de toute manière, le bailleur, le propriétaire peut saisir son salaire, peut saisir sa fortune. De ce fait, c'est uniquement une personne qui se trouve dans une situation de détresse qui ne pourrait plus payer son loyer et qui porterait un dommage au propriétaire.

F Bernard MARTIN

[Es Dach über'm Chopf isch eppis sehr wichtig's aber deby dürf men nüet die andere b'schiessen]! Je crois que c'est vrai qu'un toit sur la tête, c'est quelque chose d'important, mais qu'il faudrait quand même… Je respecte beaucoup l'ASLOCA qui a pu évacuer beaucoup d'abus de la part des propriétaires, mais on risque ensuite d'avoir de l'abus de la part des locataires et d'avoir des gens qui ont essayé de faire une petite maison avec un appartement locatif, qui ont travaillé pendant leurs vacances et qui seraient contraints, faute d'argent, d'émigrer à Tchernobyl où les logements sont bon marché.

F Eric VORUZ

Je pense, pour ma part, que le droit au logement est un principe auquel on ne devrait pas déroger. Je vais imager. Simplement, allez ce soir prendre ou louer une toile de tente ou une petite caravane, et puis vous vous mettez à la place de la Riponne ou à la place du village, près d'une fontaine, pour avoir au moins l'eau courante, et vous vous installez. Vous verrez si vous resterez toute la nuit. Si j'image cela, c'est que ce droit constitutionnel implique justement le renforcement d'une aide publique au logement qui se pratique essentiellement par le droit de superficie. Nous venons de parler de la dignité des personnes – et donc des familles – qui doit aussi s'appliquer en matière de logement. Enfin, dans une Suisse propre en ordre, il est inconcevable que l'on encourage l'implantation de bidonvilles. En fait, je m'adresse aussi au groupe Radical qui, il y a quelques années – grâce à un ancien conseiller d'État et conseiller aux États qu'on appelait à l'époque Monsieur Locataire – a mis des bases fondamentales pour la protection des locataires, à laquelle aujourd'hui je fais référence, et j'espère que vous le ferez également. C'est pour cela qu'il faut ce droit constitutionnel du droit au logement. J’appuie justement de voter la variante qui vous est proposée et vous demande de l’appuyer également.

F Francis THÉVOZ

Monsieur le coprésident est un peu en difficulté aujourd'hui, je trouve, par moments. Moi, j'aimerais répondre à M. Voruz – qui rappelait la grande personnalité de M. [de Bétens] – qu'il n'a jamais été question chez les Radicaux de ne pas continuer dans la même ligne, mais ce n'est pas la même chose que d'écrire le droit au logement dans une Constitution. Je suis venu ici simplement pour prédire à M. Nordmann qu'il se trompe probablement sur la crise du logement qui va revenir. Est-ce que ça vous ferait plaisir, Monsieur? À moi, pas du tout, et vous n'en savez rien, s'il y aura une crise du logement dans une année ou deux. Mais je m'occupe, pour une grande collectivité publique de ce Canton, de signer des contrats de confiance, comme vous dites, je pense qu'il y en a cinq ou six parce que j'estime, comme l’ancienne syndique de Lausanne, que c'est absolument inacceptable qu'une collectivité publique ait des immeubles vides, vous êtes d'accord. Donc on signe des contrats de confiance et on y met des adolescents de vingt-neuf à trente-huit ans [rires] qui sont en train, péniblement, de faire leur deuxième année de droit, ou la douzième, ou qui font… [rires] On vit la vie qu'on vit. Non, ils ne sont pas constituants. [rires] Après avoir passé quatre ans dans un tel logement – ça m'est arrivé la semaine passée –, quand on leur dit, écoutez, on a des projets de reconstruction, de rénovation, on a trouvé une affectation, ils vous regardent avec leurs grands yeux sympathiques et ils vous disent, moi, Madame, moi, Monsieur, j'ai le droit au logement! Si la commune me dit de partir, il faut me trouver un logement. Et je leur réponds, mais vous avez vingt-cinq ans, des beaux muscles, une belle intelligence, des études universitaires… Bien sûr, vous avez le droit d'être logé, mais vous avez aussi le devoir de vous en chercher un, de vous chercher un travail. Je veux dire que ça introduit – c'est exactement ce que disait notre responsable si intelligente du groupe Radical – la notion «bébé mouilleur». Jusqu'à quel âge? [rires] Ça introduit la notion «j'ai besoin de faire pipi, il faut m'aider, Maman!». Je pense que ce droit ne doit pas être dans la Constitution. Par contre, c'est important que chaque collectivité prenne soin des gens et, ce que disait Voruz tout à l'heure, bien sûr que non, personne ne va rester sur la place de la Riponne dans une tente, parce qu'immédiatement il y a des services sociaux, il y a une ville qui est organisée, on va lui trouver un logement immédiatement. Immédiatement! On est organisé pour. Ça ne veut pas encore dire qu'il faut inscrire cela sous les droits. Il faut le mettre dans les devoirs de l'État, les tâches cantonales ou communales, mais surtout pas introduire ça à cet endroit-là. Je vous demande de refuser cette proposition. [applaudissements]

F Gérard BUHLMANN

C'est exactement ce qu'a fait la commission 2 et je vous demanderai peut-être de prendre le 2.3.21, parce qu'il est extrêmement complémentaire au premier alinéa du 3.10. Le 3.10 traite, dans les droits, du logement d'urgence. Je crois que pour tout le monde, c'est un droit, le logement d'urgence. Et que vous dit le 2.3.21? Il va très loin: «Le Canton et les communes, en complément de la responsabilité individuelle et de l'initiative privée, veillent à ce que toute personne puisse disposer d'un logement approprié, à des conditions acceptables». Ce n'est plus un logement d'urgence, c'est un logement, nous en avons fait une tâche de l'État, et je crois réellement que c'est là que ça a sa place, dans les «Tâches de l'État». En ne votant pas l'alinéa 2 dans le 3.10, vous ne perdez pas cette notion, vous la retrouverez d’ici peu de temps – quelques minutes, j'espère – dans le 2.3.21, à l'alinéa 1, qui parle encore d'autres choses sur lesquelles nous reviendrons le moment venu. Mais en fait, cette tâche de l'État de fournir à chacun un logement approprié à des conditions supportables figure dans la Constitution ou en tout cas dans le projet de la commission 2. Donc je vous demande de rejeter l'alinéa 2, sachant que ça revient sous peu.

F Anne BAEHLER BECH

Permettez-moi ici de m’exprimer en tant que représentante de l'ASLOCA. Dans notre société, disposer d'un logement est à nos yeux une absolue nécessité. Sans logement, une personne – vous ne l'ignorez pas – est exclue de la société. Disposer d'un toit ressort donc de la dignité humaine. C'est donc à nos yeux un droit social que seul l'État peut garantir. Maintenant, pour répondre aux attaques qui ont été proférées ici ou là, il est bien entendu que le droit au logement est aussi un droit à une société nouvelle, plus juste, qui se préoccupe essentiellement des démunis. C'est donc un choix de société et je vous appelle à réfléchir à ce stade à ça, en votant pour que le droit au logement soit pleinement reconnu dans la Constitution vaudoise.

