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Proposition de la commission, propositions de minorité, amendements et sous-amendements

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N° et Date de la Séance N° 12 du vendredi 13 octobre 2000
Lieu Université de Lausanne
Présidence de Monsieur Jean-François LEUBA

Déroulement des débats

  1. Articles adoptés ...................................................................................................2
  2. Accueil et communication d’ordre général .........................................................4
  3. Mise en discussion des propositions des commissions thématiques ...................5
  4. Titre 4 — Tâches publiques ...................................................................................5
  5. Article 2.3.1 — Service public.............................................................................11
  6. Article 2.3.2 — Délégation de compétences........................................................17
  7. Article 2.3.3 — Information du public et Article 4.4.4 — Information publique ..31
  8. Article 2.3.4 — Sécurité et police et 53—12 — Ordre public et sécurité.................36
  9. Article 2.3.11 — Sport .........................................................................................50 
  10. Article 2.3.12 — Patrimoine et culture ................................................................51 

A la fin du document figurent toutes les propositions, amendements et sous-amendements liés aux articles adoptés lors de la séance.  

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Articles adoptés

Article 2.3.1 — Service public

Article 2.3.1 — Service public (Voir sous article 2.3.2)
Article 2.3.2 — Délégation de compétences

Article 2.3.1 et 2.3.2 — Service public et délégation des compétences
L’État assure un service public.
En tenant compte de l’initiative et de la responsabilité individuelles, il assume les tâches que la Constitution et la loi lui confient.
Sous la responsabilité de l’État, certaines tâches peuvent être entièrement ou partiellement déléguées.

Article 2.3.3 — Information du public et Article 4.4.4 — Information publique

Article 2.3.3 — Information du public
Le Canton et les communes informent de leurs activités selon le principe de la transparence.

Article 4.4.4 — Information publique

Alinéa 1 refusé

Article 2.3.4 — Sécurité et police et 53—12 — Ordre public et sécurité

Article 2.3.11 — Sport

Article 2.3.11 — Sport
Le Canton et les communes favorisent la pratique du sport.

Article 2.3.12 — Patrimoine et culture

Article 3.21 — Culture

Refusé par 69 voix contre 32 et 9 abstentions.

Article 2.3.12 — Patrimoine et culture
L’État conserve, protège, enrichit et promeut les patrimoines naturel et culture; il en favorise la connaissance, notamment par l’éducation, la formation, la recherche et l’information.
Il encourage et soutient la vie culturelle dans sa diversité ainsi que la création artistique.
Il conduit une politique culturelle favorisant l’accès et la participation aux différentes formes de culture.

Disposition transitoire
Aussi longtemps que la loi appliquant l’article 2.3.12 al.2 n’est pas en vigueur, la région de Lavaux, de la Lutrive à Corsier ainsi que le cours, les rives et les abords de la Venoge sont protégés.

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La séance est ouverte à 10 heures précises.

Sont présents: Mmes et MM. Athanasiadès Jean, Aubert Josiane, Baehler Bech Anne, Balissat Jean, Bavaud Adrien, Benjamin Samy, Berger Cécile, Berney Michel, Bielman Anne, Blanc Marcel, Blanc Eric, Boillat Jean-Pierre, Bolinger Anne-Marie, Bory Marc-André, Bory-Weber Dominique, Bovay Judith, Bovet Daniel, Bovon-Dumoulin Martine, Bovy Samuel, Braissant Rénald François, Brélaz Daniel, Bron Jacques-Henri, Buffat Michel, Bühlmann Gérard, Burnier-Pelet Thérèse, Burri Marcel, Carnevale Eliane, Chapuis Allegra, Charotton Georges, Cherix François, Chollet Jean-Luc, Cohen-Dumani Marcel, Colelough Philippe, Conod Philippe, Cornu Pierre-Alain, Cornu Claire-Lise, Cossy Samuel-Henri, Crisinel François, Cuendet Maria-Chrystina, De Haller Jean-Claude, Delay Elisabeth, Dépraz Alex, Desarzens Laurent, Desmeules Michel, Dessauges Pascal, Dubois Jean-Paul, Dufour Etienne, Dufour Denyse, Fague Sébastien, Farron Pierre, Favre-Chabloz Raymonde, Freymond-Bouquet Monique, Galeazzi Rebecca, Garelli Stéphane, Ghiringhelli Charles-Pascal, Gindroz André, Girod-Baumgartner Christine, Goël Yves, Gonthier Alain, Gonvers Olivier, Gorgé Marcel, Goy-Seydoux Louis, Grin Nicole, Gross-Fonjallaz Nicole, Guignard Françoise, Guy Joël, Haefliger Sylviane, Henchoz Pierre, Henchoz-Cottier Martine, Henry Philippe, Hermanjat Pierre, Holenweg Rouyet Anne, Hunkeler Pierre, Jaeger Odile, Jaggi Yvette, Jaillet Gérard, Jemelin Mireille, Jomini Viviane, Jordan Andreane, Jufer Nicole, Kaeser-Udry Danielle, Keller Pierre, Keshavjee Shafique, Kulling Jean-Pierre, Labouchère Catherine, Le Roy Jean, Léchaire Jean-Michel, Lehmann Pierre, Leuba Jean-François, Linder Sandra, Loi Zedda Fabien, Luisier Christelle, Lyon Anne-Catherine, Mages Roland, Maillefer Denis-Olivier, Mamboury Catherine, Mamin Henri, Margot François, Marion Gilbert, Martin Marie-Hélène, Martin Bernard, Martin Marie-Antoinette, Mayor Philippe, Millioud Jean-Pierre, Morel Charles-Louis, Morel Nicolas, Moret Isabelle, Nicod François, Nordmann Roger, Nordmann Philippe, Oguey Annie, Ormond Anne, Ostermann Roland, Payot François, Pellaton Berthold, Perdrix René, Pernet Jacques, Perrin Jeanne-Marie, Piguet Jean-Michel, Pillonel Cédric, Pittet Jacqueline, Pittet François, Pradervand Jean-Claude, Rapaz Olivier, Rebeaud Laurent, Recordon Luc, Renaud Dominique, Reymond Antoine, Richard Claire, Rochat-Malherbe Paul, Rodel Marilyne, Roulet Catherine, Roulet-Grin Pierrette, Ruey-Ray Elisabeth, Salamin Michel Lauréane, Saugy-Anhorn Nathalie, Schmid Charles, Schneiter Robert, Schwab Claude, Streit Adrien, Thévoz Francis, Tille Albert, Troillet Roland, Vallotton Jacques, Voruz Eric, Voutaz-Berney Eveline, Wehrli Laurent, Weill-Lévy Anne, Wellauer Pierre-Olivier, Wettstein-Martin Irène, Wiser Henri, Yersin-Zeugin Ruth, Ziegler Geneviève, Zisyadis Josef, Zuercher Magali (146). 

Sont absents: Mmes et MM. Bouvier Denis, Bovet Fred-Henri, Buffat Marc-Olivier, Bühler Michel, Bühlmann Willy, Burdet Georges, Cherbuin Martine, de Luze Charles-Henri, de Mestral Laurent, de Souza-Kohlbrenner Regula, Gallaz Christophe, Haldy Jacques, Lasserre Colette, Loi Zedda Fabien, Lyon Anne-Catherine, Mange Daniel, Margot François, Renaud Dominique, Roulet-Grin Pierrette, Winteregg Michel (20). 

Se sont excusés: Mmes et MM. Amstein Claudine, Châtelain André, Cruchon Raoul, Henchoz Pierre, Humair Louis, Martin Jean, Martin Laurence, Masson Stéphane, Nicollier Yvan, Pellaton Berthold, Rochat-Malherbe Paul, Volluz Françoise, Voruz Éric, Zwahlen Jacques (14).

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Accueil et communication d’ordre général

F Jean-François LEUBA

J’ouvre cette séance de la Constituante en vous souhaitant une bonne journée de travail. J’aimerais faire la déclaration suivante au début de cette séance.

Au moment où la violence paraît embraser le Proche-Orient et au moment où on entend des bruits de guerre, je pense exprimer le sentiment de notre Assemblée en souhaitant que les valeurs de tolérance, de respect pour autrui, de justice et de résolution pacifique des différends, sur lesquelles nous souhaitons bâtir notre Constitution puissent reprendre le dessus au-delà des passions partisanes. Il ne nous appartient pas de prendre parti dans le conflit entre Israéliens et Palestiniens et cela serait d’ailleurs bien inutile depuis ici. Mais nous tenons à exprimer à nos collègues de religion juive, dont l’inquiétude est certainement particulièrement vive, comme nous le faisons pour les habitants de ce pays d’origine arabe qui vivent parmi nous, toute notre sympathie dans les heures difficiles qu’ils vivent actuellement. Nous exprimons de surcroît la très ferme volonté que, sur notre sol, la tolérance et la paix soient maintenues entre les communautés, et que personne n’utilise la situation actuelle pour faire resurgir les vieux démons du racisme et de l’antisémitisme.

Nous passons, Mesdames et Messieurs, à l’ordre du jour de cette séance.

J’aimerais tout d’abord expliquer dans les communications pourquoi nous ne poursuivons pas l’examen du titre «Organisation territoriale». Je rappelle qu’à la suite d’une malheureuse collision avec le Département des infrastructures, une importante séance a été fixée par le Département des infrastructures à laquelle participent un certain nombre de membres de la commission 6, «Organisation territoriale«. Il est apparu dès lors à votre comité qu’il était inopportun de traiter le sujet de la commission 6 pendant qu’un certain nombre de membres de cette commission sont absents pour une raison parfaitement valable. Ce déplacement a provoqué la réaction de membres de la commission 2 particulièrement intéressés à la question de la formation et le comité a aussi accepté de ne pas traiter les articles de la formation en l’absence de ces membres. Le comité estime que c’est une manière de travailler qui ne peut pas continuer. Nous ne pouvons pas renoncer à aborder un sujet dans l’ordre du jour normal parce que tel ou tel membre de la Constituante n’est pas là. Dorénavant, le comité ne procédera plus à ces renvois et traitera les sujets dans l’ordre fixé. Celui qui ne peut pas participer à une séance dans laquelle il aimerait développer un amendement ou prendre une position particulière pourra chercher dans son groupe ou dans un autre groupe quelqu’un qui représentera son idée et soutiendra sa proposition. Je crois que tous les Parlements du monde procèdent de cette manière. J’aimerais préciser la suite de notre programme. Nous examinons parallèlement les «Tâches publiques» et les «Droits et devoirs de la personne» et puis, quand nous aurons achevé les «Tâches publiques», nous achèverons les articles que nous n'avons pas traités des «Droits et devoirs de la personne». Puis nous prendrons les «Droits politiques» et ensuite les «Autorités cantonales». Puis viendront les autres sujets: «Régimes des finances», «Autres institutions», «Révision de la Constitution», «Dispositions transitoires et finales». Donc, nous allons suivre l’ordre qui avait été fixé qui, je le signale, est un ordre qui naturellement peut toujours être discuté, mais il faut bien en proposer un pour qu’on puisse avancer. Lors de la séance du 3 novembre — c’est un autre objet — aura lieu l’élection du comité et des coprésidents. Ce sujet sera porté à l’ordre du jour puisque comité et coprésidents sont élus pour une année.

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Mise en discussion des propositions des commissions thématiques

Titre 4 — Tâches publiques

Nous abordons un sujet qui est difficile, peut-être pas tellement par la matière que par la manière de le traiter. Chaque commission a travaillé en vase clos dans une certaine mesure et a prévu un certain nombre de dispositions qui sont parfois traitées par d’autres commissions. Le comité est arrivé à la conclusion que la seule manière raisonnable, c’était de traiter les sujets. Je prends un exemple: si nous parlons de l’information publique ou de l’information du public, cela forme un sujet. Ce sujet peut trouver place dans les «Tâches de l’État», il peut trouver place dans les «Droits politiques» s’il s’agit d’intéresser les citoyens à l’activité publique. Je vous propose de ne pas faire de débats interminables pour savoir si l’on le met à tel endroit ou à tel autre. Il appartiendra à la commission de rédaction de faire des propositions pour construire à peu près correctement cette Constitution. Ces propositions seront naturellement susceptibles d’être modifiées par notre Assemblée plénière, qui a la responsabilité du texte de l’avant-projet qui finalement sera soumis en consultation. Mais je propose qu’aujourd’hui nous ne fassions pas des discussions interminables pour dire, oui, c’est une tâche de l’État, ou bien non, c’est un droit politique, etc. L’important, c’est de traiter le fond, traiter le sujet et dire ce que l’on veut dire sur l’information publique. Une fois que ce sujet aura été traité, il est clair que le texte que nous aurons adopté sera quasi définitif, c'est-à-dire que nous ne rouvrirons pas une discussion lorsqu’on traitera des «Droits politiques»; ce sera un article que nous aurons accepté et, encore une fois, c’est la commission de rédaction qui nous dira où elle propose de le placer. On pourra aussi imaginer, dans un certain nombre de cas, que nous prenions une décision de principe en disant que l’Assemblée souhaite que tel article figure dans tel ou tel chapitre; mais ça, c’est une décision de principe et non une décision de détail. Il y a un certain nombre de propositions qui ont été formulées et qui n’ont pas pu être portées à l’ordre du jour, c'est-à-dire des propositions qui se rapportent à des articles qui pourraient être traités dans d’autres commissions. Je prends l’exemple tout à fait clair de la médiation. La médiation a été traitée de manière exhaustive par la commission 5, «Les trois pouvoirs», et maintenant nous avons une proposition qui peut tout à fait se justifier en disant, oui, mais la médiation doit trouver sa place dans les «Tâches de l’État». Pour ces propositions, je suggère que nous ne les traitions pas aujourd'hui en tout cas, que nous prenions le cas échéant une décision si l’on veut les inscrire dans les «Tâches de l’État» ou les renvoyer au moment où nous en discuterons avec «Les trois pouvoirs». Mais les groupes politiques n’ont souvent pas eu l’occasion de se prononcer sur ces propositions de minorité ou sur ces propositions qui viennent de membres de l’Assemblée et, par conséquent, il me paraît correct, même si nous décidons de les mettre dans les «Tâches de l’État», que nous en discutions à la prochaine séance. Je n’ai pas l’illusion que nous finirons les «Tâches de l'État» aujourd'hui. Par conséquent, nous pourrons encore en discuter à une autre séance. Voilà au fond les règles que je vous propose. Les règles que nous avons suivies pour l’ordre du jour sont les règles suivantes: lorsque, manifestement, deux articles font double emploi ou peuvent faire double emploi — je suis prudent, je dis «peuvent faire double emploi» —, nous les avons inscrits et nous les traiterons sur plan de stricte égalité, c'est-à-dire que nous commencerons d’ailleurs, nous avions dit que nous commencerions une fois par l’article de la commission 2 et puis une fois par l’article de l’autre commission, peu importe, nous les traiterons simultanément. Naturellement, je demanderai chaque fois aux présidents des deux commissions de prendre la parole en commençant, ce qui montrera bien que l’on met les articles sur pied de stricte égalité. En revanche, il n’a pas été possible de le faire, comme je l’ai déjà dit, pour les propositions de minorité ou pour les propositions annexes, raison pour laquelle on suivra les propositions de minorité. Nous verrons au fur et à mesure, au fond, dans quelle mesure on peut prendre une proposition de minorité ou on ne peut pas la prendre.

Il y a une omission dans l’ordre du jour, au chiffre 2.3.4, «Sécurité et police»: de toute évidence, le chiffre 53—12 traité par la commission 5 doit être traité en même temps. Il traite exactement du même sujet; simplement, au 53—12 on a la règle de compétence, au 2.3.4 on a la règle générale. Encore une fois, ça ne préjuge absolument pas de l’endroit où figurera finalement cet article. La commission de rédaction essaiera de poser des critères pour savoir où doivent figurer ces articles et nous aurons l’occasion de donner notre accord ou notre désaccord avec les propositions de la commission de rédaction. Voilà, j’espère que j’ai donné les règles du jeu et que nous pourrons travailler de la manière le plus simple possible. Je souhaite éviter tous les débats... Il est clair que votre comité ne prétend pas avoir la sagesse infuse et il ne prétend pas avoir choisi la meilleure solution. Il a choisi une solution qui lui paraît praticable. Nous sommes absolument certains qu’il y en a d’autres. Mais il n’y a qu’une seule règle nécessaire, c’est de suivre une solution. À moins que vous n’ayez des sentiments que, véritablement, on fait de graves injustices, je vous propose de ne pas discuter indéfiniment de la solution choisie, mais d’essayer d’entrer avec vos propres idées dans cette solution de procédure, de manière à ce que nous puissions avancer. Nous n’avons pas trop de temps pour achever notre examen de la Constitution d’ici fin février ou début mars. Je vous propose de ne pas perdre trop de temps sur les méthodes de travail Voilà. Y a-t-il une objection à ce que je viens d’énoncer? Cela ne paraît pas être le cas, donc nous suivons et nous abordons maintenant le sujet «Tâches de l'État», débat d’entrée en matière. Je donne la parole au président de la commission, M. Bühlmann.

F Gérard BUHLMANN

C’est avec plaisir et une certaine impatience que j’ouvre le débat d’entrée en matière des travaux de la commission 2, plus précisément de son groupe de travail sur les «Tâches publiques». C’est un vaste sujet semble-t-il en tout cas, puisque la Commission ne vous propose pas moins de vingt-neuf articles. J’espère que, comme pour la vendange de cette année, la cuvée sera aussi bonne quantitativement que qualitativement. Pourquoi vingt-neuf articles, ce d’autant plus que la Constitution actuelle ne consacre guère qu’un seul point aux tâches publiques, concernant l’enseignement? Cette question de fond n’a évidemment pas échappé à la commission et avant de se lancer dans la rédaction des articles, elle s’est posé la question: quelle version voulons-nous pour les «Tâches publiques»? Nous en avons analysé trois, une version très technique de l’aveu même de son concepteur, la version neuchâteloise. Jean-François Aubert l’a voulu ainsi, un seul article, des têtes de chapitre et aucune information sur l’intention du constituant relative à ces articles. Une version médiane, telle que le pensait À Propos qui, en deux articles, dit ce que l’État doit faire et dans l’autre ce que l’État peut faire. Et puis une troisième version qui semble être dans le «trend» actuel — à preuve en tout cas les Constitutions bernoise et jurassienne parmi de nombreuses autres — où nous avons choisi un mode descriptif. Un mode qui permet au constituant, non seulement de dire ce que l’État devrait faire, mais de fixer les grandes lignes de son action. Et là sera tout le débat: qu’est-ce qui figure dans la Constitution, qu’est-ce qui a sa place dans la loi? En tout état de cause, la commission vous propose un projet qui a du corps, qui a aussi une âme et qui a de la substance. Concernant non plus le fond, mais la forme, la commission 2 a travaillé dans un esprit consensuel, avec la recherche permanente de l’équilibre et de compromis. Nous le disons clairement dans notre cadre général, nous n’avons pas voulu un État à tout faire, nous voulons un État solidaire mais économe, un État ouvert mais sous contrôle. Et je pense que le projet que nous vous soumettons reflète clairement cette volonté de compromis. Peut-être la reflète-t-il trop, peut-être est-il trop mou, en tout état de cause nous l’avons voulu dynamique, ouvert, équilibré et équitable. Nous avons essayé de trouver ce consensus par des verbes, vous les avez aussi en page 3 de notre rapport, des verbes qui subtilement dosent l’action de l’État. Je vous laisse vous y référer en cas d’intérêt. Le travail de notre commission a de très nombreux recoupements avec d’autres commissions, notamment la 3, d’où la décision prise par le comité de traiter conjointement certains articles. Deux séances informelles ont eu lieu, l’une entre certains représentants des commissions 2 et 3, l’autre hier soir avec des membres de la commission 2. Cela me permettra en cours de journée de vous donner les avis de la commission 2, avis qui tiennent compte des dispositions déjà votées par votre Assemblée concernant les commissions 1 et 6. Un mot sur nos commentaires jugés parfois sommaires ou succincts : ils ont été prévus comme base de discussion à votre intention, ils seront réécrits en fonction des dispositions que prendra le plénum pour la phase de consultation. Je terminerai en disant que, comme dans toutes les commissions, nous avons tenté de faire preuve d’innovation, voire d’audace. Nous proposons notamment la création de deux nouveaux organismes qui sont la Cour des comptes et le Conseil de l’avenir et c’est donc résolument tourné vers l’avenir que je vous propose d’accepter le débat d’entrée en matière. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Bühlmann J’avais imaginé qu’en ce qui concerne les présidents de la commission 4 et de la commission 3, ils interviendraient au moment où on aborderait des articles qui concernent leur commission, mais si ces présidents souhaitaient intervenir dans le débat d’entrée en matière ici, naturellement je leur donnerais volontiers la parole. M. Hermanjat.

F Pierre HERMANJAT

Je vais être très bref, simplement pour rappeler que la commission 3 a travaillé dans le but d’avoir un catalogue complet des droits fondamentaux comme on le retrouve dans la plupart des constitutions, essentiellement la Constitution suisse, mais les autres constitutions cantonales également, et il s’est avéré qu’un certain nombre de nos articles se chevauchent, avec la commission 2 essentiellement. Mais l’avis de la 3 assez unanime est qu’ils se trouvent à deux niveaux différents, c'est-à-dire que la Commission 3 a établi des droits fondamentaux qui sont directement justiciables, appuyés ensuite par les tâches de l’État pour savoir comment sont réglés ces droits fondamentaux. Donc je vous suggère, dans la plupart des cas en tout cas, d’accepter aussi bien l’article de la commission 3 qui établit un droit fondamental, qui est ensuite cautionné par les tâches de l’État dans la précision des tâches de l’État. Donc je vous suggère d’accepter en général les deux articles quand ils sont mis en parallèle, parce qu’ils ne sont pas vraiment parallèles, ils sont plutôt complémentaires. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Hermanjat. Je pense que M. Kulling interviendra lorsqu’on traitera l’article 2.3.3 et 4.4.4. La discussion d’entrée en matière continue. Plus personne ne... Ah, si! Je vous prie de lever la main si vous souhaitez intervenir. M. Piguet.

F Jean-Michel PIGUET

Les propositions remises par la commission 2 sont remarquables à plus d’un titre. Le groupe Forum, après les avoir soigneusement examinées et après en avoir largement débattu, se réjouit d’entrer en matière sur ce chapitre important de notre Charte en devenir. Il le fait avec conviction et avec espoir. Avec conviction, car il est essentiel à ses yeux d’exprimer de manière claire, concrète et explicite ce que l’on attend de l’État. Avec espoir, car le travail fourni par les trente membres de la commission apporte la preuve qu’il est possible de dépasser les inévitables divergences idéologiques pour parvenir à s’entendre sur les tâches essentielles que doivent assumer le Canton et les communes. Cela nous paraît être d’excellent augure pour notre travail en plénum. Avec conviction et espoir enfin, car les matériaux dont nous disposons contiennent maintes propositions novatrices qui tiennent compte de l’évolution des conceptions, des besoins et des modes de vie. Le projet de la commission se fonde en outre sur des options de principe judicieuses, tout d’abord celle d’exprimer les missions de l’État par un catalogue substantiel de ses tâches. Seront ainsi définies les grandes orientations de l’activité de l’État pour les années à venir. Cependant, ce catalogue ne devrait pas être conçu selon nous comme exhaustif. En effet, si l’État de droit obéit au principe de la réserve de la loi, il ne doit pas en revanche être soumis à celui de la réserve de la Constitution qui voudrait qu’il n’y ait pas de tâche publique, aussi minime soit-elle, qui ne soit expressément prévue par la Constitution. Autre option bienvenue de la commission: il n’est pas établi de hiérarchie entre les diverses tâches. Une telle hiérarchisation ne serait guère compatible avec l’interdépendance de maintes tâches, ni avec le caractère évolutif des priorités à établir. Au reste, le choix des verbes, comme M. le président vient de le rappeler, ne manque pas pour marquer quelques distinctions nécessaires dans le degré d’engagement de l’État. Ainsi donc, la base de travail dont nous disposons est à la fois pertinente, riche et intéressante. Moyennant quelques compléments, corrections et précisions, elle nous permettra, nous en sommes sûrs, de définir un programme tout à fait convaincant pour les années à venir. J’en viens à l’ordre du jour dont M. le président Leuba vient de parler et qui prévoit le traitement simultané de droits fondamentaux. N’ayez crainte, M. le président, nous n’avons nullement l’intention d’engager un débat de procédure, mais nous tenons à signaler tout de même que le groupe Forum estime que la matière est suffisamment riche et importante s’agissant des tâches pour qu’on eût pu, à notre sens, se concentrer sur ces tâches et sur elles seules. La décision de mettre simultanément en discussion un certain nombre de droits fondamentaux répond bien sûr à une préoccupation respectable de notre présidence, mais soulève quelques objections. «Tâches publiques» et «Droits fondamentaux», M. Hermanjat l’a dit, sont fondamentalement distincts quant à leur nature et à leur portée juridique. À la différence des droits, les tâches ont un caractère programmatique. Elles définissent des mandats au législateur. Elles ne sont pas directement applicables et ne confèrent pas de droit subjectif. En débattre simultanément avec les droits comporte un risque de malentendu et de confusion. Par ailleurs, il n’y a pas nécessairement corrélation ni interdépendance entre une tâche et un droit. L’une peut exister sans l’autre et réciproquement, et le fait qu’ils se rapportent au même domaine ne veut pas dire nécessairement qu’ils aient la même signification, ni le même champ d’application. Enfin, chaque commission a élaboré son propre projet en se fondant sur des choix de principe et de méthode. Il en résulte que chaque projet de commission a sa logique propre et sa cohérence interne. En particulier, la commission 3, on vient de le dire, a fait le choix d’un catalogue complet des droits fondamentaux conçus comme un tout cohérent. En détachant des morceaux du puzzle de la Commission 3, on risque de perdre la vue d’ensemble. Cela nous paraît regrettable, au stade tout au moins de l’élaboration de l’avant-projet. Malgré ces objections, le groupe Forum a décidé, par gain de paix et de temps, de renoncer à demander la modification de l’ordre du jour. Il acceptera donc d’entrer en matière sur les articles extraits du chapitre des «Droits fondamentaux», mais il le fera en partant de l’idée que quelques conditions seront respectées. J’ai bien entendu M. Leuba, tout porte à penser qu’elles le seront. Très brièvement, ces conditions devraient à notre sens être les suivantes: le rapporteur de la commission 3 doit pouvoir présenter et défendre les propositions de sa commission de la même manière que celui de la commission 2. Cela vient d’être fait, mais c’était une condition qui nous paraissait importante. Secondement, l’assurance doit être donnée à notre assemblée qu’elle pourra sans autre revenir, le cas échéant, sur l’un ou l’autre des droits fondamentaux votés aujourd'hui dans le cadre de la future délibération sur le rapport de la commission 3, ceci toujours dans l’esprit d’une vision d’ensemble des droits fondamentaux. Enfin, si l’on devait s’apercevoir que la discussion sur un droit aujourd'hui en liaison avec une tâche soulève une quelconque difficulté, la discussion sur ce droit devrait être aussitôt renvoyée à la délibération sur le chapitre des «Droits fondamentaux». À ces conditions nous entrons donc en matière également sur les «Droits fondamentaux», mais avec la plus grande vigilance. Cela dit, nous nous réjouissons d’aborder maintenant avec vous le chapitre des «Tâches publiques». Je vous remercie.

F Catherine ROULET

Les discussions que nous abordons aujourd'hui à propos des articles des commissions 2 et 3 revêtent pour Vie associative une importance toute particulière. En effet, la majeure partie des thèmes portés par les quelque cinquante associations qui soutiennent le mouvement Vie associative trouvent un écho dans le travail de ces deux commissions. Il est nécessaire de rappeler ici la démarche de notre mouvement, qui a consisté à maintenir un lien avec toutes ces associations, à leur demander de s’intéresser à nos travaux et de rédiger des propositions d’articles constitutionnels. Par le biais de ces quelque cinquante associations, ce sont des milliers de personnes qui sont susceptibles de porter un regard favorable ou défavorable sur nos travaux. Pour l’instant, l’impression est favorable. Vie associative a étudié nos rapports. Ses conclusions figurent dans le cahier que vous avez reçu. C’est un encouragement dont il importe de tenir compte. Quelques légères modifications pourtant sont demandées et deux oublis majeurs ont été constatés. Il s’agit de la médiation et des différentes formes de médiation, outil de paix sociale qu’il convient d’ancrer dans la Constitution. Par ailleurs, un autre sujet a été peu traité, c’est la question du handicap, qui doit aussi trouver — en vertu du principe d’égalité et à cause de l’attention que notre Canton veut accorder aux plus faibles de ses membres — le fondement d’une future législation juste. En conclusion, Vie associative vous propose d’entrer en matière sur les rapports de la Commission 2 et 3. En outre, elle insiste pour que notre texte, qui est jugé explicite et compréhensible par des non-spécialistes, le demeure et que la Constituante maintienne fermement la description complémentaire des droits fondamentaux et des tâches qui en découlent pour l’État, sous la forme d’un catalogue complet. Merci de votre attention.