F Philippe CONOD

Très brièvement, c'est l'État providence. Il faut voir que ce droit au logement, va s'appliquer à tout un chacun, que ce soit le riche ou le pauvre, je pourrai demander à une commune ou à l'État un logement. Le propriétaire qui ne paie pas ses hypothèques et, qui tout à coup se retrouve à la rue par sa propre faute, il pourra aussi exiger, non pas un logement d'urgence – même problème que pour les locataires –, mais dans le long terme, d'avoir un logement mis à disposition par l'État. Au contraire, je crois que c'est une tâche de l'État. Dans un article que je trouve très bien fait, la commission 2 règle le problème. Je répondrai à mon confrère Nordmann que le droit au logement n'est pas si simple que ça, quand il nous dit qu’il faudra que le juge passe preuve d’imagination au niveau de la justiciabilité, vous dire ça démontre bien à quel point il ne faut pas de droit au logement.

F Luc RECORDON

Je n'interviendrai pas, pour ma part, sur le deuxième alinéa, mais sur le premier, qui n'a pas été discuté jusqu'ici tant il semble faire l'unanimité, à tout le moins dans son principe. Je voudrais proposer tout de même, après réflexion, une légère modification de sa rédaction. C'est en réalité la notion de logement d'urgence qui me pose un petit problème. Il se pourrait que cette notion soit interprétée de manière restrictive. On pourrait penser que le logement d'urgence peut véritablement être à peu près – si ce n'est un taudis – n'importe quoi. Or, en réalité, ça dépend fortement des circonstances. Il est bien évident que, si le logement d'urgence qui doit être trouvé doit l'être pour un grand nombre de personnes dans une situation catastrophique – pensons par exemple aux inondations qui ont eu lieu récemment et qui ont endeuillé le canton du Valais –, il est clair qu'un simple abri PC et ses sacs de couchage, on ne peut guère faire mieux. En revanche, ce n'est pas acceptable dans des situations ponctuelles et il est en effet logique que les collectivités publiques se préparent à avoir un certain roulement de telles situations, en fonction de la situation de base, plus ou moins grave et tendue sur le plan économique et sur le plan du logement. Je crois donc que, pour éviter toute ambiguïté malheureuse que pourrait induire une interprétation avilissante ou trop restrictive de la notion de logement d'urgence, il convient de lui accoler l'adjectif «approprié» in fine et je dépose un amendement, très modeste, dans ce sens.

F Alain GONTHIER

C'est vraiment en deux mots. On a le droit d'avoir un débat politique sur la société qu'on veut. Si «providence» devient une insulte, qu'en pensera le Bon Dieu? [rires] J’imagine ici le constituant de l'an 1000 disant à celui qui réclame le droit à la sécurité et l'institution d'une police ou d'une force de l’ordre qui soit au service de l'ensemble de la collectivité, s'emportant et disant «mais vous attentez à la responsabilité individuelle, après tout, c'est à chacun de pourvoir à sa propre sécurité en s'armant!» s' armant le constituant d'il n'y a peut-être pas si longtemps répondant à ceux qui parlent d'instaurer l’école publique en disant «vous attentez à la responsabilité individuelle, parce qu'après tout c'est à chacun de se payer un précepteur!» La définition des droits – et donc la définition de quelle société nous voulons – est une discussion légitime que vous n'avez pas à diaboliser. Vous pouvez dire, nous ne voulons pas d'une société où le droit au logement soit reconnu comme le droit à l'air, comme le droit à l'ai, comme le droit à pouvoir sortir le soir sans se faire étriper. C'est une discussion légitime, c'est une discussion politique, c'est une discussion de société. Pour ma part, je suis favorable à une société où existe le droit au logement, où il ne puisse pas se trouver, sous aucun prétexte, quelqu'un qui doive rester sans logis, avec toutes les conséquences qui ont été expliquées tout à l'heure. C'est votre liberté effectivement de n'être pas d'accord avec cette conception de la société. C'est un débat qu'on tranchera par le vote, mais je pense que les hyperboles et les scénarios catastrophes n'ont rien à voir là-dedans.

F René PERDRIX

Nous pouvons clore la discussion sur ce point et passer au vote. Nous voterons d'abord sur la proposition de minorité Amstein qui concluait à supprimer le deuxième alinéa. Nous prendrons ensuite l'amendement Luc Recordon, qui demande d’ajouter «approprié» après «un logement d'urgence». Ensuite nous opposerons ce qui reste de cet article à la variante proposée par la minorité de la commission. Pas de remarques? Nous procédons au vote. D'abord la proposition de minorité Amstein. Les personnes qui soutiennent l'amendement Amstein de suppression de l'alinéa 2 sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à l'amendement Amstein sont priées de le manifester. L'amendement Amstein est accepté par 79 voix contre 53.

Amendement Amstein accepté par 79 voix contre 53.

F René PERDRIX

Nous traitons maintenant de l'amendement Luc Recordon proposant d’ajouter le mot «approprié» après «un logement d'urgence». Les personnes qui soutiennent l'amendement Recordon sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à l'amendement Recordon sont priées de le manifester. L'amendement Recordon est accepté par 71 voix contre 62.

Amendement Recordon accepté par 71 voix contre 62.

F René PERDRIX

Il nous reste à nous prononcer entre ce qu'il reste de l'article proposé par la commission et la variante proposée par la minorité de cette même commission. Nous nous prononcerons d'abord sur la variante. La variante figure en bas de votre page, sous 3.10, «Le droit au logement est reconnu», point final. C'est en tant qu'article. S'il vous plaît, il s'agit bien d'une variante à l'article et pas à l'alinéa. Nous nous prononçons maintenant. Ceux qui désirent inscrire dans notre projet la variante – et seulement la variante – par rapport à ce qui reste du texte de la commission se prononcent maintenant. Ceux et celles qui appuient la variante présentée par la minorité de la commission sont priés de le manifester en levant la main. J'ai rappelé que cette variante était opposée à la proposition de la commission. Il s'agit maintenant de voter sur la proposition de la commission. Ceux et celles qui appuient la proposition… Mais oui! S'il vous plaît! Ceux et celles qui appuient la proposition de la commission sont priés de le manifester en levant la main, c'est-à-dire alinéa 1 plus «approprié». [brouhaha] Il y a un peu de confusion au niveau des scrutateurs. Vous êtes priés de lever la main distinctement. Ceux qui sont pour la proposition de la commission sont priés de lever la main. Les abstentions. L'article tel que rédigé par la commission – ou plutôt ce qu'il en restait, c'est-à-dire le premier alinéa complété par l'amendement Recordon – obtient 92 voix. La variante obtient 36 voix avec 5 abstentions. Nous avons inscrit dans notre projet [brouhaha]…

Amendement Amstein accepté par 79 voix contre 53.

Article tel que rédigé par la commission accepté par 92 voix contre 36 pour la variante et 5 abstention.

F René PERDRIX

Nous inscrivons maintenant dans notre projet un article peut-être définitif sous la forme que nous venons de lui donner, c'est-à-dire le premier alinéa plus «approprié»: «toute personne dans le besoin à droit à un logement d'urgence approprié». On vous demande de confirmer le vote que vous venez de faire. Ceux qui acceptent cet article tel que rédigé maintenant sont priés de le manifester en levant la main. Ceux qui s'opposent à cette inscription sont priés de le manifester en levant la main. Abstentions. Par 115 voix contre 10 NON avec 12 abstentions, vous avez inscrit l'article 3.10 dans notre projet.

Article 3.10 – Droit à un logement d’urgence
(115 voix contre 10 NON avec 12 abstentions)
Toute personne dans le besoin a droit à un logement d’urgence approprié.