F Christelle LUISIER

Le groupe Radical vous propose d’entrer en matière tant sur le rapport de la Commission 2 que sur celui de la commission 3. S’agissant tout d’abord des «Tâches de l’État», nous sommes ravis de voir que si Neuchâtel a réglé cette question en un article et que la Constitution bernoise en a vingt, et bien nous sommes capables de faire mieux avec vingt-neuf articles. Enfin, si ce texte nous paraît un peu long ou touffu, il nous semble aussi intéressant — moyennant quelques modifications — pour discuter du rôle de l’État et en tant qu’il fixe des mandats au législateur qui lui donnent des orientations dans tous les secteurs d’activité de l’État. S’agissant maintenant des «Droits fondamentaux», nous sommes heureux que la commission ait élaboré un catalogue de ces droits, qui va parfois même au-delà de ce qui est prévu au niveau fédéral. Je salue par exemple l’introduction du droit à l’information. En revanche, il nous apparaît aussi clairement que l’État n’a pas à garantir le droit au bonheur du citoyen, mais qu’il doit au contraire agir en complément de l’initiative individuelle et dans cette optique, le groupe Radical s’opposera à l’introduction de certains des droits prévus par la commission dont la réalisation nous semble impraticable, notamment au vu de l’état de nos finances. Mais cette dernière remarque ne veut encore pas dire que nous soyons insensibles aux problématiques qui sont soulevées par ces articles, simplement nous estimons que ces questions doivent être traitées sous l’angle des «Tâches de l’État», des mandats que nous donnons au législateur, et non dans le chapitre sur les «Droits fondamentaux» qui sont voulus justiciables par la commission. C’est d’ailleurs la solution qui a été choisie tant au niveau fédéral dans sa nouvelle Constitution que dans les autres Constitutions cantonales récentes telles que la Constitution neuchâteloise. Je vous remercie.

F Pascal DESSAUGES

Le groupe Renouveau Centre (UDC), qui a pris connaissance des travaux de la commission 2 concernant les tâches publiques, s’est tout d’abord demandé en voyant le nombre d’articles proposés s’il n’aurait pas été préférable que cette commission nous fasse une proposition telle qu’elle apparaît — cela a déjà été dit — dans la Constitution neuchâteloise, à savoir un article. Le fait est qu’aujourd'hui nous avons une trentaine d’articles et qu’il s’agira de les mettre en application dans le cas où ils resteraient tels quels, ce qui pourrait poser d’autres problèmes, le moment venu, pour nos autorités cantonales. Le groupe Renouveau Centre ne souhaite cependant pas proposer un renvoi en commission et a donc examiné les articles qui nous sont proposés ainsi que les amendements qui s’y rapportent. Par exemple, nous soutiendrons l’amendement du groupe Radical pour le regroupement en un article des articles 2.3.1 et 2.3.2 traitants du service public et des délégations de compétences. Nous soutiendrons l’article 2.3.3 de la commission concernant l’information du public pour autant que l’article 4.4.4 soit tout simplement supprimé. Nous soutiendrons l’amendement Libéral concernant l’article 2.3.4 et ne sommes pas opposés à la proposition Radicale pour formuler un nouvel article 53—12 bis. Nous soutenons encore l’amendement Libéral concernant l’article 2.3.12 et sommes pour la suppression de l’article 3.21 tel que formulé actuellement. Pour le reste, nous ne nous sommes pas encore prononcés sur un certain nombre d’articles, ne sachant pas encore, par exemple pour l’article 2.3.18 si l’amendement Cruchon du groupe Radical est encore aujourd'hui d’actualité. Ceci étant dit, nous vous invitons à soutenir l’entrée en matière sur les travaux de la commission 2, auxquels sont joints les travaux des commissions 3, 4 et 5. Merci.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Dessauges. M. Conod a la parole. Si vous aviez l’obligeance de ne pas parler en même temps, ce serait plus utile. Alors Mme Weill-Lévy, c’est jusqu’à nouvel avis le président qui donne la parole.

F Anne WEILL-LEVY

Les Verts sont également entrés en matière sur les objets à traiter aujourd'hui. Nous avons des amendements qui seront explicités au courant de la journée et présentés par différentes personnes parmi nos membres. Par contre, j’aimerais attirer l’attention de mes collègues sur deux notions qui me posent problème dans les risques de confusion, à savoir la redondance — qui comme M. de La Palice, tend à être une répétition inutile — et la différence de fond et je prendrai un exemple. Si l’on prend l’article 2.3.3 qui énonce que «le Canton et les communes informent de leurs activités selon le principe de la transparence» et qu’on le met en miroir avec le 4.4.1 qui dit que «les autorités cantonales et communales informent la population sur leur activité», on peut y voir, pour certains, une redondance puisque les termes effectivement s’y répètent. On peut également y voir pour d’autres une différence de fond, le premier article cité touchant le devoir de transparence et le second le devoir d’information, le second entrant par ailleurs dans une démarche globale visant à lutter contre le déficit démocratique. Je tiens à assurer que l’on examine bien l’importance de la portée des articles et qu’on ne s’arrête pas à la grammaire et aux mots. Merci.

F Philippe CONOD

Le groupe Libéral et indépendant accepte l’entrée en matière. Vous avez dans le fascicule qui vous a été donné les amendements proposés par le groupe Libéral. Ces amendements tendent à avoir une Constitution plus lisible, plus claire. Sur le fond nous soutiendrons les amendements présentés par le groupe Radical et nous proposons la suppression de l’article 3.21. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

Merci, M. Conod. Est-ce que quelqu’un souhaite encore intervenir au niveau de l’entrée en matière? Cela ne paraît pas être le cas. Je constate que l’entrée en matière n’est pas combattue. Nous entrons donc en matière. Nous commençons dès lors la discussion par article.

L’entrée en matière n’est pas combattue

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Article 2.3.1 — Service public

F Gérard BUHLMANN

L’article 2.3.1 a été conçu évidemment sans savoir ce que les autres commissions, et particulièrement la commission 1 concoctait et mitonnait dans son coin. Cet article 2.3.1 avait deux buts. Le premier alinéa affirme très clairement la volonté de maintenir — donc de ne pas démanteler — un service public. Les deux autres alinéas visent — ou visaient — à fixer un certain nombre de dispositions, nous l’avions appelé dans notre jargon interne «article-chapeau», des dispositions qui étaient — et qui sont — valables pour l’entier des tâches publiques, pour éviter de répéter à cinq ou six endroits des dispositions. Le deuxième alinéa est très largement couvert par les articles 1.1. et 1.3 qui ont été adoptés par notre Assemblée. La notion d’égalité des chances, elle, n’est pas reprise. Les autres notions y sont, sous une forme ou sous une autre. Dans le troisième alinéa, nous avons également des recoupements, c’est la notion de consultation des populations qui n’est pas reprise. En fonction du débat, la commission 2 — ou tout au moins les membres qui se sont réunis hier — ne s’oppose pas à ce que certaines dispositions soient traitées dans d’autres chapitres et je crois que c’est quelque chose d’important. Il n’y a pas lieu de vouloir à tout prix s’accaparer des dispositions, l’important c’est qu’elles soient dans la Constitution et au meilleur endroit possible, donc là il y a une certaine ouverture. L’amendement Libéral va dans le sens précisément de reporter ces deux dispositions que j’ai évoquées à l’article 1.4, nous aurons l’occasion d’en parler. L’autre point est celui proposé par le groupe Radical qui tend à regrouper les articles 2.3.1 et 2.3.2. Je propose de ne pas entrer en matière sur l’article 2.3.2 lui-même parce qu’il y a là une autre problématique sur laquelle nous reviendrons, mais sur le fait de regrouper les articles 2.3.1 et 2.3.2, la commission ne s’y oppose pas non plus. Le groupe Libéral vient avec une autre notion, c’est son alinéa 2, «En complément de l’initiative et de la responsabilité individuelles, l’État assume les tâches que la Constitution et la loi lui confient». La commission 2 ne prend pas position sur cette notion qui n’a pas fait l’objet d’une étude particulière et nous nous en remettons donc ici au plénum. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

Je remercie le président de la commission. Nous n’avons pas de proposition de minorité en ce qui concerne cet article 2.3.1. En revanche, il y a trois propositions d’amendement. Je les prends dans l’ordre, l’amendement du groupe Libéral, M. Conod s’exprime pour le groupe Libéral.

F Philippe CONOD

L’État ne se dirige pas comme une entreprise privée. Aussi le groupe Libéral juge important de mentionner dans la Constitution un article-phare, «L’État assure un service public». En revanche, nous avons proposé non pas la suppression pure et simple des deux alinéas suivants, mais le renvoi de ces alinéas à l’article 1.4, parce que nous estimons qu’il y a là redondance; il suffit de voir ces dispositions traitées dans les articles que nous avons adopté les fois précédentes. Toutefois, vous avez deux éléments qui ne sont pas mentionnés dans les articles que nous avons précédemment traités, l’égalité des chances et la prise en compte l’avis des populations. Nous proposons que ces deux dispositions-là soient renvoyées à la commission pour que celle-ci les inclue dans le texte déjà décidé par la Constituante. Il est bien clair que ce n’est pas demander la suppression de ces deux dispositions mais bien évidemment de les mettre à un autre endroit, de manière que la Constitution soit plus lisible.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Conod. Nous avons un amendement Ostermann. Je donne la parole à M. Ostermann.

F Roland OSTERMANN

Face à la bataille rangée qui se prépare, cet amendement n’a évidemment qu’une portée limitée. Toutefois, s’agissant du développement durable, le terme d’«exigences» me paraît préférable à celui de «critères». Conserver le terme de «critères» nécessiterait d’en établir une liste, voire de mettre en place une grille d’examen. Or la définition même du développement durable est faite d’exigences qui fixent une éthique du comportement. Brandir des critères serait ravaler cette éthique au niveau technocratique. Il ne faut pas réduire le développement durable à des normes appliquées avec la vision juridico-réductrice dont l’administration fait parfois preuve.

F Jean-François LEUBA

Merci, M. Ostermann. Il y a un amendement du groupe Radical. Mme Luisier a la parole.

F Christelle LUISIER

Le groupe Radical vous propose un article 2.3.1 qui en fait regroupe les articles 2.3.1 et 2.3.2 qui nous sont proposés par la commission. Quelques explications peut-être, alinéa par alinéa, sur les raisons qui nous ont poussés à ce changement. Le premier alinéa est une reprise telle quelle de l’article 2.3.1, alinéa 1, de la commission. Il nous semble aussi important, à nous Radicaux, d’assurer que l’État garantit un service public, donc pas de commentaires spécifiques par rapport à cet alinéa. En revanche, les articles 2.3.1, alinéas 2 et 3, ont disparu et ce pour les mêmes raisons que celles évoquées par M. Conod tout à l’heure. En fait, nous concevons cette suppression de la même façon que celle qui a été défendue par les Libéraux, notamment nous suivons leur proposition de renvoyer les éléments qui ne figurent pas dans les articles sur les «Buts et principes de l’État» à la discussion de ce chapitre. Il s’agit des éléments d’égalité des chances et de la prise en compte de l’avis des populations et milieux concernés. Pour ces éléments qui ne figurent pour l’instant pas dans le titre 1, nous proposons que la discussion soit renvoyée. En revanche, les autres éléments qui étaient prévus aux alinéas 2 et 3 de cet article nous semblent déjà apparaître dans le rapport de la commission 1. Notre amendement va un peu plus loin que celui qui a été prévu par le groupe Libéral dans le sens où nous introduisons un nouvel alinéa 2 à cet article. Il est formulé de la manière suivante: «L’État assume les compétences que la Constitution et la loi lui confient en complément d’initiatives et de la responsabilité individuelles». Il s’agit en fait d’une reprise de l’article 5 de la Constitution neuchâteloise, qui nous permet de souligner que l’individu préexiste à l’État et que ce dernier n’intervient qu’en complément aux initiatives individuelles. En plus, le fait de formuler ce principe en tête de chapitre nous évite de le répéter à plusieurs reprises dans le texte, comme on l’a par exemple pour l’instant à l’article 2.3.21. Enfin, encore deux mots sur l’alinéa 3, pour dire qu’il s’agit de l’article 2.3.2 de la commission que nous avons repris tel quel. Ce n’est pas une question fondamentale, mais nous l’avons fusionné avec les deux premiers alinéas en vue de réunir sous un article tous les éléments qui touchent au principe et qui régissent les tâches de l’État. Voilà. Au vu de ces quelques explications, je vous invite donc à soutenir l’amendement qui vient de vous être présenté.

F Daniel BRELAZ

J’aimerais juste poser une question pour bien qu’on comprenne ce qu’on fait. L’article 1, le chapitre 1 a déjà été adopté, donc soit on veut rouvrir complètement la discussion sur le chapitre 1 à un moment donné, soit votre amendement confie à la commission de rédaction de transférer simplement ce qui sera décidé aujourd'hui dans le chapitre 1 pour la «version 0», mais il n’y a pas de nouvelle décision à prendre. Et de la manière dont vous l’avez décrit, ce n’était pas parfaitement clair. En technique législative, je comprends que c’est la version, on transfère à la commission de rédaction, mais pas à la commission 1. Est-ce que c’est bien de ça qu’il s’agit, pour que tout le monde sache sur quoi il se prononce? Apparemment, de vos hochements de tête, je dois en déduire «oui». D’accord, c’est juste pour qu’on sache.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Brélaz d’avoir eu le souci de cette clarification. Je crois qu’effectivement notre règlement prévoit qu’on peut revenir sur un article qui a déjà été adopté. Je crois que c’était une disposition extrêmement judicieuse, parce qu’il peut très bien se trouver que dans la discussion d’un autre article, tout à coup on s’aperçoive qu’en réalité on avait oublié cet élément, on aurait dû le prendre avant. Mais je crois effectivement qu’il appartient à la commission de rédaction de faire des propositions et ensuite à notre Assemblée d’approuver ou de désapprouver les propositions de la commission de rédaction. La situation me paraît assez claire. J’aimerais savoir si M. Farron demande la parole ou bien si... Non, il ne demande pas la parole. Est-ce que quelqu’un d’autre souhaite s’exprimer? M. Gonthier.

F Alain GONTHIER

Pour moi ce n’est pas encore clair. Aujourd’hui, allons-nous décider — parce que c’est une décision, la commission de rédaction ne fait qu’exécuter les décisions prises — donc nous décidons que, dans la Constitution, il y a ces deux dispositions sur la consultation du citoyen et sur l’égalité des chances, c’est décidé, tâche à la Commission de rédaction de les mettre? D’accord, c’est bien juste. Alors si c’est ça qu’on décide, je suis d’accord.

F Jean-François LEUBA

Voilà, peu à peu chacun comprend. Bien. Mme Bolinger.

F Anne-Marie BOLINGER

Le groupe Forum défend cet article sur le service public tel que présenté par la commission 2. Il se réjouit de constater à la lecture des différentes propositions d’amendement que chacun semble bien d’accord que l’État assure un service public. Mais de quel service public s’agit-il? La commission a bien essayé de trouver l’adjectif ou l’expression idéale, mais elle a vite renoncé, préférant énumérer les buts que doit viser ce service public et la manière de l’exercer. Les propositions estimant que tout a déjà été dit dans les articles très généraux 1.1, 1.3 et 1.4 aboutissent en fait à affaiblir la portée de ce premier article du chapitre sur «Rôles et tâches de l’État». Ce premier article est très important, car il annonce aussi l’esprit dans lequel ont été rédigés les articles qui suivront. Je vous engage donc à ne pas le modifier fondamentalement, car il est cohérent et forme un tout.

F Jean-François LEUBA

Je remercie Mme Bolinger. La discussion continue. Elle ne paraît plus être utilisée, alors on va se lancer dans la procédure de vote. Je vous propose tout d’abord de prendre l’amendement Ostermann, c'est-à-dire c’est un vote naturellement éventuel. Soit vous prenez le mot «critères», soit vous prenez le mot «exigences», ça, c’est une première question. Puis ensuite nous déciderons si nous gardons l’article 2.1.3 comme le propose Forum ou si, comme le propose le groupe Libéral, on supprime cet article et l’on renvoie les notions d’«égalité des chances» et «avis des populations» au titre 1. Puis ensuite, nous déciderons si nous maintenons sous forme de la proposition radicale, une disposition à la place éventuellement de celui qui serait renvoyé. Il est clair que si vous adoptez le maintien — comme le propose Forum — de l’article 2.3.1, à mon avis la proposition radicale tombera. Donc j’opposerai la proposition radicale... On oppose la proposition radicale à la suppression de l’article 2.3.1. Non, ce n’est pas clair non plus. [rires] Je crois que le premier vote éventuel est tout à fait clair. Ensuite, il s’agira de savoir... La proposition Libérale consiste à renvoyer les notions d’«égalité des chances» et d’«avis des populations» au titre 1, et puis ensuite on opposera la proposition Forum qui, le cas échéant devrait être modifiée avec la suppression de l’égalité des chances et de l’avis des populations... On ne s’en sort pas. Proposition en commission, bien sûr. On est d’accord. Première question, vote éventuel. Ceux qui sont d’avis qu’on doit maintenir le mot «les critères du développement durable» sont priés de lever la main. Est-ce que les scrutateurs sont au clair sur le secteur qu’ils doivent contrôler? Alors ceux qui maintiennent «les critères du développement durable» lèvent la main. C’est un vote éventuel. Ceux qui sont favorables à l’amendement Ostermann, c'est-à-dire remplacer «critères» par «exigences» lèvent la main. Ça me paraît être une majorité évidente. Il n’y a pas besoin de compter, c’est une majorité évidente, donc à titre provisoire, c’est «les exigences du développement durable» qui est retenu. Maintenant, proposition du groupe Libéral de transférer les notions d’«égalité des chances» et de «l’avis des populations» au titre 1.

F Anne HOLENWEG ROUYET

Pardonnez-moi, mais je ne suis pas sûre que le transfert de ces deux termes d’«égalité des chances» et de... je ne sais plus quoi... signifie qu’il faille les effacer du projet majoritaire. Ils passent dans le chapitre 1, mais ça ne veut pas dire qu’ils disparaissent du chapitre 2. Vous avez laissé sous-entendre ceci tout à l’heure et de mon point de vue, il s’agit de deux choses différentes.

F Jean-François LEUBA

Alors on peut très bien les mettre deux fois dans la Constitution. L’amendement Libéral, ce n’est pas de le laisser à l’article 2.3.1, c’est bien clair. M. Conod a expliqué que toutes les notions qui sont en 2.3.1, à part le service public, se trouvent déjà au titre 1, sauf les notions d’«égalité des chances» et d’«avis des populations». Par conséquent, la proposition telle qu’elle est conçue par les Libéraux consiste à transférer ces notions d’«égalité des chances» et «avis des populations» au titre 1. Je suis bien obligé de mettre cette proposition en discussion, ou plus exactement au vote, parce que si l’on opposait simplement l’article 2.3.1 à la proposition radicale, vous feriez tomber les notions d’«égalité des chances» et «avis des populations». Donc on doit bien savoir si l’on transfère, si une majorité est d’accord de transférer ces notions au titre 1. Alors j’oppose donc l’idée de transférer cette notion au titre 1 ou de la maintenir au titre ici, au 2.3.1. Ceux qui sont favorables au transfert au titre 1 sont priés de le témoigner en levant la main. Je crois que c’est une majorité. Ceux qui sont opposés. Une majorité évidente pour le transfert au titre 1. Alors maintenant reste la question, est-ce qu’on suit la proposition, est-ce qu’on admet l’amendement Radical ou on ne l’admet pas? Si l’on admet l’amendement Radical, il est clair que, vu la décision prise, le 2.3.1 tombe complètement. [brouhaha]. Oui! Bien sûr, l’amendement Radical remplace le 2.3.1. Vous avez décidé le transfert des notions... Non, non, je regrette, alors là, cette fois je n’ai pas d’hésitation. Vous avez décidé le transfert des notions d’«égalité des chances» et «avis des populations» au titre 1. Maintenant la question qui subsiste: est-ce qu’on laisse le 2.3.1 ou est-ce qu’on choisit la solution du groupe Radical? C’est vraiment comme ça que se pose le problème. Ceux qui sont favorables à la proposition de la commission soutenue par le groupe Forum sont priés de le témoigner en levant la main. Là il faut compter. Ceux qui sont favorables à l’amendement du groupe Radical lèvent la main. Je donne le résultat du vote. L’amendement du groupe Radical l’emporte par 76 voix contre 62. Donc le nouvel article 2.3.1 devient l’article tel qu’il est rédigé par le groupe Radical, avec le transfert des notions d’«égalité des chances» et l’«avis des populations» dans le titre 1.

Amendement du groupe radical adopté par 76 voix contre 62 — transfert des notions d’«égalité des chances» et l’«avis des populations» dans le titre 1. 
 

Article 2.3.1 — Service public (Voir sous article 2.3.2)

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F Jean-François LEUBA

Bien. Nous passons à l’article... Pardon, oui, ce n’est pas sur l’article 2.3.1, parce qu’on a voté. Je n’aimerais pas qu’on rouvre des discussions...

F Anne HOLENWEG ROUYET

Je suis désolée, mais ça ne joue pas comme ça. Dans l’article «Radical» qui n’a pas été discuté, il y a une adjonction qui ne figure nulle part dans les articles précédemment discutés, il s’agit d’un complément sur l’initiative et la responsabilité individuelle. On aurait bien aimé quand même pouvoir en discuter et votre manière de procéder a fait passer sous silence cette discussion-là [brouhaha]. Si vous ne voulez pas ré-intervenir à ce propos dans la discussion, on va être obligés de déposer une motion d’ordre.

F Jean-François LEUBA

Non, écoutez, je crois, alors, c’était tout à fait clair. J’ai demandé si quelqu’un souhaitait encore s’exprimer. J’ai attendu cinq à dix secondes. Personne n’a souhaité s’exprimer avant que je donne la... Mais maintenant il est clair, Madame, que vous avez parfaitement le droit de demander la reprise de la discussion, sous forme de motion d’ordre, et je soumettrai, il va de soi, cette motion d’ordre au vote. Mais j’aimerais bien alors que les constituants soient attentifs et puis quand j’offre la parole, ils l’utilisent et n’attendent pas que le vote soit intervenu pour redemander la parole. Alors est-ce que vous souhaitez que la discussion soit rouverte sur cette notion?

F Anne HOLENWEG ROUYET

Visiblement mon groupe me fait signe que non, mais j’aimerais bien qu’on puisse revoter quand même...

F Jean-François LEUBA

Vous déposez ou vous ne déposez pas, Madame, il faut qu’on soit au clair. [brouhaha] Vous déposez ou vous ne déposez pas la motion d’ordre? Vous avez le droit individuellement de déposer la motion d’ordre.

F Anne HOLENWEG ROUYET

Non, mais je suis là en tant que coprésidente du groupe Forum, alors je réponds aux attentes de mon groupe qui me disent, «non». On ne dépose donc pas la motion d’ordre, par contre je vous suggère de pouvoir revoter simplement cet article...

F Jean-François LEUBA

Non, alors ça, c’est hors de question...

F Anne HOLENWEG ROUYET

Excusez-moi, mais la procédure suivie ne semblait pas évidente pour tout le monde... On était un peu dépassés par les événements [brouhaha], (ça nous arrive aussi, ça m’arrive souvent... ) et l’on aimerait pouvoir simplement lever la main ou la baisser en connaissance de cause. Merci.

F Jean-François LEUBA

Mais je suis d’accord, Madame, mais il faut quand même avoir un certain ordre dans cette discussion. Il y a la discussion, puis les votes, et quand les votes sont intervenus, on ne rouvre pas la discussion, sauf si un constituant demande que la discussion soit rouverte, auquel cas c’est une motion d’ordre et l’on fait un vote sur la motion d’ordre. C’est clair. M. Brélaz qui demande la parole depuis longtemps, mais je finirai par la lui donner [brouhaha].

F Daniel BRELAZ

Je crois que le vote a été effectivement fait, mais le vote en fait touche 2.3.1 et 2.3.2 par fusion et tous les amendements de 2.3.2, y compris de nouveaux amendements qui pourraient être déposés, y compris le fait que l’amendement du groupe Radical — celui qu’on vient de voter — se trouve aussi sous 2.3.2, la procédure fait qu’il y a notamment l’amendement Dépraz et quelques autres qui indirectement deviennent des amendements à ce que le groupe Radical nous a proposé et malheureusement, vu la procédure choisie, on n’échappera pas à une nouvelle discussion, mais sous 2.3.2 puisqu’on n’a pas éliminé tout le reste en passant.

F Jean-François LEUBA

C’est gentil, M. Brélaz, mais c’est exactement ce que j’avais l’intention de faire. Bien. Est-ce que Mme Dufour souhaite s’exprimer? Non, elle renonce. Bien. Alors nous passons au 2.3.2.

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Article 2.3.2 — Délégation de compétences

F Jean-François LEUBA

Est-ce que M. Bühlmann souhaite s’exprimer? Oui, M. Bühlmann, porte-parole de la commission.

F Gérard BUHLMANN

Ça va vite, ça va peut-être trop vite, alors on va essayer de prendre le temps de souffler. La commission 2 lorsqu’elle a parlé de l’article 2.3.2, à une très large majorité — puisque vous voyez dans le rapport de la commission 2 vous avez toujours le nombre de personnes qui ont soutenu un rapport de minorité et c’est une indication que je trouve intéressante, ça permet de voir s’il y avait des avis très partagés ou des avis relativement minoritaires —, vous voyez donc qu’à une très large majorité la Commission 2 vous propose de parler de délégation. On peut d’ailleurs dire d’entrée que nous soutiendrons l’amendement du groupe Libéral qui vise à modifier le titre de l’article si par hasard cet article devait rester, ce qui est peu probable. Nous voulons donc parler de délégation. À une très large majorité, la commission n’a pas voulu du principe de subsidiarité tel que le proposait notre collègue Laurent Rebeaud, pour les raisons qui sont évoquées dans le rapport. J’aimerais dire aussi que ce problème a déjà été débattu en plénum et a déjà été très clairement tranché par le plénum à une très évidente majorité également lorsque vous avez adopté l’article 6.1.3. Cet article 6.1.3 est le complément idéal de la disposition proposée, soit par l’article 2.3.2 et reprise par l’amendement Radical, dans la mesure où le 6.1.3 introduit une notion complémentaire. Il dit qu’on délègue aux communes «les tâches qu’elles sont le mieux à même d’exécuter». Donc on précise très clairement dans le 6.1.3 quand nous voulons déléguer. L’article de la commission 2 — et le commentaire est très explicite à ce sujet — ouvre la porte à d’autres délégations. Il n’y a donc pas doublon entre cette disposition et celle du 6.1.3 parce que nous entendons déléguer aussi bien à des institutions publiques du niveau inférieur, ce que dit le 6.1.3, mais également à des organisations privées d’intérêt public, ce sans fixer de critères de reconnaissance, donc sans ouvrir la porte automatiquement à des subventions. Les articles 2.3.2, respectivement l’amendement Libéral et le 6.1.3 résolvent à nos yeux de manière très pragmatique la situation. Voter la proposition de minorité Rebeaud va beaucoup trop loin, c’est pratiquement la délégation à l’envers que vous n’avez voulue en votant le 6.1.3. Je vous encourage donc à vous en tenir au texte proposé par la commission, respectivement par l’amendement Libéral dans son alinéa 3. Merci.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Bühlmann Je ne vois pas M. Rebeaud dans la salle. Est-ce que quelqu'un d’autre souhaite développer l’amendement Rebeaud? Oui, M. Recordon.

F Luc RECORDON

En fait, j’ai discuté avec M. Rebeaud — nous avons eu une discussion en séance de groupe également — et M. Rebeaud se dispose à retirer sa proposition au profit d’une autre qui, je pense, serait plus adéquate et plus susceptible de recevoir votre approbation. Le texte serait le même au premier alinéa de l’article 2.3.2, avec l’adjonction, tout à la fin de «à l’exclusion du domaine de la police». Ça donnerait «Sous la responsabilité de l’État, certaines tâches relevant du service public peuvent être entièrement ou partiellement déléguées, à l’exclusion du domaine de la police», car il paraît en effet inconcevable — et ça figure d’ailleurs implicitement vous le verrez dans la suite des articles — que les tâches de police soient déléguées. C’est un principe de base que l’État doit assumer ces tâches-là qui sont les tâches originaires qui justifient le rôle d’arbitre de l’État. Donc cette précision nous paraît tout de même importante. Certains diront que le domaine de la police n’est pas un service public, c’est contesté en doctrine, on peut admettre que la police constitue, en tout cas dans certains domaines, au profit des personnes protégées, un service public. Il n’est donc pas inutile de le dire, c’est beaucoup mieux que d’être implicite. L’autre disposition qu’il convient d’ajouter à cet article pour que M. Rebeaud soit d’accord de retirer son amendement — et je le fais donc ici —, c’est d’ajouter une disposition ou un second alinéa disant «L’État exerce la surveillance des tâches déléguées. Il peut en tout temps retirer une délégation lorsque les objectifs et conditions n’en sont plus remplies». À condition de l’acceptation de cet article, M. Rebeaud entendait retirer son amendement. Je dépose donc cette proposition.

F Jean-François LEUBA

Je rappelle à M. Recordon que les amendements doivent être déposés par écrit, si possible quand même avant d’intervenir. Sinon, on ne peut pas projeter et c’est quand même avantageux pour l’orateur d’avoir le texte projeté quand il parle. Bien. Nous avons un amendement du groupe Libéral. Je donnerai la parole à M. Bühlmann après. Compte tenu de la modification, est-ce que M. Conod maintient l’amendement? M. Conod a la parole. Alors je pars de l’idée que l’amendement Conod est retiré? Bien. Est-ce que le groupe Libéral veut s’exprimer à nouveau? Non. Alors l’amendement Dépraz, M. Dépraz a la parole.

F Alex DEPRAZ

Je précise d’abord que je propose cet amendement au nom du groupe Forum. L’article 2.3.2 fixe les conditions auxquelles l’État pourra déléguer certaines tâches que la future Constitution lui attribuera. On pourrait à la rigueur se passer de cet article. En effet, la délégation par l’État au secteur privé ou semi-privé de l’exécution de certaines tâches est admise dans son principe sans base constitutionnelle spécifique. Mais à notre avis, la commission «Tâches de l’État» a eu une bonne idée en décidant de créer une base constitutionnelle qui précise les conditions auxquelles l’État peut déléguer tout ou partie de ses tâches. Et à cet égard il est juste de préciser que la responsabilité de l’État pour l’exécution de ses tâches ne s’évapore pas avec leur délégation. Toutefois — et c’est l’objet de notre amendement — la formulation de la commission nous semble trop courte. Puisque l’on choisit de préciser les conditions auxquelles une délégation peut intervenir, il nous paraît nécessaire d’ajouter l’exigence de la base légale. Ce n’est pas une nouveauté. L’exigence de la base légale est consacrée par la doctrine. Il convient de rappeler dans cet article que seul le législateur, autorité démocratiquement élue, peut déléguer l’exercice des pouvoirs de puissance publique. Il ne faut pas voir dans cette exigence de base légale une volonté de freiner la délégation. Il s’agit simplement de rappeler que la délégation doit obéir à certaines conditions. Il faut que la loi précise le principe, les conditions et les limites de la délégation de certaines tâches publiques. L’exercice de la puissance publique appartient en effet au Parlement, organe le plus démocratique. Et il appartient également à ce Parlement de décider d’une éventuelle délégation de ses pouvoirs, dans un acte — c’est important — soumis au référendum facultatif, car la délégation d’une tâche que le peuple aura voulu publique puisqu’elle figure dans la Constitution ne doit pas être soustraite au référendum. On ne saurait sous-estimer l’importance pratique de la délégation de l’exécution de certaines tâches publiques. L’amendement qui vous est proposé vise à préciser les conditions de cette délégation, soit l’exigence d’une base légale, de manière à ce qu’elle soit le résultat d’une procédure démocratique. Au nom du groupe Forum, je vous recommande d’adopter cet amendement.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Dépraz. La discussion sur l’article et les amendements est ouverte. Est-ce que tout le monde est absolument sûr qu’il ne veut pas intervenir? Pardon, il y a encore l’amendement Nordmann. M. Roger Nordmann a la parole.

F Roger NORDMANN

L’amendement que je dépose est au 2.3.2. Il consiste au deuxième alinéa à supprimer la notion «en complément de l’initiative et de la responsabilité individuelles». Pourquoi? Parce que dans la suite de la phrase, on dit: l’État, donc «il assume les tâches que la Constitution et la loi lui confient». Alors soit on estime que la tâche est importante et puis on la confie à l’État, soit on estime que la tâche n’est pas importante et l’on ne fait pas une loi et un article constitutionnel pour la confier à l’État. Mais on ne peut pas la confier et ne pas la confier à la fois, ça me paraît totalement contradictoire et peu clair. Sinon, à ce moment-là, on peut mettre toutes les tâches et chaque fois faire le pas en arrière, ça me paraît être une contradiction dans la formulation même, raison pour laquelle je vous invite à formuler l’article de la façon suivante: «L’État assure un service public. Il assume les tâches que la Constitution et la loi lui confient». Et puis c’est dans Constitution — dans les textes qu’on discute ensuite — qu’on décide si la tâche est confiée à l’État ou si elle n’est pas confiée à l’État et elle découle du privé, et ensuite dans les détails, c’est la loi qui le décide. Cette restriction d’entrée me paraît incompréhensible. Je vous remercie.

F Christelle LUISIER

Juste deux mots pour répondre à M. Nordmann. Il me semble que ce que nous proposons est tout à fait clair. Contrairement à ce que suppose Roger Nordmann, la Constitution ou la loi confie des tâches à l’État, ce n’est pas remis en question, mais dans les moyens à mettre en oeuvre, dans la réalisation, et bien là, il faut tenir compte de l’initiative et de la responsabilité individuelles et c’est dans les lois qui précisent ces tâches qu’il faut tenir compte de l’initiative et de la responsabilité individuelles. Cela ne met absolument pas en cause les tâches que l’on confie à l’État. À mon avis, ce principe est tout à fait clair.

F Denyse DUFOUR

Je ne comprends pas très bien la position du groupe Radical. Moi je pense à une des tâches fondamentales de l’État qui est l’école. Je ne vois pas en quoi la responsabilité individuelle devrait être mise en avant, puisque cet article est un article de début des «Tâches de l’État», alors je ne vois vraiment pas comment on pourrait mettre en avant une initiative individuelle quand on parle de l’école, quand on parle de la police. Ça me paraît être à un tout autre endroit qu’il faudrait mettre ça, dans une loi éventuellement, mais pas dans l’article fondamental de la Constitution, du départ, sur les tâches de l’État.

F Jean-Pierre BOILLAT

Je serai très bref. Je propose comme M. Nordmann de supprimer cette première partie parce qu’il faut être cohérent. Si l’on inscrit dans un article de la Constitution «en complément de l’initiative et de la responsabilité individuelles», on doit savoir à quel endroit de la Constitution cela renvoie. Est-ce qu’il y a un article ou des articles dans la Constitution qui précisent que dans telle ou telle tâche, ou dans tel ou tel cas, c’est l’initiative individuelle ou c’est la responsabilité individuelle qui prime sur le reste? Si l’on arrive à m’apporter cette preuve-là, peut-être que je peux rentrer en discussion. Mais je crois que le groupe Radical a voulu glisser cette notion un peu rapidement. Vous nous avez eus un peu par surprise parce qu’on discutait surtout du problème du renvoi, et non pas du contenu nouveau que vous avez apporté. Dans ce sens-là, je pense que la position de M. Nordmann est parfaitement claire.

F Philippe NORDMANN

On ne sera pas étonné que je vienne ici avec d’autres arguments soutenir un amendement Nordmann. Nous voulons une Constitution non seulement claire, mais avant tout exacte. Je lis ce passage: «En complément de l’initiative et de la responsabilité individuelles, l’État assume les tâches que la Constitution et la loi lui confient». Cela signifie que l’État agit chaque fois en complément de l’initiative et de la responsabilité individuelles. Je voudrais donner quatre exemples pour montrer que c’est faux et que par conséquent on ne peut pas adopter cet article. La sécurité tout d’abord. La police, qui est une tâche de base de l’État, n’est jamais complémentaire à l’initiative et à la responsabilité individuelles. La police n’est pas complémentaire par exemple à Securitas. C’est l’inverse. Ce sont les groupements privés ou les associations privées ou les sociétés de vigilance privées qui sont complémentaires à ce que l’État garantit en matière de sécurité. Deuxième exemple, la justice. La justice publique vient d’abord et les autres justices — c'est-à-dire la justice arbitrale ou la justice des associations, par exemple — est toujours complémentaire à la justice de l’État. Par conséquent, là aussi, si nous adoptions cette disposition, nous inscririons quelque chose d’inexact dans la Constitution. Troisième exemple, la sauvegarde des paysages. L’État, par les règles d’aménagement du territoire, fixe la manière de construire dans ce pays. L’initiative individuelle — on l’a connue par exemple avant «Sauver Lavaux» — consiste à construire le mieux possible, c'est-à-dire où on a de la vue, où c’est beau et sans respecter principalement ces règles d’aménagement du territoire. Donc l’État vient d’abord, fixe les règles d’aménagement du territoire et ce n’est en tout cas pas l’initiative individuelle qui prime. Et un dernier exemple, peut-être, dans un domaine différent: les transports publics. Est-ce qu’on peut dire aujourd'hui que les transports publics sont complémentaires des transports privés, notamment de la voiture? Je dirais plutôt que c’est l’inverse. Il y a des tas de gens qui n’ont pas de permis ou qui n’ont pas les moyens simplement de conduire une voiture. Ceux-là sont tributaires des transports publics, notamment des TL ou des CFF etc. Le privé dans ce cas-là est complémentaire du public et pas l’inverse. Donc évitons, s’il vous plaît, ce serait la première fois depuis que nous travaillons en plénum, d’inscrire dans la Constitution quelque chose de faux, strictement faux. Et par conséquent je soutiens cet amendement.

F Francis THEVOZ

On n’est pas en train de faire la liste des tâches de l’État, on n’est pas en train de faire cette énumération et ce poème à la Prévert. On est sur les principes de base d’une Constitution et l’on pose bien en place. Ce qui me gêne, c’est qu’on vient de voter quelque chose et puis qu’on le rediscute. Que l’État assure un service public, mais moi je veux bien jouer ce jeu, mais ça ne nous mène pas loin, et puis qu’au fond, dans cette société libérale et démocratique, ce que font les gens n’est pas attribué à l’État automatiquement et c’est en cela qu’on rejoint les soucis de M. Rebeaud de ne pas avoir un État gigantesque et omnipotent, c'est-à-dire qu’il agit toujours en complément de l’initiative et de la responsabilité individuelles. L’histoire des chemins de fer, c’est parfaitement classique. C’est des privés qui ont commencé, c’est des gens, et quand on voit que la tâche est d’ordre national, les transports aériens idem, toutes les... une grande partie des tâches actuelles de l’État, c’est qu’il a dû les prendre parce qu’il s’est rendu compte que l’individu, le privé n’y arrivait plus, ne pouvait plus, ne pouvait pas aller assez loin. C’est exactement toute l’histoire de notre Canton et je ne vois pas d’objection. Ce n’est pas comme cela que ça se pose. Dans l’histoire, ça s’est posé tout... Quelqu’un a une idée, invente quelque chose — un mode de transport, une manière d’éduquer, n’importe quoi —, puis on voit bien qu’après l’enseignement devient — il était privé au départ —, il devient obligatoire, généralisé, gratuit, etc., et l’État prend cette tâche. Et je trouve que c’est une très bonne chose à mettre en tête de ces articles-là.

F Philippe CONOD

Je n’étais pas convaincu par les arguments du fils, je le suis encore moins par les arguments du père. Je crois que l’article proposé par les Radicaux est un bon article. On nous a parlé par exemple des transports publics. Je crois que c’est justement là un domaine où il faut aussi faire appel à la responsabilité individuelle de tout un chacun. On ne peut pas avoir de tâche de l’État effectuée correctement si, à côté, le justiciable, le citoyen, l’habitant du Canton ne participe pas dans le cadre d’une responsabilité individuelle. On le voit en matière d’environnement. Il ne suffit pas de mettre dans une commune qui a adopté les taxes poubelles de couleur, un policier derrière chaque citoyen pour voir si celui-ci va bel et bien acheter le sac jaune, le sac rouge, etc. etc. Il y a une responsabilité de l’individu et je crois qu’il est important de le mentionner à cet article comme les radicaux l’ont fait.

F Roland OSTERMANN

La chose la plus difficile pour un auteur, c’est de se comprendre lui-même. Au bout d’un moment, il est tellement prisonnier de son texte qu’il perd tout esprit critique. C’est pourquoi j’aimerais inviter le groupe Radical à faire preuve d’esprit critique et d’humilité à l’égard de son texte. Lorsqu’il nous dit que l’État doit assumer les tâches que la Constitution lui assigne, c’est clair et net. On ne peut pas ensuite dire qu’on va le faire, ah oui, mais dans le fond, uniquement dans telles ou telles conditions, lorsque l’initiative privée n’a pas fonctionné, etc. C’est dans la définition des tâches qu’il faut dire ça. Lorsqu’on définira une tâche, on pourra dire que c’est «en complément de». Mais dans la mesure où la tâche lui est fermement attribuée, l’État ne peut pas renâcler et dire, au gré de la politique du jour qu’il va l’assumer ou pas. Il faut un article clair et net qui lui assigne des tâches qu’il doit les assumer sans finasser pour savoir si c’est quelqu’un d’autre qui doit le faire. Par contre, si quand on lui attribue une tâche, on désire que ce soit en complément de quelqu’un ou quelque chose, on le dira pour cette tâche-là. Cela ne peut pas être une règle générale pour des tâches que la Constitution lui assigne, ça n’a pas de sens.

F Claude SCHWAB

Ce n’est que ce matin que j’ai pris connaissance de l’amendement du parti Radical qui pose quand même un certain nombre de problèmes puisqu’il y a là derrière toute une réflexion au niveau philosophique, au niveau éthique, au niveau politique. Alors la première chose que je regrette, c’est que ce genre de question n’ait pas été posée avant au sein de la commission et qu’au moins dans le rapport ou dans un rapport de minorité on ait eu une réflexion. Je trouve fâcheux qu’une fois qu’une commission est arrivée à un consensus, on ait tout d’un coup un tir qui dévie le sens d’un article fondamental. Ceci dit, la proposition me semble tout à fait intéressante, mais situe le débat politique au 19 e siècle, où il n’y avait en face qu’un État et un individu. Or, qu’est-ce que nous constatons? C’est que, pour toutes les tâches publiques, il n’y a pas seulement les tâches de l’État ou les tâches des individus, mais il y a aussi les tâches de collectivités, et j’en donnerai deux exemples. Le premier exemple, ce sont les tâches des associations, qui ne sont pas simplement des émanations d’individus, mais de prise de conscience du fait qu’il faut à tout prix arriver ensemble à faire valoir un certain nombre de droits et à faire jouer un certain nombre de services. À l’autre bout de l’échelle, je rappelle aussi l’existence de sociétés — en particulier de sociétés à puissance financière énorme — et que l’État peut contraindre à participer à un certain nombre de tâches. Prenez par exemple ce qui se passe quand on implante un nouveau centre et qu’il faut, au niveau de la circulation routière, que ce ne soit pas simplement l’État qui prenne en charge un certain nombre de tâches. Donc je crois que nous devons réfléchir, en l’an 2000, sur ce que signifient toutes ces imbrications par rapport au but qui est le bien-être ou le bien commun, non pas le bonheur, je crois que ça, ce n’est pas à inscrire dans la Constitution. C’est pour ça que je propose que l’on s’en tienne à ce que la commission a écrit, c'est-à-dire que c’est un article sur les «Tâches de l’État». Les responsabilités individuelles, je suis le premier à vouloir les mettre dans la Constitution, mais ailleurs. Je vous remercie.

F Daniel BRELAZ

La réflexion qu’on vient d’avoir est extrêmement délicate. C’est vrai que, quelque part, on peut se dire qu’un complément, par exemple dans l’école la responsabilité des parents est d’aider à l’éducation de leurs enfants et de ne pas considérer que seuls la télévision et les instituteurs et institutrices ont une tâche à accomplir dans ce domaine. Et je comprends donc par certains côtés une forme de la logique qui est invoquée ici, au moins au niveau du ressenti. Par contre, en complément à ce que dit M. Ostermann, c’est vrai que si l’on donne des tâches à l’État, on pourrait espérer qu’il les assume et que la Constitution et la loi les lui confient. Malheureusement, pas mal de dispositions ne sont pas — ni dans la Constitution, ni dans la loi — d’une rigidité aussi grande que ce que d’aucuns pourraient espérer, sinon il y aurait beaucoup moins de travail pour les avocats. Et la situation que je peux craindre avec la formulation du groupe Radical, même si j’en comprends l’esprit et le fondement — et c’est pour cela que je rejoins, finalement et après mûre réflexion, la réflexion de M. Nordmann —, c’est qu’on puisse avoir des situations où de très grandes multinationales… vous savez peut-être que certaines très grandes multinationales — type Vivendi, Lyonnaise des Eaux et autres -prétendent maintenant aller dans tous les domaines, et M. Rebeaud a fait une nuance dans une vision que je considère personnellement comme du début du 19 e siècle, même si c’est un ami, c’est une nuance à sa proposition, en disant, en tout cas dans le domaine de la police, ça ne devrait pas pouvoir se produire. Mais ici, si ces multinationales multiservices se mettent à développer toutes sortes de services dans le domaine du service public, elles pourront peut-être, suivant l’évolution de la jurisprudence, arguer demain que grâce à notre article constitutionnel, l’État doit agir seule-ment pour s’assurer que la tâche publique est accomplie et qu’il peut agir seulement si l’initiative individuelle — même si elle n’est pas individuelle mais celle de boîtes à activité mondiale visant à reprendre toutes les tâches de la planète pour en faire des bénéfices — venait à ne pas exister. Et j’ai très peur que, ce n’est pas ce qui se passe encore aujourd'hui, mais ça tend à venir, aux États-Unis les prisons et l’éducation, dans plusieurs États sont gérées par le privé, et j’ai la plus grande crainte qu’on puisse au cours du temps avoir une dérive de l’interprétation constitutionnelle et législative qui fait que des gens, de très grandes compagnies pourraient dire, mais nous on fait ça mieux que l’État et puis la loi dit simplement que cette tâche doit être faite, laissez-nous exercer notre responsabilité individuelle et retournez dans votre niche! Et pour ce type de raison, je pense que c’est dangereux d’avoir une telle phrase, même si je respecte parfaitement l’intention des auteurs et que par beaucoup de côtés je la partage, parce que, effectivement, les individus doivent aussi agir. Donc, pour des raisons de dérive de ce qui peut arriver ces prochaines années, je vous encourage finalement -après beaucoup d’hésitations, mais avec fermeté — à suivre la proposition de M. Nordmann.

F Pierre FARRON

Je suis, moi aussi, très attaché à l’initiative et à la responsabilité individuelles. Néanmoins je crois que dans ce paragraphe introductif sur les «Tâches de l’État», cette notion n’a pas sa place car elle risque d’amener un élément de confusion. Concrètement, le risque, c’est que cela pourra conduire facilement à cette impression tellement répandue chez nous qu’au fond c’est toujours quelqu’un d’autre qui est responsable. Je vous remercie.

F Yvette JAGGI

Nous parlons donc «Tâches de l’État». Dans ce sujet qui était le thème de la Commission 2, dans ce titre futur de l’avant-projet de Constitution, on parle d’une part des domaines d’intervention de l’État, de ses différentes tâches d’après leur nature (aménagement du territoire, éducation, police, culture, etc.), et puis on parle aussi du degré d’intervention dans ces différents domaines ou, on peut dire aussi, du degré d’implication de l’État dans les différentes tâches qui lui sont ainsi attribuées. Cette différence n’a pas du tout échappé à la commission thématique 2 qui, dans l’introduction générale à son rapport, la précise assez exactement. Je vous renvoie à la page 3 de la brochure blanche, tout en bas, dernier paragraphe: «L’engagement de l’État dans ses différentes tâches. La commission l’a exprimé en utilisant différents verbes selon l’importance de la tâche et le degré de responsabilité de l’État. «Ainsi les verbes assure, garantit, protège, sauvegarde, conduit, mène…» — sous-entendu «mène une politique» — «indiquent que la tâche se fait sous la responsabilité pleine et entière de l’État, tandis que les verbes veille, encourage, soutient.... montrent que la responsabilité devrait être partagée avec d’autres organismes, publics, parapublics, associatifs ou privés». Il me semble qu’on a là dans le vocabulaire une distinction qui a été dûment pensée et qui bannit une formulation générale dans une introduction générale apparemment valable pour toutes les tâches, telle que celle que l’amendement Radical introduit et que M. Nordmann, à juste titre, voudrait biffer. Pour preuve, a contrario, je vous renvoie au projet d’article, sur lequel il n’y a à ma connaissance pas d’amendement, en tout cas pas de proposition de minorité, 2.3.21, «Logement», typiquement une tâche partagée, une tâche d’incitation de l’État: «Le Canton et les communes, en complément de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée, veil-lent à ce que toute personne puisse disposer d’un logement approprié à des conditions supportables». Voilà un cas typique dans lequel l’intervention de l’État est effective-ment complémentaire à l’initiative individuelle et privée qui est largement effective-ment prioritaire et dominante, mais qui mérite d’être complétée, corrigée — orientée vers certains types de logements par exemple — par l’intervention de l’État. Mais on ne peut pas imaginer qu’en matière de police, pour prendre la plus classique des tâches de l’État, cette tâche s’accomplisse en complément à l’initiative individuelle, à moins qu’on n’entende par là le fait que pour garder l’ordre public et préserver la propriété privée, on admet que la personne qui quitte son logement en le fermant à clé prend une initiative privée et que l’État veille à l’ordre public par derrière.

F Odile JAEGER

Je vous invite à maintenir votre vote sur l’initiative radicale. Effectivement, l’État est tentaculaire, il veut être omniprésent et actuellement on constate qu’il n’arrive plus à faire face à toutes ses obligations. M. Brélaz a parlé de dérives possibles. Je veux bien l’admettre avec lui, mais qui est dit justement dans le texte, c’est sous le contrôle de l’État. Donc on peut imaginer une loi qui prévoit dans quelle mesure on prend en compte les initiatives privées. Je vous signale également que dans la nouvelle Constitution du Canton de Neuchâtel, on peut lire à l’article 5 exactement ce que nous pro-posons : «Dans les limites de leurs compétences et en complément de l’initiative et de la responsabilité des autres collectivités et des particuliers, l’État et les communes assument les tâches que la loi leur confie». Donc je crois que c’est une notion qui est nouvelle peut-être, mais absolument indispensable aujourd’hui, vu l’évolution des tâches que nous devons assumer à l’État.

F Jean-François LEUBA

Il y a des constituants qui demandent pour la deuxième ou la troisième fois la parole. J’aimerais d’abord savoir si d’autres constituants qui ne se sont pas exprimés jusqu’à maintenant souhaitent le faire, auquel cas ils ont la priorité. M. Vallotton.

F Jacques VALLOTTON

Je suis assez en faveur de cette notion de responsabilité individuelle, je trouve qu’elle est très importante, mais alors ce qui me chiffonne dans l’amendement Radical, c’est qu’on dit «en complément». Pour moi, c’est abaisser véritablement l’État à une notion très minimaliste. Certaines tâches — comme on l’a dit ici à cette tribune avant moi — doivent être assumées, comme la police, comme l’aménagement du territoire. «En complément», je pense que c’est une mauvaise formulation, que c’est une mauvaise notion. J’aurais pu éventuellement entrer en matière si l’on avait utilisé une autre formule, «en tenant compte» par exemple, qui me semble plus valable. Il y a d’autres préopinants qui ont été ici à cette tribune et qui ont bien montré aussi que cette notion de responsabilité individuelle n’avait peut-être pas sa place à cet endroit-là et c’est pour ça que je défends l’amendement Roger Nordmann.

F Georges CHAROTTON

On achoppe effectivement, comme vient de le dire M. Vallotton, sur ce fameux terme du «complément». Qui est complémentaire à quoi? Et alors, peut-être, M. Vallotton, que le mot que je proposerai risque de mettre tout le monde d’accord [brouhaha]. Peut-être, peut-être. Je proposerai de dire «indépendamment de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée» et ça a un sens de dire que l’individu est responsable dans la société, mais la société n’existe que parce que l’individu a cette responsabilité dans le respect des lois qui l’y contraignent.

F Jean-François LEUBA

M. Charotton, est-ce que je peux vous demander de déposer votre amendement ou comme sous-amendement? Là, il y a du papier. Bien, alors j’aimerais maintenant prendre... J’ai l’impression qu’on a bientôt épuisé le sujet, si ce n’est les auditeurs. Oui, oui. Je vais donner la parole encore à ceux qui s’inscrivent maintenant, et avec votre accord je clorai la liste. J’ai M. Brélaz, j’ai M. Recordon, Mme Luisier, M. Bühlmann M. Bühlmann s’exprime en dernier, il est d’accord. Alors, M. Brélaz, M. Recordon, Mme Luisier et M. Bühlmann et après je considérerai que la liste est close si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

F Daniel BRELAZ

Mme Jaeger, la formulation actuelle pose malheureusement les problèmes et les risques évoqués par le fait que vous n’aurez pas que des articles-verrous dans les lois et dans les articles constitutionnels, ce n’est pas le cas dans ceux qui vous sont proposés par la commission 2, 3 et autres. Et le risque que d’habiles juristes, chaque fois qu’il y a une marge de manœuvre, l’utilisent pour dire que ce n’est pas à l’État de faire ça et dans le cas où ils offrent des services privés de niveau comparable, même s’ils sont parfois beaucoup plus chers et sans aucun contrôle démocratique, ils ont le droit de le faire, est important. Ce que propose le constituant Charotton, on peut savoir si ça joue ou non d’enfoncer une porte ouverte, mais par contre ça ne présente aucun risque juridique. Sous cet angle-là, c’est certainement meilleur que la proposition du groupe Radical. Néanmoins, l’utilité... Ici on n’a plus affaire à un risque, dans la proposition du groupe Radical on a un risque, dans le cadre de la proposition du constituant Charotton on a seulement, est-ce que c’est utile? Alors utile, pour moi ce n’est pas grave si ce n’est pas très utile mais qu’on le dit. Par contre, dans la formulation du groupe Radical on prend un risque de dérive importante pour les prochaines années et en tout cas là-dessus je dois être ferme.

F Luc RECORDON

On voit bien se focaliser, après un long débat, le problème sur le lien entre l’initiative et la responsabilité individuelles et les tâches confiées à l’État. Est-ce que c’est un complément, est-ce qu’il faut en tenir compte, est-ce qu’il faut que ce soit indépendamment? Ça a l’air d’être assez compliqué et ça l’est en réalité, parce que la question de savoir s’il y a une primauté entre l’un et l’autre ou si — comme le disait fort bien Mme Jaggi — de cas en cas, on doit considérer que c’est plutôt l’un ou plutôt l’autre qui prime, n’est pas une question qui puisse se résoudre en termes généraux. À mon avis, il faut trouver une formulation qui exprime bien l’ambivalence de ces rap-ports, qui peuvent d’ailleurs varier au cours du temps. C’est parfois l’un, c’est parfois l’autre qui prime, ce n’est parfois aucun des deux et je ne crois pas qu’il y ait vraiment de cas où les deux soient exclus, en tout cas où l’initiative individuelle puisse être considérée comme totalement exclue. Donc il faut trouver une formulation adéquate pour ça. Trouver une formulation adéquate dans une assemblée de cent quatre-vingts personnes, nous venons de faire la démonstration que c’est du boulot extrêmement précaire, extrêmement périlleux et peut-être impossible. Je vous propose donc que la commission 2 nous refasse une proposition sur ce point précis [brouhaha] parce que nous sommes en train de faire du travail de «bracaillons».

F Christelle LUISIER

Tout d’abord, par rapport à l’intervention de M. Recordon, je pense que nous devons trancher cette question aujourd'hui, du moins de façon provisoire, et choisir une formulation. Et ensuite si cette proposition est adoptée, éventuellement revenir en deuxième lecture avec un affinage de cette proposition. Maintenant, il y a plusieurs formulations qui ont été proposées, la formulation Radicale disait «en complément». Cette formulation nous semblait claire, c’est d’ailleurs la formulation qui a été choisie par Neuchâtel et par d’éminents constitutionnalistes. Pour nous, il était aussi évident que cette formulation n’impliquait pas forcément la priorité de l’initiative individuelle sur les tâches de l’État, mais il semble qu’au sein de cette Assemblée cela ne soit pas compris de cette manière. La formulation de M. Charotton est aussi un petit peu ambiguë, «indépendamment de l’initiative individuelle», on pourrait aussi dire «sans tenir compte de l’initiative individuelle», ça pourrait être compris de cette façon-là et dans cette optique, ça irait tout à fait dans le sens contraire de ce que nous proposons. Maintenant il y a une troisième formulation qui nous est proposée, «en tenant compte de l’initiative individuelle et de la responsabilité individuelle». Cette proposition pour-rait nous satisfaire dans la mesure où il est peut-être plus clair qu’il n’y a pas forcé-ment de priorité de l’initiative individuelle ou de la responsabilité individuelle sur la tâche que l’État doit accomplir. Et dans ce cadre-là, je crois que la majorité du groupe Radical pourrait se rallier à la formulation qui a été proposée «en tenant compte de l’initiative et de la responsabilité individuelles».

F Jean-François LEUBA

Je crois que malheureusement ça n’a pas été déposé, M. Vallotton ne l’a pas déposé. Alors Mme Luisier a le droit de déposer si elle l’entend. M. Bühlmann voulait encore s’exprimer.

F Gérard BUHLMANN

Je ne vais pas m’exprimer sur l’amendement qui donne lieu à une large discussion maintenant. Je pense qu’il ne m’appartient pas de le faire en tant que président de la commission 2. La commission vous a fait une proposition, le groupe Radical vous en fait une autre et le plénum tranchera. Je tiens par contre à m’exprimer sur les deux autres amendements, c'est-à-dire celui nouveau déposé par M. Rebeaud — je ne sais pas si l’on peut le montrer puisqu’on ne l’a pas par écrit — et sur celui de M. Dépraz. Je commencerai par celui de M. Dépraz que vous avez sur votre feuille, pour vous proposer de le refuser pour la raison suivante. Évidemment, un, formulation: est-ce la loi ou l’État qui délègue? Je pense que c’est quand même l’État qui délègue, on nous l’a expliqué, sur une base légale évidemment. Ce problème de la loi, on peut le mettre dans tous les articles, n’est-ce pas, c’est toujours la loi qui précise les modalités, la loi qui règle les détails, la loi qui... C’est implicite, c’est évident que c’est la loi qui le précise, je crois que c’est inutile de le mettre là. Donc je vous propose de rejeter l’amendement Dépraz. Le nouvel amendement Rebeaud, je vous propose de le rejeter pour deux raisons très simples. C’est bien pire de mentionner la police que de ne rien mentionner du tout, parce que moi, j’aurais été M. Rebeaud, j’aurais au moins mentionné aussi la justice. Dès qu’on commence à en mentionner deux, on peut en mentionner quinze ou vingt et nous avons volontairement renoncé à toute énumération. Et je crois qu’il n’y a rien de plus dangereux que de commencer à énumérer. Et puis deuxièmement, de dire qu’on peut retirer la délégation, c’est un pléonasme. Celui qui délègue peut toujours retirer la délégation, c’est une évidence. Je n’ai jamais entendu que quelqu’un délègue en s’enlevant le droit de retirer la délégation. C’est donc un amendement que je trouve d’une part dangereux parce que limitatif avec la police, et totalement superflu concernant son deuxième alinéa. Je vous encourage donc à rejeter ces deux amendements.