F René PERDRIX

Je vois quelques sollicitations de la part de la salle. Il est 16:08. Nous fixons une pause jusqu'à 16:20. Nous nous retrouvons à 16:20 pour reprendre nos travaux jusqu'à 17:30.

Pause

top


F René PERDRIX

Nous reprenons nos débats. À la suite de l’adjonction – ou du traitement, plutôt – des articles jusqu'au 3.10, nous avons à traiter de la proposition de minorité Haefliger que vous avez dans vos textes de préparation. Mme Haefliger a la parole. S'il vous plaît, nous reprenons nos travaux. Mme Haefliger peut développer son amendement.

F Sylviane HAEFLIGER

Cette intervention reprend le principe que j'ai déjà développé ce matin, c’est-à-dire de ne garder dans les «Droits fondamentaux» que ce qui est strictement des droits fondamentaux: soit le droit à un logement d'urgence, aux soins médicaux essentiels et aux moyens indispensables au maintien de sa dignité.

Cette façon de faire – je l'ai déjà dit ce matin – revient à garder ces trois droits dans les droits fondamentaux et à renvoyer ailleurs les autres éléments compris dans ces trois articles, en particulier les deux alinéas qui parlent du droit à la protection de la santé. Ces autres éléments seraient alors traités dans les «Tâches de l'État».

Le regroupement, c'est pour des raisons de logique. C'est ainsi que toutes les autres Constitutions l'ont fait. La Constitution neuchâteloise n'a que deux droits sociaux dans les droits fondamentaux, dont le droit à des prestations minimales d'assistance. Je vous lis l'article des Neuchâtelois: «Toute personne dans le besoin a droit à un logis, aux soins médicaux nécessaires et aux moyens indispensables au maintien de sa dignité». C'est donc la façon neuchâteloise, que les Neuchâtelois ont cru bon d'adopter. L'intitulé bernois, aussi dans les droits fondamentaux: «Toute personne dans le besoin a droit à un logis et aux moyens nécessaires pour mener une existence conforme aux exigences de la dignité humaine, ainsi qu'aux soins médicaux essentiels». Je n'ai pas réinventé la roue, c'était la solution qui a été adoptée par les autres Cantons.

Quant à la première phrase – «Quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien» – c'est la première partie de l'intitulé dans les «Droits fondamentaux» de la Constitution fédérale. Je l'ai reprise, souhaitant réserver ces prestations à ceux qui en ont besoin. C'est clair qu'on peut le voir dans un sens limitatif, mais ce n'est pas le but. C'est limitatif dans un sens, mais pas pour les prestations qui existent déjà, comme certains parmi vous l'ont craint.

Je voudrais terminer sur cet aspect des choses et je le répéterai encore une fois: voulez-vous qu'on mélange droits fondamentaux et tâches sociales? Est-ce qu'on veut vraiment tout mettre – y compris des choses qui n'ont pas vraiment leur place – dans les droits sociaux?

F Luc RECORDON

Je voudrais m'opposer à cette proposition, non pas parce qu'elle n'est pas digne d'un certain intérêt sur le plan de la systématique, mais je crois qu'il est difficile et périlleux de faire de la systématique en Assemblée de cent quatre-vingts membres, car on ne perçoit pas toujours pleinement les résultats, surtout compte tenu du fait que nous avons préalablement amendé les textes que l'on devrait maintenant regrouper, un petit peu quand même, aux forceps. Je pense que c'est plutôt la tâche de la commission de rédaction – ou celle de la commission de structure et de coordination – de savoir s'il faut songer à un regroupement ou si le fait de décliner les différentes notions en trois articles n'est pas plus pertinent pour la lisibilité. C'est une proposition qui me paraît, sous l'angle de la systématique, un peu précipitée et en tout cas prématurée. Je relève également qu'elle a l'inconvénient, quand même, d'être extrêmement réductrice par rapport au texte que nous avons voté sur l'article 3.7. Ce serait se contredire totalement – à une heure de distance – que d'accepter maintenant cet amendement, alors que nous avons longuement débattu sur le 3.7, que nous avons voté régulièrement. Nous l'aurions fait pour rien. Pour les autres dispositions, ça a certainement moins d'incidences, si ce n'est que – alors là, évidemment, à titre personnel, je le regretterais – l'ajout du terme «approprié» que j'avais suggéré passerait à l'as.

F Pierre HERMANJAT

Effectivement, pour reprendre la balle au bond de M. Recordon, on a parlé longuement, tout au début de l'après-midi, d'un certain nombre d'articles que la commission 3 vous a proposés. Ces articles ont été amendés et adoptés à une large majorité pour l'ensemble de ces articles. Il serait quand même dommage de les balayer par un article effectivement réducteur, qui oublie un certain nombre de notions qui sont quand même des droits fondamentaux, ne serait-ce que «recevoir l'assistance nécessaire devant la souffrance» et «mourir dans la dignité». Ce serait dommage de laisser passer à la trappe ces arguments-là et ces droits, qui sont des droits fondamentaux. Je demande donc à l'Assemblée de confirmer les votes qui ont été faits précédemment par le refus de l'amendement de Mme Haefliger.

F Irène WETTSTEIN MARTIN

Je suis d'accord avec ce qu'ont dit les deux personnes qui sont venues avant moi. Effectivement, ce serait dommage, nous avons discuté longuement de ces trois articles, c'était un accouchement aux forceps, il ne faudrait pas revenir là-dessus. Chaque mot a été bien pesé. J'aimerais d'ailleurs relever qu'il y a une certaine contradiction dans ce texte où certaines choses pourraient être interprétées de manière bizarre. A contrario, si vous prenez la disposition qui dit «toute personne qui est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a droit aux soins médicaux essentiels» – cela signifie-t-il qu'une personne qui ne serait pas en situation de détresse et qui pourrait subvenir à son entretien n'aurait donc pas droit aux soins médicaux essentiels? Bizarre. D'autre part, nous laisserions tomber une notion du «minimum vital» – qui a bien été définie dans le cadre de la jurisprudence – pour une notion de «détresse» qui, d'après ce que nous avons entendu, a voulu être évacuée par la commission. Nous évacuons aussi la notion de «logement d'urgence approprié» et enfin, comme ça a été soulevé, la question du droit de mourir dans la dignité. Nous avons le droit d'être courts, avons-nous le droit d'être squelettiques? Avant de mourir, je ne le pense pas!

F Francis drapes

Ce n'est pas tant le fond qui est en question là, parce que c'est vrai qu'on a eu des discussions longues, longues et qu'on a accouché aux forceps, dit Madame, certaines choses. M. Recordon, il trouve plutôt que c'est la proposition Haefliger qui est aux forceps, mais enfin il faut voir à se mettre d'accord sur les instruments qu'on utilise pour accoucher d'une Constitution correcte. À la fin, on finira par une césarienne! [rires] Moi, je voudrais dire que c'est surtout une question de mise en place. Dans cet amendement, tout y est. Mais tout y est, c'est vrai sous forme très condensée. Elle met les devoirs, les droits essentiels. Ils y sont, c'est le vivre, c'est le couvert et c'est une assistance humaine et médicale en cas de maladie, ce qui est l'essentiel, et ça y est. Le reste, on le reprendra dans les «Tâches de l'État». Encore une fois, nous vivons dans une société où il n'y a encore pas grand-chose dans la Constitution et pourtant, celui qui ira – comme je l'ai dit tout à l'heure – avec une tente sur St. François ce soir, il trouvera un appartement, j'espère dans les huit heures ou dans les douze heures, en tout cas dans un temps court. On n'a personne dans ce pays devant un hôpital à attendre un traitement médical. Ce n'est pas vrai? Je veux qu'on me cite l'exemple, la date et l'heure où quelqu'un de malade est devant un hôpital et on lui dit, non, vous ne pouvez pas payer, ou non, vous ne pouvez pas entrer. S'il est malade, il est soigné, sans que ce soit inscrit dans la Constitution. Et c'est ça, là où on est bons. Ça, c'est une tâche importante de l'État, je pense, d'avoir des soins médicaux à disposition, d'avoir des aliments à disposition des gens qui ont faim, d'avoir des appartements – «appropriés», M. Recordon. Moi, je trouve que la solution de Mme Haefliger est la seule convenable, correcte pour qu'on n'ait pas une Constitution qui ressemble à un catalogue. Parce que ce qu'on a fait cet après-midi, ça ressemble un petit peu à un catalogue et ce n'est pas une Constitution dans sa densité souhaitable [deux mots incompréhensibles]. [rires]

F Alain GONTHIER

Je ne comprends pas très bien ce qu'on est en train de faire, [brouhaha] parce qu'en ce qui concerne le fond des articles que la proposition Haefliger propose de regrouper, cette proposition ne change rien à l’article sur le logement d'urgence tel que nous l’avons adopté et pas grand-chose quant au revenu minimum. En ce qui concerne l'article 3.7 que nous venons d'adopter, la proposition de modification de Sylviane Haefliger a déjà été faite, a déjà été discutée, a déjà été repoussée. C'est le même contenu qui a déjà été proposé, je m'excuse. Le texte avec l'introduction «toute personne qui est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a droit aux soins médicaux essentiels» – sauf erreur, c'était ça – a été proposée dans le cadre de la discussion sur l'article sur les soins, sur la santé. Alors je ne comprends pas ce qu'on est en train de faire. Si la proposition de Sylviane Haefliger, c'est de regrouper 3.7, 3.9 et 3.10, elle peut être discutée. Si c'est de réintroduire par la fenêtre ce qui a été évacué par la porte tout à l'heure, on n'a pas à en discuter, je m'excuse!

F Anne WEILL-LEVY

J'ai une question à poser au Dr Thévoz. J'ai le sentiment qu'il confond la concision et l'amputation, et ça me gêne. [brouhaha]

F Laurence MARTIN

Par rapport à la proposition d'amendement Haefliger, je voudrais juste rappeler que, dans les associations, nous sommes bien placés pour savoir à quel point la politique d'assistance est discriminante. Ce sous-amendement revient à définir dans le texte de la Constitution une politique d'assistance, même si le mot a disparu depuis la dernière fois. Merci. [applaudissements]

F Sylviane HAEFLIGER

Pour accepter l'idée de M. Recordon, je propose de rajouter le logement d'urgence «approprié», pour que l'article que j'ai soutenu ne passe pas à la trappe. Par contre, je profite de l’occasion pour dire qu'en fait, ce qui n'est pas retenu dans les Droits fondamentaux ne disparaît pas mais est simplement transféré dans les «Tâches de l'État». [brouhaha]

F Jean MARTIN

Je ne serai pas long. Il ne faut pas dire des choses fausses! Je suis en désaccord – respectueux, mais ferme – avec ma collègue et collègue de groupe. Il y a dans sa proposition des choses qui disparaissent, alors qu’elles ont une importance fondamentale et qu’elles ont le droit d'être dans une Constitution du 21 e siècle, notamment la question de l'assistance nécessaire devant la souffrance et de mourir dans la dignité, qui en aucune manière n'est seulement une tâche de l'État – ça a été dit dans le débat précédent – et qui ne peut être qu'un droit. [applaudissements]

F René PERDRIX

C'est la dernière intervention et nous passons au vote. Les scrutateurs sont prêts à opérer? Il faut rester dans le langage. Les constituantes et les constituants qui appuient la proposition Haefliger sont priés de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s'opposent à l'amendement Haefliger sont priés de le manifester en levant la main. L'amendement Haefliger est refusé par 73 voix contre 61.

Amendement Haefliger refusé par 73 voix contre 61.

top


Article 2.3.19 – Sécurité sociale

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de la proposition 2.3.19, «Sécurité sociale». Le rapporteur de la commission 2 a la parole.

F Gérard BUHLMANN

Après ce long débat auquel on pouvait d'ailleurs s'attendre, nous revenons aux articles de la commission 2 avec l'article 2.3.19. Deux alinéas, le premier – qui à nos yeux est un complément de l'article 3.9, qui ne fait pas redondance avec lui. Comme dans beaucoup d'autres articles où on parle des droits ou des dispositions générales avec la commission 1, la commission 2 fixe alors comment l'État doit remplir le droit qui a été octroyé dans les articles de la commission 3. Ainsi, nous disons que le Canton et les communes assurent à chaque habitant les conditions d'une vie digne et nous disons comment il le fait, avec deux points: par la prévention des situations de précarité et par l'organisation d'une aide sociale. Concernant ce dernier point, nous avons un certain nombre de propositions de minorité ou de sous-amendements qui visent à fixer dans la Constitution soit – tout d'abord, la proposition de minorité Martin-Salamin Michel – que l'aide sociale est en principe non remboursable, soit – le sous-amendement Weill-Lévy qui dit… Il est retiré? Il est retiré, bien. Ce débat, nous l'avons eu, nous l'avons même eu relativement longuement en commission. Nous avons entendu – et c'était extrêmement intéressant – des personnes qui s'occupent de milieux défavorisés et dans le cadre de la commission, nous sommes – je crois pouvoir le dire – unanimes à être d'accord que l'aide sociale ne doit pas, sur le principe, être remboursable et que l'aide sociale n'a pas pour but d'enfoncer quelqu'un le jour où il ressort de lui-même, mais que l'aide sociale est là pour l'aider. Par contre, il y a des situations – un héritage, par exemple – qui font qu'il est tout aussi équitable que l'aide sociale soit remboursée, si celui qui en a bénéficié le peut sans se remettre lui-même en situation difficile. Faut-il l'inscrire dans la Constitution ou pas? Ou faut-il laisser cette disposition à la législation? Vous avez vu qu'une majorité de la commission a été pour ne pas le mettre dans la Constitution. Encore une fois, ce n'est pas le principe même qui est combattu, c'est le fait de l'inscrire dans la Constitution que la majorité de la commission n'a pas voulu. Mme Salamin s'expliquera sur sa version. Le deuxième alinéa, je viens de déposer un amendement à titre personnel pour le retirer. C'était typiquement un alinéa pour lequel je voulais attendre de voir ce que nous allions faire des articles que nous avons votés. Il redit, mot pour mot, ce que dit l'article 3.10. Il n'y a donc, à mon avis, aucune raison de le maintenir. Il s'agissait de voir si votre Assemblée voulait avoir cette disposition dans les droits ou dans les tâches, vous avez souhaité l'avoir dans les droits, je pense qu'il est donc illusoire de vouloir la mettre à deux endroits, c'est mot pour mot la même. J'ai donc déposé, à titre personnel, l'amendement de retrait de l'alinéa 2 de l'article 2.3.19.