F Luc RECORDON

Sur le point précis de cet amendement-là, je voudrais dire à M. Bühlmann qu’il se méprend sur la notion de police, je ne lui en veux pas parce que ça a un sens constitutionnel particulier. On distingue en droit constitutionnel l’administration de police — ou administration restrictive — de l’administration de promotion. Ce qu’on appelle l’administration de police inclut toutes les tâches — du moins selon la doctrine majoritaire quasiment unanime des constitutionnalistes — qui consistent à régler la sécurité et les différends et à s’occuper de la paix publique. Donc rendre la justice fait partie, au sens de cette distinction, des tâches de l’administration de police, opposée à l’administration de promotion ou à l’administration de prestation. Donc de ce point de vue-là, il n’y a pas — je crois — de doute sur ce mot employé dans son sens le plus classique. Lorsqu’on dit «police», il ne faut pas voir tout de suite l’agent avec sa casquette, c’est un peu plus large que cela. Maintenant, le second alinéa, on peut évidemment diverger sur son utilité. Comme beaucoup de choses, ça peut aller de soi, il me semble nettement que ça va mieux en le disant.

F Yvette JAGGI

Tout à l’heure, la proposition de Roger Nordmann de biffer les fameux termes qui nous ont fait tant discuter «en complément à l’initiative» et ont incité le groupe Radical à modifier — comme ça, séance tenante, vite fait, pas très bien fait — sa formulation… [brouhaha] Je veux dire que la formulation précédente était au moins claire. Elle parlait de priorités et d’actions d’intervention complémentaires. C’était une for-mule que l’on connaît, qu’on a utilisée ici ou là dans le projet de Constitution vaudoise tel qu’issu des travaux notamment de la commission thématique 2, qu’on connaît dans d’autres textes constitutionnels et qui a un sens précis. Ce à quoi je m’en prenais et conformément à la proposition Nordmann, c’était à son caractère général et indifférencié, que dans tous les cas il y avait complément. «En tenant compte de l’initiative», c’est le même problème qui se pose, avec en plus un flou dans le vocabulaire parce que «tenir compte», d’abord, un, ça suppose qu’il y en a une, d’initiative personnelle et individuelle, et puis ça signifie qu’on est contraint d’en tenir compte. Dans quelle pro-portion, on ne le dit pas, mais en fait dans toute la mesure du possible, je suppose. Mais là, on a dans le vocabulaire une notion nouvelle et je dois dire que la vitesse d’adoption est probablement accélérée encore par le fait que, ne sachant pas trop ce que ça veut dire, ça a l’air plus acceptable. Alors moi, je voudrais simplement revenir sur des exemples. On en a cité plusieurs, plus ou moins toujours les mêmes et ce n’est pas par hasard. En tenant compte de l’initiative individuelle dans le domaine de la police, ça, c’est complètement incompatible avec la formulation telle que choisie jus-qu’ici par la commission et reprise par des amendements et des propositions de minorité émanant des groupes Radical et Libéral ou de leurs porte-parole. L’État détient le monopole de la force publique, le Canton et les communes assurent l’ordre public, l’État assure à chacun une justice, etc. Ce sont des termes qui ne souffrent évidemment pas de flou et qui sont clairement des responsabilités exclusives de l’État dans les-quelles il n’y a pas d’activité complémentaire et pas non plus d’activité «tenant compte». Donc, dans les cas où effectivement l’État partage ses responsabilités — et même, je dirais, vient plutôt comme complément, effectivement, dans le domaine du logement, on l’a vu tout à l’heure, dans le domaine de l’économie aussi, c’est très clair, dans le respect du principe du respect de la liberté économique — on le donne expressis verbis dans le projet de texte constitutionnel. Encore une fois, il ne s’agit pas de s’en prendre à l’idée de la liberté personnelle, individuelle, ou de l’initiative, encore moins, mais il faut lui donner sa place, aussi grande que possible, là où effectivement elle se manifeste et mérite d’être prise en compte et non pas dans un article général, de manière indifférenciée pour tous les domaines.

F Jean-François LEUBA

Je remarque que le dépôt de cet amendement, je croyais qu’on avait fini la liste des orateurs, mais je constate que le dépôt de cet amendement a rouvert les vannes de la discussion. Mme Jaeger a demandé la parole.

F Odile JAEGER

Rassurez-vous, je serai brève, je voudrais juste faire une petite réponse à Mme Jaggi en ce qui concerne toujours cette proposition Radicale. Je suis d’accord avec vous, Mme Jaggi, qu’il y a des domaines comme la police et la justice qui sont éminemment du droit de l’État, du monopole de l’État. Et on va le retrouver dans les articles suivants. Regardez l’article 2.3.4 qui est proposé par la commission, «L’État détient le monopole de la force publique». Donc c’est dit clairement et justement. C’est pour tous les autres domaines que l’on demande que l’initiative et la responsabilité privées soient prises en compte. Toujours sur l’amendement Rebeaud revu et corrigé, je suis aussi contre cette proposition de dire qu’il faut déléguer «sauf pour la police», je ne me souviens plus exactement du texte. C’est inutile, puisque, effectivement, vous retrouvez à l’article 2.3.4 cette idée de monopole de la force publique. Donc on y reviendra à ce moment-là et je ne vois pas ce que ça vient faire dans cette délégation de compétences.

F Philippe CONOD

Et bien deux choses. La première, je proposerai au groupe Radical de retirer son amendement et qu’on vote sur la proposition telle qu’il l’avait faite auparavant. Concernant la proposition de M. Rebeaud, je ne peux pas partager l’avis de mon confrère. Je crois que la notion de police ici, si elle est entendue aussi dans celle de justice, est fausse puisqu’il existe des tribunaux arbitraux qui rendent la justice. Donc attention à la notion de police. Je pense qu’il faut se tenir au texte tel que proposé par la commission sur ce point.

F Jean-François LEUBA

Alors est-ce que la discussion peut être considérée comme close? Tout le monde s’est vraiment exprimé s’il avait quelque chose

F Christelle LUISIER

Je serai très brève. Au vu de cette dernière intervention, il me semble qu’effectivement nous devons retirer notre sous-amendement puisque personne ne semble satisfait avec cette formulation, c’était par gain de paix que nous voulions changer les termes de notre amendement. Si personne ne semble trouver cette formulation meilleure que le premier amendement que nous avons proposé, il est tout à fait inutile de le déposer et donc nous en restons alors, à ce moment-là, avec la première version que nous avons présentée.

F Nicolas MOREL

Pour ma part, si je ne pouvais pas me rallier à la première version du groupe Radical, par contre la seconde version, celle qui a été proposée par Mme Luisier [rires] me paraissait tout à fait raisonnable. Et je suis sûr que dans l’assemblée, un grand nombre de gens pouvaient également être d’accord avec cette formulation. J’ajouterais de plus, pour défendre cette version (en tenant compte de l’initiative individuelle) qu’en fait cette formulation me convient dans la mesure où elle permet de tenir compte, suivant les articles, de l’initiative individuelle: en effet, dans certains articles du chapitre consacré aux tâches publiques on aura besoin d’en tenir compte et dans d’autres articles on n’aura pas à en tenir compte. Je crois que c’est une formulation nuancée qui me paraît tout à fait raisonnable, et que je suis prêt à soutenir.

F Jean-François LEUBA

Bien. M.... Écoutez, vraiment, moi j’aimerais bientôt passer au vote. M. Bovet a la parole encore.

F Daniel BOVET

Tout à l’heure M. Conod s’est exprimé en son nom personnel; je vais le faire égale-ment en mon nom personnel; mais je peux dire que quelques membres du groupe Libéral sont d’avis que le sous-amendement qui vient d’être proposé sauverait la proposition radicale; aussi je rejoins pleinement les avis qui viennent d’être exprimés [brouhaha].

F Jean-François LEUBA

Est-ce que je peux considérer que la discussion est terminée ou bien est-ce que quelqu'un a encore une autre version à proposer? Non. M. Bühlmann ne souhaite pas s’exprimer encore une fois? Bien. Je vous propose... Il me semble que nous devrions procéder de la manière suivante. Nous avons dans le texte que nous avons adopté, que vous avez adopté tout à l’heure du groupe Radical, nous avons deux phrases. La première phrase, «L’État assure un service public», n’est plus remise en cause, je crois que ça, c’est acquis. Ensuite il y a deux phrases et il y a des amendements qui s’appliquent à la première phrase et des amendements qui s’appliquent à la deuxième phrase. Je vous propose tout d’abord de bien faire cette distinction. On prend les amendements qui s’appliquent à la première phrase d’abord, mais je dois d’abord avoir une clarification. M. Charotton maintient-il son amendement? Bon, M. Charotton retire son amendement, ce qui fait que nous avons tout d’abord une version «tenant compte de l’initiative et de la responsabilité individuelles» ou la version qui a été adoptée tout à l’heure, «en complément de l’initiative et de la responsabilité individuelles». Ce sera l’objet du premier vote. Une fois que ce premier vote sera intervenu, je vous propose de voter sur l’amendement Nordmann qui propose de supprimer tout ce début de première phrase. Ensuite, indépendamment de cette question, nous trancherons l’amendement Dépraz, c'est-à-dire qu’on garde, au fond, la première phrase, mais on la retourne avec l’introduction de la notion de la loi. Puis ensuite nous passerons à la deuxième phrase où nous voterons séparément sur les deux propositions de M. Recordon qui ont trait à la police et qui ont trait à la possibilité de retirer les délégations. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette manière de voir ou ai-je oublié quel-que chose? Oui, vous avez raison, Dépraz, c’est la troisième, ce n’est pas la deuxième. Mais ça ne change rien à la manière de voter. Je demanderai à M. Nordmann après ce qu’il veut faire. Alors, premier vote éventuel: nous partons de la pro-position Radicale, «en complément de l’initiative et de la responsabilité individuelles», opposée à «tenant compte de l’initiative et de la responsabilité individuelles». Ceux qui sont favorables à l’expression «en complément de l’initiative et de la responsabilité individuelles» le témoignent par un lever de main. Bien. Ceux qui sont favorables à la formule «tenant compte» ou «en tenant compte de l’initiative et de la responsabilité individuelles» le témoignent en levant la main. Oui, ça me paraît une majorité évidente. Pas besoin de compter, majorité évidente. Nous avons donc «en tenant compte de l’initiative et de la responsabilité individuelles». J’oppose maintenant cette phrase à la proposition de suppression présentée par M. Nordmann. Ceux qui sont favorables au maintien de la phrase le témoignent en levant la main. Ceux qui sont pour la proposition Nordmann — suppression de cette phrase — sont priés de le témoigner en levant la main. Je donne le résultat du vote. Vous avez décidé de maintenir la phrase «en tenant compte..». par 77 voix contre 57.

Nous passons maintenant à la deuxième phrase de cet alinéa. Tout d’abord l’amendement Dépraz. Alors ceux qui sont favorables à l’amendement Dépraz, c'est-à-dire, je relis l’amendement Dépraz, vous voyez l’amendement Dépraz, opposé au texte qui est le texte de la commission, mais qui est le même que le texte de l’amendement Radical. Ceux qui sont favorables à l’amendement Dépraz sont priés de le témoigner en levant la main. Oui. Avis contraires? Je crois qu’il y a une majorité à première vue, s’il n’y a pas trop d’abstentions. Majorité évidente pour rejeter l’amendement Dépraz. Nous passons maintenant aux amendements Recordon. J’attends qu’ils apparaissent à l’écran. Alors premier amendement Recordon — les deux amendements ne sont naturellement pas exclusifs, donc on les vote séparément — ceux qui sont favorables à l’adjonction des mots «à l’exclusion du domaine de la police» — donc nous ne remet-tons pas en cause ce qui a été acquis avant, c’est simplement une adjonction «à l’exclusion du domaine de la police» -, ceux-là sont priés de le témoigner en levant la main. Avis contraires? À une évidente majorité, l’amendement est rejeté. Deuxième amendement, je ne relis pas l’amendement, je pars de l’idée que vous l’avez sur le tableau et que tout le monde peut le lire [brouhaha]. Voilà, vous avez... C’est donc la deuxième phrase qui est en cause dans l’amendement Recordon. Est-ce que c’est clair pour chacun? Ceux qui sont favorables à l’inclusion de cette deuxième phrase tel que le propose M. Recordon sont priés de le témoigner en levant la main. Avis contraires? À une majorité évidente, l’amendement Recordon est rejeté. Je vous fais maintenant voter sur cet article tel qu’il a été adopté, c'est-à-dire c’était l’article que vous aviez adopté tout à l’heure, mais avec la modification «en tenant compte». Ceux qui sont favorables à cet article 2.3.2 tel qu’il a été voté maintenant sont priés de le témoigner en levant la main. Je vous prie de compter, c’est l’adoption d’un article. Ceux qui sont opposés à cet article sont priés de le témoigner en levant la main. Vous avez adopté l’article qui devient maintenant 2.3.1 puisqu’il n’y avait pas d’article avant, 2.3.1, vous l’avez adopté par 82 voix contre 43.

Article 2.3.1 et 2.3.2 — Service public et délégation des compétences
82 voix contre 43
L’État assure un service public. En tenant compte de l’initiative et de la responsabilité individuelles, il assume les tâches que la Constitution et la loi lui confient. Sous la responsabilité de l’État, certaines tâches peuvent être entièrement ou partiellement déléguées.

F Jean-François LEUBA

Mesdames et Messieurs, je constate que nous avons adopté un article ce matin, mais que nous en avons éliminé deux, donc on peut considérer que le résultat est quand même satisfaisant. Je vous propose d’interrompre la séance et de la reprendre à deux heures moins un quart dans ces lieux. Deux heures moins un quart, reprise de la séance. 

La séance est interrompue.

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 La séance est ouverte à 13.30.

Article 2.3.3 — Information du public et
Article 4.4.4 — Information publique

F Jean-François LEUBA

Il nous reste encore quelques articles jusqu’à ce que nous ayons terminé la Constitution Je n’aimerais pas commencer avec trop de retard. Nous passons à l’article 2.3.3 que nous traitons en même temps que l’article 4.4.4. La parole est à M. Bühlmann pour une déclaration préliminaire.

F Gérard BUHLMANN

Devant un auditoire restreint mais d’autant plus attentif, je vous en remercie, quelle bonne introduction sur l’article 2.3.3, qui est certainement moins important que celui que nous avons voté ce matin, mais qui est certainement tout également complexe parce que pas moins de cinq commissions en définitive ont jugé bon de parler de l’information ou de la liberté d’expression sous une forme ou sous une autre. Et j’aimerais essayer de scinder le débat. Il y a en fait trois groupes différents d’articles. Il y a tout d’abord un article que nous avons voté récemment, le 1.4 B, qui dit en substance que l’activité de l’État est exempte d’arbitraire et s’exerce de manière trans-parente. C’est donc une notion qu’on peut appeler ici de «passive». L’État doit fonctionner de manière transparente. Puis nous avons deux articles, c’est les deux qui nous occupent aujourd’hui et que le comité a — je dirais très utilement — mis en opposition ou tout au moins juxtaposés. C’est les articles 2.3.3. et 4.4.4 où on a là, alors, une action tout à fait active, où on dit au 2.3.3, «Le Canton et les communes informent», il y a donc une action, et au 4.4.4. où l’on parle également de l’information que peuvent donner les communes. Et puis il y a encore deux autres articles qui traitent de ce sujet, c’est les articles 3.14 et 561.2, qui eux parlent de la liberté d’information, de la liberté d’expression, qui sont donc un troisième débat et un troisième thème. Concernant les deux articles qui nous occupent aujourd'hui — 2.3.3. et 4.4.4 -, on voit que, de manière évidente, le premier alinéa du 4.4.4 a un recoupement évident avec le 2.3.3. Ce que le 4.4.4 ne dit pas ou n’évoque pas, c’est le principe de la transparence. Ce principe est ancré à l’article 1.4 B et nous vous proposons de le rappeler ici, ce n’est pas un rappel superflu. Nous pensons que l’article 2.3.3 — là où il est et formulé comme il est — for-mule clairement d’une part l’obligation faite aux collectivités publiques d’informer et de le faire dans la transparence. C’est donc un renversement de la situation actuelle où le citoyen doit essayer de quémander l’information dont il a besoin, alors que nous voulons clairement affirmer que l’État ou les collectivités publiques informent, et elles le font dans la transparence. Et notre commentaire dit clairement qu’elles le font dans le respect des intérêts privés ou publics prépondérants. Notre commentaire est très clair à ce sujet. J’en viens donc à vous faire une proposition concrète qui est de dire de supprimer l’alinéa 1 de [l’alinéa] 4.4.4 et de conserver l’article 2.3.3 tel qu’il vous est présenté. En tant que président de la commission 2, je n’ai pas à me prononcer sur les trois autres alinéas du 4.4.4, d’autres collègues vont le faire certainement, mais ma proposition est de dire, nous gardons le 2.3.3 tel qu’il est rédigé et vu qu’il y a un doublon évident, nous supprimons l’alinéa 1 du 4.4.4. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Bühlmann M. Kulling a la parole. Comme président de la commission 4.

F Jean-Pierre KULLING

J’interviens ici en effet au titre de président et de rapporteur de la commission 4 des droits politiques. La commission des droits politiques a estimé de son ressort de s’intéresser à l’information du public donnée par les autorités et il lui semble en outre qu’une base constitutionnelle explicite pourrait figurer dans le chapitre des «Droits politiques» aussi bien que dans celui des «Tâches de l’État». En effet, l’une des préoccupations de notre commission a été le désintérêt civique et l’abstentionnisme. Certes, nous n’aurons pas été les premiers, puisque comme nous l’apprend la très passionnante «Histoire des droits politiques dans le Canton de Vaud», qui est une thèse d’Olivier Meuwli, la commission constituante de 1861 a entendu le député Libéral de Lausanne, Paul Cérésole, vitupérer contre les abstentionnistes qu’il nommait «les in-différents et les lâches qui entravent le développement de la démocratie». Il faut dire qu’à cette époque on cherchait plutôt à contraindre qu’à convaincre, si l’on en croit le document que je vous présenterai tout à l’heure. Ce document est en effet exceptionnel. Il date de 1867 et il s’agit d’une des plus anciennes photographies à l’albumine de la collection iconographique du Musée de l’Élysée, dont je remercie la conservatrice pour m’avoir assisté dans cette recherche, et ce document a trait à la manière d’influencer les électeurs pour qu’ils votent ou pour qu’ils votent juste. Vous voyez qu’en dessous il est inscrit «arguments électoraux» et vous voyez la massue, et le morgenstern, qui étaient les très forts arguments électoraux de l’époque! Dans un texte entièrement nouveau — et j’insiste, entièrement nouveau par rapport à la Constitution actuelle — et sous son titre 4.4 intitulé, après bien des difficultés et des essais de trouver un titre exact, «Participation à la vie citoyenne», la commission des droits politiques a tenté de proposer quelques remèdes, et parmi ceux-ci un accent particulier sur l’information. Le but des quatre alinéas de l’article 4.4.4 est de développer les points suivants: a) l’information par les autorités cantonales et communales sur la vie publique et les grands projets, b) la communication entre les élus et les électeurs. Il existe des articles à visée semblable dans des Constitutions récentes, telle la neuchâteloise à l’article 51 et la jurassienne à l’article 68. Si les trois premiers de ces quatre alinéas, qui ont été affinés par deux débats successifs, ont fait l’objet d’un large soutien de la commission, il n’en a pas été de même pour le quatrième, dont la suppression a été admise au titre de variante et proposée à votre bon jugement. J’ai ainsi le plaisir de soumettre à votre discussion et à votre appréciation la version de la commission 4 sur le sujet de l’information donnée au public.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Kulling. Mme Bielman, comme représentante de la sous-commission qui s’est occupée de ce problème.

F Anne BIELMAN

Compte tenu du fait que nous n’avons appris qu’à la réception de l’ordre du jour - c'est-à-dire avant-hier pour certains — que l’article 4.4.4 serait débattu et mis au vote aujourd'hui, compte tenu du fait qu’en raison de ce délai très court cet article n’a pas été discuté en séance de groupe, sinon très brièvement ce matin, compte tenu du fait que l’article 4.4.4 a été élaboré par la sous-commission Participation à la vie citoyenne dans une démarche logique et que cet article s’insère dans un chapitre cohérent visant à la re-dynamisation de la vie politique, que cet article n’a pas été conçu en lien avec les tâches de l’État, et compte tenu enfin que seul l’alinéa 1 de cet article 4.4.4 concerne véritablement l’information au public et peut donc à ce titre être discuté aujourd'hui, la majorité des membres de la sous-commission Participation à la vie citoyenne demande la division de cet article 4.4.4. Une partie 1 intitulée «Information au public» correspondrait à l’alinéa 1, article 4.4.4, alinéa 1 et pourrait être mise en discussion aujourd'hui même. Une seconde partie intitulée «Formation de l’opinion» correspondrait aux alinéas 2, 3 et 4 de l’article 4.4.4 et devrait être replacée dans son contexte, dans le rapport de la commission Droits politiques pour y être discutée lors de l’examen de ce rapport. Je vous demanderai donc de bien vouloir prendre position sur cette subdivision de l’article 4.4.4. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

Bien, Mesdames et Messieurs les constituants, je crois qu’on doit traiter ça comme une motion d’ordre. La proposition de Mme Bielman serait donc que nous ne discutions ensemble que l’article 2.3.3 et le chiffre 1 du 4.4.4 et puis que nous renvoyons les chiffres 2, 3 et 4 à la discussion que nous aurons au moment de l’examen des «Droits politiques». J’ouvre la discussion sur cette... Je traite tout de suite cette question parce que ça ne sert à rien qu’on discute si l’on renvoie. J’ouvre la discussion sur cette motion d’ordre. La discussion est-elle utilisée? Ce n’est pas le cas. Y a-t-il une opposition à la proposition de Mme Bielman? Il n’y a pas d’opposition. Par conséquent, je considère que la proposition de Mme Bielman est acceptée et que dès lors nous traitons uniquement du 2.3.3, le 561.2, c’est une autre notion, comme l’a dit M. Bühlmann, donc on ne doit pas traiter le 561.2 maintenant. Nous traitons uniquement le 2.3.3 et le 4.4.4, chiffre 1. On est bien d’accord. Alors j’ai une proposition d’amendement du groupe Libéral. Qui présente cette proposition? M. Conod.

F Philippe CONOD

Le groupe Libéral a proposé la suppression du 2.3.3 parce qu’il faisait redondance avec l’article 1.4, lit. b). En revanche, nous sommes d’accord avec la teneur de l’article 4.4.1. On ne va pas garder deux dispositions semblables côte à côte.

F Jean-François LEUBA

Je suis désolé, mais alors là, je suis dépassé, M. Conod. Le 4.4.1, il n’est pas en question ici, le 4.4.1. Ah, c’est le 4.4.4, chiffre 1. Bon. Mme Jaeger.

F Odile JAEGER

Cet article 2.2.3 dans la commission thématique 2 a été largement soutenu par la grande majorité de la commission. Cette idée de transparence est une idée assez nouvelle qui répond à une exigence de la population qui se plaint toujours de l’opacité des décisions prises par les autorités cantonales ou communales. Cet article doit faire l’objet évidemment d’une loi d’application qui doit mettre des limites strictes à ce principe. Je vous renvoie du reste au commentaire qui a été fait sur cet article qui dit, je cite, «la loi déterminera les cas où la protection des intérêts publics et privés est réservée et qui en décidera». Il nous a semblé, dans la commission, que ce principe de transparence était en fait une tâche de l’État que l’on traitera plus tard — comme on l’a décidé — et qui poursuit un autre but, soit l’information au public. Nous estimons, que cette idée de transparence est véritablement une tâche de l’État. Les radicaux vont soutenir le projet de la commission thématique 2, l’article tel qu’il est présenté, mais par contre, ils vont évidemment la supprimer dans l’article 4.4.4 parce que ça fait effectivement redondance.

F Jean-François LEUBA

La situation me paraît relativement claire. Je ne sais pas si quelqu’un dans l’Assemblée propose de maintenir et le 2.3.3 et le 4.4.4, chiffre 1. Il y a, me semble-t-il, j’espère ne pas m’avancer trop en disant qu’il y a une redondance entre les deux articles, on peut choisir entre les deux versions, mais il faut choisir probablement entre les deux versions. Est-ce que quelqu’un souhaite encore s’exprimer pour l’une version ou pour l’autre? Ou est-ce que quelqu’un souhaite... Est-ce qu’il y a quelqu’un dans l’Assemblée qui souhaite maintenir les deux dispositions? Ça ne paraît pas être le cas, donc c’est ou la version 2.3.3, ou la version 4.4.4, je crois que c’est clair. Est-ce que quelqu’un souhaite encore s’exprimer à ce sujet? M. Bühlmann

F Gérard BUHLMANN

J’aimerais juste intervenir brièvement après l’intervention de mon collègue de commission Conod pour vous encourager à ne pas suivre l’amendement Libéral. J’ai essayé de le dire en préambule, l’article 1.4 B et l’article 2.3.3 ne sont pas redondants. L’article 1.4 B est un principe général que l’État travaille...

F Jean-François LEUBA

Je m’excuse de vous interrompre, je crois qu’on a déjà dépassé ce stade. Le stade de M. Conod, c’est de dire, on supprime le 2.3.3 au bénéfice du 4.4.4, chiffre 1.

F Gérard BUHLMANN

Non, non, non, non, M. Conod a clairement dit...

F Jean-François LEUBA

Ah, si, c’est ce que j’ai compris. Ce n’était peut-être pas clair, mais c’est ce que j’ai compris.

F Gérard BUHLMANN

Ce que M. Conod a dit, je l’ai encore noté et j’espère avoir bien écouté, il a dit que le 2.3.3 est redondant avec le 1.4 B. C’est bien ce qu’a dit M. Conod?

F Jean-François LEUBA

Oui, mais il se rallie au 4.4.4, chiffre 1.

F Gérard BUHLMANN

Écoutez, c’est ce qu’il a dit, c’est ce que j’ai entendu. Or je prétends avec d’autres qu’il n’est pas redondant avec le 1.4 B, c’est ce que j’ai essayé de dire en début de séance, à savoir que le 2.3.3 a une action active (l’État informe) et le 1.4 B pas. Donc je vous engage à ne pas supprimer le 2.3 B et à maintenir dans cet article la transparence, donc à le voter tel que la commission vous le propose.

F Jean-François LEUBA

Je constate que c’est toujours le même problème: est-ce qu’on garde le 2.3.3 ou est-ce qu’on garde le 4.4.4, chiffre 1? Donc c’est ça le vrai problème, puisque plus personne ne propose la suppression des deux. Bien, alors est-ce qu’on peut passer au vote? Alors j’oppose l’article 2.3.3 tel qu’il est formulé par la commission 2 à l’article 4.4.4, chiffre 1 tel qu’il est formulé par la commission 4. Je crois que le vote cette fois est d’une très grande clarté. Ceux qui sont favorables à l’article 2.3.3 sont priés de le témoigner en levant la main. Est-ce que je peux vous demander, il manque un des scrutateurs, on doit recommencer le vote. Alors ceux qui sont favorables à l’article 2.3.3 sont priés de le témoigner en levant la main. Bon, c’est une majorité évidente. Avis contraires? Oui, c’est une majorité évidente, il n’y a pas besoin de compter. Donc vous avez admis ici l’article selon la forme de la proposition de la commission 2, 2.3.3 et le chiffre 1 du 4.4.4 tombe. Nous faisons voter maintenant sur l’article tel qu’il a été accepté pour pouvoir compter, et là je demande à M. Fague de répartir ses scrutateurs correctement. Ceux qui sont favorables à l’article 2.3.3 sont priés de le témoigner en levant la main. Bien. Ceux qui sont opposés à l’article 2.3.3 sont priés de le témoigner en levant la main. Je donne le résultat du vote. Vous avez accepté l’article 2.3.3 par 81 voix contre 23. Je vous remercie.

Article 2.3.3 — Information du public
(81 voix contre 23)
Le Canton et les communes informent de leurs activités selon le principe de la transparence.

 

Article 4.4.4 — Information publique
Alinéa 1 refusé

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Article 2.3.4 — Sécurité et police et
Article 53—12 — Ordre public et sécurité

F Jean-François LEUBA

Nous passons dès lors à l’article 2.3.4. M. Bühlmann Je vous rappelle que nous le traitons en même temps que le 53—12.