F Lauréane SALAMIN MICHEL

Le rapport de minorité demande que l'aide sociale soit en principe non remboursable. La récente crise, et avec elle les problèmes de chômage de longue durée qu'elle a suscités, ont amené les pouvoirs publics à trouver de nouvelles formes d’aide sociale allant dans le sens d'un revenu minimum de réinsertion. Toutes ces dispositions sont non remboursables. La demande de remboursement qui se fait encore actuellement – en ce qui concerne l'aide sociale proprement dite – est essentiellement de nature idéologique. En effet, le remboursement effectif est faible par rapport à l'aide octroyée, les chiffres qui m'ont été communiqués par le Service de prévoyance et d’aide sociale du département de la santé et de l'action sociale le montrent. En 1999, l'État a octroyé pour 63 millions d’action sociale. Les remboursements ont été dd’actionre de CHF 600'000 et le coût de la tâche pour récupérer cet argent était d’environ 500'000 francs suisses. Si nous avons utilisé les mots «en principe non remboursable», c'est pour éviter certaines situations dont M. Bühlmann a parlé tout à l'heure, qui sont par ailleurs assez rares. Ce que nous voulons, c'est suivre les recommandations de la Conférence suisse des institutionQU’Aide sociale – la CIAS – qui représente l'ensemble des servicesCI ASe sociale des Cantons. Cette Conférence propose de limiter l'obligation de remboursement aux situations suivantes: prestations foliation sociale versées indûment, fortune présente mais pas immédiatement réalisable, héritage laissé par le bénéficiaire des fonds ou entrée en possession d'une fortune importante. De manière générale, la CIAS propose que l'autorité n'exerce pas l'obligation de remboursement sur les revenus provenant d'une activité lucrative postérieure à la périoinexercéide. L'expérience montre que les montants de remboursement sont minimes et il est recommandé par la CIAS, ne serait-ce que pour éviter des frais administratifs disproportionnés, de limiter cette obligation de remboursement aux situations que j'ai mentionnées tout à l'heure. D'ailleurs, certains Cantons – comme Argovie, Neuchâtel et Jura – ont déjà souscrit aux propositions de la CIAS. C'est pourquoi nous vous proposons de signifier dans la Constitution que l'aide doit être en principe non remboursable. Je vous remercie de votre attention.

F Jacques ZWAHLEN

Je réponds au collègue Bühlmann qui a parlé juste auparavant du fait qu'il y aurait une contradiction à mettre dans les tâches ce que nous aurions déjà mis – en sens je dirais verso ou plutôt recto – dans les droits. Cette remarque ou cette intervention, je ne la comprends pas, puisque précisément nous avons, suite aux recommandations de la Cosco, organisé le débat pour qu'on tienne ensemble et en regard, parallèlement, les droits et les tâches, pour les faire coïncider. Je crois que devoir aujourd'hui mettre en regard ces droits et ces tâches, c'est précisément ce que nous avons voulu et cela montre que ce débat parallèle a tout son sens.

F Philippe NORDMANN

Le groupe Forum ignorait, lorsqu'il a proposé son amendement, qu'il y aurait une proposition de biffer carrément l'alinéa. Évidemment, cet amendement n'a de sens que si l'alinéa subsiste au terme du vote que vous allez faire tout à l'heure. Pour reprendre la discussion là où elle était, il peut y avoir des cas où c'est bien qu'il y ait un aspect à la fois dans les tâches et dans les droits, et il n'y a pas de contradiction, quelquefois. D'autres fois, si ça figure dans les droits et pas dans les tâches, ça suffit. Quelquefois – et nous le regrettons – ça ne figure que dans les tâches et pas dans les droits. Votre Assemblée décidera. Si elle décide de maintenir – et c'est dans cette seule hypothèse que j'interviens maintenant, parce que sinon ça n'a pas de sens – l'alinéa 2, alors nous disons que la logique veut qu'on n'emploie pas le verbe «veille», parce que ce verbe est faible. Dans les papiers de la commission 2, on nous a très bien expliqué – mieux que dans le Petit Robert – le sens de chaque verbe. Il y a des verbes faibles et des verbes forts. Dès l'instant où on a admis un droit, il faut utiliser un verbe fort et c'est la raison pour laquelle nous avons proposé le verbe «garantir» ou «assurer». Il faut une cohérence, dès l'instant où il existe un droit, on ne peut pas simplement «veiller à ce que»… Pardon? On parle de l'alinéa 2, je développe l'amendement du groupe Forum relatif à l'alinéa 2. Alors «garantir» ou «assurer», c'est égal. C'est pareil, c'est une question de commission de rédaction. Nous n’entendons pas faire ici, à cent quatre-vingts, le travail de la commission de rédaction. Nous disons «un verbe fort», vous choisirez celui que vous voulez, M. Cohen-Dumani. Nous voulons simplement une certaine logique, dès l'instant où on dit «un droit» ou «une garantie». Si on dit que c'est quelque chose de souhaitable, l'État «veille», «promeut», «encourage», etc. Donc nous respectons exactement la terminologie qui a été proposée dans le texte introductif de la commission 2.

F Philippe CONOD

Je crois poursuivre ce qui a été dit par M. Zwahlen. Il est possible que des articles s'opposent, parfois on peut avoir deux articles qui vont dans le même sens. Je crois que l'article tel qu'il est proposé par la commission est un bon article et je serais d'avis, si on veut avoir une certaine logique, de maintenir l'article tel qu'il nous est présenté.

F Laurence MARTIN

J'ai envie de revenir sur la proposition Martin-Salamin. Est-ce que c'est le moment?

F René PERDRIX

Pourquoi pas?

F Laurence MARTIN

Merci. «En principe non remboursable», quatre mots faciles à supprimer, très faciles, mais derrière ces quatre mots, une réalité sur laquelle nous pouvons influer. Ce qui me rend si affirmative, ce ne sont pas des raisons idéologiques, mais c'est la confrontation avec la réalité du terrain, à laquelle les associations – qui se sont occupées, notamment ces dernières années, de personnes au chômage ou en difficulté – ont été confrontées. En effet, l'obligation de rembourser est dissuasive, totalement dissuasive pour les gens qui voudraient rechercher un nouvel emploi. Avant de voter, je vous demande de visualiser les plateaux de la balance. Dans un plateau, la trouille, la peur de se faire gruger par deux ou trois personnes, les chiffres que Lauréane Salamin a donnés sont vraiment extrêmement intéressants à cet égard. Dans l'autre plateau de la balance, la confiance qu'on doit faire aux gens que, quand on crée de bonnes conditions, leur initiative individuelle et personnelle, leurs ressources personnelles leur permettront de reprendre l'initiative et de se réinsérer. Voilà, entre la peur et la confiance, je vous demande de voter pour la confiance. Merci.

F Judith BOVAY

Aujourd'hui, dans le Canton de Vaud, l'aide sociale est remboursable. Le texte actuel de la loi stipule: «les personnes ayant bénéficié de l'aide sociale sont tenues de la rembourser dans la mesure où leur situation financière ne risque pas d'être compromise par ce remboursement». Je connais ce texte par coeur puisque je le dis à chaque nouveau client qui vient à mon bureau. Aujourd'hui, lorsque la personne sort de l'aide sociale parce qu'elle a retrouvé une activité lucrative ou parce qu'elle a obtenu une rente, cette personne contribue non seulement par ses impôts à la solidarité de l'État, mais doit en plus renflouer les caisses de l'aide sociale par son remboursement. Nous savons, et les statistiques sont claires à ce sujet, que les personnes sortant de l'aide sociale retrouvent des situations financières en général très légèrement supérieures au minimum vital obtenu par l'aide sociale. L'obligation de rembourser ne fait que les maintenir dans la pauvreté. Le Canton de Vaud ne respecte pas actuellement les recommandations de l'ARTIAS, qui est l'Association romande et tessinoise des institutions d’action sociale et qui demande de ne pas demander le remboursement pour des personnes ayant retrouvé une activité lucrative, pour les raisons que je viens de vous évoquer. Je vous demande donc de soutenir l'amendement Salamin qui dit «en principe non remboursable». À ce principe il peut y avoir exception, notamment lorsqu'il y a un revenu extraordinaire ne provenant pas d'une activité lucrative, ni d'un héritage, par exemple les gains de loterie ou autres. Ces mêmes soucis sont partagés par Mme Weill-Lévy, qui a retiré son amendement puisqu'il va exactement dans le même sens, «exception il peut y avoir». Je demande pour toutes ces raisons le soutien à l'amendement Salamin. Merci.