F Gérard BUHLMANN

Trois alinéas que nous pourrions peut-être discuter séparément, ça simplifierait le débat, plus — et là c’est un peu dommage que le secrétariat ait mélangé des choses qui n’ont rien à voir sur la feuille de travail que vous avez — vous avez la proposition de majorité Conod où on dit «ajout d’un article après le 2.3.4» et le sous-amendement Roulet qui s’y rapporte où on parle aussi de «après le 2.3.4» qui n’a absolument rien à avoir avec le 2.3.4, mais qui a à avoir avec une proposition minoritaire de la commission qui n’a pas été numérotée puisqu’elle n’a pas eu l’heur de plaire à la commission 2. Donc là en tout cas, je propose qu’on traite séparément des propositions de minorité Conod, Roulet, voire Lévy, qui sont encore une fois des objets complémentaires. Trois alinéas. Le premier — contesté par l’amendement du groupe Libéral puisque l’amendement du groupe Libéral vise à supprimer le premier alinéa — est un alinéa fort. Au même titre que nous avons voulu dans le 2.3.1 un premier alinéa fort, «L’État assure un service public», nous avons voulu dans cet article un alinéa fort, «L’État détient le monopole de la force publique» — ce qui ne l’empêche en rien de déléguer, puisqu’on a vu qu’il pouvait le faire — mais il en a le monopole. Je vous encourage ici à suivre l’avis de la commission et à maintenir ce premier alinéa. Le deuxième alinéa précise que «Les Cantons et les communes assurent l’ordre public et la sécurité des biens et des personnes». C’est un alinéa qui est parfaitement complémentaire à celui que nous avons voté dans le cadre de la commission 6, où on voit qu’il y a une autonomie communale sur l’ordre public local. Donc aucun problème de collision avec cet article-là. Et puis le troisième alinéa qui fait que nous traitons aujourd’hui le 53—12. Ce troisième alinéa est un doublon avec le 53—12 et en fait, cet alinéa tient plus des compétences réciproques du Gouvernement et du Parlement que d’une tâche de l’État. C’est pour ça que la commission 2 ne s’oppose pas à ce que cet alinéa 3 soit en fait traité dans le chapitre du 53—12. Et là nous avons une proposition du groupe Radical qui vise le même but que l’alinéa 3 que nous vous proposons, avec deux différences majeures, l’une c’est de permettre au Conseil d’État de prendre toutes les mesures nécessaires et pas seulement de recourir à la force publique, et l’autre de lui permettre d’agir sans base légale, ce qui est bien le but de cet article, parce que s’il agit dans le cadre d’une base légale, il n’y a pas besoin de le mentionner dans la Constitution, c’est le pain quotidien du Conseil d’État d’agir sur base légale. Donc c’est clair que c’est bien ce que veut traiter l’article ou l’amendement proposé par le groupe Radical. Donc en substance je vous propose de maintenir l’alinéa 1, de maintenir l’alinéa 2 et de discuter de l’alinéa 3 en fonction des propositions faites, mais qui pourrait trouver effectivement sa place dans le chapitre 53. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Bühlmann. M. Bühlmann fait la proposition que nous ne traitions pas de ce qui concerne typiquement la justice en même temps que les problèmes de la sécurité et de la police. Nous verrons après si l’on le traite tout de suite ou si l’on le renvoie. Je propose qu’on fasse la même chose pour l’amendement de Mme Weill-Lévy, ça ne veut pas dire qu’on ne le traitera pas, mais ça veut dire qu’on devrait d’abord limiter la discussion vraiment à l’article 2.3.4 tel qu’il est présenté, puis en-suite on verra s’il y a des adjonctions à faire. Je pense que c’est la meilleure manière de discuter. Alors de ce côté-là nous avons un amendement du groupe Libéral. Qui s’exprime au nom du groupe Libéral? M. Conod.

F Philippe CONOD

Le groupe Libéral propose la suppression de l’alinéa 1, non pas parce qu’il estime que ce n’est pas un élément fort, mais simplement parce que l’État vaudois ne peut pas avoir le monopole de la force publique. Nous vivons dans un État confédératif, nous oublions la Confédération et mettre dans la Constitution l’idée d’un monopole de l’État vaudois est une chose fausse. On comprend néanmoins tout à fait — et là nous la partageons — l’idée, mais il me semble que cela pourrait figurer dans l’exposé des motifs. Celle-ci — qui peut tout à fait être mise en application par l’alinéa 2 — est d’éviter qu’il y ait des milices privées. C’est un but auquel tout le monde peut souscrire. On n’a pas envie d’avoir des dérapages et autres comme on peut le voir dans certains pays, mais il faut rester logique et surtout il faut respecter le droit et l’on ne peut pas parler de monopole alors qu’il n’y a pas monopole. En revanche, on le voit à l’alinéa 2; c’est bien le Canton et les communes qui assurent l’ordre public et la sécurité des personnes et des biens sur le territoire, à l’exclusion de toute milice qui voudrait se proclamer milice, etc. etc. Je ne parlerai pas maintenant de l’alinéa 3, je me permettrai d’y revenir dans le cadre de la discussion ultérieure.

F Jean-François LEUBA

Je m’aperçois que j’aurais dû d’abord donner la parole à M. Ostermann comme président de la commission 5.

F Roland OSTERMANN

M. le président a indiqué qu’il souhaitait traiter l’article 53—12 de la commission 5. Le président de cette commission n’est pas pris au dépourvu puisque, relevant son courrier électronique ce matin à 0:40 heures après une journée d’absence, il a été dûment averti par un message urgent du jour. Ses recherches nocturnes pour recenser les arguments de la commission 5 vous sont donc livrés après dissipation, je l’espère, des brumes matinales. Lorsque la commission 5 a débattu de la question de l’ordre public, elle a progressivement effeuillé les textes qui lui étaient proposés pour en arriver à la proposition suivante très synthétique et pure comme le cristal: «Le Conseil d'État répond de la sécurité et de l’ordre publics». Cela implique que la loi et le Grand Conseil doivent lui en donner les moyens. On admet par cette formulation laconique que le Conseil d'État puisse évidemment utiliser ces moyens et, ajouterais-je, ceci même sans base légale lorsque certaines circonstances exceptionnelles et imprévisibles se présentent. Nous avons souhaité ne pas faire figurer explicitement qu’il dispose des forces militaires. Cette allusion n’apporterait pas une touche vraiment ludique à notre Constitution. Il faut rappeler que l’article 58 de la Constitution fédérale précise que «les Cantons peuvent engager leurs formations pour maintenir l’ordre public sur leur territoire lorsque les moyens dont disposent les autorités civiles ne suffisent plus à écarter une grave menace pesant sur la sécurité intérieure». En disant que le Conseil d'État répond de la sécurité et de l’ordre publics, on lui délègue donc la maîtrise des moyens. Une minorité de la commission préfère, elle, énumérer explicitement les for-ces dont le Conseil d'État dispose, à savoir les forces policières et militaires. En tout état de cause, il nous paraît donc que l’article tel que nous l’avons rédigé en toute concision répond très exactement aux besoins d’assurer la sécurité et l’ordre publics dans des conditions idoines.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. le président de la commission. Il y a une proposition de minorité de Luze. Je ne vois pas M. de Luze dans la salle. Est-ce qu’un autre membre de cette minorité souhaite défendre cette proposition? Cela ne paraît pas être... M. Fague.

F Sébastien FAGUE

Étant membre de la minorité de Luze, en l’occurrence de Luze-Fague, je me sens obligé de quand même venir juste prendre la parole pour donner en tout cas mon point de vue, en vue de ce qui suit et notamment de l’amendement du groupe Radical. Pour ma part, je pense que c’est plus simple de se rallier à ce que propose le groupe Radical. Mais maintenant pour défendre le point de vue qui était exposé par mon collègue, c’était bien sûr pour laisser un peu le statu quo et le texte actuel qui est dans la Constitution à l’article 61, qui précise bien cette possibilité d’utiliser les forces militaires. Mais comme on sait qu’il y a pas mal de changements en la matière en ce moment, je pense qu’il peut être tout à fait d’accord avec moi pour se rallier à l’amendement des Radicaux. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

Est-ce que je peux déduire que l’amendement de Luze est retiré au profit de l’amendement Radical? Merci, ça simplifiera les votes. Il y a un amendement du groupe Radical. Qui est-ce qui s’exprime pour le groupe Radical? Mme Luisier.

F Christelle LUISIER

L’article 2.3.4, alinéa 3, de la commission entre dans le détail des compétences du Conseil d'État en cas de circonstances extraordinaires. Il s’agit donc d’un sujet qui doit typiquement être traité dans le chapitre sur les «Autorités», et non dans les «Tâches de l’État». C’est d’ailleurs cette solution qui a été retenue dans les constitutions cantonales récentes, je vous cite par exemple l’article 91 de la Constitution bernoise, ou encore les articles 74 et 75 de la Constitution neuchâteloise. Maintenant pour en venir au contenu, si l’on regarde de plus près les articles élaborés par la commission 5 sur les compétences du Conseil d'État, on constate qu’il y a tout d’abord un premier article général sur les compétences en matière de sécurité et d’ordre public, mais qu’il n’y a rien de spécifique sur les attributions du Conseil d'État en cas de circonstances extra-ordinaires. Le groupe Radical a considéré qu’il y avait là lacune et nous l’avons com-blée en reprenant sous une forme modifiée à la fois l’article 2.3.4, alinéa 3, proposé par la commission ainsi que des textes et des articles bernois et neuchâtelois. Nous vous proposons un nouvel article qui est formulé de la manière suivante: «Le Conseil d'État peut, sans base légale, prendre toutes les mesures nécessaires pour parer à de graves menaces ou à d’autres situations d’exception. La loi fixe la procédure de ratification par le Grand Conseil». Cette formulation est plus large que celle qui est prévue par la commission à l’article 2.3.4. En effet, pour parer à des situations de crise, il ne suffit parfois pas d’engager des forces militaires, il faut encore pouvoir prendre d’autres mesures, par exemple d’ordre réglementaire, et ce en dérogation du principe de la séparation des pouvoirs. C’est pourquoi l’article proposé parle de «toutes mesures nécessaires» pour faire face à des cas d’exception. Je tiens à souligner que l’engagement des forces militaires n’est pas expressément mentionné dans cet article, mais qu’il est sous-entendu de manière implicite. L’avantage de ce système réside dans le fait que si d’aventure les forces cantonales devaient être supprimées, il n’y aurait pas besoin de passer par une révision constitutionnelle. Enfin, encore deux mots pour souligner l’importance de la dernière phrase de l’article, «La loi fixe la procédure de ratification par le Grand Conseil». En effet, si des compétences extraordinaires sont données au Conseil d'État pour des cas d’urgence, le Parlement doit ensuite pouvoir ratifier ces mesures dans les meilleurs délais afin de contrôler ce qui a été fait. Je vous remercie et je vous invite donc à soutenir cet amendement.

F Jean-François LEUBA

Merci, Mme Luisier. J’aimerais préciser que, comme je l’ai indiqué au début, le fait que nous discutions actuellement du 53—12 ne préjuge pas de son emplacement final, qu’il soit dans le chapitre des «Organes de l’État» ou qu’il soit maintenant dans le chapitre des «Tâches de l’État», nous discutons simplement du fond et manifestement il y a une corrélation entre le 2.3.4 et le 53—12. Bien. M. Nicolas Morel a demandé la parole.

F Nicolas MOREL

J’aimerais dire un mot préliminaire: je trouve dommage que M. Conod n’ait pas discuté ou évoqué ce problème relatif à l’alinéa 1, à savoir que le monopole de la force publique ne peut pas être détenu par l’État dans le cadre de la commission, parce qu’il me semble que le problème était relativement clair. Mais je comprends très bien son objection et je vous propose un amendement pour tenir compte de cette objection -donc concernant uniquement l’alinéa 1 — en disant qu’il s’agit uniquement des forces publiques ou de la force publique — je ne sais pas quelle est la meilleure formulation — du Canton. Je vous propose la formulation suivante: «L’État détient le monopole des forces publiques du Canton». Il sera alors effectivement clair qu’il ne peut pas s’agir de forces publiques dépendant de la Confédération.

F Pierre FARRON

Pour tenir compte de l’objection de Philippe Conod, je crois que la meilleure solution, en pensant à l’article qui figure dans la Constitution fédérale que je vous relis brièvement, article 57, «Sécurité»: «La Confédération et les cantons pourvoient à la sécurité du pays et à la protection de la population dans les limites de leurs compétences respectives». Alors je crois que la meilleure solution serait d’ajouter au tout début de la phrase «dans les limites de ses compétences,..». et de laisser la suite de la phrase inchangée. J’ai déposé ça sous forme d’amendement.

F Jean-François LEUBA

Des gestes de M. Morel je déduis qu’il retire son amendement au profit de l’amendement Farron. Alors l’amendement Morel est retiré. On en est à l’amendement Farron qui reçoit l’appui de M. Morel. Bien. La discussion continue. Qui souhaite s’exprimer? Alors voyons... Je vois M. Gonthier, je crois, et puis M. Conod. M. Gonthier

F Alain GONTHIER

Tout à l’heure, quand nous discutions de l’initiative et de la responsabilité citoyennes, on nous parlait d’un État tentaculaire, que l’État toujours veut élargir sa sphère de pouvoir et qu’il est tentaculaire. On nous peignait le diable sur la muraille. Je me de-mande dans quelle mesure, quand nous discutons du 53—12, nous ne discutons pas d’un État totalitaire. Ceux qui sont toujours contre l’État trop important, qui sont pour le moins d’État, tout à coup aujourd’hui nous proposent que sept bonshommes élus [brouhaha]... cinq, élus une fois, puissent du jour au lendemain prendre «toute mesure », «sans base légale», toute mesure utile. C’est l’état d’exception. Alors je de-mande, pourquoi sans base légale? Pourquoi les procédures et les cas particuliers ne devraient-ils pas être prévus? Ne devrait-il pas y avoir des critères légaux à une telle décision? Et cet article, de surcroît, me semble très difficile à discuter sans que ce soit dans un cadre, une vision globale des compétences des différentes autorités et de leurs rapports entre elles. C’est pourquoi, dans un premier temps, je proposerai que nous extrayons cet article 53—12 et le dernier alinéa de l’article qui nous est proposé de la discussion d’aujourd'hui et que nous discutions dans le cadre de la discussion globale sur les autorités du Canton. Si cette procédure ne devait pas être suivie, je proposerais comme amendement la suppression pure et simple du 53—12.

F Jean-François LEUBA

Merci, M. Gonthier. C’est votre droit absolu de faire cette proposition mais j’aimerais quand même attirer l’attention de la Constituante sur le fait que si l’on renvoie toujours dans un autre débat à peu près chaque fois qu’on a une difficulté, on ne va pas avancer extrêmement rapidement. Mais vous avez parfaitement le droit de faire cette proposition. Je la prends comme motion d’ordre. M. Gonthier propose dès lors qu’on renvoie, si je comprends bien, l’alinéa 3 du 2.3.4 et le 53—12 à une discussion ultérieure. C’est ça la proposition de M. Gonthier. La discussion est ouverte sur la motion d’ordre. Est-ce qu’elle est soutenue par vingt constituants? Elle ne me paraît pas être soutenue par vingt constituants, si je compte rapidement. Dans ces conditions, la motion d’ordre est considérée comme rejetée. Nous continuons donc la discussion sur l’ensemble. M. Gonthier a déjà développé sa proposition de suppression de l’alinéa 3 et du 53—12. M. Conod avait demandé la parole, puis Mme Salamin.

F Philippe CONOD

Je serai peut-être moins affirmatif que ce matin: je vous dirai qu’une partie du groupe Libéral et indépendant dans sa diversité peut se rallier à l’amendement Farron. Concernant la proposition radicale, on nous dit qu’il peut y avoir une situation d’exception où les dispositions légales ne permettent pas à l’État de réagir en temps utile. Nous avons une loi du 23 février 1983, sur la défense civile, dit en son article 3: «Il y a état de nécessité lorsqu’en raison d’une guerre, d’une crise ou d’une catastrophe, la répartition ordinaire des compétences ne suffit plus pour que soient prises à temps les mesures exigées par les circonstances». Puis on nous dit, oui, mais attention, quelles sont les mesures qui pourraient être prises ou bien dans quel cas pourrait-on les prendre? Mais justement, s’il y a une situation d’exception, c’est qu’elle n’est pas prévue. Et l’on a connu des situations de ce genre-là. En 1976, lorsqu’il y a eu la sécheresse, les paysans ont été autorisés à mener le bétail dans les forêts, ce qui est absolument interdit normalement, pour protéger des arbres. Il a aussi été permis de pomper l’eau dans les rivières pour éviter que toutes les cultures ne se dessèchent. C’est un élément qui est important et il n’y avait pas de base légale pour le faire. Nous étions dans le cadre d’une situation exceptionnelle. Je pourrais donner un autre exemple. Admettons tout à coup qu’il y ait une réunion de gens portant des casques noirs et des petits insignes dans une petite commune où manifestement il n’y ait pas les possibilités d’intervenir en temps utile. Il faut que le Gouvernement — parce que c’est une tâche du Gouvernement — puisse réagir de suite. Mais il est clair en tout cas que pour un esprit libéral, il ne peut pas y avoir de décision sans base légale s’il n’y a pas un contrôle. Et l’on a passé comme chat sur braise sur la ratification, or il me paraît que c’est là l’élément essentiel. En cas d’urgence, en cas de nécessité, le Gouvernement peut prendre des mesures qui vont déroger à des dispositions légales tout à fait claires et bien établies, mais alors il faut — et ce sera à la loi de prévoir les modalités, à moins que vous n’en décidiez autrement — très rapidement une réunion du Grand Conseil — du Parlement plutôt — qui va lui ratifier ou non les décisions prises. Et s’il n’y a pas de ratification, les mesures tombent. Dans les propositions de la commission 5, on nous propose un Gouvernement fort. Admettons — on n’a peut-être pas sept bonshommes, mais enfin — sept gouverneurs un peu rudes qui tout à coup, pour un prétexte quel-conque, décident de prendre des mesures d’exception, il faut qu’il y ait un contre-pouvoir et il n’est pas possible d’admettre des mesures d’exception s’il n’y a pas un contre-pouvoir qui permet au Parlement de dire, «ces mesures sont justifiées ou non» et, le cas échéant, de les ratifier. C’est la seule manière de nous garantir, de garantir à chaque citoyen que ces mesures ne seront pas prises dans l’arbitraire. C’est un élément d’importance.

F Lauréane SALAMIN MICHEL

L’article de la commission 2 remis en question par l’amendement du groupe Radical, visait surtout l’utilisation des forces militaires et voulait en limiter l’usage par la phrase «la loi fixe les compétences du Gouvernement». Le parti Radical, par son amendement, a voulu élargir les possibilités d’intervention du Conseil d'État en cas d’urgence. Il est cependant important que la loi donne les critères selon lesquels le Conseil d’État peut prendre des mesures d’urgence. C’est pourquoi, si l’amendement du groupe Radical devait passer, la dernière phrase devrait être: «la loi fixe les compétences du Gouvernement et la procédure de ratification par le Grand Conseil». C’est pourquoi, si jamais la proposition du groupe Radical devait passer, nous souhaiterions que la dernière phrase ne soit pas «la loi fixe la procédure de ratification» mais «la loi fixe les compétences du Gouvernement et la procédure de ratification par le Grand Conseil». Est-ce que vous avez compris? [brouhaha] [rires] En fait, pour nous, c’est important qu’il y ait... justement avant, quelqu’un a parlé de critères à donner, et la loi doit donner ces critères pour savoir quand est-ce que le Conseil d'État peut prendre des mesures d’urgence, donc c’est pour ça qu’il faudrait que la loi ne fixe pas seulement le processus de ratification, mais aussi les compétences du Gouvernement, quand est-ce qu’il peut intervenir de manière urgente. Merci.

F Daniel BOVET

L’amendement de M. Farron, qui rappelle les compétences fédérales dans l’article 2.3.4, alinéa 1, lève en effet l’une des objections qu’on pouvait faire à cet alinéa. Mais il en reste une deuxième: l’État, ce n’est pas les communes; or, je crois que nous tenons à réserver aux communes le droit de disposer de la force publique qui leur appartient. Ou bien, admet-on que les communes soient des organes de l’État? C’est une manière de concevoir les relations entre l’État et les communes; dans ce cas, pourvu qu’on interprète correctement le mot «État», on pourrait s’en contenter. Mais l’esprit dans lequel nous entendons élaborer cette Constitution tend à préciser et à étendre autant que possible l’autonomie communale; ne conviendrait-il pas alors de mentionner explicitement les communes dans l’alinéa en question? La solution que vous propose le groupe Libéral, c’est de supprimer tout simplement cet alinéa et de s’en tenir à l’alinéa 2, «Le Canton et les communes etc.», qui rappelle explicitement les communes. Malgré l’amélioration proposée par M. Farron, je vous invite donc à maintenir la suppression que vous propose le groupe Libéral.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Bovet. Mme Wettstein a la parole. J’ai l’impression qu’on arrive gentiment au bout de la discussion. Je résumerai la situation. Mme Odile Jaeger, oui, après Mme Wettstein.

F Irène WETTSTEIN MARTIN

Oui, au sujet de l’amendement du groupe Libéral sur l’article 53—12, il y a un danger: nous ne savons pas de quoi est fait l’avenir. Alors l’avantage d’avoir une base légale qui détermine quelles sont les mesures que l’on peut prendre, c’est qu’on évite des dérives. Alors je suis d’accord, en cas de sécheresse, il est une évidence que si l’on doit mettre le bétail dans la forêt, on le fera, pas besoin de base légale pour cela. Par contre, il est clair qu’une mesure [brouhaha] nécessaire, cela pourrait être — excusez-moi de vous provoquer — la dissolution du Parlement. Comment alors un Parlement dissous pourrait-il ratifier une mesure d’urgence, nécessaire peut-être, prise par le Conseil d'État? Voilà le danger. Nous savons bien que des situations politiques peu-vent changer très rapidement, sans que parfois on ait le temps de voir arriver le changement.

F Odile JAEGER

Je voudrais revenir à l’amendement Radical. Je ne voudrais pas redire tout ce qu’a dit la représentante du parti Radical qui a très bien parlé sur la possibilité beaucoup plus grande d’intervenir que les forces militaires On pourrait intervenir dans tous les domaines, ça peut être la police, ça peut être aussi les pompiers, ça peut être d’autres mesures de sécurité qui sont prises par le Gouvernement. Mais je voudrais revenir à ce qu’a demandé Mme Salamin qui voudrait qu’on rajoute que la loi fixe les compétences du Gouvernement. Comment peut-on dans une loi tout prévoir, tous les événements qui pourraient arriver, toutes les menaces possibles et imaginables? M. Conod a très justement cité plusieurs cas, mais il y en a d’autres, je pense par exemple à l’événement Lothar. Il a fallu prendre aussi des dispositions urgentes pour conserver le bois etc. Il y a eu aussi un autre événement, si vous vous souvenez, il s’agit de la listériose, sur le vacherin. Là, le Conseil d'État a dû prendre une mesure d’urgence, il a interdit du jour au lendemain la fabrication de ce fromage. Alors comment est-ce qu’on pourrait fixer dans la loi tous ces événements imprévisibles? C’est pour ça que je pense que le texte de l’amendement Radical est très clair: «La loi fixe la procédure de ratification par le Grand Conseil» et l’on ne peut pas aller plus loin. C’est impossible de fixer dans la loi toutes ces menaces possibles et imaginables.

F Jean-François LEUBA

Bien. Je redonnerai la parole au président de commission pour terminer. Je crois que plus personne ne demande la parole. M. Bühlmann a encore la parole.

F Gérard BUHLMANN

Concernant l’alinéa 1, je vous engage à soutenir l’amendement Farron qui précise la volonté de la commission. Je vous engage bien évidemment à rejeter alors l’amendement repris par M. Bovet, mais enfin l’amendement Conod. Je crois qu’il est faux de voir une quelconque atteinte à l’autonomie communale. L’article 6.1.4, je vous le relis quand même très rapidement, dit: «Les communes disposent d’autonomie en particulier dans les domaines suivants» — et il y a l’ordre public — et le deuxième alinéa du 2.3.4 dit: «Le Canton et les communes assurent l’ordre public». Donc je crois que c’est clair, l’autonomie communale n’est absolument pas touchée et je vous engage donc à maintenir l’alinéa 1, modifié selon l’amendement Farron, «dans les limites de ses compétences..». etc. Pour l’alinéa 3, on dit toujours que l’emplacement de l’article sera décidé ultérieurement par la commission de rédaction. Or là, ça a quand même une certaine importance, parce que ou bien nous sommes dans le chapitre «Sécurité et police» et alors l’article, l’alinéa de la commission 2 est le bon. Nous parlons de sécurité, nous parlons donc de force militaire et nous fixons une loi qui détermine les compétences du Gouvernement, plus une procédure de ratification. C’est un chapitre «Sécurité». Ou bien nous disons, non, ce dont nous parlons, c’est en fait les compétences du Gouvernement et le Gouvernement doit agir dans des situations d’urgence. Heureusement, heureusement, ça n’est pas dans des problèmes de sécurité, c’est des problèmes en général de catastrophes naturelles — on pense au Pis-sot, on pense à Lothar, on pense à la sécheresse, etc. — et alors là, le débat est différent. C’est-à-dire qu’il faut élargir à «toutes les mesures possibles» parce que ça sera peut-être l’engagement de la troupe pour déblayer, mais ça peut être beaucoup d’autres mesures et alors là, il me paraît illusoire de vouloir une loi qui fixe les compétences, parce que la situation d’urgence, elle n’est jamais prévisible. Donc j’entends, je crois qu’on parle en définitive quand même de deux choses différentes. L’emplacement de cet article devrait déterminer son contenu. Nous sommes aujourd'hui à discuter du 2.3.4 et je maintiens que, là où il est, le 2.3.4 proposé par la commission 2 est la bonne rédaction. Si nous voulons le mettre ailleurs, c’est un autre débat. Mais je pense qu’on devrait se déterminer là-dessus, sinon on risque d’avoir un article qui ne sera pas du tout adapté à l’emplacement où il est.

F Jean-François LEUBA

Bien. Je croyais que le président de la commission s’exprimerait en dernier, mais M. Farron... Ah, non, M. Farron renonce. J’ai pris acte de l’objection de M. Bühlmann. Il me paraît quand même qu’il est difficile de ne pas avoir un certain doublon entre l’alinéa 3 du 2.3.4 et le 53—12, en tout cas ce qui a été appelé 53—12 bis qui est l’amendement Radical. Il me semble que cet amendement Radical prend place... qu’il prenne place comme troisième alinéa du 2.3.4 ou qu’il soit ailleurs, je crois quand même qu’on ne peut pas avoir les deux textes. Alors, si vous voulez les deux textes, il faut que quelqu’un justifie ces deux textes. Alors vous déciderez si vous voulez garder les deux textes. Je propose de voter de la manière suivante: première votation, il s’agit de l’alinéa 1 de... Écoutez, moi je veux bien, mais quand le président de la commission s’exprime et après M. Bühlmann devra à nouveau s’exprimer. M. Gonthier. Ah, vous retirez votre amendement, mais alors vous avez toujours la parole pour dire des choses pareilles! [rires] [applaudissements] L’amendement Gonthier étant retiré, nous avons, si je vois bien, tout d’abord l’amendement Farron qui veut faire une adjonction à l’alinéa 1. Je vous propose d’opposer l’alinéa 1 tel qu’il est rédigé par la commission à l’amendement Farron. Ceux qui sont favorables à l’amendement Farron, c'est-à-dire de dire «dans les limites de ses compétences..». etc. sont priés de le témoigner en levant la main. Oui, pas besoin de compter, c’est une majorité évidente, simplement ceux qui sont opposés sont priés de lever la main. Deux oppositions si je vois bien, donc c’est une majorité évidente. L’alinéa est complété par l’amendement Farron. Maintenant se pose la question de l’amendement Libéral, suppression de l’alinéa 1. Ceux qui sont favorables à la suppression de l’alinéa 1 sont priés de le témoigner en levant la main. Oui, on ne va pas compter, on va demander les avis contraires. Oui, il y a une majorité évidente pour le maintien de l’alinéa 1 avec l’adjonction Farron. L’alinéa 2 ne me paraît faire l’objet d’aucune contestation. À l’alinéa 3 se posent deux questions: est-ce qu’on prend l’alinéa 3 tel qu’il est proposé par la commission ou l’alinéa 3 du groupe Radical ou les deux? Les deux solutions sont possibles. Je pose la question tout d’abord... Alors il faut voir comment il faut poser la question. Indépendamment de chacun, ceux qui sont favorables à ce qu’on ait les deux dispositions — c'est-à-dire l’une à l’article 2.3.4 et l’une au 53—12 qui sera 53—12 bis, peu importe — sont priés de le témoigner en levant la main. Ceux qui veulent les deux dispositions. Avis contraires? Une majorité évidente. Il y aura donc une seule disposition. Alors maintenant j’oppose l’alinéa 3 — sans préjuger de la place, je le répète -, j’oppose l’alinéa 3 du 2.3.4 au 53—12 bis, c'est-à-dire à l’amendement Radical. Ceux qui sont favorables à l’amendement Radical sont priés de le témoigner en levant la main. Peut-être qu’il faut compter, bien que ça me paraisse assez clair. Comptez quand même. Ceux qui sont pour le texte de la commission sont priés de le témoigner en levant la main. Je donne le résultat du vote. Vous avez approuvé l’amendement Radical par 69 voix contre 50. Maintenant il y a l’amendement Salamin qui est un amendement justement qui entre en ligne de compte puisque vous avez approuvé l’amendement Radical. Est-ce que Mme Papaux peut mettre l’amendement Salamin? Voilà. Il s’agit donc de la dernière phrase simplement de l’amendement Radical. L’amendement Radical dit: «La loi fixe la procédure de ratification par le Grand Conseil» et Mme Salamin dit: «La loi fixe les compétences du Gouvernement et la procédure de ratification par le Parlement». Ceux qui sont favorables à l’amendement Salamin sont priés de le témoigner en levant la main. Avis contraires? Alors il y a une majorité évidente pour repousser l’amendement Salamin. Je crois que l’article 2.3.4, «Sécurité et police», lui, il est réglé. Maintenant se pose la question: est-ce que nous discutons maintenant — bien qu’il ne soit pas indiqué parce que c’étaient des propositions de minorité ou des amendements - de la proposition de minorité Conod, du sous-amendement Roulet et de l’amendement Weill-Lévy? Mme Weill-Lévy. Ah, oui, oui. J’ai oublié le 53—12. M. Ostermann a parfaitement raison. Je suis tellement pressé d’avancer que j’oublie certains votes. Alors il reste le 53—12 qu’on peut admettre en plus de ce qu’on a fait ou alors le supprimer. Compte tenu des votes qui sont intervenus, il y a les deux possibilités. Ceux qui sont favorables au maintien de l’article 53—12... M. Ostermann n’est pas d’accord.