F Pierre FARRON

La paroisse protestante de St. Luc, en 1992, a pris des initiatives dans le nord de la ville de Lausanne pour être solidaire des personnes au chômage, et ça a abouti en 95 à la création d'une association qui s'est élargie à des milieux de tous horizons et qui a créé un atelier de travail pour des femmes sans emploi. En 1997, ça a été le premier atelier qui a été reconnu par les autorités cantonales – on a joué un rôle de pionnier à cet égard – comme combinant les deux sortes de RMR, le RMR réinsertion sociale et le RMR réinsertion professionnelle. Comme cela a été dit tout à l'heure, même si la remboursabilité est peu pratiquée et est peu faite en pratique, ça constitue un frein psychologique extrêmement puissant par rapport à des perspectives de réinsertion professionnelle pour des chômeurs et chômeuses de longue durée. Ceci a des conséquences très lourdes, tant sur le plan humain que pour les finances de l'État. C'est la raison pour laquelle la vingtaine d'associations à laquelle Laurence Martin a fait allusion tout à l'heure – avec laquelle je suis aussi en relation dans le cadre de mon ministère, Église et monde du travail – trouve indispensable de mentionner dans notre charte fondamentale que l'aide sociale est, en principe, non remboursable. Au sein de nos associations, nous avons une importante expérience pratique, une expérience de terrain dans l'accompagnement des personnes sans emploi. Dans notre expérience, la majorité des personnes qui ont subi un chômage de longue durée veulent vraiment se réinsérer professionnellement et pourraient réellement y parvenir si des mesures plus adéquates étaient prises par le Canton. L'une de ces mesures est clairement la non-remboursabilité – au moins en principe, sauf exception – de l'aide sociale. D'abord pour prévenir, dans toute la mesure du possible, l'exclusion et ses graves conséquences humaines, mais aussi pour ménager les finances publiques, car une personne dépendante de manière durable de l'aide sociale finit par coûter un saladier à la caisse de l'État et à celles des communes.

F Anne WEILL-LEVY

J'ai retiré mon amendement puisqu'il allait dans le même sens que celui de Forum. Je voulais juste ajouter un argument, qui est celui des personnes qui se trouvent en EMS, qui souvent y décèdent et le fait qu'il y a obligation pour leur famille de rembourser tout ce qui a coûté, entre ce qui a été payé durant leur séjour et ce que l'aide sociale considère devoir y mettre. Par conséquent, ça entame les patrimoines familiaux et beaucoup de familles vivent des drames de ce fait. J'aimerais rendre les gens attentifs à cet élément qui diffère de la réinsertion professionnelle habituelle. Merci.

F Philippe CONOD

Par rapport à ce que notre collègue Farron nous a dit tout à l'heure, je crois qu'il faut bien distinguer. Ici, on parle dé cèdent sociale. On ne parle pas de chômage et ce problème est réglé par l'article suivant du projet de la commission 2, qui prévoit «l'État garantit un minimum de réinsertion». Nous avons longuement entendu le Carrefour des chômeurs et il est clair que ce revenu de réinsertion n'est pas remboursable. Que l'on ne confonde donc pas le problème du chômage et le problème de l'aide sociale.

F Judith BOVAY

J'aimerais répondre brièvement à M. Conod. Il sait certainement très bien – comme tout le monde ici – que le revenu minimum de réinsertion a une durée de deux ans au maximum, qu'un grand nombre de personnes sont sorties du revenu minimum de réinsertion et se retrouvent aujourd'hui à l'aide sociale.

F René PERDRIX

La parole n'est plus demandée. Nous passons au vote sur cet article 2.3.19. Nous traiterons en priorité la proposition Martin-Salamin qui est un ajout à la lettre b), «par l'organisation d'une aide sociale en principe non remboursable». Les personnes qui appuient la proposition Martin-Salamin sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à la proposition Martin-Salamin. La proposition Martin-Salamin est acceptée par 66 voix contre 54.

Proposition Martin-Salamin accepté par 66 voix contre 54.

F René PERDRIX

Nous passons à la proposition ou amendement Bühlmann, qui concluait à la suppression du deuxième alinéa. «Il veille à ce que toute personne dans le besoin puisse disposer d'un logement d'urgence» serait biffé de la proposition de l'article de la commission. [un intervenant non identifié formule quelques commentaires hors micro] Alors moi, je suivais exactement le contraire, c'est-à-dire la proposition de Philippe Nordmann qui a dit que l'amendement de Forum était sans objet si l'article était biffé. J'ai repris, textuellement je crois, ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous maintenez votre proposition dans ce sens-là, M. Nordmann? Il y a contestation. Puisqu'il y a contestation, traitons de l'amendement ou plutôt du vocabulaire avant de savoir si nous maintenons le texte. Ça ne me semble pas très logique non plus, mais suivons comme ça. On ne va pas rouvrir le débat, on se suffira de la proposition à deux verbes, en admettant qu'il appartiendra à la commission de rédaction de choisir un des deux. Les constituantes et les constituants qui appuient la proposition du groupe Forum – de substituer au verbe «veillent» l'un des deux verbes «garantissent» ou «assurent» – sont priés de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à cette modification sont priées de le manifester. L'amendement est repoussé par 65 NON contre 51 OUI.

Amendement du groupe Forum repoussé par 65 non contre 51 oui.

F René PERDRIX

Nous votons maintenant l'amendement Bühlmann qui demande de supprimer ce deuxième alinéa, non modifié. Les personnes qui soutiennent l'amendement Bühlmann sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à cet amendement sont priées de le manifester en levant la main. L'amendement Bühlmann est refusé par 63 voix contre 50.

Amendement Bühlmann refusé par 63 voix contre 50.

F René PERDRIX

Nous votons maintenant l'article tel qu'il nous est présenté par la commission puisqu'il a survécu intégralement à tous ces votes, mise à part l’adjonction «en principe non remboursable» à la lettre b). Les personnes qui approuvent cet article – définitivement rédigé comme vous pouvez le lire sur le tableau derrière moi – sont priées de le manifester en levant la main. Les personnes qui s'opposent à cet article sont priées de le manifester en levant la main. Les abstentions. Nous avons inscrit cet article 2.3.19 dans notre projet par 92 OUI contre 23 NON avec 8 abstentions.

Article 2.3.19 – Sécurité sociale
(92 OUI contre 23 NON avec 8 abstentions)

Le Canton et les communes assurent à chaque habitant les conditions d’une vie digne:

  1. Par la prévention des situations de précarité;

  2. Par l’organisation d’une aide sociale en principe non remboursable.

Ils veillent à ce que toute personne dans le besoin puisse disposer d’un logement d’urgence.

top


Article 2.3.20 – Prévention de l’exculsion et réinsertion

F René PERDRIX

Nous passons au traitement de l'article 2.3.20, «Exclusion et réinsertion» avec une intervention du président de la commission 2.