F Roland OSTERMANN

On ne peut pas garder un des articles et puis se demander si l’on supprime ou non l’autre. Je crois qu’il faut les opposer. [brouhaha]

F Jean-François LEUBA

Ah, non, non, non, non, non.

F Roland OSTERMANN

L’article 53—12 n’a jamais été mis en compétition avec des articles qui disent plus ou moins la même chose, en des termes différents ou avec des fioritures. Mais cet article-là n’a jamais foncièrement été opposé à un quelconque article. On ne peut pas dès lors le rajouter comme ça, il peut très bien prendre la place d’un article plus compliqué.

F Jean-François LEUBA

Alors se pose la question... Je vais reposer la question que j’avais posée tout à l’heure: veut-on maintenir le 2.3.4 et le 53—12? Et si vous votez NON, alors on choisira entre les deux. Ça revient au même de ce que je proposais tout à l’heure, mais M. Nordmann a encore une autre solution. [brouhaha]

F Roger NORDMANN

Je propose que ce 53—12 soit discuté quand on établit la répartition systématique des pouvoirs entre législatif et exécutif, quand on discute, dans le chapitre 5, c'est l’endroit, puisque ce 53—12, là, comme il est ici, fait partie d’une systématique. Ici, ce qu’on vient de discuter, c’est une compétence spécifique pour les cas de crise, le principe du monopole de la force publique, donc je trouve que ça n’a pas vraiment quelque chose à voir et ce serait plus logique de discuter à ce moment-là avec une des autres systématiques, raison pour laquelle je fais une motion d’ordre demandant de ne pas discuter maintenant de cet article et de le discuter quand on discute des autres compétences du Conseil d'État, à la 5, ce qui paraît plus logique. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

C’est peut-être plus logique, mais ça déroge à ce que nous avions décidé, c'est-à-dire qu’on traitait des sujets et non pas des articles suivant l’orientation et la perspective, mais moi, ça m’est égal, si vous préférez recommencer une discussion sur l’ordre public, on peut la recommencer au moment où on discutera de la répartition des compétences Est-ce que la motion d’ordre de M. Nordmann est appuyée par vingt membres? Ça paraît le cas. Bien. Cela étant, j’ouvre la discussion sur la motion d’ordre Nordmann. Qui souhaite s’exprimer sur la motion d'ordre Nordmann? Personne. Je clos la discussion. Je mets au vote la motion d'ordre Nordmann. Ceux qui veulent renvoyer l’article 53—12 à la discussion des «Organes de l’État» sont priés de le témoigner en levant la main. Il faut compter. Ceux qui sont d’avis que le 53—12 doit être discuté maintenant sont priés de le témoigner en levant la main. Je crois que ça fait une majorité, mais il faut compter quand même pour plus de sécurité. Je donne le résultat du vote. La proposition de M. Nordmann est repoussée par 53 NON contre 50 OUI. J’avais raison de faire compter. Nous discutons maintenant dès lors... Maintient-on le 2.3.4 plus le 53—12 ou choisit-on un des deux? C’est la proposition de M. Ostermann, non pas de choisir un des deux mais d’avoir cette opposition maintenant. Mme Bielman. Oui, oui, allez-y, dès le moment où c’est le désordre, tout est possible. [rires]

F Anne BIELMAN

C’était justement pour arranger un peu ce désordre que je voulais poser une question. J’aimerais savoir si l’amendement Radical que nous avons voté tout à l’heure est une partie du 2.3.4 ou une partie du 53—12 bis.

F Jean-François LEUBA

C’est une question qu’il faudra poser à la commission de rédaction qui nous dira où elle met le 53—12 bis et vous aurez l’occasion de vous prononcer sur la proposition de la commission de rédaction. Si l’on met toutes les questions, on n’arrivera jamais à s’en sortir. Je repose la question. M. Bühlmann.

F Gérard BUHLMANN

L’intervention de Mme Bielman va exactement dans le sens du message que j’ai essayé de faire passer et je redis une fois ma perplexité de laisser de très grandes libertés à la commission de rédaction. Alors on aura affaire à sept sages, qui seront prudents, ils nous l’auront dit. Néanmoins, de mettre un article à un endroit ou à un autre, ça n’est pas innocent et les deux alinéas qu’on a opposés, c'est-à-dire l’amendement Radical et celui que vous proposait la commission 2 traitaient — j’ai essayé de le dire et je le redis — des sujets différents. L’alinéa que vous proposait la commission et que vous n’avez pas voulu était clair et limpide dans le chapitre, dans le contexte de la sécurité c’était le bon. Vous avez décidé de choisir l’amendement Radical. Vous l’avez ainsi fondamentalement changé, le sens n’est pas le même. Et maintenant si l’alinéa 3 ancien de la commission était à mettre en opposition avec le 53—12, je suis d’avis que la variante que nous avons votée, c'est-à-dire l’amendement Radical, n’est absolument plus en opposition avec le 53—12. Le 53—12 dit que le Conseil d'État répond de la sécurité et de l’ordre public. C’est une chose. Et l’amendement Radical qui fait maintenant partie d’un article, on verra lequel puisqu’on ne le sait pas encore, lui il dit tout autre chose, il dit qu’en cas de crise grave ou de problème, le Conseil d'État prend des me-sures. Et bien c’est une chose. Il y a des mesures à prendre, il les prend. Et le 53—12 fixe des compétences très claires du Conseil d'État. Donc vu ce que nous avons voté avant, j’estime que nous devrions laisser le 53—12, le voter maintenant et le reprendre après, c’est égal, mais en tout cas le nouvel article qu’on a voté n’est plus en opposition avec le 53—12, alors que celui de la commission 2 l’était. Et c’est pour ça que je redis qu’on a pris une décision sans en porter la mesure parce qu’on a décidé d’un article sans savoir où on le met. Et si l’on laisse l’alinéa que nous avons voté sous «Sécurité», il est à la mauvaise place, je suis intimement convaincu que ce que la commission 2 vous proposait était bien meilleur en matière de sécurité.

F Jean-François LEUBA

M. Bühlmann, j’aimerais vous faire trois remarques. D’abord, un, il n’y a pas un article qui est meilleur qu’un autre, c’est celui qui est voté par la majorité de la Constituante qui est le meilleur. Ça, c’est la règle fondamentale en démocratie. Deuxième-ment, vous dites qu’on aura trop de pouvoir à la commission de rédaction, ce n’est pas vrai, elle fera des propositions qui seront approuvées par le plénum Ça va de soi que les propositions de la commission de rédaction seront approuvées par le plénum, vous aurez toute la possibilité de combattre les propositions de la commission de rédaction en plénum lorsqu’elles ne vous conviendront pas. Troisièmement, vous dites exacte-ment ce que je dis, c'est-à-dire qu’on peut avoir deux conceptions ou bien de dire, il n’y a pas d’opposition, dans lequel cas il faut garder le 53—12 avec le 2.3.4 tel qu’il a été complété provisoirement, ou alors on considère qu’il y a un doublon et il faut en supprimer une des deux. Je ne vois pas comment je peux traduire mieux l’avis majoritaire de cette Assemblée. Je reviens donc à ma proposition de vote. M. Bühlmann a dit qu’il considère qu’il n’y a pas de doublon, c’est son opinion et il a parfaitement le droit de la défendre, peut-être d’autres ne sont pas du même avis. Alors, considérez-vous qu’il y a lieu de maintenir à la fois le 2.3.4 dans la version qui a été adoptée y compris l’amendement Radical, ou considérez-vous que l’un des deux doit être éliminé? Ceux qui sont d’avis que l’un des deux doit être éliminé sont priés de le témoigner en levant la main. Avis contraires? À une large majorité, on conserve les deux. Dans ces conditions, on peut maintenant voter les articles. Je vous propose de voter l’article 2.3.4, c’est le vote final sur l’article. Ceux qui sont favorables à l’article 2.3.4 tel qu’il a été adopté... L’alinéa 1 apparaît au tableau, l’alinéa 2 apparaît au tableau, l’alinéa 3 — ou 53—12 bis, ça, c’est encore en suspens — dit: «Le Conseil d'État peut, sans base légale, prendre toutes les mesures nécessaires pour parer à de graves mena-ces ou à d’autres situations d’exception. La loi fixe la procédure de ratification par le Grand Conseil». C’est ce texte maintenant que vous devez accepter ou refuser. On a éliminé tous les amendements, on vote sur le texte final maintenant. Vous ne voulez pas retirer le texte final? [brouhaha] On vote sur cet article maintenant, c’est terminé. Ceux qui sont favorables à cet article sont priés de le témoigner en levant la main. Ceux qui sont opposés à cet article sont priés de le témoigner en levant la main. Abstentions? Vous avez accepté l’article 2.3.4 et éventuellement 53—12 bis par 89 voix contre 24 avec 6 abstentions.

Article 2.3.4 — Sécurité et police

  1. Dans les limites de ses compétences, l’État détient le monopole de la force publique.

  2. Le Canton et les communes assurent l’ordre public et la sécurité des personnes et des biens.

  3. *Le Conseil d’État peut, sans base légale, prendre toutes les mesures nécessaires pour parer à de graves menaces ou à d’autres situations d’exception. La loi fixe la procédure de ratification par le Grand Conseil.

    *ou art. 53—12 bis; à définir par la commission de rédaction

F Jean-François LEUBA

Nous votons maintenant sur l’article 53—12 que vous avez décidé de maintenir. Ceux qui sont favorables à l’article 53—12 sont priés de le témoigner en levant la main. Je vous prie de compter puisque c’est l’adoption d’un article. Ceux qui sont opposés à l’article 53—12 sont priés de le témoigner en levant la main. Abstentions? Vous avez accepté l’article 53—12 par 99 voix contre 2 avec 9 abstentions.

Article 53—12 — Ordre public et sécurité
(Article accepté par 99 voix contre 2 et 9 abstentions)
Le Conseil d’État répond de la sécurité et de l’ordre publics.

F Jean-François LEUBA

J’aimerais rassurer tout de même l’Assemblée en disant que lorsque la Constitution sera écrite de haut en bas, on y verra quand même un peu plus clair. [rires] J’ai l’impression qu’avant la pause on a encore le temps de faire du sport et je vous propose de passer à l’article 2.3.11 [protestations] Ah, oui, oui, c’est vrai. Il y a encore les articles sur la justice. M. Conod, d’abord.

F Philippe CONOD

J’avais proposé un amendement, c'est-à-dire de faire figurer dans les «Tâches de l’État» la mention de l’importance donnée à l’État d’assurer une justice diligente et indépendante. Vous pouvez vous reporter à ce que j’ai écrit dans mon rapport de mi-minorité. Sans vouloir trahir de secret, j’ai discuté brièvement avec certaines un peu plus longuement des autres amendements. Je suis d’avis — mais vous déciderez — que la question de la justice doit figurer dans les «Tâches de l’État»; mais je sais aussi que, tant dans notre groupe que dans d’autres groupes, il n’a pas été possible de discuter des articles sur la médiation. Je suis prêt — si les autres minoritaires l’acceptent — de reporter le débat lorsque tout le monde aura pu examiner les articles sur la médiation et traiter la chose, mais je maintiens que la place d’une disposition sur la justice doit figurer dans les «Tâches de l’État».

F Catherine ROULET

Pour Vie associative, il est important que l’accès à la médiation figure dans les «Tâches de l'État». Je m’explique: les conflits font partie de l’existence, ils sont la conséquence inévitable des confrontations d’intérêts et des valeurs liées à toute vie en société. Pour résoudre nombre de ces conflits, il suffit souvent de rétablir la communication entre les personnes, de les aider à explorer et à choisir leurs propres solutions, à conclure si possible un accord réaliste, juste et satisfaisant pour tous. C’est le travail des médiatrices et des médiateurs. En inscrivant l’accès à la médiation dans les «Tâches de l'État», cela va dans le sens de la modernité. En effet, de plus en plus de Cantons et d’États reconnaissent la médiation, encouragent cet usage et garantissent des pratiques de qualité. Le bénéfice économique est important, car il décharge les tribunaux des cas mineurs. De plus, la médiation encourage à la responsabilité individuelle. Chacun est en effet responsable du succès de la résolution de son conflit. Au nom de cette argumentation, je vous encourage à soutenir cet article dans les «Tâches de l'État».

F Anne WEILL-LEVY

Je n’entrerai pas sur le fond de mon amendement, me ralliant en cela à ce qu’a fait mon collègue Philippe Conod. Si je prends la parole, c’est parce que l’article que j’ai élaboré contient des éléments supplémentaires, et notamment la prévention, ce sur quoi j’aimerais vous rendre attentifs et que pour moi, comme pour lui ou comme pour Mme Roulet, ces différents objets sont des tâches de l’État et qu’il nous paraît essentiel de les y fixer, comme ce que les juristes appellent une «lex generalis», une loi générale, pour après pouvoir en découdre avec l’application de ce principe dans les domaines qu’il concerne précisément dans la suite de nos travaux. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

La situation est un tout petit peu délicate, parce que la commission 5 a traité dans deux dispositions de la médiation, la médiation générale, la médiation administrative. Si l’on suit la logique, on devrait traiter en même temps de l’ensemble des problèmes de la médiation, même s’ils peuvent très bien se trouver à deux endroits différents. La question qui se pose, c’est de savoir si l’on veut traiter maintenant de la médiation ou, le cas échéant, les renvoyer à la prochaine séance pour qu’on puisse — toujours dans le cadre des «Tâches de l'État» — savoir s’il y a attraction des deux articles qui sont traités par la commission 5 pour qu’on traite l’ensemble du problème de la médiation. C’est ça la question qui se pose. M. Rebeaud avait demandé la parole, je crois, puis après M. Recordon.

F Laurent REBEAUD

J’avais levé la main avant que le président prenne la parole pour poser cette question de procédure, je n’interviens pas sur la question de procédure. J’aimerais simplement vous faire remarquer qu’il y a une différence substantielle entre la proposition de Mme Weill-Lévy et celle de Mme Roulet, c’est que Mme Roulet, je suis d’accord avec elle sur pratiquement tout ce qu’elle a dit sauf sur une chose, c’est que l’État «assure». Si vous dites «L’État assure», ça veut dire que vous demandez à l’État de prendre en charge lui-même le travail de médiation avec tout ce que cela suppose de procédures, de règles, et l’on retombera dans le travers des tribunaux, qu’on le veuille ou non, parce que c’est l’État. Et l’intérêt de la médiation, c’est justement de permettre des interventions souples au niveau privé, qui dispensent l’État d’intervenir avec toute la lourdeur qui est, par nature, la sienne. Voilà pourquoi, si vous devez choisir de parler maintenant de médiation, préférez l’amendement Weill-Lévy à l’amendement Roulet.

F Gérard BUHLMANN

Je n’aurai pas le mérite de vouloir éclairer cette Assemblée, mais simplement, l’amendement intéressant de Mme Weill à l’évidence se recoupe avec le 562, 1 et 2. Ces points n’ont pas été mis à l’ordre du jour, d’une part, et ils n’ont pas été préparés par les groupes, d’autre part. Donc je crois que la sagesse voudrait — je dépose une motion d'ordre dans ce sens-là — de reporter la discussion des propositions de minorité Conod, Roulet, Anne Weill-Lévy à la prochaine fois où on les mettra en opposition avec 562, 1 et 2. Et puis là on aura un paquet solide, où on aura traité et de la médiation, et de la [déclaration] de la justice et de l’endroit, et je crois que c’est la seule manière de procéder bien. Sinon on va discuter une demi-heure, et il faudra quand même reporter après. Donc je vous propose ma motion d'ordre de reporter ces trois amendements et les 562, 1 et 2 à la prochaine séance.

F Jean-François LEUBA

Nous avons une motion d'ordre... je m’excuse auprès de M. Recordon, à moins que ce ne soit sur la motion d'ordre. Alors M. Recordon a la parole sur la motion d'ordre.

F Luc RECORDON

Je voudrais juste proposer à M. Bühlmann de nuancer sa motion d'ordre qui me paraît dans l’ensemble juste. Il faut probablement avoir réfléchi et discuté des questions de médiation et de justice avant de savoir exactement ce que nous allons faire. Néanmoins, ce qu’a dit M. Conod était parfaitement exact, je crois que d’ailleurs personne ici ne s’est exprimé contre le principe que nous mentionnions lapidairement, en termes très, très généraux, les tâches de justice et, le cas échéant d’ailleurs, celles de médiation si l’on se met d’accord là-dessus. Alors, on me fait remarquer de la salle que la commission l’a shooté, mais en tout cas, à cette tribune personne ne l’a fait. Donc je suggérerais tout de même que l’on prenne la décision de principe — et en ce sens-là ma motion d'ordre diffère alors de celle de M. Bühlmann — de mentionner dans les «Tâches de l'État» les tâches de justice et de médiation, sous bénéfice d’inventaire, c'est-à-dire avec la cautèle que la rédaction finale sera reprise au moment où on aura discuté du contenu exact, des contours exacts que nous voulons donner aux questions de justice et de médiation.

F Jean-François LEUBA

Mais j’aimerais alors — pour gagner du temps, enfin j’espère — éviter un malentendu. La proposition, si j’ai bien compris la proposition de M. Bühlmann, ce n’est pas de renvoyer au chapitre 5 la discussion là-dessus, c’est de la renvoyer d’une semaine, enfin jusqu’au 3 novembre plus exactement, pour qu’à la prochaine séance où nous serons encore dans le chapitre des «Tâches de l'État», nous puissions discuter à fond de la question avec l’attraction — où vous n’êtes pas préparés parce que ces amendements sont venus plus tard — des 561 et 562, je crois, c’est ça. Mme Weill.

F Anne WEILL-LEVY

Peut-être ai-je été un peu vite, pensant pouvoir résumer et aller dans le même sens que ce que Philippe Conod a dit. Le but de notre intervention n’est pas de scotomiser ce que fait la commission 5 sous sa rubrique 562, c’est de fixer aujourd'hui la place de ces objets dans les «Tâches de l'État», et je m’explique. Nous avons tous reçu, le 7 juillet, des documents dans lesquels nous avons pu lire, et notamment le document 5, un excellent texte sur la médiation. Dans ce texte il est précisé d’ailleurs que la COSCO entendait, de mémoire, «dispatcher» — excusez l’anglicisme — ces textes dans la 1, la 2, la 3, la 5, question à régler. Notre point de vue, en tout cas le mien, est qu’il faut poser le principe maintenant et j’ai de la peine à comprendre en quoi cela gêne mes collègues parce que c’est une tâche de l’État de soutenir la prévention, la médiation et les notions évoquées par Philippe Conod.

F Jean-François LEUBA

Mais nous sommes dans la motion d'ordre, c'est-à-dire de savoir si nous discutons de ça tout de suite ou si nous le discutons le 3 novembre. C’est la seule question, mais c’est toujours dans le cadre des tâches de l’État, ça ne change rien au fond. Alors nous avons une motion d'ordre de M. Bühlmann. Est-ce qu’elle est soutenue par au moins vingt constituants? Apparemment c’est le cas. Est-ce que la discussion est encore demandée sur la motion d'ordre? M. Morel.

F Nicolas MOREL

Très brièvement pour dire que si l’on repousse cette discussion de trois semaines, il serait judicieux qu’entre-temps on puisse avoir une délégation des deux commissions thématiques 2 et 5 qui se réunissent pour discuter et proposer un projet pour la plénière.

F Jean-François LEUBA

C’est toujours possible aux commissions de se réunir, bien entendu. Est-ce que la discussion est encore utilisée sur la motion d'ordre? Ce n’est pas le cas. Je la mets au vote. Ceux qui sont favorables au renvoi — je dis bien au 3 novembre — du débat sur la médiation sont priés de le témoigner en levant la main. Ça concerne aussi la justice, d’ailleurs. Majorité évidente. Avis contraires? Bien, c’est quand même une majorité évidente.

Le renvoi du débat sur la médiation au 3 novembre 2000 est accepté à une majorité évidente.

Maintenant il est 15 heures 15. Je vous propose, je crois que je n’ai rien oublié cette fois, d’interrompre pendant quinze minutes notre séance, nous la reprenons à 15 heures 30 et nous reprendrons par l’article 2.3.11.

Pause

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Article 2.3.11 — Sport

F Jean-François LEUBA

Nous allons reprendre nos travaux, si vous le voulez bien, article 2.3.11, «Sport», est-ce que le président de commission veut s’exprimer? Non. La discussion est donc ou-verte sur l’article 2.3.11. Il n’y a pas de proposition de minorité, ni de proposition d’amendement. La discussion n’est pas utilisée. On peut passer au vote. J’aimerais avoir les scrutateurs; ça serait au moins nécessaire. Il faudrait peut-être le quorum, aussi… Il y a des gens qui sabotent le travail de la Constituante! Nous votons. Celles et ceux qui approuvent l’article 2.3.11 sont priés de le témoigner en levant la main. Je prie les scrutateurs de compter. Ceux qui s’opposent à l’article 2.3.11 sont priés de le témoigner en levant la main. Absentions? Vous avez adopté l’article 2.3.11 par 63 voix contre 0 et 4 abstentions. Nous pouvons passer à l’article 2.3.12… Bien sûr qu’il y avait le quorum. Il y avait beaucoup d’abstentions qui étaient dans le corridor [rires].

Article 2.3.11 — Sport
(63 voix contre 0 et 4 abstentions)
Le Canton et les communes favorisent la pratique du sport.

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Article 2.3.12 — Patrimoine et culture
& Disposition transitoire

F Jean-François LEUBA

Nous passons à l’article 2.3.12, «Patrimoine et culture». Je vous propose, en accord avec le président de la commission, de traiter séparément les deux alinéas, l’alinéa 1 concernant le patrimoine et l’alinéa 2 la culture. Alors, la parole est à M. Bühlmann.

F Gérard BUHLMANN

Nul doute que cet article nous retiendra un peu plus longtemps que le précédent. Je ne parlerai donc que du premier alinéa, qui traite du patrimoine. L’article que nous vous proposons est un article complet. Typiquement, c’est un article qui résulte d’un compromis, où nous avons voulu tenir compte des milieux qui sont sensibles au patrimoine. D’où les missions claires que l’on donne à l’État: il «conserve, protège, enrichit et promeut les patrimoines naturel et culturel» et les moyens qu’il se donne pour le faire, en favorisant «la connaissance, notamment par l’éducation, la formation, la recherche et l’information». L’essentiel de la discussion portera vraisemblablement sur ce qui ne figure pas dans cet article. Et c’est bien l’amendement de notre collègue Morel: faut-il oui ou non, d’une manière ou d’une autre, faire référence spécifique à Lavaux et à la Venoge? Alors, la lecture attentive du document que vous avez reçu ce matin vous montre que notre collègue Morel a retiré son premier amendement. Il en a déposé par contre un deuxième, qui est tout en bas de la page, où on dit donc que «La loi définit les zones et régions dans lesquelles les paysages naturels et construits sont protégés», et il y a une disposition transitoire, qui mérite d’ailleurs peut-être d’être un peu réécrite, mais qui a le mérite d’être là, et je crois que c’est ce qui est important. Comme vous le voyez, la commission, à sa quasi unanimité, vous proposait — je parle au passé, parce que l’amendement 1 a été retiré — de ne pas mentionner nommément Lavaux et la Venoge, non pas que la commission soit contre leur protection, mais il s’agit ici d’éléments spécifiques. Et l’idée était clairement de ne pas introduire, dans une Constitution, des éléments spécifiques, parce que le jour où on votera sur l’initiative pour la protection du pied du Jura — je n’ai pas le texte exact — on devrait à ce moment-là la remettre également dans la Constitution, etc. Donc, l’idée était de dire clairement que c’est un domaine législatif. La base légale, aux yeux de la commission, est suffisante, avec l’article alinéa 1 tel que nous vous le proposons. Maintenant, notre collègue Nicolas Morel vient avec un deuxième alinéa, qui évite l’écueil de citer spécifiquement ces deux objets, mais qui, par contre, précise que «La loi définit les zones et régions dans lesquelles les paysages naturels et construits sont protégés». Si la commission était unanime à vous proposer de ne pas les citer nommément, la discussion de hier soir, encore une fois purement informelle, montre qu’il y a une plus grande ouverture à préciser ceci. Et je laisse ici la liberté, respectivement, le plénum aura l’occasion de débattre s’il soutient ou non la deuxième proposition de minorité Morel. Je vous remercie.

F Nicolas MOREL

Comme l’a dit M. Bühlmann, c’est dans le but d’essayer de trouver un compromis qui puisse satisfaire le plus grand nombre de personnes ici présentes, que j’ai essayé de faire une formulation qui nous paraissait, à tous, plus ou moins satisfaisante. J'aimerais vous rappeler, tout d'abord, que l'article 6 bis de la Constitution actuelle, qui concerne la protection de Lavaux, résulte d'une initiative populaire qui a été acceptée par une majorité du peuple vaudois en juin 1977. L'article 6 ter, «Protection de la Venoge», correspondait à une initiative populaire qui a été acceptée également par une majorité du peuple vaudois, en juin 1990. Ces deux objets sont donc relativement récents. En tout cas, ils n'ont perdu aucune actualité et pertinence. Et l’on sait que la population est de plus en plus sensible aux problèmes liés à la protection à la fois de l'environnement et du paysage. De mon point de vue, il n'est donc pas possible de faire table rase. Si l’on désire modifier la Constitution sur le plan de ces zones protégées, il faut proposer une alternative qui soit crédible. Alors, quelles sont les possibilités? Je vais quand même, avant de vous présenter plus en détail mon amendement, vous dire quelles seraient les différentes variantes possibles. Il y aurait une variante qui consisterait à conserver les articles 6 bis et 6 ter tels quels. Ça ne serait certainement pas la meilleure solution. Mais je vous ferai remarquer que, dans la Constitution fédérale, lors de la récente révision de cette Constitution, c'est bien la politique qui a été choisie pour passablement d'articles qui résultaient d'initiatives fédérales; pour éviter de passer sous la jambe la volonté populaire, on a choisi de conserver l'article tel quel. Alors, bien entendu, cela a des inconvénients puisque, finalement, les articles 6 bis et 6 ter ne joueraient plus très bien dans l'organisation de notre future Constitution. La proposition de minorité que j'avais faite a un certain nombre d'inconvénients. Je crois qu'elle a été suffisamment discutée. Elle proposait de garder, à titre d'exemples, Lavaux et la Venoge. La proposition que je vous fais aujourd'hui représente bien un compromis: on ne nomme pas explicitement Lavaux et la Venoge mais on donne l'exigence d'une loi d'application associée qui définirait des zones et des régions protégées, étant entendu que les deux zones qui sont déjà définies en feraient partie. C'est sous-entendu mais cela n'a pas besoin d'être directement dans le texte de la Constitution, qui va rester au cours des vingt, trente, cinquante ou cent ans qui viennent. Donc, on ne va pas forcément garder les deux zones protégées de façon explicite. De plus, afin d'éviter un vide juridique, je propose une disposition transitoire qui dit simplement que les articles 6 bis et 6 ter de la Constitution actuelle restent en vigueur tant que la législation d'application n'a pas été elle-même mise en vigueur. Sur ce point-là, on peut discuter de la formulation exacte. Je crois, d'ailleurs, qu’il y aura un sous-amendement qui va être proposé tout à l'heure sur la façon de formuler cette disposition transitoire. Je n'ai aucune préférence sur la façon exacte de formuler cette disposition transitoire. C'est une affaire de rédaction et de juristes. On peut très bien laisser ça à l'appréciation de chacun et je me rallierais volontiers à une autre solution qui pourrait satisfaire mieux les juristes dans cette Assemblée. Deux remarques pour terminer. D'abord, une chose, c'est que plusieurs personnes dans mon entourage m'ont dit que la suppression pure et simple, sans contrepartie, serait pour elles une raison suffisante de refuser la nouvelle Constitution. Je vous rends quand même attentifs au fait que, pour un certain nombre de personnes qui sont sensibles aux problèmes d'environnement, le fait de ne pas reprendre ce type de disposition serait quelque chose d'assez grave et pourrait être une occasion de refuser la Constitution. Il faut faire attention quand on commence a accumuler les raisons de refuser la Constitution, il ne faut pas en accumuler trop quand même. Par contre, ces personnes pourraient probablement être acquises si l’on trouvait une solution de compromis telle que je vous la propose. Et puis je reste ouvert à toute formulation équivalente en ce qui concerne l'article inséré dans la Constitution elle-même — je ne parle pas de la disposition transitoire —, si vous trouvez une formulation équivalente, je suis preneur. En conclusion, je vous demande donc d'accepter ce deuxième alinéa, qui viendrait entre les alinéas actuels 1 et 2.

F Roger NORDMANN

Mon sous-amendement consiste à modifier la disposition transitoire prévue par M. Morel, en mentionnant explicitement Lavaux et la Venoge. Pourquoi ça? C'est une mention qui, naturellement, ne durerait que jusqu'à ce que la législation d'application soit là. On est tous d'accord pour dire que ce ne sont pas des clauses qui doivent être dans la Constitution: c'est du détail. Mais, comme on le sait, c'étaient deux initiatives, les Vaudois y sont attachées, elles ont passé la rampe. Et il me paraît important, comme l'a dit M. Morel, de donner un gage. Alors, je propose que le gage soit clair, de façon à ce que, lorsque les électeurs auront le projet de nouvelle Constitution dans la petite brochure qui leur sera distribuée, et qu'ils iront voter, ils voient tout de suite ce que signifient ces articles 6 bis et 6 ter de la Constitution actuelle auxquels on se réfère. Et je préfère juste faire une phrase qui mentionne Venoge et Lavaux. Et puis ensuite, au moment où la loi d'application viendrait, à ce moment-là, ces dispositions transitoires tomberaient d'elles-mêmes, elles seraient caduques. Au fond, c'est une question de communication. Si l’on dit «articles 6 bis et 6 ter», les gens ne comprendront pas. Si l’on fait la référence à ce que c'est, les gens comprendront, car cela me paraît plus clair. Mais toujours dans les dispositions transitoires, de façon à ne pas polluer durablement le texte de la Constitution. Je vous remercie.

F Odile JAEGER

Les radicaux ne sont pas du tout unanimes sur la proposition de deuxième amendement de M. Morel. Une majorité d'entre eux n'y est pas favorable. Pourquoi? Bien sûr que nous sommes tout à fait favorables à cette protection du patrimoine. Et la commission thématique 2, du reste, vous a proposé un article très fort qui a des verbes qui parlent de protection, d’enrichissement et de promotion. Je crois que, là, ce sont des articles que nous défendons, les Radicaux, et que la commission thématique 2 a adoptés. Alors, que trouve-t-on dans la Constitution actuelle? On trouve effectivement, comme l'a dit M. Morel, les articles 6 bis et 6 ter sur la protection de Lavaux et de la Venoge. Mais vous ne trouvez aucun article, aucune disposition générale sur la protection du patrimoine. Et je pense, justement, que cet article nouveau que nous proposons est un acte majeur par rapport à ce qui se fait actuellement. Il n'est pas question, M. Morel, de faire table rase de ces deux dispositions. L’article qui est justement proposé englobe automatiquement cette protection de la Venoge et de Lavaux. Il ne le dit pas explicitement, mais je pense que ça suffit de mettre ces trois verbes pour pouvoir avoir cette assurance que Lavaux et la Venoge seront protégés. D'autre part, autre argument, c'est qu'il y a eu, vous le savez, une commission spécialisée sur le patrimoine et la culture, qui a longuement débattu de ces questions de patrimoine et de culture, et qui a complètement approuvé les dispositions qui ont été proposées par la commission thématique 2, et qui n'a pas demandé que soient mentionnés spécialement Lavaux et la Venoge dans ce projet. Donc, je vous invite, pour ma part, à ne pas soutenir en tout cas le premier alinéa de la proposition de minorité de M. Morel. Quant à la disposition transitoire, je pense que là, on pourrait entrer en matière. Mais là, j'attends encore les propositions qui seront faites sur cette disposition transitoire.

F Jean-Claude de HALLER

Très brièvement, pour attirer votre attention sur le fait que la crainte de M. Morel du vide juridique, c'est-à-dire ce qui se passe entre l'adoption de la Constitution actuelle et l'adoption d'une nouvelle législation protégeant ces régions, cette crainte n'est pas fondée. Les deux dispositions constitutionnelles actuelles, aussi bien en ce qui concerne Lavaux que la Venoge, ont été mises en force par des textes de nature législative. Pour Lavaux, c'est une loi de 1979 sur le plan de protection de Lavaux. Pour la Venoge, c'est un plan d'extension cantonal qui, lui, je crois, n'est pas encore légalisé, mais qui est en cours de légalisation. Et alors, à moins d'imaginer que les autorités législatives, c'est-à-dire le Grand Conseil, ne profitent lâchement de l'espace qui courra entre l'adoption de la nouvelle Constitution et la législation à venir pour abroger ces législations, il n'y a aucun risque que ces régions soient protégées. Merci de votre attention [rires].

F Jean-François LEUBA

Je constate en tout cas que la Constituante est très attentive. La discussion continue. M. Recordon.

F Luc RECORDON

On n'instruit bien sûr pas ici un procès d'intention. Et, à vrai dire, je ne crois pas avoir entendu, depuis le début des travaux de notre assemblée, en commission ou en plénum, quiconque laisser entendre que la nouvelle Constitution devait être l'occasion d'abroger, dans leur contenu matériel, les articles 6 bis et 6 ter et de faire donc le lit de la fin de la protection de Lavaux et de la Venoge. Ce néanmoins, il y a quand même des gens qui trouvent que ces dispositions sont trop restrictives. Et le législateur pourrait être tenté, je dirais même sera très certainement tenté, le jour où la disposition constitutionnelle formelle a disparu de dire «mais enfin, elle n'est plus là, donc on pourrait être un tout petit peu moins sévère», et l’on ne sait pas jusqu'où la dérive peut aller. Et ça, c'est un risque réel dont j'entends témoigner après dix ans d'expérience de député au Grand Conseil, bien davantage qu'en tant que constituant. Or, nous ne faisons donc pas notre Constitution pour nous-mêmes, qui savons exactement où nous en sommes. Et l'interprétation qui sera donnée à la Constitution, si elle dure des décennies, ce qu'on lui souhaite — Longue vie! — ne sera pas donnée comme une interprétation authentique. Ce n'est pas forcément ce que nous aurons voulu ou même ce que nous aurons dit ici qui sera absolument déterminant. L'interprétation historique joue un certain rôle, mais elle n'est pas absolue. Il faut donc avoir soin, dans nos textes, de ne pas donner de faux signaux, déjà aux électeurs auxquels nous soumettrons notre texte constitutionnel au terme de nos travaux. Et s'ils ne voient plus la protection de Lavaux et de la Venoge, nous devons avoir quand même des signes suffisamment clairs pour leur dire que nous n'entendons pas la faire disparaître et que le texte constitutionnel est suffisamment charpenté pour éviter le risque que le législateur, désormais non muni d'une clause constitutionnelle stricte s'il n'y a plus de mention de Lavaux et de la Venoge, que le législateur ne se méprenne pas et, au fil du temps, ne prenne pas la situation de manière un peu légère. Donc, le texte que vous propose M. Morel a au moins l'avantage de prévoir le principe d'une protection par secteurs et par régions. Cela me paraît être une chose essentielle, parce que c'est une méthode de travail qui valide ce qui a été fait. Et si la loi doit prévoir une protection par secteurs et par régions pour appliquer la Constitution, comment imaginer que, dès la première loi qui sera adoptée, on n'inclut pas alors Lavaux et la Venoge dans cette protection et qu'on ne leur assure pas ainsi une pérennité reconfirmée et renouvelée par rapport à ce qui existe actuellement? D'où le sens essentiellement politique, il faut le dire, de la disposition qui est proposée et de la disposition transitoire, que je vous invite à approuver telle que proposée par M. Morel.

F Claude SCHWAB

J'avais apprécié la première mouture de la proposition de minorité Morel, qui me semblait exemplaire, dans tous les sens de ce terme. On maintient, et c'est très clair, ce qui a été voulu par le peuple au niveau constitutionnel, et on le signale en passant pour dire qu'il y a là un acquis auquel nous ne voulons pas toucher, en tout cas pour cinquante ans. Le danger de la seconde solution proposée, c'est qu'elle ravale au niveau de la loi ce qui est d'une niveau de la Constitution. Ce qui veut dire que Lavaux et la Venoge sont protégés tant qu'il n'y a pas une loi, qui est du ressort du Grand Conseil, et contre laquelle il faudrait un référendum, avec tout ce que cela signifie de travail au niveau de la volonté populaire. C'est pourquoi je trouve que c'est une faiblesse de re-venir en arrière et de mettre au niveau de la loi ce qui a voulu être sauvegardé très clairement par le peuple. Et quant à moi, je vous demande de prendre à mon compte la proposition de minorité Morel numéro un, en vous priant d'enlever le «s» à «des»: «Il préserve la qualité de paysages naturels ou construits comme Lavaux et de cours d'eau comme la Venoge».

F Jean-François LEUBA

M. Schwab déposez-vous un amendement? Par écrit? Il faut faire l'amendement complet, parce que l'amendement Morel n'existe plus. L'amendement Morel est retiré. Alors, si l'on veut être clair, il faut refaire un amendement. La discussion continue. M. Conod.

F Philippe CONOD

Je proposerai le rejet des deux amendements qui viennent d'être proposés. Nous avons, outre les plans d'affectation qui ont été votés, une loi fédérale sur l'aménagement du territoire, une loi cantonale et, puisqu'on parle de la Venoge, nous avons également une loi fédérale sur la protection des eaux. Donc, il ne faut pas aller imaginer, n'est-ce pas, qu'avec la disposition que vous avez là, vous allez tout faire pour la Venoge; son champ d'application est limité. Et puis, il peut y avoir un effet pervers à avoir une disposition de ce genre dans la Constitution. J'ai gagné un recours au Conseil d'État contre le plan d'affectation de la Venoge justement parce qu'il était mentionné dans la Constitution exactement — je reprends l'article — «le cours, les rives et les abords de la Venoge». Qu'est-ce qu'on m'a répondu? On m'a dit: «Voilà, le cadre est donné, on ne peut pas aller plus loin». Et finalement, le recours a été admis. S'il y avait eu une disposition plus générale, j'aurais perdu mon recours. Donc, parfois, il faut faire attention: le mieux est l'ennemi du bien.

F Jean-François LEUBA

Bien, je crois que les points de vue sont assez clairement exprimés. Qui est-ce qui souhaite encore s'exprimer? M. Gonthier.

F Alain GONTHIER

En deux secondes… Avec toutes les dispositions existantes et toutes les bonnes intentions manifestées par les autorités, on se demande encore pourquoi il a fallu que des initiants initient, récoltent des signatures et fassent voter le peuple... c'était avant le plan partiel d'affectation, mais les lois sur l'aménagement du territoire existaient, un certain nombre existent... et l’on se demande aussi pourquoi le Conseil d'État et le Grand Conseil, à l'époque, s'étaient opposés à ces initiatives. Vous nous racontez des contes de fée. Je pense que c'est important de maintenir cette volonté politique dans la Constitution et de la manifester, non seulement concrètement pour la sauvegarde de ces régions mais aussi, comme l'a dit M. Morel, à l'intention des électeurs, qui regretteraient que ces dispositions disparaissent.

F Laurent REBEAUD

Je suis désolé: je ne voulais pas intervenir. Je n'en avais pas l'intention, mais M. Conod m'y force. Il était membre de la commission comme moi, et j'avais cru comprendre, dans les débats de la commission, qu'on admettait que le texte proposé par la commission maintenait en l’état, sans le dire, mais maintenait en l’état le degré de protection de Lavaux et de la Venoge. M. Conod vient de nous dire maintenant qu'il n'y a pas besoin de mentionner Lavaux et la Venoge parce qu'il y a des lois fédérales, il y a la loi sur la protection des eaux, il y a la loi sur l'aménagement du territoire, etc. Je vous pose une question, M. Conod: que serait Lavaux avec la seule protection de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, aujourd'hui? Certainement pas ce qu'il est. Que serait la Venoge aujourd'hui? Je vous concède qu'elle n'est pas dans un état admirable, mais elle ne serait certainement pas au bénéfice des efforts qui ont été menés depuis dix ans par le Canton, contraint par une initiative populaire, si le Canton n'avait agi qu'en se soumettant aux impératifs minimaux de la loi fédérale sur la protection des eaux. Par conséquent, on a vraiment là deux objets sur lesquels le peuple a manifesté sa volonté que l'autorité mette en oeuvre une protection particulière, parce que ce sont des lieux symboliques importants du Canton, qui ont une valeur sentimentale aussi pour les Vaudois, pas seulement esthétique, paysagère ou naturelle. Et nous devons absolument trouver le moyen de rassurer les gens, que nous appellerons à voter notre Constitution, sur ce point-là. Si, dans mes milieux, et peut-être aussi dans les vôtres, M. Conod, le doute se répand sur ce point précis il y a des gens qui sont entrés en politique pour protéger le territoire ou pour protéger des lieux auxquels ils sont attachés il faut absolument pouvoir rassurer ces gens en leur disant que la nouvelle Constitution ne met pas en cause l'acquis en matière de protection de Lavaux et de la Venoge. Le texte de la commission, tel qu'il vient d'être interprété par M. Conod, nous prive de cette garantie... ou alors, je prierais M. Conod de venir nous l'expliquer mieux. Ce que j'ai compris, M. Conod, c’est que vous dites qu'on n'a pas besoin de mettre Lavaux et la Venoge, parce qu'il y a une loi fédérale sur la protection des eaux et il y a une loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Nous avons mis, dans notre commentaire, que l'acquis n'était pas mis en cause par la commission. Et je sais très bien que tous les membres de la commission qui ont dit ceci sont sincères. Cela dit, et je crois que M. Recordon a parfaitement raison, les députés qui, dans trente ans, légiféreront sur ce sujet n'auront que le texte de la Constitution sous les yeux et pas du tout en mémoire la bonne foi et la bonne volonté que nous avons manifestées dans les travaux préparatoires de la rédaction de la Constitution.

F Philippe CONOD

On me fait un procès d'intention. Si je me souviens bien, je crois que j'ai même dû signer ces initiatives. Donc, ce que j'ai voulu dire, c'est que nous disposons d'un arsenal législatif. Et nous aurons à disposition — je ne l'ai peut-être pas dit mais pour moi cela va de soi — la disposition telle que l'a prévue la commission. Et c'est une base constitutionnelle qui me paraît suffisante, avec les lois qui ont été votées, ou par les Vaudois ou par le peuple suisse, pour s'opposer à toute dérive. M. Rebeaud, je suis tout à fait d'accord: on ne va pas ouvrir la voie, par là, à un syndic bétonneur, s'il en existe encore du côté de Lavaux et Dieu sait où. Ce n'est pas du tout mon idée. Mais j'estime qu'avec la disposition telle que proposée par la commission et les lois que nous avons, nous avons suffisamment d’éléments pour garantir la protection de la Venoge et de Lavaux auxquels, moi aussi, je tiens beaucoup.

F Nicolas MOREL

D’abord, pour répondre à M. Conod et à Mme Jaeger, il y a quand même une chose en plus dans la disposition que je vous propose par rapport à la commission, c’est le fait qu’on introduit la notion de zone et de région protégée. Ça, ça ne figure pas explicite-ment dans le texte de la commission que, par ailleurs, je trouve bien, mais qui de-mande à être complété. Je voudrais dire aussi que je me rallie à la proposition Nordmann par rapport à la disposition transitoire. Et puis, par rapport à ce qu’on a entendu par M. Schwab, il est clair que ma préférence personnelle irait à ma proposition d’origine, qui mentionne clairement Lavaux et la Venoge. Mais, en fait, j’ai essayé d’élaborer une proposition de compromis. Donc, dans ce sens-là, c’est peut-être un article un peu moins fort mais qui, je l’espère, pourrait rallier davantage de personnes. Évidemment, c’est un compromis, avec toutes les faiblesses que ce terme implique.

F Pierre FARRON

Il y a, me semble-t-il, le niveau juridique et le niveau de la communication. C’est sur-tout celui-ci qui m’interpelle en ce moment. Et, par rapport à ce niveau-là, je crois que la proposition de Claude Schwab est meilleure.

F Jean-François LEUBA

Je crois qu’on a fait à peu près le tour des questions et que tout le monde est au clair, autant que possible. J’aimerais vous proposer la manière de voter suivante: tout d’abord… Nous devrions au fond faire appliquer le règlement et dire qu’il y a trois propositions mais, à mon avis, on n’arrivera pas à faire sortir la véritable volonté de la Constituante, parce qu’on devrait opposer la proposition Schwab à la proposition Morel et à la proposition de la commission. En réalité, il faut opposer la proposition Schwab à la proposition Nicolas Morel sur les dispositions principales. On parlera des transitoires après. Et puis ensuite, une fois qu’on aura vu laquelle des deux gagne, on décidera si oui ou non on l’ajoute à l’article 2.3.12, premier alinéa. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette manière de voter? Pour le moment, je parle des dispositions principales et non transitoires. Il faut séparer les deux questions. Pas d’opposition à cette manière de faire? On y va comme ça. Alors, j’oppose maintenant la proposition Schwab à la proposition Morel, principale. Je ne parle pas de la disposition transitoire. C’est un vote éventuel. Ceux qui sont favorables à la proposition Schwab sont priés de le témoigner en levant la main. Je vais faire la contre-épreuve tout de suite. Avis contraires? À une nette majorité, c’est la proposition Morel qui l’emporte. Mainte-nant, on décide si oui ou non on introduit comme alinéa supplémentaire la proposition Morel, dans l’article 2.3.12. Ceux qui sont favorables à l’introduction de la proposition - je ne parle toujours pas de la disposition transitoire, on est toujours dans la disposition principale — la disposition principale Morel dans l’article 2.3.12 sont priés de le témoigner en levant la main. Je vous prie de compter. Ceux qui sont opposés à l’introduction de cette phrase supplémentaire lèvent la main. Alors, je donne le résultat du vote: vous avez accepté l’adjonction de la proposition Morel par 62 voix contre 47. Nous passons maintenant à la disposition transitoire. J’oppose la proposition Nordmann à la proposition Morel… Vous retirez? Alors, il n’y a plus que la proposition Nordmann qu’il faut mettre… La question, c’est de savoir si l’on introduit la disposition transitoire Nordmann, oui ou non. Ceux qui sont favorables à l’introduction de cette disposition transitoire sont priés de le témoigner en levant la main. Ceux qui sont opposés à cette introduction lèvent la main. Majorité évidente en faveur de l’introduction de la disposition transitoire Nordmann. Donc, vous avez accepté, à une majorité évidente, la proposition transitoire Nordmann. Le premier alinéa serait ainsi liquidé. Nous pouvons maintenant passer au deuxième alinéa. Je donne la parole, d’abord, à M. Bühlmann.

F Willy BUHLMANN

C’est en fait la première fois, aujourd’hui, que nous allons traiter conjointement un article des commissions 2 et 3. Et vous verrez que si ça s’avère difficile de traiter des articles de deux commissions ensemble, on l’a vu ce matin, ça paraît logique, voire même indispensable, de traiter ensemble certains des articles des commissions 2 et 3. L’article 2.3.12, celui donc de la commission 2, est en fait le reflet du premier alinéa. C’est un article qui, très clairement, soutient la culture, qui en fixe d’abord les buts et qui en fixe ensuite les moyens. De la séance inter-commission que nous avons eue, il est apparu que les articles 3.21 et 2.3.12 ne sont pas redondants. Dans l’un, on parle d’un droit et, dans l’autre, on parle d’une tâche. Ils sont complémentaires, sous réserve que l’accès à la culture figure dans les deux. Je vous propose, concernant le 2.3.12, de vous en tenir au texte qui vous est présenté, qui, encore une fois, est un texte complet, qui est un texte qui, je crois, défend bien la culture; c’était en tout cas la volonté de la commission 2. Je vous propose également, lorsqu’on votera, de voter d’abord sur l’article 3.21. Parce que, de l’avenir de l’article 3.21 dépendra la rédaction du 2.3.12. Et je vais déposer un amendement, que j’ai appelé conditionnel, parce qu’on ne votera dessus que si le 3.21 est maintenu tel quel; si l’article 3.21 devait être maintenu dans sa forme actuelle, je propose alors que nous rayions les mots «l’accès et» de l’article 2.3.12, la deuxième phrase devenant alors: «Il conduit une politique culturelle favorisant la participation aux différentes formes de culture», puisque l’accès passe d’une tâche de l’État à un droit, ce qui, en l’occurrence, est évidemment plus fort. Et là, je crois que la redondance n’est pas judicieuse. Donc, je propose d’ores et déjà que l’on vote, le moment venu, d’abord sur le 3.21, ce qui nous permettra de nous déterminer sur le texte du 2.3.12. J’en viens maintenant aux trois propositions de minorité, respectivement amendements, qui ont été formulés et que vous avez reçus ce matin. Le premier, la proposition de minorité Hunkeler, vise à remplacer les mots «vie culturelle» par «culture vivante». Nous avons eu, Mesdames et Messieurs, un long débat en commission 2, commission qui était très partagée puisque vous voyez que treize personnes ont soutenu le mot «culture vivante» et qu’il n’y en a donc guère plus qui étaient pour «vie culturelle». Vu la position très partagée de la commission, je crois que cette dernière vivra bien avec l’un ou l’autre. Et ici, je ne tiens pas à donner de consigne ou de préavis. L’amendement Benjamin, lui, réussit — je ne sais pas si c’est un tour de force — à mettre les deux dans la même phrase. De la discussion que nous avons eue hier en commission, il nous est apparu que c’était une formulation quelque peu lourde et trop détaillée pour une Constitution. Et, globalement, les présents à la séance de hier vous proposent de ne pas soutenir l’amendement Benjamin. Le groupe Libéral, lui, vous demande d’enlever deux mots à la première phrase, «en général». Effectivement, ces deux mots ne semblent pas apporter une plus-value massive à cette première phrase. Et nous vous proposons de soutenir l’amendement, en l’occurrence, du groupe Libéral, qui est plus un amendement de syntaxe. Au contraire, les enlever renforce la phrase, en l’occurrence. Voilà, Mesdames et Messieurs, comme entrée en matière pour cet article 2.3.12.

F Pierre HERMANJAT

M. Bühlmann nous a bien clairement démontré l’utilité de ces deux articles et le fait qu’il n’y a pas de redondance. Effectivement, l’article 3.21 est un droit d’accès à la culture. Ce droit d’accès à la culture nous semblait extrêmement important pour la grande majorité de la commission. Effectivement, si c’est un droit, c’est beaucoup plus fort que si c’est simplement dans les tâches de l’État, l’accès à la culture, puis-qu’on rencontre quand même un certain nombre de difficultés pour une certaine couche ou plusieurs couches de la population, qui ont un accès assez difficile à la culture. On pense essentiellement aux handicapés, qui ont un accès difficile dans certaines salles de spectacle, par exemple, mais également des familles peu favorisées, qui n’ont pas les moyens d’accéder à certains aspects de la culture, par des tarifs prohibitifs ou des réductions pas suffisamment fortes. Il y avait surtout, il y a quelques années, des rabais AI/AVS/Étudiants. Ça tend à disparaître dans certains endroits, c’est malheureux. Avec notre article, dans les droits fondamentaux, ces dispositions devraient automatiquement être incluses partout. Et je vous suggère de voter cet article de droit d’accès à la culture, parce qu’il nous paraît vraiment très important.

F Pierre HUNKELER

Mon amendement a essentiellement pour but de rétablir la notion de culture vivante dans cet article. Je rappelle que la structure de l’article, les deux parties dont nous sommes en train de discuter, est assez claire: il y a d’une part le patrimoine, qui est au fond l’héritage du passé, et d’autre part la culture vivante, qui enrichit ce patrimoine et le fait vivre. Ainsi, une partition de la Fête des vignerons fait partie, dans sa forme originale, du patrimoine. Et lorsqu’une chorale villageoise ou un orchestre symphonique la reprend, c’est de la culture vivante. Le patrimoine est donc enrichi par la culture vivante. La culture vivante est une notion claire, dynamique, qui recouvre la diversité des participations à la culture actuelle, qu'elle soit populaire, qu'elle soit largement partagée ou qu'elle soit liée à des passions ou des intérêts spécifiques. Elle touche tant la création, c'est un artisan qui fabrique, que la recréation, c'est un chœur ou un orchestre qui joue quelque chose qui a été fait auparavant. Cette notion de culture vivante a fait l'objet de longues discussions et d'un large consensus au sein du groupe thématique «Patrimoine et culture». Et je crois qu'on peut largement la retenir. Reste la discussion de l'amendement Benjamin, pour voir si l'on veut vraiment mettre les deux notions. Pour nous, en fait, la culture vivante nourrit la vie culturelle. La culture vivante a largement besoin d'être favorisée par l'État en général. La vie culturelle devrait, au fond, vivre d'elle-même, nourrie par la culture vivante. Et, puisque j'ai la parole, M. le président, j'aimerais aussi faire une rapide mention à la question du sous-titre de ces deux articles, «Sport», «Patrimoine et culture». Lorsqu'on ouvre son quotidien, on peut choisir entre le feuillet culture ou le feuillet sport. Je pense que je peux suggérer à la commission de rédaction une certaine réflexion pour savoir si le sport, qui a aussi sa culture, est placé au bon endroit et de voir s'il faut vraiment garder ensemble le culturel et le culturisme. Peut-être que le sport trouverait sa place à un autre endroit. Merci, M. le président.

F Samy BENJAMIN

Je retire mon amendement au profit de l'amendement Hunkeler et consorts, mais j'aimerais quand même imager un peu cette notion de culture vivante. Si vous allez au concert ou voir un spectacle de théâtre, de danse, de variétés, vous êtes devant des êtres humains, femmes et hommes, interprètes, qui vous présentent, dans le moment présent, ce spectacle; c'est pourquoi on l'appelle chez nous, dans notre jargon, spectacle vivant. Cette terminologie de spectacle vivant fait partie des notions défendues par la FIA, la Fédération Internationale des Artistes-interprètes, qui est présente dans plus d'une centaine de pays dans le monde. C'est donc un terme courant dans les métiers du spectacle. Par extension, on peut dire que la culture vivante est un événement culturel qui se passe devant vous, donc, qui ne se passe que sur le moment même. Il ne se reproduira plus tel que vous l'avez vu parce que, vous le savez, les interprètes sont des êtres vivants, ce ne sont pas des machines. Donc, d'une représentation à l'autre ou d'un concert à l'autre, il y a toujours des petites modifications. D'ailleurs, ceux parmi vous qui ont, par hasard, été voir ou écouter deux fois de suite un concert ou un spectacle le savent: ils ont toujours l'impression que ce n'était pas exactement la même chose. Et pour cause, l'être humain ne se reproduit pas d'une manière mécanique, il y a une sensibilité qui... [rires]… — je sais, je ferai partie des candidats au Champignac — ne reproduit pas son exercice artistique d'une manière mécanique, et non pas de reproduction. Mais il est évident, comme l'a dit M. Hunkeler, quand on reprend un concerto de Mozart ou une pièce de Molière, qui font partie du patrimoine, qu'on les réinterprète en concert ou en spectacle, ça devient de nouveau de la culture vivante puisque c'est de nouveau interprété, aujourd'hui, contemporainement, devant vous. Si, à tout hasard, lorsque vous êtes présents à l'un ou l'autre de ces spectacles, il est enregistré par le son ou par l'image ou les deux, il est, comme on dit dans notre métier, mis en boîte. Et bien, cette boîte, elle est mise en archive, elle devient un élément du patrimoine. Donc, vous voyez un petit peu la mécanique. Si, par exemple, on commande à notre collègue Laurent Desarzens une fresque pour illustrer, pour décorer une façade d'entrée d'un immeuble de l'État, Laurent fera des maquettes, une maquette sera choisie, il va la réaliser, sur place, il mettra en jeu ses talents de créativité artistique et d'artisan, parce que la culture vivante, c'est non seulement la création artistique dans tous les domaines, littérature, spectacle, etc., mais c'est aussi l'artisanat et c’est aussi la culture dite populaire. Et Laurent est en train de réaliser sa fresque, c'est de la culture vivante, c'est un événement du moment. Et quand elle est terminée, et bien on fait une inauguration, petits fours, vin d'honneur, discours. Et ça, c'est la vie culturelle. Donc, la culture vivante alimente la vie culturelle de la cité. Et sa fresque va devenir un élément du patrimoine de la cité et du Canton. Voilà pourquoi le terme de culture vivante doit être mis en avant, plutôt que vie culturelle ou création artistique. La culture vivante alimente la vie culturelle et fournit au patrimoine des éléments qui, au fil des ans, vont faire ce patrimoine auquel on se réfère historiquement. Donc, je vous prie de soutenir la notion de culture vivante dans ce deuxième alinéa. Je vous remercie.

F Jean-François LEUBA

Je vous remercie. M. Rebeaud, si vous avez l'obligeance… nous avons un amendement, encore, du groupe Libéral. Je propose au groupe Libéral de justifier les deux amendements, c'est-à-dire celui... Alors, il y a un amendement Libéral en ce qui concerne l'alinéa 2 et un amendement Libéral en ce qui concerne l'article 3.21; je propose au groupe Libéral de justifier les deux amendements, et ensuite je donnerai la parole au groupe Radical.

F Philippe CONOD

Juste déjà un mot: on parle de culture vivante, j'ai entendu l'exposé brillant qui a été fait tout à l'heure. Je pense, finalement, que le spectacle que nous avons là aujourd'hui, c'est de la culture vivante. Je continue avec l'amendement visant à supprimer le «en général». C'est une redondance; autrement, il me semble que de dire «vie culturelle, en général, dans sa diversité», est quand même un peu lourd pour ceux qui vont nous lire. Concernant l'article 3.21, le groupe Libéral indépendant propose de retrancher purement et simplement cet article. J'ai lu attentivement le commentaire. Dans ce commentaire, on nous dit quoi? Baisser le prix des billets, rendre plus facile l’accès, etc. Cela veut dire que l’État devra intervenir, d’une manière ou d’une autre, par des subventions, ou, puisque c’est un droit justiciable, je pourrais dire, moi Conod, qui ai huit enfants, je veux aller voir Béjart, ce soir-là, et je veux huit places. Je suis sûr, en tout cas, que la moitié de mes enfants ne voudrait pas aller voir Béjart. Je ne vois pas très bien comment ce droit, puisqu’il deviendra droit justiciable, pourra être utilisé. Et je crois qu’on fait totalement fausse route en voulant donner un droit d’accès à la culture. Au contraire, il est important de maintenir l’article tel que la commission 2 l’a fait qui est de promouvoir les cultures et la création. Et puis, je ne résiste pas, en complément d’explication, de vous faire une petite citation. Je l’ai trouvée dans un journal, où il est dit ceci: «Ce n’est pas la mission de l’État; un festival de musique est un événement culturel, pas une création artistique. Leurs organisateurs sont au monde culturel ce que les tour-opérateurs sont au tourisme. Un festival est une station où l’on ne trouve, sauf exception, pas des productions mais des reproductions de spectacle». Et l’on conclut en disant que «l’État a toujours un rôle subsidiaire». Donc, il faut favoriser la création, mais il ne faut pas donner un droit d’accès. Je ne vois pas comment ce droit d’accès à la culture pourrait être justiciable. Je vais quand même citer l’auteur de l’article, qui est Mme Yvette Jaggi, article publié dans l’Hebdo.