F Gérard BUHLMANN

Avec une deuxième motion d'ordre par rapport à ce que nous propose le comité. En effet, le comité met en rapport l'article 2.3.20 avec l'article 3.20, la numérotation ne facilite pas, les alinéas 4 à 6. C'est à mon avis un peu plus complexe que ça, dans la mesure où il n'y a que les alinéas 4 à 5 qui sont touchés. Par contre le 3.20 est en opposition directe avec l'article 2.3.6 pour son alinéa 1, l'article 2.3.5 pour ses alinéas 2 et 3 et l'article 2.3.9 pour l'alinéa 6, trois articles qui sont dans le chapitre que nous avons sauté, de la formation. Vouloir discuter maintenant de l'article 3.20 en le saucissonnant me paraît tout aussi mauvais que d'avoir voulu séparer les quatre droits qu'on a traités tout à l'heure. Je vous propose donc de reporter l'entier de la discussion de l'article 3.20 après celle sur le chapitre de la formation. Je ne vois pas comment on pourrait s'en sortir autrement. C'est donc une motion d'ordre que je dépose maintenant et après, j'interviendrai sur le 2.3.20 en fonction du résultat du vote de l'Assemblée.

F René PERDRIX

La motion d'ordre est-elle appuyée? Merci. La discussion est ouverte sur la motion d'ordre. Quelqu'un demande-t-il la parole? Personne ne demande la parole. La motion d'ordre concluait au renvoi de la discussion sur la proposition 3.20 après le traitement du chapitre de la formation. Acceptez-vous cette motion d'ordre? Merci. Y a-t-il des oppositions? Non. La motion d'ordre est acceptée et la discussion sur l'article 3.20 est reportée à la fin du chapitre «Formation».

Motion d’ordre Bühlmann accepté – discussion sur l’article 3.20 reportée à la fin du chapitre «Formation».

F René PERDRIX

Nous traitons donc maintenant uniquement de l'article 2.3.20 et le président de la commission 2 a la parole.

F Gérard BUHLMANN

Merci. Je précise que nous ne traitons que du 2.3.20 et pas de la proposition qui figure sur votre feuille, «Intégration des personnes handicapées», qui est un nouvel article qu'on appellera peut-être 2.3.20 bis. Je vous propose donc de ne pas parler de ça maintenant, c'est un sujet absolument séparé. Le 2.3.20 tel que la commission vous le propose est l'article qui lui a causé le plus de problèmes, et si nous avons très modestement la prétention d'avoir globalement fourni de bons articles – d'ailleurs le fait que vous les votiez l'un après l'autre avec quelques amendements prouve que nous devions être quelque part dans le vrai –, le 2.3.20 nous restait, comme on dit, un petit peu en travers de la gorge, mais on n'avait pas trouvé mieux avant le 30 juin. Cette énumération de quatre tâches fait un doublon évident avec les articles sur la formation. Il est clair que là, nous étions dans une autre logique. Nous sommes dans la réinsertion professionnelle ou la réinsertion sociale, mais l'un dans l'autre, il y avait quand même un doublon. Dans une de ses séances informelles, la commission – ou quelques membres de la commission 2 – a replanché sur cet article 2.3.20. L'amendement que vous fait M. Farron – qui le développera certainement tout à l'heure – en fait, est en soi une sous-proposition des membres présents de la commission 2. Que vise l'amendement Farron? Tout d'abord il modifie le titre en disant «Prévention d'exclusion et réinsertion» parce qu'il s'agit de prévenir l'exclusion, bien entendu. Puis, l'amendement Farron vise en fait à supprimer cette énumération – on sait que les énumérations ne sont jamais très bonnes parce qu'elles sont trop longues ou incomplètes – pour en fait se référer de facto au chapitre sur la formation, en mentionnant par contre un élément qui n'est pas dans le chapitre sur la formation et qui est, à nos yeux, important, celui de la certification des compétences professionnelles, M. Farron le dira mieux que moi dans quelques minutes. Par contre, bien entendu, nous maintenons «l'État garantit un revenu minimum de réinsertion», c'est absolument prioritaire et là on ne parle même pas de remboursement, je crois que nous sommes tous d'accord. J’en viens à l'amendement Weill-Lévy. Il est retiré, carrément?

F René PERDRIX

Retiré.

F Gérard BUHLMANN

Très bien, je remercie, ça simplifie alors la discussion. J’en ai terminé pour le moment.

F Pierre FARRON

La rédaction originale de l'article que vous avez sous les yeux représentait en fait la substance de ce qu'on souhaitait par rapport à la problématique réinsertion sociale et professionnelle. Suite à plusieurs remarques, je me suis rendu compte effectivement que c'est un peu long, il y a des choses qui sont dites ailleurs et au fond, il est possible de le réduire sans perte de substance à la formulation que vous avez ici. Je me réjouis de ce que ce travail ait été fait avec plusieurs personnes de plusieurs partis différents. Quant au titre, c'est une simple suggestion, d'ailleurs je profite pour dire ici qu'à mon avis, on ne devrait pas voter sur les titres, mais simplement les proposer à la commission de rédaction et voter sur les titres seulement au deuxième débat, histoire d'éviter de perdre trop de temps.

F Fabien LOI ZEDDA

Je remercie notre préopinant Farron. Je crois que l'avantage de cet amendement est une clarification, un esprit synthétique, un allégement du texte aussi. De plus, je dirais qu'il correspond à tout ce que je rencontre en ce moment dans certains milieux de notre société, notamment au niveau de la certification. Je crois que c'est donc un plus, c'est une actualisation qui devrait être une anticipation. C'est en tout cas une actualisation et je vous propose de soutenir cet amendement.

F René PERDRIX

Merci à Fabien Loi Zedda. Quelqu'un demande-t-il encore la parole? Si ce n'est pas le cas, nous allons passer au vote. Nous nous prononçons d'abord sur l'amendement Farron. Vous avez pu prendre connaissance du texte complet de l'amendement Farron. Les personnes qui appuient cet amendement sont priées de le manifester en levant la main. Merci. La majorité est évidente. L'amendement Farron est accepté.

Amendement Farron accepté à une majorité évidente.

F René PERDRIX

Nous passons maintenant au vote définitif de l'article 2.3.20, y compris l'amendement Farron. Les personnes qui acceptent l'article tel que rédigé par les travaux de notre Assemblée sont priées de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s'opposent à cet article. Les abstentions. Par 115 voix contre 2 avec 1 abstention, l'article 2.3.20 est inscrit dans notre projet.

Article 2.3.20 – prévention de l’exclusion et réinsertion
(115 voix contre 2 avec 1 abstention)
L’État s’engage dans la prévention de l’exclusion professionnelle et sociale et en faveur de la réinsertion, notamment par la formation et la certification de compétence professionnelles.
L’État garantit un revenu minimum de réinsertion.

top


Article 2.3.20 bis – Intégration des personnes handicapées

F René PERDRIX

Levez distinctement la main, que les scrutateurs puissent vous saisir. Nous devons avoir le temps de traiter le 3.20 bis et nous donnons la parole à celle qui le propose, la constituante Haefliger.

F Sylviane HAEFLIGER

Suite au vote de la séance du 13 octobre dernier concernant le droit d'accès à la culture, nous aimerions préciser, en nous référant à l'intervention de Mme Anne Weill, que ce n'est pas l'accès à la culture des personnes handicapées que nous refusions. Au contraire, nous sommes particulièrement sensibles aux difficultés -voire aux impossibilités — qu'elles rencontrent lorsqu'il s'agit pour elles de pénétrer dans les lieux publics, les salles de spectacle par exemple. Mais pour nous, le problème des personnes handicapées doit être traité de façon beaucoup plus générale et pas seulement dans le cadre de l'accès à la culture. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé ce nouvel article.

L'article 3.2, intitulé «Égalité» – qui figure dans les «Droits fondamentaux» – inclut les personnes handicapées dans cet article, sur la non-discrimination. Mais il ne dit rien quant aux mesures à prendre pour résoudre les problèmes de tous ordres auxquels elles sont confrontées.

L'article 3.7, «Protection de la santé», parle d'un «droit à une attention particulière», qui semble un terme un peu faible par rapport aux mesures qui devraient être prises. De plus, la personne handicapée ne peut pas sans autre être assimilée à une personne dont la santé est déficiente.

L'article 2.3.20, «Exclusion et réinsertion» traite, lui, de l'exclusion sociale dans un contexte différent, dans lequel les personnes handicapées ne peuvent pas non plus être intégrées sans autre.

Nous avons également pris connaissance de la requête de Vie associative concernant ce sujet, et estimons qu'il convient effectivement de lui donner suite. Nous pensons toutefois qu'il est préférable de traiter le sujet de manière plus large, comme c'est d'ailleurs le cas dans d'autres Constitutions que nous avons consultées.

Le nouvel article qui vous est proposé – destiné à figurer dans les «Tâches de l'État» – traite des problèmes spécifiques rencontrés par les personnes handicapées et des mesures de tous ordres qui doivent être prises pour favoriser leur insertion. Il inclut implicitement des mesures qui vont de l'abolition des barrières architecturales à la possibilité de participer à des manifestations culturelles, en passant par une formation professionnelle adaptée. La liste est encore longue et il n'est guère utile, me semble-t-il, d'entrer plus en avant dans les détails. Je vous engage donc à soutenir l'article tel qu'il est proposé.

F René PERDRIX

Merci à Mme Haefliger. Le groupe Libéral a déposé un sous-amendement.

F Jean-François LEUBA

Nous sommes pratiquement d'accord avec Mme Haefliger, d'ailleurs nous avons cherché à mettre nos textes en correspondance. Il nous reste quelques petites différences rédactionnelles. Je vais simplement vous dire pourquoi le groupe Libéral, finalement, estime que le texte tel qu'il le présente est meilleur que le texte de Mme Haefliger. Tout d'abord, il évite d'avoir deux fois le mot «assurer» à deux lignes de distance, c'est une répétition… On l’a supprimé donc je retire cet argument. Il nous paraît que c'est plus clair si «l'État et les communes prennent des mesures». C'est beaucoup plus concret de prendre des mesures que de «favoriser» ou de «s'engager à promouvoir». Le principe de l’égalité, Mme Haefliger l'a dit est déjà à l'article 3.2 qui ne sera sans doute pas contesté. L'interdiction de discrimination est à l'article 3.2. Nous souhaitons que le Canton et les communes prennent des mesures – des mesures concrètes – tendant à favoriser l'autonomie, l'intégration, etc. – là nous avons les mêmes termes que Mme Haefliger – et à assurer leur dignité, indépendamment de savoir si cette dignité est assurée par des mesures ou pas par des mesures. C'est une valeur en soi, la dignité, et elle ne doit pas être mise en relation avec la dignité «en prenant des mesures». La dignité est une notion pour elle-même. Par conséquent, je dois dire – je vous ferai une confidence – que si vous choisissez le texte de Mme Haefliger, ça ne m'empêchera pas du tout de dormir. C'est simplement une question de rédaction, à vous de choisir la rédaction qui vous paraît la meilleure.

F Denyse DUFOUR

Lors d'une des séances de la commission 2, j'avais proposé que l'on écrive un article sur les handicapés. L'idée avait immédiatement été abandonnée, quelqu'un ayant fait remarquer que c'était à la commission 3 de s'en occuper et qu'on n'avait pas à mettre un article sur les handicapés dans les «Tâches de l'État». En lisant l'amendement de Mme Haefliger et maintenant l'amendement Libéral, j'ai retrouvé les idées que je souhaitais voir figurer dans notre nouvelle Constitution et, au nom du groupe Forum, je vous engage à appuyer soit l'un, soit l'autre.

F Laurence MARTIN

En fait, au nom de Vie associative, qui s'était aussi rendue compte de cette lacune et qui se réjouit vraiment beaucoup que les partis Radical et Libéral aient repris et élargi cette idée, je veux soutenir ici l'un ou l'autre de ces amendements. Cependant, il nous semble – dans une discussion notamment à Vie associative – que cette question de s' était peut, pour certains, poser problème, étant évidemment difficile à concevoir dans le cas de personnes handicapées. C'est pourquoi, plongeant dans les textes européens à cet égard, nous avons découvert que le terme utilisé le plus souvent, c'est «ls' étaitdes chances» des personnes handicapées. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai l'amendement Haefliger, en ajoutant «égalité des chances» des personnes handicapées. Merci.

F René PERDRIX

Mme Haefliger déclare se rallier à la proposition Martin, si bien que nous sommes maintenant en possession de deux propositions ou de deux textes différents sur le même sujet, la proposition Haefliger-Martin et la proposition du groupe Libéral. Nous passons au vote. La proposition Haefliger-Martin, en premier, opposant celle-ci à la deuxième rédaction, celle du groupe Libéral. Les constituantes et les constituants qui appuient la proposition Haefliger-Martin sont priés de le manifester en levant la main. Les personnes qui appuient la proposition du groupe Libéral sont priées de le manifester. L'écart est infime. La proposition Haefliger-Martin l'emporte par 61 voix contre 58.

Proposition Haefliger accepté par 61 voix contre 58 pour la proposition du groupe libéral.

F René PERDRIX

Il nous reste à confirmer cet article. La proposition d'inscrire un article 2.3.20 bis intitulé «Intégration des personnes handicapées», sous la forme que nous venons de lui donner, reçoit-elle votre approbation? Si c'est le cas, je vous demande de le manifester en levant la main. Les constituantes et les constituants qui s'opposent à l'inscription d'un tel article. Les abstentions. L'article 2.3.20 bis est inscrit dans notre projet par 118 OUI contre 2 NON avec 2 abstentions.

Article 2.3.20 bis – Intégration des personnes handicapées
(118 OUI contre 2 NON avec 2 abstentions)
Le Canton et les communes s’engagent à promouvoir l’égalité des chances des personnes handicapées et à assurer leur dignité en prenant des mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté.

F René PERDRIX

Il est 17:28. Je crois que je n'ose pas vous proposer l'étude ou la discussion sur un article supplémentaire. Je crois que nous constaterons ensemble que nous avons aujourd'hui bien travaillé, quelquefois dans la difficulté. Je vous remercie de votre active participation, de votre aide et je vous souhaite une excellente fin de semaine en vous donnant rendez-vous dans quinze jours.

Fin de la séance à 17.30 heures.

top


Enregistrement et transcription Intercongress Genève.

Mise en page Dominique Renaud


A vu  bu001110.htm   27.10.2000 Révision : 26 janvier 2003

© 2000 — OptWare CH

Envoyer un email au Webmaster OptWare CH GDR Concept Le rubban bleu pour la liberté d'expression!