F Jean-François LEUBA

La parole est au groupe Radical, Mme Luisier.

F Christelle LUISIER

Le groupe Radical vous invite, tout comme le groupe Libéral, à supprimer l’article 3.21. En effet, si nous sommes tous intimement persuadés que l'État doit encourager la culture, doit promouvoir la création artistique, nous différons quant aux moyens à mettre en oeuvre pour réaliser cette politique. Faut-il un droit fondamental justiciable ou une tâche de l'État? La commission 3 nous propose, pour sa part, la création d'un droit justiciable d'accès à la culture. L'idéal porté par cet article est tout à fait louable. En tant que quasi-étudiante, je verrais par exemple d'un bon oeil que l'État me paie mes séances hebdomadaires de cinéma. Toutefois, la réalisation de ce droit pose de nombreux problèmes de façon concrète, et c'est pourquoi le groupe Radical ne peut y souscrire. J'invoquerai plusieurs raisons qui nous font avoir cette optique. Premièrement, des raisons liées au contenu de ce droit. En effet, le droit proposé a un contenu terriblement incertain. Qu'entend-on par droit d'accès à la culture? S'agit-il d'un droit à une réduction sur le prix des billets? D'un droit carrément à des billets pour tous les spectacles donnés dans le Canton? D'un droit à une séance gratuite de cinéma par semaine? Ou quoi d'autre encore... Cette situation de flou entraîne une insécurité juridique d'autant plus importante qu'un droit fondamental, voulu justiciable, n'a pas à être défini dans une loi avant d'être appliqué par le juge. Il sera donc invocable dès l'entrée en vigueur de la Constitution, ce qui implique que nous laisserons les juges totalement libres de définir le contenu de ce droit au fil de la jurisprudence. Deuxième point, la mise en oeuvre de ce droit, très large, impliquerait des coûts considérables, et je ne vois pas tellement comment l'État, au vu de ses finances actuelles, pourrait assurer ces coûts. Or, il est de notre responsabilité à nous, constituants, de prévoir des règles praticables, sous peine totalement d'illusionner le citoyen sur le contenu de la Constitution. Enfin, troisième point, la solution préconisée par la commission nous permet de nous questionner sur le rôle de l'État par rapport à la culture: quelles sont les priorités de l'État en matière culturelle? À cet égard, il nous paraît que la commission méconnaît les enjeux véritables d'une politique culturelle. Ainsi, elle propose d'engager des moyens considérables pour l'accès à la culture, alors qu'il nous semble tout aussi important de mettre l'accent sur la promotion de la création artistique. C'est pourquoi, au vu de ces éléments, le groupe Radical s'oppose à l'introduction d'un véritable droit justiciable d'accès à la culture dans la Constitution. Ce droit est par ailleurs inconnu, tant sur le plan fédéral que dans d'autres Constitutions cantonales. En revanche, il soutient massivement l'article 2.3.12 tel qu'il est proposé par la commission, article cohérent, qui prévoit à la fois que l'État soutient la vie culturelle et la création artistique et qu'il conduit une politique culturelle favorisant l'accès à la culture. Il s'agit donc d'un article fort, qui va très loin, puisqu'il est tout autant, voire plus précis, que les articles correspondants dans les autres Constitutions cantonales. Il fait de la promotion de l'accès à la culture une tâche de l'État, ce qui nous paraît suffisant pour aider les personnes défavorisées, tout en laissant — et c'est ça qui est important — une marge de manœuvre à l'État pour réaliser cette politique. Je vous invite donc à rejeter l'article 3.21 et à soutenir l'article 2.3.12 proposé par la commission 2.

F Jean-François LEUBA

Je remercie Mme Luisier. Je regarde ma montre. Je souhaiterais que nous puissions voter sur cet article aujourd'hui encore. Est-ce que je peux demander aux orateurs, que je ne veux pas limiter, d'être le plus bref possible? M. Rebeaud a la parole.

F Laurent REBEAUD

La proposition de M. Hunkeler met le doigt sur une difficulté de vocabulaire d'une dimension au moins comparable à celle que nous avons affrontée sur un terme que je vous avais promis de ne pas répéter: je ne le ferai pas [rires]. Dans la commission, c'est vrai, on a été confronté à la compréhension de ce que c'était que la culture vivante. Je suis intervenu dans la commission en disant: «Oui, mais si vous dites culture vivante, dites-nous ce que c'est et dites-nous pourquoi on devrait considérer tout le reste comme culture morte?» Et puis, on a eu plusieurs définitions de la culture vivante. Celle que nous a donnée notre collègue Benjamin est parfaitement claire, mais je ne l'avais pas entendue dans la commission. J'avais entendu tout à fait autre chose. C'était beaucoup plus élitaire et beaucoup plus marginal. Et je disais: «On ne va pas forcer l'État à subventionner en priorité un certain nombre d'artistes qui font de la création 'underground' ou marginale ou élitaire, dans la mesure où cette création-là ou ces événements-là ou ces 'happenings'-là ne trouvent pas de public parce que leur qualité est telle qu'ils n'attirent pas un grand public, on ne va pas forcer l'État à subventionner ça». Le théâtre Boulimie, je crois, n'a pas ce genre de problème. Un certain nombre d'ambiguïtés dans le terme de culture vivante qui ont fait que j'ai préféré proposer celui de vie culturelle. Alors, j'aimerais dire à M. Benjamin que, pour moi, la vie culturelle, c'est tout et ce n'est pas les petits fours. Si la vie culturelle se limite aux petits fours qu'on prend après une représentation théâtrale, il faut alors trouver une autre expression qui regroupe l'ensemble des activités culturelles, qui peuvent être une fanfare, qui peuvent être un chœur mixte, qui peuvent être un groupe de peintres amateurs, encore que je ne vois pas pourquoi il faudrait les subventionner. Ça, c'est aussi de la vie culturelle: ça ne se limite pas à manger des petits fours. La gastronomie pourrait peut-être aussi être assimilée à ceci. Donc, on a un problème de vocabulaire considérable. J'ai l'impression quand même, pour avoir procédé à quelques sondages discrets dans mon entourage, que le terme de vie culturelle évoque quelque chose de plus large que la culture vivante. Les gens à qui je parle de culture vivante se demandent bien ce que c'est. Ceux qui connaissent la définition de Samy Benjamin ont des notions de spécialistes, mais qui ne correspondent pas au langage commun. Et je trouverais imprudent de limiter cet article constitutionnel à un terme qui n'est pas encore dans le langage commun. C’est pourquoi, faute de mieux, je vous propose quand même de conserver vie culturelle, en vous disant que la culture vivante, telle que l'a décrite et définie tout à l'heure M. Benjamin, est contenue dans l’expression «vie culturelle».

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Rebeaud d'avoir été particulièrement court [rires]. Mme Haefliger

F Sylviane HAEFLIGER

Puisque le sujet traité présentement concerne tant les tâches de l’État que les droits, j’aimerais vous rendre attentifs à la différence fondamentale, c’est le cas de dire, qu’il y a entre un droit fondamental et une tâche de l’État. Leur nature et leur portée juridique sont en effet tout à fait différentes. Et pour que la différence soit claire pour tout le monde, j’aimerais vous donner lecture de ce qu’est un droit, au sens des constitutionnalistes, et de ce qu’est une tâche de l’État, en vous donnant lecture de ce que nous a expliqué à ce sujet le professeur Jean-François Aubert. Alors, «les droits fondamentaux et les droits sociaux se caractérisent par leur justiciabilité, c’est-à-dire leur aptitude à être invoqués directement devant un juge, sans passer par le législateur ordinaire, c’est-à-dire sans qu’il faille d’abord les mettre en oeuvre dans un loi. Par exemple, un juge pourra casser une décision ou refuser d’appliquer une ordonnance, voire une loi, parce qu’il les tient pour contraires à un droit fondamental garantit par la Constitution, tel par exemple le principe d’égalité ou la liberté personnelle. Il pourra aussi condamner la collectivité publique à fournir une prestation à un particulier, même en l’absence de lois, lorsqu’il considère que cette prestation correspond à un droit social garanti aux particuliers par la Constitution. En revanche, les buts sociaux et les tâches de l’État ne sont pas justiciables. Ils ne contiennent que des mandats, notamment des mandats législatifs. Un juge ne peut pas, sans appui dans une loi, tirer directement d’un but social ou d’une tâche de l’État une prestation en faveur d’un particulier, et pas non plus refuser d’appliquer une loi ou une ordonnance parce qu’il les tiendrait pour contraires à une tâche ou à un but inscrit dans la Constitution. L’idée est ici que ces buts ou ces tâches sont énoncés en termes vagues, et qu’il appartient au Parlement, et au peuple en cas de référendum, plutôt qu’à un tribunal, de leur donner un contenu. C’est une conséquence du principe démocratique». Et l’exemple classique qu’on peut citer est donc, parce qu’il est clair pour nous, la garantie d’un prétendu droit constitutionnel à la sécurité sociale, qui n’est justement pas un droit, puisqu’il ne donne pas droit à une rente vieillesse tant que le législateur ordinaire n’a pas fixé l’âge de la vieillesse, le montant de la rente et le financement du système. Si donc la commission 3 parle de droit, il s’agit donc bien, dans son esprit, d’un droit fondamental, c’est-à-dire d’un droit directement invocable en justice, qu’on entend bien entendu faire valoir. Ce point est d’ailleurs bien précisé dans le début du fascicule 3: la commission a limité ses travaux à l’examen des droits directement invocables en justice. Et au sens de la commission 3, il ne s’agit donc pas de la manifestation forte d’une volonté qui doit être ensuite déléguée à l’État pour qu’il la concrétise. Donc, dans le cas particulier, il faut être honnête: mettre cet article à un endroit plutôt qu’à un autre n’est pas innocent, spécialement quand il s’agit d’en placer un dans les tâches de l’État ou dans les devoirs, et inversement. Pour conclure, chacun est libre de son opinion. Mais il faut se déterminer en connaissance de cause, et surtout en prenant en compte les implications de tous ordres de notre choix.

F Jean-François LEUBA

Voilà. Mes chers collègues, je constate que mon appel à la brièveté n’est pas suivi d’un effet extraordinaire. J’ai une liste relativement longue d’orateurs, encore. Et si chacun s’exprime cinq minutes, nous en avons jusqu’à 18 heures. Alors, M. Hunkeler a la parole.

F Pierre HUNKELER

Je serai très bref. Je ne vais pas re-défendre la culture vivante, pace que je crois que son dynamisme est bien évident. Je vais simplement modifier mon amendement en supprimant le «en général», ce qui tient compte de la proposition libérale, tout à fait intéressante, et qui améliore le texte, qu’elle s’applique au texte de base ou à mon amendement, amendement déposé bien sûr avec M. Marcel Cohen-Dumani, qui est parfaitement d’accord avec cette amélioration. Merci.

F Jean-François LEUBA

Et bien, quand il s’agit d’éviter un vote, on regagne deux minutes. Alors, Mme Weill-Lévy a la parole.

F Anne WEILL-LEVY

Je voulais revenir sur la notion d’accessibilité, rapidement, et vous signaler que tout le monde se focalise uniquement sur l’aspect financier: je crois que c’est une erreur. L’accessibilité concerne également les handicapés et la manière d’arriver dans les lieux qui les concernent. Et je voulais souligner ce point.

F Samy BENJAMIN

Je voulais vous dire quelques mots sur l’article 3.21, le droit d’accès, en amenant un petit peu de cœur dans ce qui a été dit, et non pas en étant toujours aussi froid que cela a été dans les considérations juridiques. Je vous lis une phrase du préambule de la Constitution fédérale, une partie de la phrase, que «la force de la communauté se me-sure au bien-être du plus faible de ses membres». Je vous lis ce qu’on a voté en titre 1: «Le Canton de Vaud est une république démocratique fondée sur la liberté, la responsabilité, la solidarité et la justice». L’article 1.3 contribue à «l’épanouissement des personnes et encourage la culture dans sa diversité». Et bien, cet article 3.21, le droit d’accès à la culture, se situe exactement à ce niveau-là. M. le président Hermanjat vous l’a dit, c’est effectivement des notions de handicap qui ont conduit, en partie, l’acceptation de cet article, qui a été voté à l’unanimité dans la commission 3, je vous le signale. Et, d’autre part, c’est lors d’une audition de notre collègue Pierre Farron, en tant que représentant d’associations de défense des démunis, des chômeurs en fin de droit, des gens en précarité ou même en paupérisation, que nous avons étayé l’acceptation de cet article. En effet, pour 15 ou 20% de la population de notre Canton, il y a quasi-impossibilité, à tous les niveaux, d’accéder à pratiquer une activité culturelle ou à accéder à un lieu culturel. Et c’est pour ça qu’on a voté cet article, le droit d’accès à la culture. Je vous remercie.

F Marcel COHEN-DUMANI

Juste un petit point: je comprends l’intervention de M. Benjamin. Je crois que nous avons tous du cœur et l’on est tous sensibles au plus démunis. Mais j’aimerais attirer votre attention sur deux dispositions que nous n’avons pas encore discutées, mais qui figurent dans l’article 3.32, qui est appelé l’effet médiat. On vous a expliqué tout à l’heure qu’un droit fondamental est justiciable. Si l’on le combine avec le 3.32, cela signifie qu’il est aussi justiciable entre particuliers. M. Conod vous a expliqué tout à l’heure, il a pris l’exemple de Béjart. J’aimerais reprendre cet exemple. Je n’ai pas les moyens, personnellement, parce que je suis une famille qui a beaucoup d’enfants et qui n’a pas suffisamment de possibilité d’aller voir Béjart. Alors, je n’y arrive pas, j’ai un droit constitutionnel, justiciable. Je trouverai bien un avocat puisque, entre particuliers, je peux tout faire. Donc, je peux invoquer mon droit constitutionnel et attaquer la Fondation Béjart pour lui dire: «Le prix est trop cher, je n’arrive pas à rentrer». Voilà une petite dérive. C’est un peu de politique-fiction, mais je crois qu’il faut être attentif à cela. Donc, quand on vous dit, le parti Radical, attention, droit à l’accès, il faut être très attentif, parce qu’on peut attaquer en justice, entre particuliers. Et je ne sais pas si vous vous rendez compte de la portée de cet article si l’on maintient le droit d’accès. Toujours dans le même exemple, c’est un de nos collègues Radical qui a dit: «Et bien, j’aimerais bien aller en Égypte, mais je n’ai pas les moyens». En Égypte, il y a des temples et j’ai droit d’accès à la culture. Qu’est-ce que je peux faire? Je peux aller à l’État, tendre la main, c’est un droit. Donc, je peux trouver un avocat qui va aller ouvrir action contre l’État et puis il va dire: «Écoutez, voilà, je voudrais un billet parce que j’ai droit à la culture, j’ai un droit fondamental». Donc, vous vous rendez compte des dérives qui peuvent arriver? C’est la raison pour laquelle on vous demande de supprimer cet article 3.21. Merci.

F Yvette JAGGI

Sans entrer de nouveau dans toutes ces questions de vocabulaire qui sont extrêmement compliquées et avec lesquelles il est impossible de faire une intervention brève, je voudrais remercier ici M. Samy Benjamin, pour ses explications tout à l’heure, qui étaient sensiblement plus justes, aussi bien du point de vue du sentiment que du sens, que les commentaires de la proposition Hunkeler-Cohen-Dumani dans la brochure jaune, où l’on taxe le terme de vie culturelle d’inadéquat l’accusant d’avoir un connotation élitaire, alors que le terme de culture vivante est évident et largement utilisé, ce qui, il faut bien le reconnaître, n’est pas tout à fait cas. Pour simplifier, la culture, au sens où elle nous intéresse ici, dans un texte constitutionnel, ce n’est pas la notion la plus large de la culture, qui relève de l’anthropologie, mais tout simplement l’ensemble des domaines et des formes d’expression artistique. S’agissant de l’intervention de l’État, et s’agissant d’un soutien de l’État, en clair d’un subventionnement, seules les activités de création ou d’interprétation, sont susceptibles, quand elles sont menées par des professionnels, de soutien de l’État. Pour le reste, les arts amateurs, pas davantage que d’autres activités, au sens le plus noble du terme de loi-sirs, ne méritent cette intervention subsidiaire de l’État. Je crois que, sur ce point, il faut être très clair. Et les chorales de village et oeuvres d’artisans actuels dont il est question dans la brochure jaune dans le commentaire à la proposition sur la culture vivante me semblent soulever toutes sortes d’illusions ou de confusions. En résumé, je crois que la teneur de l’article tel que sorti des travaux de la commission thématique 2, avec, biffé, le fameux «en général» qui a survécu, je ne sais trop pourquoi, et qu’il est temps d’éliminer, me paraît définitivement la meilleure formulation que nous puissions espérer, pour un texte constitutionnel qui n’est pas un commentaire d’anthropologie culturelle. Merci.

F Nicolas MOREL

J'aimerais essayer de clarifier un tout petit peu le débat; j'espère que j'y arriverai. Et puis vous proposer une procédure de décision. En fait, il me semble qu'il y a trois solutions par rapport à la suppression ou la proposition de suppression de l'article 3.21. Je ne vous propose pas, a priori, l'une des solutions, mais j'aimerais simplement que l'on se décide entre ces trois solutions. Première solution: on décide qu'il n'y a pas de droit du tout. Deuxième solution: on décide qu'il y a quand même un droit à la culture, mais que la formulation actuelle n'est pas satisfaisante, auquel cas il faudrait renvoyer à la commission juste ce point. Bien entendu, c'est uniquement si l'on choisit cette solution qu'on le renverra. Troisième solution: on prend le texte tel qu'il est. J'aimerais que, au niveau du vote, pour la décision qu'on va prendre, on choisisse l'une de ces trois solutions et que, après, en fonction de cela, on voit ce qu'il faut faire.

F Jean-François LEUBA

M. Morel, moi, je vote sur les amendements déposés, pas sur les réflexions qu'on peut faire au micro. Si vous voulez, sous forme de motion d'ordre, décider le renvoi du 3.21 à la commission, il faut faire une motion d'ordre dans ce sens, et puis on renverra le 3.21 à la commission. Moi, je suis là pour exécuter la volonté de l'Assemblée, mais je ne peux pas inventer des trucs. Alors, est-ce que vous déposez une motion d'ordre dans ce sens, M. Morel? Non. Alors, M. Farron avait demandé encore la parole.

F Pierre FARRON

J'aimerais juste répondre brièvement à Samy Benjamin par rapport à la visite que j'ai faite à la commission 3 avec deux autres personnes. L'objet de cette visite était de proposer, dans le cadre de l'aide sociale et du soutien aux défavorisés, qu'elle permette entre autres une vie culturelle pour ces personnes. C'est assez différent du 3.21 qui est ici. Là, je dois dire avec beaucoup de regrets, que je n'arrive pas à soutenir cela, même si je comprends bien l'intention. Et aujourd'hui, j'aimerais proposer qu'on accepte la dernière ligne du texte majoritaire, mais j'ai vu que personne ne la conteste pour l'instant. Et peut-être que l'on revienne à cela à l'occasion d'articles qui concernent les gens favorisés et le soutien qu'il s'agit de leur accorder. Mais ce 3.21, moi, je ne peux pas.

F Jean-François LEUBA

Je remercie M. Farron. M. Gonthier. Je souhaite que M. Gonthier soit le dernier orateur, à moins que les présidents de commission veuillent encore s'exprimer, parce que, si nous dépassons 17 heures, le problème est que les constituants commencent à s'en aller et l’on n'a plus un vrai vote, vraiment sérieux. Par conséquent, j'aimerais arriver avant 17 heures au vote. M. Gonthier.

F Alain GONTHIER

Quand la Constituante a présenté ses travaux, les rapports des commissions, tout le monde s'est félicité des capacités d'innovation. Aujourd'hui, quand la commission 3 propose ce droit, on nous oppose que cela ne se fait par ailleurs. De même, on s'est félicité de l'excellent travail qui a été fait en commission. Aujourd'hui, je le rappelle, la proposition de la commission 3 a été adoptée à l'unanimité. C'est marqué dans le rapport; il fallait faire corriger le rapport si quelqu'un n'était pas d'accord. Elle a été adoptée à l'unanimité par la commission. Et je constate que l'on fait relativement peu de cas de cette approbation à l'unanimité dans ce débat. Ceci dit, je crois que, effectivement, l'application du droit proposé par la commission 3 n'est pas des plus simple. À mes yeux, c'est peut-être le moins clairement fondamental, le moins typiquement fondamental des droits que nous avons acceptés. La motivation fondamentale de notre commission, me semble-t-il, a été de constater qu'une frange de la population était exclue de la culture en général, et non pas que M. Cohen-Dumani ne pouvait pas aller voir Béjart. Non pas un spectacle particulier, mais la culture en général. Ces gens ne pouvaient ni aller au cinéma, ni au concert, ni au théâtre. Et que cette situation-là n'était pas normale. Donc, l'idée était de donner un droit d'accès général à la culture, de faire en sorte que chacun puisse, d'une façon ou d'une autre, avoir accès à la culture — et non pas à des spectacles — voire à tous les spectacles. Que ce droit soit justiciable n'implique pas que chacun pourra entrer gratuitement à n'importe quel spectacle de son choix. Si l’on parle de justice, il est évident que le juge qui aurait à connaître une plainte, même avec l'effet médiat évoqué par M. Cohen-Dumani contre le Ballet Béjart, ce juge aurait sa liberté d'appréciation et pourrait juger disproportionnée la demande. Il pourrait aussi l'accepter. En général… si vous commencez à mettre en cause le bon sens des juges, où allons-nous? Je pense que, par exemple, ce droit pourrait se concrétiser, cette fois-ci, par l'élaboration d'une loi, sous la menace éventuelle que, justement, de telles décisions judiciaires soient prises qui forceraient les autorités cantonales à élaborer des lois, par exemple, qui prévoiraient obligatoirement un certain lot de billets gratuits ou de billets à bas prix, en partie ça existe, mais qui garantiraient le fait que les couches défavorisées de la population puissent avoir l'accès aux spectacles, pas à tous et pas tout le temps, mais que soit organisé le fait il n'y ait pas de frange de la population qui soit exclue de la culture.

F Samy BENJAMIN

Je reprends au vol la proposition de M. Morel et je dépose un amendement pour renvoyer cet article 3.21 à la commission 3.

F Jean-François LEUBA

Est-ce que cette motion d'ordre est appuyée par au moins 20 constituants? Est-ce qu'on peut compter? Je ne suis pas sûr qu'on arrive à 20... M. Fague? 20, elle est appuyée. J'ouvre la discussion sur la motion d'ordre. Bien. Ceux qui sont favorables à la motion d'ordre, renvoyer le 3.21 à la commission 3 sont priés de le témoigner en levant la main. Avis contraires? Je crois qu'une majorité évidente repousse la motion d'ordre de M. Benjamin. Est-ce que M. Conod sent que son intervention est absolu-ment indispensable? Oui?

F Philippe CONOD

Je serai extrêmement bref. Prenons le cas d'application de M. Gonthier. Vous avez deux personnes, deux familles, qui veulent voir le même spectacle au même moment et il n'y a qu'un billet. Que fait le juge?

F Jean-François LEUBA

Est-ce que je peux considérer que la discussion est close et que nous passons au vote? Écoutez, à 17 heures, je vous interromps, et j'interromprai les débats et l’on votera la prochaine fois, ce qui est tout à fait fâcheux, mais je ne peux pas faire autrement. Si vous continuez à vous exprimer, je ne vois pas comment...

F Luc RECORDON

La question posée par M. Conod appelle une réponse simple, je suis persuadé qu'il le sait: que fera le juge dans ce cas-là? Et bien, en particulier, il pourra se poser la question de savoir si, comme l'a dit un préopinant, il n'est pas disproportionné de faire droit à la seconde demande déposée ou si, selon un autre critère, il ne doit pas éventuellement refuser l’une des deux, voire les deux. Le sens d'un droit d'accès, dans quelque domaine que ce soit, et le plus connu est celui qui existe de très longue date dans le domaine scolaire ou universitaire, c'est essentiellement de pouvoir faire valoir une protection contre l'arbitraire et non d’obtenir ce que l'on veut de qui l’on veut dans la mesure que l'on veut. C'est donc quelque chose de relativement limité; cela n'a de sens que lorsque c'est justiciable, c'est-à-dire que lorsque les moyens pour le donner existent. Il n'y a qu'à voir ce que l'on a fait dans le domaine scolaire et universitaire — ce n'est pas toujours agréable — avec le numerus clausus, qui est précisément une limitation parfois drastique du droit d’accès fondé sur les moyens.

F Marcel COHEN-DUMANI

Merci de votre réaction. C'était pour déposer une motion d'ordre pour voter maintenant.

F Jean-François LEUBA

Est-ce que cette motion d'ordre est appuyée? Majorité évidente. Je mets donc au vote la motion d'ordre de M. Cohen-Dumani. Ceux qui sont favorables à voter maintenant sont priés de le témoigner en levant la main. Bien. Il n'y a pas besoin de faire de contre-épreuve. Enfin, je veux quand même demander qui est contre? Personne. Nous pouvons passer au vote. Alors, il y a une première question qui se pose: est-ce que la commission maintient le mot «en général»? Est-ce que je dois faire voter? Est-ce que quelqu'un souhaite que l'on garde dans le texte le terme «en général»? Alors, il n'est pas besoin de faire voter là-dessus. Maintenant se pose la question de savoir s'il faut... je remarque que M. Benjamin a retiré son amendement, mais je crois que M. Buhlmann souhaitait que l'on vote sur le 3.21 d'abord. Oui, parce qu'il y a un amendement Bühlmann. Alors, nous votons d'abord sur le 3.21, et puis on viendra après sur le 2.3.12. Alors, le 3.21, le problème est très simple: il y a un texte, il n'y a pas d'amendement. Êtes-vous pour ou contre l'article 3.21 tel qu'il est formulé? Ceux qui sont favorables à l'article 3.21 sont priés de le témoigner en levant la main. Avis contraires? C'est une majorité évidente, mais vous comptez quand même parce que c'est l'élimination d'un article. Vous avez donc refusé l'article 3.21 par 69 voix contre... j'ai oublié les abstentions, excusez-moi. Abstentions? Il faut encore compter les abstentions: 9 abstentions. Vous avez refusé l'article 3.21 par 69 voix contre 32 et 9 abstentions. Dès lors, la proposition subsidiaire de M. Bühlmann tombe. C'est bien juste?

Article 3.21 — Culture
Refusé par 69 voix contre 32 et 9 abstentions.

F Jean-François LEUBA

Alors maintenant, l'amendement Benjamin étant retiré, l'amendement du groupe Libéral sur le mot «en général» ayant été admis tacitement, il ne reste plus que la question de la vie culturelle ou de la culture vivante. Je crois que la question est très simple et que tout le monde sait très bien sur quoi on vote. Ceux qui sont favorables à la solution «culture vivante» sont priés de le témoigner en levant la main. Ceux qui sont favorables à la notion de «vie culturelle» sont priés de le témoigner en levant la main. La majorité est évidente: ce sera donc la vie culturelle.

F Jean-François LEUBA

Si je vois bien, Mesdames et Messieurs, la seule chose qu'il nous reste encore à voter, j’aimerais encore une minute s’il vous plaît, c'est l'article 2.3.12, cette fois dans sa totalité, donc avec les deux alinéas. Ceux qui acceptent l'article 2.3.12 tel qu'il est sorti de nos délibérations sont priés de le témoigner en levant la main. On compte s'il vous plaît: c'est l'adoption d'un article. Avis contraires? Refus de cet article? Abstentions? Vous avez adopté l'article 2.3.12, «Patrimoine et culture», sous réserve des réflexions sur les titres, vous avez adopté cet article par 106 voix, sans opposition, avec une abstention.

Article 2.3.12 — Patrimoine et culture
(106 voix, sans opposition, avec une abstention)

  1. État conserve, protège, enrichit et promeut les patrimoines naturel et culture; il en favorise la connaissance, notamment par l’éducation, la formation, la recherche et l’information.

  2. La loi définit les zones et régions dans lesquelles les paysages naturels et construits sont protégés. 

  3. Il encourage et soutient la vie culturelle dans sa diversité ainsi que la création artistique. Il conduit une politique culturelle favorisant l’accès et la participation aux différentes formes de culture.

Disposition transitoire

Aussi longtemps que la loi appliquant l’article 2.3.12 al.2 n’est pas en vigueur, la région de Lavaux, de la Lutrive à Corsier ainsi que le cours, les rives et les abords de la Venoge sont protégés.

F Jean-François LEUBA

Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de votre travail aujourd'hui. Ce n'était pas facile, je le sais, et je vous remercie d'avoir contribué, quand même, à ce que nous avancions dans ce chapitre difficile. Je vous donne rendez-vous au 3 novembre pour la prochaine séance de la Constituante. Je vous souhaite d'ici là une bonne soirée et une bonne semaine. 

Fin de la séance à 17 h30.

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Enregistrement et transcription Intercongress Genève

Mise en page Dominique Renaud


A vu  bu001013.htm   27.10.2000 — mise au point complète: 10.12.2001 — Révision : 26 janvier 2003

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